key: cord-0790169-jt1ty5vy authors: nan title: Approche québécoise de Santé publique face à la pandémie de COVID-19 date: 2020-06-09 journal: Bull Acad Natl Med DOI: 10.1016/j.banm.2020.06.009 sha: c04b345a9ea9cfc6dfb805a00364dbfa56cc59e2 doc_id: 790169 cord_uid: jt1ty5vy nan Le premier cas de COVID-19 au Québec est déclaré le 28 janvier 2020. Les équipes de Santé publique au niveau régional sont déjà en état d'alerte et les deux grandes institutions québécoises d'expertise en santé publique (l'Institut national de santé publique du Québec, l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux) mobilisent leurs scientifiques pour produire des avis en soutien aux décisions de la Direction nationale de Santé publique du Québec sur la gestion de la crise sanitaire. Le ministre de la Santé et des Services sociaux met en place des groupes de travail qui impliquent plusieurs intervenants du réseau de la santé pour la conseiller sur des aspects spécifiques de la crise (éthiques, techniques et tactiques). La semaine de relâche scolaire se termine le 8 mars ramenant au Québec des familles en provenance de toute la planète. Le 12 mars, le Premier Ministre donne des consignes d'isolement volontaire aux Québécois qui reviennent de voyage (isolement obligatoire pour le personnel de santé). Le 13 mars, tout le réseau préscolaire, scolaire et universitaire québécois est fermé. Le 14 mars, le Premier ministre évoque la loi sur la Santé publique du Québec [1] prévoit des pouvoirs accrus pour la ministre de la Santé, lui permettant de mobiliser des ressources, ordonner la fermeture d'établissement ou de parties du territoire québécois, requérir l'aide de ministères ou d'organismes, construire des ouvrages et effectuer des dépenses ou conclure des contrats selon ce qu'elle juge nécessaire. Le 23 mars, le Premier Ministre annonce la fermeture de toutes les entreprises et de tous les commerces qui ne sont pas jugés essentiels. La ville de Montréal, qui est l'épicentre de l'épidémie se dote de pouvoirs supplémentaires permettant entre autres aux forces de l'ordre d'intervenir pour disperser les attroupements. Le 28 mars, la Vice-Première Ministre annonce le filtrage des allées et venues interrégionales pour prévenir la transmission dans les régions éloignées à peu près épargnées par la pandémie. Les mesures concernant la fermeture des frontières internationales et la quarantaine au retour de voyage sont progressivement mises en place par le gouvernement fédéral. Dès le mois de janvier, le ministère de la Santé du Québec en concertation avec les Collèges et Associations des professionnels de la santé préparent les équipes aux protocoles de prévention et de prise en charge des patients affectés. Une mobilisation sans précédent est appuyée par un niveau de communications électroniques intenses. Un centre national de réaffectation des effectifs médicaux (CNREM) désigne des responsables dans tous les centres et secteurs qui redirigent avec les chefs de services les effectifs vers les tâches prioritaires. Des plateformes permettent des vidéoconférences de coordination entre les équipes de professionnels ainsi que les téléconsultations et télésoins avec la population qui est encouragée à minimiser les déplacements de visites médicales électives. Au 1 er avril 2020, le Québec compte 5518 cas confirmés, 365 patients hospitalisés dont 96 aux soins intensifs et 36 personnes sont décédées. La capacité hospitalière dégagée pour faire face à la pandémie est de 6000 lits pour une population de 8,5 millions. En l'absence de vaccin et de traitement préventif, les autorités de Santé publique visent à « aplanir la courbe », c'est-à-dire, à étaler dans le temps la survenue de nouveaux cas de COVID-19 pour permettre au réseau de soins de santé de s'adapter en libérant des lits, cessant plusieurs activités non urgentes, consacrant des hôpitaux et des unités aux patients COVID-19 et réaffectant le personnel de santé en conséquence. Cette stratégie vise à frapper fort et très tôt et à réévaluer les mesures tous les jours en fonction de la situation épidémiologique. Des cliniques de dépistage communautaires sont rapidement mises en place pour les personnes symptomatiques revenant de voyage et le personnel du réseau de la santé. Les personnes testées sont retournées à la maison avec des consignes d'isolement strict dans l'attente du résultat de leur test. Les directions régionales de Santé publique enquêtent tous les cas et s'assurent du suivi des contacts. La consigne de distanciation physique et d'isolement à la maison sauf pour le travail essentiel et le ravitaillement alimentaire ou en médicaments est martelée. Dans la semaine du 23 mars 2020, devant des situations épidémiologiques très différentes selon les régions, la Direction nationale de Santé publique invite les directeurs régionaux à développer une approche adaptée à leur territoire, que ce soit en termes de critères de dépistage ou de mesures de distanciation sociale. On voit ainsi la ville de Montréal faire intervenir les forces policières pour forcer le respect des consignes alors que les régions éloignées ferment leurs « frontières ». La communauté des chercheurs, des secteurs public et privé, s'est rapidement mobilisée dans le but d'aider à juguler la pandémie grâce à la recherche et l'innovation. Devant l'intérêt manifesté par plusieurs experts provenant de toutes les disciplines, le bureau du scientifique en chef et les fonds de recherche du Québec (FRQ) ont proposé que créer, à la mi-mars, un comité de coordination gouvernementale incluant des experts des ministères de la santé Il semblerait que l'approche de frapper tôt et fort porte ses fruits comme en témoigne le faible taux de mortalité au Québec jusqu'à présent. Plusieurs problèmes sont survenus : pénurie d'écouvillons et de réactifs pour effectuer le dépistage et les lignes d'information pour les citoyens ont été rapidement engorgées. Les délais pour l'obtention du résultat du test se sont allongés pendant plusieurs jours pour ensuite s'améliorer. À Montréal principalement, des événements communautaires ont eu lieu malgré l'interdiction de rassemblement, ce qui fait exploser la contamination dans certains quartiers. Les directions régionales de Santé publique avaient subi des coupures allant jusqu'à 34 % de leur budget en 2015 et ont été ainsi fragilisées dans leur capacité d'enquête et d'interventions variées. D'autres difficultés largement partagées sur la planète ont émergé : l'absence de souveraineté domestique pour la production de masques et d'autre matériel médical ou la difficulté de contrôler une épidémie quand les pouvoirs politiques sont extérieurs à la juridiction (au niveau fédéral canadien ou au sud de la frontière). Une innovation est à signaler. Le Directeur national de Santé publique a adopté un ton très peu officiel dans les conférences de presse du Premier ministre, se permettant quelques écarts de langage et donnant des conseils à partir de son expérience personnelle. Les réseaux sociaux ont récupéré ces extraits de conférences, répercutant ainsi les messages de Santé publique à des centaines de milliers de personnes habituellement non rejointes par les communiqués officiels. On a assisté ainsi à la naissance d'un mode de communication sociale hybride extrêmement efficace. Quotidiennement, les réseaux télévisuels de grande diffusion font appel à des experts en recherche fondamentale, virologie, immunologie, épidémiologie, santé publique, santé mentale, infectiologues et réanimateurs, qui éduquent et répondent aux questions pertinentes de la population. Des messages de respect des consignes de prévention et de réduction du stress sont préparés par des influenceurs publics visant entre autres les enfants, adolescents et les aînés. Rarement aurons-nous vu un tel niveau d'appui de la population à ses dirigeants politiques malgré la grande détresse sociale et économique générée par la pandémie et les mesures de mitigation. Et la science et la recherche occupent souvent la première place au téléjournal ! Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Q6 fil d'information