key: cord-0790099-oevqeyyd authors: Richard, Hugo Flis; Verdonk, Franck title: Atteintes neurologiques dans l’infection du SARS-CoV-2 (COVID-19) date: 2020-07-10 journal: Prat Anesth Reanim DOI: 10.1016/j.pratan.2020.07.008 sha: eb1fddd886d8779a661a37dd6fff03eca8f38515 doc_id: 790099 cord_uid: oevqeyyd Résumé les manifestations neurologiques sont probablement plus fréquentes et plus complexes au cours de la COVID-19 que ce qui était initialement envisagé. Depuis décembre 2019, une épidémie imputée à un nouveau coronavirus est apparue en Chine. Ce nouveau virus provoque une symptomatologie respiratoire similaire au coronavirus identifié en 2003, intitulé SARS-CoV. Les deux virus présentent également une similitude de séquences et également la même cible, le récepteur angiotensin-converting enzyme 2 (ACE2). De ce fait, le virus fut nommé SARS-CoV-2 et, en février 2020, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) intitula cette maladie coronavirus disease 2019 . Jusqu'à maintenant, la COVID-19 se caractérisait principalement par une atteinte respiratoire s'incluant dans un syndrome infectieux (asthénie, fièvre, toux, dyspnée pouvant évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aigu -SDRA) avec des anomalies pulmonaires tomodensitométriques caractéristiques 1 . Il a été toutefois rapidement signalé que les patients atteints du COVID-19 pouvaient également présenter une symptomatologie neurologique, indépendamment de l'atteinte respiratoire. Cette atteinte neurologique n'a été que peu étudiée ou sur de faibles cohortes de patients. Ces atteintes se regroupent en deux catégories selon qu'elles touchent le système nerveux périphérique (SNP ou le système nerveux central (SNC). Dans une étude anglaise portant sur 153 patients, 77 (62%) des 125 patients dont les données cliniques étaient complètes ont présenté un événement vasculaire cérébral, dont 57 (74%) un accident vasculaire cérébral ischémique, neuf (12%) une hémorragie intracérébrale et un (1%) une vascularite. Trente-neuf (31%) des 125 patients se sont présentés avec une altération de la vigilance, dont neuf (23%) avec une encéphalopathie non spécifique et sept (18%) avec une encéphalite. Les 23 autres patients (59 %) répondaient aux définitions de cas psychiatriques dont 21 (92 %) d'entre eux s'étaient développés de novo 2 . Il est à noter que cette symptomatologie neurologique touche principalement les patients âgés de plus de 60 ans. Hormis les AVC, la plupart des manifestations neurologiques apparaissent précocement (deux à quatre jours après l'apparition de la symptomatologie infectieuse). Il est possible que les états d'hypercoagulabilité observés au cours des formes sévères de la COVID-19 soient à l'origine de certaines complications neurologiques notamment emboliques (embolie paradoxale sur phlébothrombose, troubles du rythme transitoires ou permanents en rapport avec une atteinte myocardique). Il est également possible d'observer une thrombopénie qui peut expliquer la survenue de syndrome hémorragique. Les atteintes du SNC se manifestent également par des céphalées, des nausées de la somnolence et de l'encéphalopathie avec agitation ou confusion. Par ailleurs, dans une étude observationnelle française portant sur 58 patients COVID-19 présentant une atteinte neurologique, l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) retrouvait chez une partie d'entre eux une atteinte méningée (60% des patients) et des troubles de la perfusion cérébrale (84% des patients) 3 . L'électroencéphalogramme (EEG) montrait des modifications non spécifiques du tracé. Chez 7 patients, une PCR pour le SARS-CoV-2 a été effectuée à partir d'un prélèvement de liquide céphalorachidien (LCR); les résultats étaient négatifs dans tous les cas, éliminant, sur cette cohorte de patients, la potentielle diffusion du SARS-CoV2 dans le LCR. Les résultats d'autopsies effectuées sur 18 patients dont seuls trois avaient des anomalies neurologiques à l'examen clinique, ont objectivés essentiellement des lésions en faveur d'une ischémie diffuse du parenchyme cérébrale et du cervelet sans thrombus ni de vascularite 4 . On comprend que l'hypoxémie réfractaire associée à un bas débit cardiaque et donc cérébral puisse être à l'origine de telles lésions chez les patients ayant des formes sévères. L'atteinte du SNC serait donc plus fréquente dans les formes graves chez des patients ayant plus souvent des anomalies biologiques : lymphopénie, thrombopénie et élévation de l'urée 5 . Le contexte de survenue d'un AVC dans la COVID-19 prend également en compte des facteurs intrinsèques aux patients. Dans une étude rétrospective chinoise 6 l'incidence de l'AVC était de 5,9% des cas avec un délai médian de 10 jours après apparition des premiers symptômes. Ces patients étaient plus âgés, présentaient davantage de comorbidités cardiovasculaires (hypertension artérielle et diabète) et souffraient d'une atteinte respiratoire plus sévère. Ils présentaient également un syndrome inflammatoire et pro-thrombotique plus importants avec une élévation des polynucléaires neutrophiles, de la CRP et des D-Dimères significativement plus importante. Hypertension et diabète peuvent induire des lésions intracrâniennes spécifiques liées notamment à une augmentation des résistances vasculaires intracrâniennes et à une perte de l'autorégulation cérébrale qui rendent les patients plus vulnérables à l'ischémie en situation critique. Une équipe italienne a rapporté l'apparition d'un syndrome de Guillain-Barré chez 5 patients atteints de la COVID-19 7 . Le délai d'apparition entre les premiers symptômes de l'infection virale et ceux du Guillain-Barré était de 5 à 10 jours, ce qui est généralement observé pour les autres infections en relation avec ce syndrome. On sait en effet qu'il peut exister une association entre une infection bactérienne (Campylobacter jejuni) ou virale (Epstein-Barr, cytomegalovirus…) et l'apparition syndrome de Guillain-Barré. Il est noté que la PCR dans le LCR pour le SARS-CoV-2 était négative chez les cinq patients concernés. Cette association devra être confirmée par d'autres études. Les symptômes les plus courant d'une atteinte neurologique périphériques sont l'anosmie et l'ageusie qui dans le cadre de la pandémie ont pu être considérés comme des signes pathognomoniques de l'infection virale à SARS-coV2. Ces symptômes qui peuvent être observés au cours d'autres infections virales sont particulièrement fréquent dans le cadre de la COVID-19 mais ne préjugent pas de la gravité de la maladie. La plupart des patients anosmiques ne présentent pas de rhinorrhée ou d'obstruction nasale associée. L'incidence de ces symptômes se situe entre entre 34% et 74% des patients selon des études italiennes, sans qu'un délai d'apparition des symptômes n'ait été décrit 9, 10 . La durée moyenne de l'anosmie dans le COVID-19 est très variable mais serait en moyenne de 9 jours (versus 3 jours pour une rhinite virale avec obstruction nasale). Une atteinte du SNP ne serait pas un marqueur de sévérité du COVID-19. D'après une étude rétrospective française, les patients anosmiques sembleraient plus jeunes, avec une prédominance de femmes et moins de comorbidités que la population habituellement décrite avec COVID-19 8 . Cette atteinte périphérique était de bon pronostic et spontanément résolutive en un mois. Deux phénomènes pourraient être à l'origine des lésions neurologiques observées dans la COVID-19 : un neurotropisme direct du SARS-CoV-2 et un état hyper inflammatoire. Comme l'épithélium des voies aériennes et le parenchyme pulmonaire, le cerveau exprime le récepteur ACE2 qui a été retrouvé sur des cellules gliales et des neurones 11 en faisant une cible potentielle du SARS-CoV-2. De plus, la propension neuro-invasive a déjà été démontrée pour d'autres coronavirus. Par exemple, le SARS-CoV1, très similaire et se liant aussi au récepteur ACE2, a été retrouvé à l'autopsie dans les tissus cérébraux au microscope électronique et par la technique de PCR. Le neurotropisme du SARS-CoV2 reste cependant à établir. En effet, à notre connaissance, un seul cas rapportait une PCR positive dans le LCR d'un patient chinois de 56 ans présentant une symptomatologie d'encéphalite dans un contexte de COVID-19 12 . Deux hypothèses sont proposées pour expliquer le cheminement du virus et l'atteinte neuronale 13 14 . La première serait une dissémination hématogène du virus. En effet, une fois dans la circulation systémique, le virus pourrait léser la barrière hématoencéphalique, phénomène favorisé par la présence de récepteurs ACE2 au niveau de l'endothélium vasculaire. La seconde hypothèse proposée serait un cheminement du virus jusqu'au cerveau via la lame criblée de l'éthmoïde proche du bulbe olfactif tels que cela a déjà été démontré à travers l'utilisation de souris transgéniques montrant la propagation de virus similaires 15 . L'absence de PCR sanguine positive au stade précoce de la maladie et la présence initiale d'une anosmie, sont deux arguments en faveur de cette seconde hypothèse. D'autres études sont nécessaires pour étayer ces hypothèses. L'isolation du SARS-CoV2 dans des prélèvements à partir de l'endothélium vasculaire cérébral, du LCR, des cellules gliales et du tissu neuronal permettrait de clarifier le neurotropisme du SARS-CoV2. Le second phénomène expliquant l'atteinte neurologique dans la COVID-19 serait la neuroinflammation. Des états hyper inflammatoires secondaire à un orage cytokinique peuvent être déclenchés par des infections virales ou bactériennes et être responsables d'encéphalopathie 16 . Dans le cadre de la COVID-19, certains auteurs rapportent un profil hyper inflammatoire et hypercytokinique avec certains éléments caractéristiques tel que l'hyperferritinémie et l'élévation de l'interleukine-6 (IL-6) 17 . Le cas d'un patient chinois atteint de la COVID-19 compliquée d'une encéphalopathie nécrosante aigue, affection rare diagnostiquée à l'IRM, a été rapporté et considéré comme secondaire à l'orage cytokinique induit par l'infection 18 . Des stratégies thérapeutiques visant à bloquer la libération ou l'effet des cytokines, sont encore à l'étude tel que le tocilizumab, une molécule bloquant l'interleukine-6 qui pourrait être bénéfique sur le plan neurologique. Un autre élément serait la modulation des récepteurs neuronaux inhibiteurs (GABAAR ou récepteurs de la glycine) ou excitateurs (récepteurs nicotiniques, 5HT3 et glutamate ionotropiques) par la neuro-inflammation qui sont les éléments essentiels d'action des anesthésiques généraux. De plus amples études seraient à prévoir. Les patients atteints de forme sévère de la maladie et difficiles à ventiler, ont été sédatés parfois plusieurs semaines durant. Les besoins en agents sédatifs ont souvent été notés comme inhabituellement élevés chez les patients atteints de COVID-19 19 20 . Ces besoins pourraient être liés à la réponse inflammatoire systémique, tous ces éléments ayant été associés avec une augmentation de la tolérance aux opioïdes, nécessitant de multiplier les agents sédatifs utilisés 21 . De plus il est fréquent d'observer à l'arrêt de la sédation une désorientation et une agitation entrant dans le cadre d'un syndrome confusionnel. On sait que les patients de réanimation qui ont fait l'objet d'une sédation prolongée sont susceptibles de développer de tels symptômes et c'est probablement le cas des patients souffrant de COVID-19 ventilés pendant plusieurs semaines pour certains d'entre eux et qui plus est souvent curarisés ou ayant souffert d'une hypoxémie prolongée susceptible de provoquer une encéphalopathie anoxique. Par ailleurs les mêmes patients peuvent développer des neuropathies périphériques non spécifiques d'autant qu'ils ont éventuellement reçu également des corticoïdes à un moment ou à un autre de leur séjour de réanimation. Spécifiques ou non ces symptômes viennent compliquer une évolution déjà grevée d'autres complications et retentissent sur le sevrage de la ventilation et sur le retour dans un environnement habituel Enfin les conséquences neurologiques à moyen et long terme de la maladie ne sont pas encore décrites. Il est notable que certains patients se plaignent plusieurs semaines ou mois après le début de l'infection, d'une fatigue extrême et de douleurs chroniques dont il est difficile de dire si elles sont la conséquence d'une fonte musculaire et de complications non spécifiques de la réanimation (neuropathie périphérique) où si elles relèvent de mécanisme plus spécifiques. En conclusion, l'infection au SARS-CoV2 semble avoir un tropisme cérébral impliquant plusieurs mécanismes physiopathologiques, incluant une toxicité cellulaire directe et la neuroinflammation induite par la réponse systémique à l'infection. L'expression clinique va de l'atteinte sensitive (dysgueusie, anosmie) à l'encéphalopathie en passant par une consommation importante de sédatifs pour obtenir un niveau de sédation satisfaisant. La recherche de ces symptômes à l'anamnèse doit faire partie des moyens de dépistage du COVID-19. D'autres études sont nécessaires afin que des mesures thérapeutiques plus appropriées soient entreprises. Clinical Characteristics of Coronavirus Disease 2019 in China Neurological and neuropsychiatric complications of COVID-19 in 153 patients: a UK-wide surveillance study Neurologic Features in Severe SARS-CoV-2 Infection Neuropathological Features of Covid-19 Neurologic Manifestations of Hospitalized Patients With Coronavirus Disease Acute Cerebrovascular Disease Following COVID-19: A Single Center Guillain-Barré Syndrome Associated with SARS-CoV-2 Features of anosmia in COVID-19 Self-reported Olfactory and Taste Disorders in Patients With Severe Acute Respiratory Coronavirus 2 Infection: A Cross-sectional Study Objective evaluation of anosmia and ageusia in COVID-19 patients: Single-center experience on 72 cases Tissue distribution of ACE2 protein, the functional receptor for SARS coronavirus. A first step in understanding SARS pathogenesis CoV-2 positive dans le LCR d'un patient de 56 ans The emergence of a novel coronavirus (SARS-CoV-2) disease and their neuroinvasive propensity may affect in COVID-19 patients Evidence of the COVID-19 Virus Targeting the CNS: Tissue Distribution, Host-Virus Interaction, and Proposed Neurotropic Mechanisms Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus Causes Multiple Organ Damage and Lethal Disease in Mice Transgenic for Human Dipeptidyl Peptidase 4 Understanding brain dysfunction in sepsis UK: COVID-19: consider cytokine storm syndromes and immunosuppression COVID-19-associated Acute Hemorrhagic Necrotizing Encephalopathy: CT and MRI Features Sedation of Mechanically Ventilated COVID-19 Patients: Challenges and Special Considerations Intensive care management of coronavirus disease 2019 (COVID-19): challenges and recommendations Opioid Tolerance in Critical Illness