key: cord-0798418-qdtfjdxr authors: Javelot, H; Weiner, L title: Panique et pandémie: revue de la littérature sur les liens entre le trouble panique et l'épidémie à SARS-CoV-2 date: 2020-05-21 journal: Encephale DOI: 10.1016/j.encep.2020.05.010 sha: 2949f6241cbffdf7c74b46f69e349f0d585d65de doc_id: 798418 cord_uid: qdtfjdxr Résumé L’état de panique associé à la pandémie liée au SARS-CoV-2 (severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) incite à s’interroger sur les troubles anxieux que cette situation pourrait générer ou aggraver. Si la littérature a déjà fourni des projections généralistes en la matière, les données concrètes concernent à ce stage davantage le trouble de stress post-traumatique et le trouble obsessionnel compulsif, tandis que quelques évaluations s’intéressent au cadre nosographie du trouble anxieux généralisé. Le trouble panique ne se voit que peu ou pas cité et l’évocation de la « panique », au sens social, la supplante largement. Bien que d’une légitimité clinique encore débattue, le trouble panique qualifié de « respiratoire » pourrait se voir augmenter en nombre et/ou être intensifié chez les patients qui en présentent déjà. D’éventuelles situations co-morbides entre un tel trouble et la COVID-19 (coronavirus disease 2019) doivent inciter à certaines précautions en matière de prescriptions médicamenteuses, notamment en lien avec les traitements, ou situations, sources d’hypokaliémie : (i) le salbutamol, source potentielle de surconsommation, notamment chez les patients anxieux, (ii) l’infection par le SARS-CoV-2 et plus encore en cas de diarrhées et/ou vomissements. L’hypokaliémie est associée à un risque accru de torsade de pointe, il convient donc également d’être prudent en matière de prescription de psychotropes à risque : comme avec le citalopram et l’escitalopram, des antidépresseurs indiqués dans le trouble panique, ou encore l’hydroxyzine, à visée anxiolytique. Ces données sont de nature à resituer l’importance de la prise en considération du trouble panique dans le cadre de la pandémie en cours. Abstract Although the ‘panic’ word has been abundantly linked to the SARS-CoV-2 (severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) pandemic in the press, in the scientific literature very few studies have considered whether the current epidemic could predispose to the onset or the aggravation of panic attacks or panic disorder. Indeed, most studies thus far have focused on the risk of increase and aggravation of other psychiatric disorders as a consequence of the SARS-CoV-2 epidemic, such as obsessive-compulsive disorder (OCD), post-traumatic stress disorder (PTSD), and generalized anxiety disorder (GAD). Yet, risk of onset or aggravation of panic disorder, especially the subtype with prominent respiratory symptoms, which is characterized by a fear response conditioning to interoceptive sensations (e.g., respiratory), and hypervigilance to these interoceptive signals, could be expected in the current situation. Indeed, respiratory symptoms, such as coughs and dyspnea, are among the most commonly associated with the SARS-CoV-2 (59-82 % and 31-55 %, respectively), and respiratory symptoms are associated with a poor illness prognosis. Hence given that some etiological and maintenance factors associated with panic disorder – i.e., fear conditioning to abnormal breathing patterns attributable or not to the COVID-19 (coronavirus disease 2019), as well as hypervigilance towards breathing abnormalities – are supposedly more prevalent, one could expect an increased risk of panic disorder onset or aggravation following the COVID-19 epidemic in people who were affected by the virus, but also those who were not. In people with the comorbidity (i.e., panic disorder or panic attacks and the COVID-19), it is particularly important to be aware of the risk of hypokalemia in specific at-risk situations or prescriptions. For instance, in the case of salbutamol prescription, which might be overly used in patients with anxiety disorders and COVID-19, or in patients presenting with diarrhea and vomiting. Hypokalemia is associated with an increased risk of torsade de pointe, thus caution is required when prescribing specific psychotropic drugs, such as the antidepressants citalopram and escitalopram, which are first-line treatments for panic disorder, but also hydroxyzine, aiming at anxiety reduction. The results reviewed here highlight the importance of considering and further investigating the impact of the current pandemic on the diagnosis and treatment of panic disorder (alone or comorbid with the COVID-19). L'état de panique associé à la pandémie liée au SARS-CoV-2 (severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) incite à s'interroger sur les troubles anxieux que cette situation pourrait générer ou aggraver. Si la littérature a déjà fourni des projections généralistes en la matière, les données concrètes concernent à ce stage davantage le trouble de stress post-traumatique et le trouble obsessionnel compulsif, tandis que quelques évaluations s'intéressent au cadre nosographie du trouble anxieux généralisé. Le trouble panique ne se voit que peu ou pas cité et l'évocation de la « panique », au sens social, la supplante largement. Bien que d'une légitimité clinique encore débattue, le trouble panique qualifié de « respiratoire » pourrait se voir augmenter en nombre et/ou être intensifié chez les patients qui en présentent déjà. D'éventuelles situations co-morbides entre un tel trouble et la COVID-19 (coronavirus disease 2019) doivent inciter à certaines précautions en matière de prescriptions médicamenteuses, notamment en lien avec les traitements, ou situations, sources d'hypokaliémie : (i) le salbutamol, source potentielle de surconsommation, notamment chez les patients anxieux, (ii) l'infection par le SARS-CoV-2 et plus encore en cas de diarrhées et/ou vomissements. L'hypokaliémie est associée à un risque accru de torsade de pointe, il convient donc également d'être prudent en matière de prescription de psychotropes à risque : comme avec le citalopram et l'escitalopram, des antidépresseurs indiqués dans le trouble panique, ou encore l'hydroxyzine, à visée anxiolytique. Ces données sont de nature à resituer l'importance de la prise en considération du trouble panique dans le cadre de la pandémie en cours. Mots clés : attaque de panique, trouble panique, SARS-Cov-2, COVID-19 La pandémie en cours liée au SARS-CoV-2 (severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 ou coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère) est présentée comme susceptible d'induire, audelà de son impact physiologique potentiellement dramatique, des conséquences psychologiques lourdes, relevant notamment de l'état de « panique » et du trouble caractérisé relié à cet état [1] [2] [3] [4] [5] . Paradoxalement, les données évoquant concrètement ce lien entre la COVID-19 (coronavirus disease 2019 ou maladie à coronavirus 2019) et l'évolution du taux de trouble panique n'apparaît pas disponible à ce jour dans la littérature. Cet élément peut sembler d'autant plus contre-intuitif que les conséquences respiratoires de la COVID-19 sont bien identifiées et que les attaques de panique survenant dans le cadre d'une trouble panique peuvent présenter une composante respiratoire marquée. Dans le cadre de cette revue de la littérature, nous nous proposons d'aborder successivement : (i) la manière dont la littérature internationale utilise à ce jour la terminologie de « panique » en lien avec la pandémie au SARS-CoV-2, (ii) le concept même d'attaque de panique, de trouble panique et la spécificité de la composante respiratoire qui lui est fréquemment rattachée, (iii) et enfin, une synthèse dévoilant les liens et les anticipations entre la COVID-19 et le trouble panique « respiratoire ». Panique ? Vous avez dit panique ? Ou comment la littérature médicoscientifique relie-t-elle la pandémie en cours avec la terminologie de « panique » À la date du 30 avril 2020, la littérature internationale relie de manière abondante la pandémie au SARS-CoV-2 avec la dénomination polysémique de « panique » -nous avons pu identifier à ce jour 35 références dans la littérature internationale reliant COVID-19 (ou SARS-CoV-2) et « panique ». Cette dernière est utilisée pour décrire tout à la fois un état de panique, global, non spécifié, de la population (conduisant à des qualificatifs de « panique sociale », « panique sociétale », « réactions de panique ») (16 références), mais également une dimension de panique pouvant s'emparer du système de soin luimême et de ses représentants (trois références). Cette terminologie s'est également imposée pour décrire les réactions de la population face à l'ensemble des supports médiatiques, que les informations relayées soient authentiques ou erronées (sept références) ou encore ce qui a trait à des comportements inadaptés (abandons d'animaux et « achats de panique ») (cinq références). Une seule publication semble proposer à ce jour une évaluation d'un « niveau de panique », décrit comme significativement plus élevé, chez les femmes que chez les hommes, et rapporté dans une population de sujets âgés et de leurs soignants dans l'Arkansas [1 - son attention et anticipe des manifestations physiques précises [12] . Les modèles cognitifs proposés ultérieurement (Beck et Emery (1985) , Clark (1988) ou encore Barlow (1988)) contribueront à une vision intégrative proposant que l'individu souffrant de trouble panique développe une hypervigilance à ses sensations physiques (base du conditionnement intéroceptif). L'existence d'une réaction d'alarme apprise, constituant une réaction physiologique adaptative à un « stresseur », entraînerait la répétition des attaques de panique dans le cadre d'un trouble panique [12] . En 1993, Donald Klein s'est inspiré du constat de l'hypersensibilité au CO2 des patients souffrant de trouble panique pour proposer une hypothèse étiologique connue sous le nom de théorie de la fausse alarme de suffocation [13] . Les attaques de panique se produiraient lorsqu'une forme de « moniteur » central de la suffocation signalerait par erreur un manque d'air déclenchant de façon inappropriée un système évolué d'alarme. La sensibilité du cerveau au CO2 en tant que stimulus panicogène pourrait s'expliquer par le fait qu'une augmentation de la pCO2 (pression partielle du CO2) suggère qu'une suffocation est imminente. Par ailleurs, les modélisations animales et humaines des attaques de panique intègrent des outils pharmacologiques de nature à déstabiliser, plus ou moins, la fonction respiratoire (doxapram, CO2, lactate de sodium, CCK-4, yohimbine, caféine, corticolibérine -CRH (corticotropin-releasing hormone)) [13] . L'importance de la composante respiratoire dans l'anxiété en général [14] , et dans le trouble panique en particulier, est bien connue [13, [15] [16] [17] [18] [19] . Le lien entre l'intensité de l'hyperventilation, de la dyspnée, et la hauteur de l'anxiété perçue, anticipant la « peur panique » de la suffocation, est également établi [20] [21] [22] [23] [24] . Dans sa théorie de 1985, Ronald Ley proposait lui une théorie de l'hyperventilation sur les attaques de panique (« théorie de la peur de la dyspnée ») et fut le premier à proposer une classification en « sous-types » de ces phénomènes cliniques [25] . Le type 1 « classique ou respiratoire » était caractérisé notamment par la terreur, la dyspnée et les palpitations [25, 26] . Des sous-types du trouble panique ont été proposés par Briggs et ses collaborateurs en 1993 permettant d'identifier pour la première fois un sous-type « respiratoire » de ce trouble [27] . La légitimité même de l'individualisation d'un tel trouble se pose encore dans la littérature [27] [28] [29] [30] , mais certaines caractéristiques peuvent néanmoins faire consensus en faveur d'un trouble panique « respiratoire » avec notamment : la sensibilité accrue au CO2 et l'incidence plus élevée d'antécédents familiaux de trouble panique chez ces patients, comparativement à des patients avec un trouble panique qualifié de « non respiratoire » [29, 30] . Les différences de réactivité de ces différents sous-types face à aux principales stratégies thérapeutiques du trouble panique (antidépresseurs, benzodiazépines et thérapie comportementale et cognitive -TCC) restent à définir [30] . Deakin et Graeff (1991) ont proposé une hypothèse neurobiologique, et plusieurs expériences ont démontré que les neurones sérotoninergiques du noyau du raphé dorsal et ventrolatéral et de la substance grise périaqueducale ventrolatérale se comportent comme des chimiorécepteurs centraux et modulent la réponse comportementale et cardiorespiratoire aux agents panicogènes tels que le lactate de sodium et le CO2 [31] . Des études en imagerie ont permis l'identification de l'hippocampe, du cortex préfrontal médian, de l'amygdale et de ses projections dans le tronc cérébral, en tant que réseau central anormalement sensible dans le cadre du trouble panique [27, 28] . Par ailleurs, il convient de désigner certaines structures du tronc cérébral, impliquées a minima ou de façon préférentielle dans les formes respiratoires du trouble panique : (i) la substance grise périaqueducale en tant que système central d'alarme de la suffocation [31] , (ii) le noyau parabrachial, connecté au « réseau de la peur » notamment par l'amygdale, qui contrôle la fréquence respiratoire [28] . COVID-19 et trouble panique respiratoire : quels liens éventuels, quelles anticipations possibles ? Le TPST et le trouble panique sont habituellement opposés, mais un examen attentif de la littérature pourrait suggérer des liens entre les deux tableaux. Le TSPT est clairement conditionné par l'événement traumatique, à l'origine des flash-back, alors que le trouble panique serait « nonconditionné ». Les attaques de panique apparaîtraient dans ce schéma comme spontanées, sans élément déclencheur apparent. La conceptualisation de Ronald Ley, des années 80, a à cet égard contribué à enraciner l'idée de la panique -de type 1 -, qualifiée secondairement de « respiratoire », comme « spontanée » et survenant « à l'improviste » [26] . Cependant, ces données sont en contradiction avec d'autres résultats. D'une part, de manière générale, la notion même d'absence de réponse conditionnée dans le cadre du trouble panique est largement contestée. La possibilité d'un conditionnement intéroceptif signifie que la peur serait conditionnée par la présence de certaines sensations physiologiques [12] . D'autre part, de manière spécifique, les traumatismes de suffocation peuvent être à l'origine secondairement d'un trouble panique avec des symptômes respiratoires prédominants [32, 33] . Dans une étude publiée en 1997, Bouwer et Stein avaient ainsi démontré que parmi les patients présentant un trouble panique, ceux ayant un vécu traumatique de suffocation étaient significativement plus nombreux à exprimer un trouble pouvant être qualifié de « respiratoire », comparativement à ceux sans expérience de ce type (exprimant par exemple davantage des symptômes de type cardiovasculaires, occulovestibulaires ou de l'agoraphobie) ; ces données alimentant la réflexion sur l'hypothèse d'une hypersensibilité à la suffocation, directement reliée à un conditionnement traumatique [33] . Les pathologies somatiques à l'origine de dyspnées peuvent nous guider sur la compréhension du lien entre l'anxiété et les difficultés respiratoires intenses que les patients sont susceptibles de vivre lors de la COVID-19 ; l'asthme en raison de la fréquence et de la sévérité potentielle de la dyspnée s'avère être une pathologie privilégiée à investiguer. L'anxiété généralisée et les troubles paniques apparaissent significativement plus élevés chez les patients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC ; principalement bronchite chronique et emphysème) [34] . Le lien entre l'asthme et le trouble panique fait l'objet d'une littérature abondante abordant notamment : (i) le lien intuitif entre la théorie de la peur de la suffocation dans les formes respiratoires du trouble panique et la dyspnée observée dans l'asthme [35, 36] , et, par exemple, (ii) la confirmation que les comorbidités psychiatriques, et notamment anxieuses comme le trouble panique, sont courantes chez les patients souffrant d'asthme modéré à sévère et (iii) le fait que le trouble panique peut être associé à un moins bon contrôle de la maladie asthmatique [37, 38] . Des données contradictoires existent, n'objectivant par exemple aucun lien entre l'asthme et les troubles psychiques au sens large, mais caractérisant parfois une association entre les allergies saisonnières et ces mêmes troubles, dont le trouble panique [39] . Par ailleurs, le lien entre trouble panique et la gravité de l'asthme semble pouvoir se nouer sur des composantes purement psychosomatiques puisque des études ont pu objectiver que les patients souffrant de trouble panique présentent des asthmes avec davantage de dyspnée sans que les paramètres spirométriques (volume expiratoire forcé en une seconde notamment) n'apparaissent perturbés [40, 41] . Ces données confortent l'hypothèse selon laquelle le trouble panique associé à l'asthme contribue d'une catastrophisation des symptômes corporels, plutôt que d'une aggravation de la physiopathologie de la maladie respiratoire [42] . Notons enfin que des éléments de complications de l'asthme peuvent aggraver la sensation de détresse respiratoire qui lui est associée. Par exemple, le tabagisme et la toux asthmatique peuvent augmenter le risque de complications anxieuses en général et de trouble panique en particulier [43, 44] . Dans le cadre de l'infection au SARS-Cov-2, les symptômes respiratoires rapportés par les patients sont à la fois fréquents et vécus comme hautement anxiogènes (peur de la suffocation, anticipation des suites hautement péjoratives de tels symptômes (SDRA-Covid) et de leurs conséquences éventuelles (hospitalisation en réanimation, intubation, issue potentiellement fatale). Une étude récente sur les conséquences de la pandémie à la COVID-19 a inclus 1 210 personnes en Chine et leur demandant de décrire leurs symptômes sur les 14 derniers jours ; les maux de gorge, la toux, les difficultés respiratoires notamment étaient significativement associées à des scores plus élevés sur les sous-échelles d'anxiété et dépression de la DASS-21 (Depression, Anxiety and Stress Scale ; échelle d'évaluation de la dépression, de l'anxiété et du stress en 21 items) [45] . Ces éléments incitent à anticiper deux conséquences potentielles principales : (i) l'accentuation des interprétations catastrophistes centrées sur la dimension respiratoire ainsi que l'aggravation des attaques de panique chez les patients présentant déjà un trouble panique « respiratoire » ; ou le retentissement psychologique plus lourd chez ces patients en cas d'infection avérée, (ii) d'éventuelles conséquences secondaires de la pandémie augmentant la proportion de troubles paniques « respiratoires » du fait notamment de l'hypervigilance autour des troubles respiratoires en contexte d'épidémie au SARS-CoV-2. Au-delà du trouble panique, une prudence légitime doit également s'envisager chez les patients souffrant déjà d'un trouble anxieux chronique et intégrant une composante respiratoire. Cette dimension fait souvent débat dans la littérature, avec une nosographie mal caractérisée et débattue, mais intégrant des dénominations diverses telles que : le syndrome d'hyperventilation, la dyspnée psychogène, la spasmophilie et la (cypto)tétanie ou encore le syndrome d'hyperexcitabilité neuronale centrale. Ces patients doivent évidemment faire l'objet d'un suivi rapproché pour s'enquérir de leur évolution au décours de cette pandémie, la conversion de ces formes vers des troubles paniques respiratoires pouvant également, intuitivement, se concevoir. Enfin, les troubles paniques respiratoires, tout comme les dyspnées psychogènes et les syndromes apparentés précités, exposent toujours au risque d'une prise en charge inadaptée par certains psychotropes et par des traitements antiasthmatiques pouvant venir renforcer les croyances erronées du patient quant à l'origine et/ou la gravité de sa symptomatologie respiratoire. Par ailleurs, la dépression, comme l'anxiété, pourraient se voir associées à des surconsommations médicamenteuses [46, 47] . Les surconsommations de benzodiazépines, au-delà de la problématique addictive, peuvent s'avérer dangereuses sur au moins deux plans dans le cadre du trouble panique. D'une part, elles peuvent être un facteur de maintien à long terme du trouble panique [48] . Plusieurs études ont démontré les effets néfastes de l'utilisation chronique de benzodiazépines à haute puissance (comme l'alprazolam) sur les résultats à court et à long terme des traitements cognitivo-comportementaux (TCC) du trouble panique [48] . Plus précisément, les benzodiazépines, du fait de leur action rapide et d'une induction de changements d'états notables, peuvent contribuer d'une rechute à terme, soit en diminuant la motivation à s'engager dans une TCC, soit parce qu'un succès thérapeutique sera davantage attribué aux médications, induisant le risque d'abandon de la TCC [48] . Autrement dit, elles peuvent jouer le rôle d'un facteur de sécurisation du patient, thérapeutique de façon immédiate (soulagement des symptômes), mais non curatif (erreurs d'appréciation sur les symptômes corporels), contribuant au maintien de la peur et de l'évitement à long terme [48] . D'autre part, les benzodiazépines présentent un risque connu d'induction de dépression respiratoire, qu'il convient particulièrement de rappeler dans le cadre de la pandémie au SARS-CoV-2 [11] . Les situations de danger majeur avérées pour le recours aux benzodiazépines en termes de détresse respiratoire sont bien identifiées (insuffisance respiratoire sévère, syndrome d'apnée du sommeil, surdosage), mais la prévalence de la dyspnée lors de la COVID doit inciter également à anticiper d'autres situations à risque, avec notamment : les hautes doses de benzodiazépines à haut potentiel, ainsi que les situations d'associations à risque de plusieurs dépresseurs du système nerveux central [11] . Les situations éventuelles de patients souffrant de trouble panique respiratoire et présentant des polyaddictions médicamenteuses (typiquement benzodiazépines et morphiniques à hautes doses) s'avéreraient particulièrement à risque. De manière plus générale, le risque de dépression respiratoire induit par les benzodiazépines en période de COVID ne doit être ni négligé (pour les patients conjuguant des facteurs de risque), ni sur-interprété (au regard du bénéfice de ces traitements pour l'anxiété, y compris dans les situations de dyspnée) [11, 49] . Les traitements de l'asthme reposent essentiellement sur l'utilisation des bêta-2 mimétiques de courte durée d'action par voie inhalée -traitement de la crise -et sur un potentiel traitement de fond pouvant associer des corticoïdes inhalés et des β-stimulants de longue durée d'action. Les β-stimulants de courte durée d'action, comme le salbutamol (ou albutérol, Ventoline®) sont rapidement identifiés par les patients comme un traitement à l'origine de leur soulagement symptomatologique et peuvent induire des surconsommations médicamenteuses [50, 51] . Par ailleurs, la dépression, comme l'anxiété, pourraient se voir associées à ces surconsommations médicamenteuses [46, 47] . Ces éléments connus sont particulièrement à risque chez les sujets présentant un asthme comorbide d'un trouble panique respiratoire (ou ce dernier trouble isolément faisant l'objet d'un diagnostic erroné sous forme d'asthme) spécifiquement en cas de COVID-19. Effectivement, parmi les symptômes de l'infection virale, les diarrhées et les vomissements peuvent survenir et représentent une fuite potassique, potentiellement génératrice d'une hypokaliémie [11] . L'interaction du SRAS-CoV-2 avec le système rénine-angiotensine-aldostérone peut également conduire à une hypokaliémie importante [11] . Par ailleurs, l'hypokaliémie est également un risque bien identifié avec les traitements de type β2-agonistes, particulièrement à fortes doses et/ou lors de l'administration simultanée d'autres thérapeutiques, ou de situations physiopathologiques, hypokaliémiantes. L'un des dangers majeurs de ces situations de conjugaison de facteurs de risque d'hypokaliémie et de concourir à un allongement excessif du QTc et in fine à des torsades de pointe [11] . Ce risque doit d'autant plus s'envisager en santé mentale en raison de la prescription fréquente de traitements à risques tels que le citalopram et l'escitalopram -tous deux avec une indication dans le trouble panique -et des traitements comme la cyamémazine ou l'hydroxyzine -régulièrement utilisés à visée anxiolytique. Certains traitements potentiels de la COVID-19 peuvent par ailleurs potentiellement contribuer au danger d'allongement du QT : les combinaisons à base d'(hydroxy)chloroquine ± azithromycine, principalement, mais également l'association lopinavir/ritonavir [11, 52] . Les éléments que nous avons présentés dans cette revue de la littérature incitent à prendre davantage en considération l'évolution des patients souffrant d'anxiété avec une focalisation respiratoire préexistante et à s'enquérir d'une telle évolution chez les autres. Les patients souffrant d'un trouble panique pouvant se voir qualifié de « respiratoire » doivent faire l'objet d'un suivi thérapeutique adapté. Le recours aux psychotropes à visée anxiolytique, principalement les benzodiazépines, mais également les antiasthmatiques de type salbutamol (Ventoline®) peuvent se montrer contreproductifs voire dangereux sur l'évolution de la pathologie anxieuse, mais également au regard de la pandémie au SARS-CoV-2. Sur ce second aspect, le risque d'hypokaliémie doit être anticipé en ayant la connaissance des multiples facteurs de risques qui peuvent y concourir chez les patients atteints de trouble panique et souffrant d'un asthme avéré ou supposé -mais traité comme tel -: (i) le recours au salbutamol à hautes doses, (ii) l'infection par le SARS-CoV-2 et plus encore en cas de symptômes digestifs (diarrhées et vomissements). Ce risque doit être mis en relation avec le fait que l'hypokaliémie augmente le risque d'allongement de l'intervalle QTc et que les patients souffrant de troubles psychiques, et notamment de trouble panique, peuvent recevoir des traitements sources d'augmentation de l'intervalle QT (i) avec les psychotropes : comme le citalopram et l'escitalopram, ainsi que l'hydroxyzine, ou encore les phénothiazines (chlorpromazine, cyamémazine, lévomépromazine, propériciazine), (ii) mais également avec les traitements potentiels de la COVID-19, comme les combinaisons à base d'(hydroxy)chloroquine ± azithromycine ou l'association lopinavir/ritonavir [11] . La confrontation à la dyspnée, naturellement anxiogène et sans doute plus encore dans un contexte pandémique, vécue au décours de la COVID-19, pourrait induire une augmentation de la prévalence du trouble panique et particulièrement à type respiratoire. L'anticipation d'une augmentation des cas avec une agoraphobie co-morbide, par une conséquence délétère du confinement prolongé pouvant renforcer un comportement d'évitement dysfonctionnel sur le long terme lié à la crainte de contracter la maladie ou de subir une hypothétique ré-infestation, peut sembler également légitime. La compréhension du processus impliqué dans l'apogée des sensations corporelles à l'origine du ressenti d'une menace intéroceptive, convertissant l'anxiété en panique, apparaît fondamentale pour bien anticiper les conséquences psychiques de vécus dyspnéiques traumatiques [53] . Cette prise en considération semble d'autant plus importante que sur l'exemple de l'asthme, notamment sévère, des expériences traumatisantes associées à une sensation de mort imminente, peuvent certainement influencer le développement de cognitions effrayantes et la genèse de troubles anxieux sévères, comme le trouble panique [54] . Cette éventualité est également à resituer au regard de la publication de Katon de 2010 évoquant deux études permettant de relier l'asthme à l'augmentation du risque suicidaire [54] . Participant and Caregiver Perspectives on Clinical Research During Covid-19 Pandemic Ahmed A COVID-19 Pandemic and Impending Global Mental Health Implications A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the COVID-19 epidemic: implications and policy recommendations COVID-19 Pandemia and Public and Global Mental Health from the Perspective of Global Health Securit Ensuring mental health care during the SARS-CoV-2 epidemic in France: A narrative review Prevalence and predictors of PTSS during COVID-19 outbreak in China hardest-hit areas: Gender differences matter Dealing with Corona virus anxiety and OCD The other side of COVID-19: Impact on obsessive compulsive disorder (OCD) and hoarding Factors Associated With Mental Health Outcomes Among Health Care Workers Exposed to Coronavirus Disease The psychological impact of the COVID-19 epidemic on college students in China Informations on psychotropics and their adaptations for patients suffering from mental disorders in France during the SARS-CoV-2 epidemic A modern learning theory perspective on the etiology of panic disorder False suffocation alarms, spontaneous panics, and related conditions. An integrative hypothesis On irritable heart; a clinical study of a form of functional cardiac disorder and its consequences Über die Berechtigung, von der Neurasthenie einen bestimmten Symptomenkomplex als « Angstneurose » abzutrennen How study of respiratory physiology aided our understanding of abnormal brain function in panic disorder Challenging anxiety: a focus on the specificity of respiratory symptoms Breathing training for treating panic disorder. Useful intervention or impediment? Panic disorder and control of breathing Respiratory patterns in panic disorder reviewed: a focus on biological challenge tests Baseline respiratory parameters in panic disorder: a meta-analysis Van Diest I. 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Preliminary validation of Ley's model Panic disorder and the respiratory system: clinical subtype and challenge tests Respiratory manifestations of panic disorder: causes, consequences and therapeutic implications Panic disorder respiratory subtype: psychopathology, laboratory challenge tests, and response to treatment Laboratory, clinical and therapeutic features of respiratory panic disorder subtype The Deakin/Graeff hypothesis: focus on serotonergic inhibition of panic Panic disorder following torture by suffocation is associated with predominantly respiratory symptoms Association of panic disorder with a history of traumatic suffocation Major affective disorders in chronic obstructive pulmonary disease compared with other chronic respiratory diseases The role of panic-fear in comorbid asthma and panic disorder Hyperventilation in panic disorder and asthma: empirical evidence and clinical strategies Prospective impact of panic disorder and panicanxiety on asthma control, health service use, and quality of life in adult patients with asthma over a 4-year follow-up Psychiatric co-morbidity and asthma: A pilot study utilizing a free use tool to improve asthma care Allergies, asthma, and psychopathology in a nationally-representative US sample Impact of Panic Attacks on Bronchoconstriction and Subjective Distress in Asthma Patients With and Without Panic Disorder The Interpretation of Dyspnea in the Patient with Asthma Do asthma patients with panic disorder really have worse asthma? A comparison of physiological and psychological responses to a methacholine challenge Differences in panic psychopathology between smokers with and without asthma Cough variant asthma patients are more depressed and anxious than classic asthma patients Immediate Psychological Responses and Associated Factors during the Initial Stage of the 2019 Coronavirus Disease (COVID-19) Epidemic among the General Population in China Albuterol Overuse: A Marker of Psychological Distress? Anxiety Associated with Asthma Exacerbations and Overuse of Medication: The Role of Cultural Competency Clinical handbook of psychological disorders: A step-by-step treatment manual Challenges for psychotropics in the context of the SARS-Cov-2 pandemic β2-agonist therapy in lung disease Predictors of severe exacerbations, poor asthma control, and β-agonist overuse for patients with asthma COVID-19 and (hydroxy)chloroquine-Azithromycin combination: Should we take the risk for our patients? When dyspnea gets worse: Suffocation fear and the dynamics of defensive respiratory responses to increasing interoceptive threat Asthma, suicide risk, and psychiatric comorbidity