key: cord-0800440-lbf8gn47 authors: Alby, Virginie Jacob title: Victimes du Covid-19: être ou ne pas être date: 2020-05-19 journal: Ann Med Psychol (Paris) DOI: 10.1016/j.amp.2020.05.001 sha: a0c38048b93a2a6e5371ef28a591aa0286aa3209 doc_id: 800440 cord_uid: lbf8gn47 Résumé Dans le cadre du présent travail, nous proposons d’appréhender l’épidémie mondiale de coronavirus de type Covid-19, en tant phénomène sociobiologique. Pour mener à bien notre réflexion, nous nous appuierons sur une expérience d’écoute psychologique d’orientation psychanalytique menée lors des attentats de Nice ayant eu lieu en 2016, et poursuivie ce jour dans le contexte pandémique actuel. Plus précisément, nous nous pencherons sur le signifiant « victime », avec tout ce qu’il engage comme questionnements quant au sujet. Notre proposition sera de considérer le statut de victime comme une traversée. Au cours de cette dernière, il est important que la souffrance des sujets soit écoutée, reconnue, jugée et indemnisée. Et cela, afin que chacun puisse trouver sa façon singulière de donner sa réponse au réel du virus, tel qu’il s’est imposé à nous. Mais nous verrons aussi que l’une des conclusions possibles de cette traversée consiste à passer par des formes diverses de sublimation. Abstract As part of this work, we propose to understand the global epidemic of Covid-19 coronavirus, as a sociobiological phenomenon. To carry out our reflection, we will base on a psychological listening experience (in a psychoanalytic orientation) conducted during the Nice attacks in 2016, and continued today, during the current pandemic context. More specifically, we will look at the signifier "victim", including all that it involves as questions about the subject. Our proposal will be to consider the victim status as a crossing. During this one, it is important that the suffering of the subjects is listened to, recognized, judged and compensated. And this, in order that everyone can find his own way of giving an answer to the reality of the virus, as it has imposed itself on us. But we will also see that one of the possible conclusions of this crossing consists in going through various forms of sublimation. En tant que pur objet d'étude, il convient d'aborder de façon globale les conséquences de l'épidémie mondiale de coronavirus de type Covid-19 et de l'appréhender en tant que phénomène sociobiologique. En effet, penser les conséquences de cette pandémie nécessite de convoquer plusieurs disciplines touchant le champ de la biologie, de la sociologie mais aussi de la psychologie. Or, théoriser un point de vue impose de prendre du recul. En cela, tout travail ne pourra se faire que dans l'aprèscoup, dans le cadre d'une étude anthropologique riche et complexe. Le regard porté dans cet écrit sera de nature psychologique d'orientation psychanalytique. Pour ce faire, nous nous appuierons sur le signifiant « victime » avec tout ce qu'il engage comme questionnements quant au sujet. Chaque année, des individus meurent de pathologies diverses en toute discrétion, mais la Nous voyons donc que la tension entre sécurité et liberté, héritée des Lumières, est particulièrement présente. Le sociologue Zygman Bauman en a parlé dans un ouvrage portant sur le rapport entre la Shoah et la Modernité [13] . Il a repris la pensée de Freud sur sa Massenpsychologie [3] pour rappeler que nous sommes soumis à deux impératifs contradictoires qui méritent une négociation que chacun doit faire entre les exigences liées à la civilisation et la nécessité de satisfaire ses pulsions en toute liberté. C'est cette exigence qui fait que l'angoisse est traitée par chaque sujet selon une négociation entre, d'un côté, le sécuritaire et l'interdit imposé par la civilisation, et de l'autre, l'aspiration à la liberté nécessitée par la satisfaction des pulsions. Ainsi, tel que l'ont permis les procès d'Eichmann et de Barbie, l'événement « attentat » deviendra un moment d'histoire, un « fixateur de mémoire » [1] pour faire des événements des attentats, un souvenir. C'est ce que vise à montrer ce livre, Victime et Après ?, à savoir que c'est à la dimension de « traversée de l'enfer » associée à l'état de victime qu'un certain nombre de victimes refusent d'être identifiées. Il faudra donc prendre garde de ne pas faire jouer « un rôle de victime » aux victimes (un rôle qui n'est pas forcément le leur), et a fortiori, ne pas les y condamner. Pour cette raison, les victimes du Covid-19 devront garder le statut de personnes ayant effectué une traversée douloureuse, mais avec laquelle elles devront « faire avec Bientôt, la société va tenter de prendre en charge la souffrance des victimes (qu'il s'agisse des souffrances physiologiques, économiques ou affectives liées à cette pandémie), et de la dédommager avec des rétributions de l'ordre de « l'avoir ». Pour autant, le fait d'avoir ne permettra pas de faire l'économie « d'être » à nouveau, dans un mouvement de désir de vivre propre à chacun. Ce qui impliquera, pour chaque sujet, d'avoir assimilé les affects et les pertes liées à cet événement que citent les auteurs du livre Victime et Après ?, disait : « J'ai été mais je ne suis plus une victime, je n'aime pas ce mot ! » Cette parole montre combien il importe de défendre la nécessité de dépassement de l'état de victime, qui n'est pas une identité que ce dernier fait partie intégrante de son expérience de victime et que l'écriture lui a permis de donner du sens et de sublimer, par l'écriture, cette terrible expérience émotionnelle vécue. Grâce à la sublimation, il a ainsi donné une forme écrite à sa souffrance Mais pour ce faire, il est important, après avoir écouté la souffrance, l'avoir reconnue, jugée et indemnisée, de refuser d'offrir sa haine au débat [9] quant aux responsabilités de chacun, pour offrir plutôt la possibilité de créer à partir du pire. Que chacun puisse trouver la façon singulière de donner sa Déclaration de liens d'intérêts : L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts Victime et après ? Enquête sur la condition de victime Massenpsychologie Und Ich-Analyse Le déni de grossesse relève-t-il de la maladie mentale ? Situation d'urgence subjective lors des attentats (de Nice) : trauma et création subjective Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse Le désir et son interprétation « Occupy Terror : les places et le trou », in Suis-je victime Vous n'aurez pas ma haine. Paris: Fayard Totalité et infini : essai sur l'extériorité État antérieur, accidents de la vie et vulnérabilité Liquid Surveillance: A Conversation