key: cord-0793211-s45vla2a authors: Durand, M.; Mirghani, H.; Bonfils, P.; Laccourreye, O. title: Chirurgie en période COVID, étude observationnelle date: 2022-02-28 journal: Annales françaises d'Oto-rhino-laryngologie et de Pathologie Cervico-faciale DOI: 10.1016/j.aforl.2021.04.002 sha: c3921c2c3f6cf01ae2e98520de31d74d8e0c2482 doc_id: 793211 cord_uid: s45vla2a But Cette étude vise à évaluer la stratégie, adoptée en matière de programmation opératoire, dans un service d’otorhinolaryngologie et de chirurgie cervicofaciale adulte généraliste, dans une zone fortement touchée, pendant le pic épidémique du COVID-19. L’objectif principal était d’analyser les motifs du maintien des opérations et le devenir des patients opérés. L’objectif secondaire était d’évaluer le devenir des patients reportés. Matériel et méthode Observationnelle monocentrique réalisée pendant la période du COVID-19 en France. Elle inclut 124 patients programmés pour une intervention chirurgicale durant la période du 21 mars au 20 mai 2020. Le nombre et la nature de ces interventions, effectuées ou reportées, ont été recueillis. Résultats Au total, 54,0 % patients ont été opérés et 46,0 % ont été reportés après la période étudiée. Les interventions étaient maintenues lorsqu’il s’agissait de gestes urgents ou semi-urgents. Les patients opérés n’ont pas déclaré d’infection au cours de leur hospitalisation. Parmi les patients reportés, 29,8 % ont été perdus de vus et 49,1 % ont été reprogrammés. Conclusion L’application des recommandations nationales et internationales a permis de minimiser le risque de perte de chance pour les patients avec des pathologies urgentes sans augmenter le risque de contamination. Le report des patients annulés a entraîné de nombreux perdus de vus. Le suivi intensifié de ces patients semble nécessaire. La nouvelle maladie à coronavirus de 2019 (COVID-19) est une zoonose hautement contagieuse induite par le SRAS-CoV-2 qui se transmet d'homme à homme par les sécrétions respiratoires [1] . Cette maladie a débuté en décembre à Wuhan en Chine (https:// www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/ interactive-timeline#event-0), avant de devenir une pandémie mondiale [2] . En France, le premier cas confirmé d'infection à COVID-19 était diagnostiqué fin janvier 2020 [3] et, par la suite, les régions Grand-Est et Île-de-France étaient les plus touchées (https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/ maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/ documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologiquedu-21-mai-2020). La majorité des personnes infectées développent une maladie respiratoire bénigne, mais certaines populations plus DOI de l'article original : https://doi.org/10.1016/j.anorl.2021.06.003. ଝ Ne pas utiliser pour citation la référence franç aise de cet article mais celle de l'article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : margot.durand@hotmail.fr (M. Durand). à risque (personnes âgées, surpoids, diabète, cancer. . .) peuvent être atteints de formes cliniques graves [4] . Face à la propagation rapide du virus COVID-19, les autorités franç aises ont demandé de reporter toute l'activité chirurgicale non urgente, afin d'avoir les ressources sanitaires suffisantes pour accueillir une arrivée massive de malades (ARS, COVID-19 prise en charge chirurgicale : https://www.iledefrance.ars. sante. fr/coronavirus-covid-19-information-aux-professionnelsde-sante). Cependant, pour certaines pathologies (cancers. . .) nécessitant une prise en charge rapide, un accès « minimal » au bloc pouvait être maintenu dans certains hôpitaux pour garantir des délais de traitement raisonnables. Face à cette situation inédite, plusieurs sociétés savantes (https://www.entnet.org/content/ otolaryngologists-and-covid-19-pandemic) et des groupes d'expert émettaient des recommandations [5] [6] [7] Cette étude transversale observationnelle monocentrique concernait 124 patients programmés, opérés ou reportés pendant le pic de l'épidémie à COVID-19, dans un service d'otorhinolaryngologie adulte d'un centre hospitalo-universitaire parisien, du 21 mars au 20 mai 2020. Il n'y avait pas de critères d'exclusion. Les données concernant le statut COVID-19 (clinique ou biologique), l'âge des patients, leur sexe, le type d'opération et son degré d'urgence ainsi que les suites opératoires étaient collectées prospectivement et puis saisies, de manière anonyme, pour se conformer aux règles de confidentialité de faç on rétrospective (mars-avril) ou prospective (mai). Trois groupes d'interventions chirurgicales étaient définies en fonction du degré d'urgence comme décrit par Couloigner et al. [6] . Toutes les indications opératoires et reports étaient discutés collégialement en réunion de service pour validation. Les patients, opérés entre le 21 mars et 20 mai, étaient contactés par téléphone 72 heures, puis 48 heures avant l'intervention par un médecin du service à la recherche de signes cliniques suspects d'infection au COVID-19 (température > 38 • C, toux, myalgie, anosmie/agueusie, troubles digestifs). Les patients atteints de signe(s) évocateur(s) d'une infection au COVID-19 étaient récusés et ils étaient invités à se présenter à l'hôpital pour être testés de principe avec un test de réaction de polymérisation en chaîne (PCR) (Fig. 1 ). À partir du 3 avril, tous les futurs opérés étaient accueillis à l'hôpital la veille de l'intervention pour subir un test PCR. Seuls les patients avec des résultats négatifs étaient opérés. Aucune intervention n'était pratiquée sans le résultat de la PCR. Les patients dont l'intervention étaient reportée ont été contactés par les secrétaires et les médecins du service dans les 4 mois suivant la période étudiée. Après cinq appels sans réponse, les patients étaient considérés comme perdus de vus. L'étude en cours n'ayant pas interféré avec le traitement, selon la législation franç aise (loi n o 2012-300 du 5 mars 2012), il n'était pas nécessaire de consulter notre comité d'éthique local (CERAPHP.5). L'objectif principal de cette étude était d'analyser les motifs du maintien des opérations et le devenir des patients opérés dans un service d'otorhinolaryngologie (ORL) et chirurgie cervicofaciale adulte universitaire. L'objectif secondaire évaluait le devenir des patients, 4 mois après la période étudiée, pour lesquels l'intervention était reportée. Une analyse descriptive du motif de maintien des opérations, durant la période du 21 mars au 20 mai, ainsi que le statut COVID des patients, était réalisée. Dans un deuxième temps, le devenir des patients reportés était analysé. Toutes les données ont été saisies sur tableur Excel. Le groupe des patients opérés, décalés opérés et des patients décalés ont été comparés statistiquement sur la base de différents critères : au sexe, à l'âge, aux pathologies bénignes/malignes. La comparaison des 2 groupes a été effectuée en utilisant le test de Student pour les données quantitatives et le test de Fisher pour les données qualitatives pour des groupes non appariés avec un seuil de significativité du p < 0,005 [8, 9] . Au total, 124 patients ont été inclus dans l'étude ( Fig. 1) . En tout, 53,8 % (70/130) des interventions programmées durant la période ont été reportées. Les interventions maintenues concernaient des patients atteints dans 88,3 % (53/60) de pathologies classées en niveau A et B sur l'échelle des degrés d'urgence. Les patients opérés avaient des pathologies cancéreuses dans 44,4 % (24/54) des cas. Les patients avec des pathologies malignes avaient un score de Charlson à 5,24 en moyenne. Les patients initialement annulés, puis reportés à la fin de la période, étaient dans 69,2 % (9/13) des cas atteints de pathologies du groupe B (nécessité de réévaluer le patient à 1 mois) (Tableau 1). Parmi les patients dont l'intervention était maintenue, trois d'entre eux étaient diagnostiqués COVID-19 à la PCR préopératoire (2 patients symptomatiques et 1 asymptomatique). Les trois patients étaient atteints de cancer des VADS. Un patient COVID+ a été opéré d'une trachéotomie en urgence, les 2 autres ont été finalement reportés. Le patient trachéotomisé est décédé du COVID, les 2 autres patients infectés étaient atteints de formes pauci symptomatiques. Les patients des groupes décalés et décalés-opérés étaient comparables statistiquement en termes d'âge ainsi que ceux des groupes décalés et opérés (p < 0,005). En revanche, les groupes opérés et décalés-opérés n'étaient pas comparables (p > 0,005). Concernant le sexe, aucun des groupes n'était comparable statistiquement. Concernant les pathologies bénignes/malignes, les groupes n'étaient pas comparables (p > 0,005). Aucun patient opéré n'a été infecté durant l'hospitalisation. Les patients ont tous été revus entre j7 et J14 et aucun n'avait de symptômes suspects. Les patients reportés en dehors de la période d'analyse étaient atteints de pathologies moins urgentes (niveau C) programmés pour des chirurgies fonctionnelles. Ces patients étaient rappelés dans le cadre de leur suivi. Le Tableau 2 rapporte les symptômes cliniques suspects de COVID des patients reportés pendant la période étudiée. Parmi les patients symptomatiques, un seul d'entre eux a réalisé un test PCR qui était négatif. Le Tableau 3 analyse le devenir des patients décalés 4 mois après la période étudiée. Concernant les patients reportés en dehors de la période d'analyse, ils étaient opérés dans le service avec un délai de 2 mois en moyenne après la période étudiée. La crise sanitaire liée au COVID-19 est une situation inédite face à laquelle les hôpitaux ont dû s'organiser très rapidement afin de prioriser l'offre de soins aux patients atteints du COVID-19. Cependant, certaines prises en charge chirurgicales ne pouvaient être différées et des mesures préventives pour protéger les patients et les soignants ont été instaurées. Dans notre service, les patients non reportés et opérés pendant la période du COVID étaient atteints dans 44,4 % des cas de cancer des VADS. Ces patients avaient un score de Charlson en moyenne > 5 et donc étaient plus à risque de faire des formes graves s'ils étaient contaminés [10] . Il était donc essentiel de renforcer les mesures préventives afin de les protéger. Le protocole mis en place à la recherche de symptômes cliniques, puis, dans un deuxième temps, la PCR, réalisée de faç on systématique avant toute admission, semblent avoir évité le risque de contamination interpatients. En effet, aucun d'entre eux n'a déclaré des symptômes cliniques durant l'hospitalisation ni à domicile. Ces données rejoignent celles de Laccourreye et al. [11] qui valident cette stratégie hospitalière pour les patients nécessitant des traitements chirurgicaux rapides. Cette stratégie organisationnelle a également permis de limiter les contacts des patients atteints du COVID avec les autres patients, tout en les surveillant de faç on rapprochée. Néanmoins, certaines situations suscitent des interrogations. Un des patients diagnostiqués, positif au COVID-19, était reprogrammé 3 semaines après la date initiale, selon les recommandations en vigueur [12] . Il s'agissait d'un patient atteint d'un cancer de la langue dont la taille avait progressivement augmenté dans l'intervalle. Lors de la nouvelle hospitalisation, la PCR COVID était faiblement positive. Devait-il être considéré comme étant contagieux ou s'agissait-il d'un reliquat de génome viral inactif [13] ? En théorie, la réponse à cette question aurait nécessité une mise en culture du virus [14] . Après discussion avec les virologues, devant la disparition des symptômes et la latence de 3 semaines (plusieurs études décrivent une disparition des symptômes à j9-10 et une négativation de la PCR en 11 jours [15, 16] ), le patient était considéré comme guéri et l'intervention a pu être effectuée. Le patient opéré d'une trachéotomie en urgence est décédé, 4 jours après l'opération, de défaillance multiviscérale en lien avec le COVID. Ce patient était atteint de métastases pulmonaires et osseuses d'un cancer de la cavité orale. La décision de réaliser une trachéotomie chez un patient COVID-positif atteint d'un cancer incurable pose question. Il est actuellement reconnu que les trachéotomies sont considérées à fort risque de contamination par le COVID-19 pour le personnels soignants [17] . Il semblait pour autant difficile de ne pas traiter ce patient qui souffrait d'une dyspnée laryngée aiguë hypoxémiante. Dans notre service, la déprogrammation du bloc opératoire durant la période du COVID-19 a eu peu de répercussion sur la prise en charge des cancers des VADS dont l'opération était prévue pendant la période d'analyse. En effet, hormis un patient annulé suite à une infection au COVID et deux autres pour raisons médicales, les interventions étaient réalisées dans des délais inférieurs à un mois comme préconisé selon les recommandations franç aises d'ORL [6] . Néanmoins, cette situation sanitaire a fortement affecté les spécialités effectuant des chirurgies fonctionnelles comme l'ont suggéré Hervochon et al. [18] . Dans notre service d'ORL adulte généraliste, 56,5 % des interventions étaient reportées. Elles étaient dans 59,7 % des cas oto/rhinologiques à visée fonctionnelle et atteignaient des patients moins âgés. Pour autant, certains patients reportés étaient atteints de pathologies nécessitant un traitement chirurgical dans un délai inférieur à un mois. Dans notre étude, 69,2 % des patients reportés-opérés avaient des pathologies classées en groupe B et ces patients ont pu être reprogrammés pendant la période d'étude, n'entraînant pas de répercussions chirurgicales majeures. Parmi les patients décalés et non opérés durant la période d'étude, 29,8 % des patients n'ont pas recontacté le service afin de reprogrammer l'intervention malgré les relances. À l'inverse, cette situation a entraîné une reprogrammation de 49,1 % des patients reportés dans les 4 mois suivant la période étudiée. À quatre mois de la période étudiée, les conséquences de cette crise sanitaire sont une perte d'activité pour le service et un engorgement du bloc opératoire post-crise avec un allongement des délais actuels de programmation. L'objectif des semaines à venir sera de veiller à ce que les nouveaux patients suivis pour des pathologies nécessitant une prise en charge rapide soient programmés avec des délais courts sans allonger de faç on excessive les délais de reprogrammation les patients déjà décalés. L'application des recommandations nationales et internationales a permis une prise en charge adaptée des patients atteints de pathologie cancéreuse afin de minimiser leur risque de perte de chance sans augmenter leur risque de contamination. Les patients reportés étaient atteints de pathologies qui nécessitaient néanmoins un suivi régulier et pour certains une reprogrammation prioritaire à la sortie de la crise sanitaire. Cette réorganisation doit cependant éviter un allongement du délai de prise en charge des nouveaux patients atteints de pathologie classées en niveau A ou B sur l'échelle du degré d'urgence. Aucune aide financière n'a été obtenue. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. 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