key: cord-0789539-mtas2lnl authors: Bricaire, F. title: Risque sanitaire infectieux date: 2005-01-31 journal: Réanimation DOI: 10.1016/j.reaurg.2004.10.009 sha: 996577fdca11950771ef46e13347bca9f07dcc4d doc_id: 789539 cord_uid: mtas2lnl nan Le risque dû aux agents infectieux occupe une place importante dans le grand ensemble qu'est le risque sanitaire. Sa présence permanente oblige nos sociétés et nos tutelles à devoir le prendre en charge selon des modalités de plus en plus efficaces avec une nécessité d'anticiper ses diverses expressions de la façon la plus précise possible. L'homme vit dans un environnement où les microorganismes prolifèrent. Les maladies infectieuses ont longtemps été des fléaux [1] . Elles ont été la principale cause de mortalité, réduisant l'espérance de vie des populations. Elles demeurent aujourd'hui toujours source d'une mortalité très élevée que les infections soient permanentes, pandémiques, fléaux bien connus comme le paludisme, la tuberculose et aujourd'hui le sida, qu'elles s'expriment par des épidémies plus brusques, plus courtes dues à des agents infectieux bien répertoriés ou jusqu'ici inconnus. Les progrès en matière de connaissance des pathologies infectieuses, des moyens de diagnostic de plus en plus rapides, les possibilités de traitement et de prévention ont changé le profil de nombre de pathologies infectieuses, réduit la mortalité de la plupart d'entre elles, et donc participent largement à l'allongement de l'espérance de vie des populations. Mais pour nombre d'entre elles, ces améliorations ne sont pas à la disposition de tous, limitant leurs effets positifs dans de nombreuses parties du monde. Quoi qu'il en soit, en dépit de toutes les mesures qui seront prises, qu'elle qu'en soit la qualité, l'homme devra compter avec des agents infectieux. Organismes vivants, ils ont pour but de survivre ; ils se donnent les moyens de le faire, de s'adapter, de se transformer pour résister. De nouveaux agents infectieux apparaîtront, de plus anciens réapparaîtront. Charles Nicolle l'avait fort bien prévu et écrit au début du siècle dernier. Le risque infectieux se doit d'autant plus d'être pris en compte que notre société tolère de plus en plus mal tout risque, voire n'accepte plus les conséquences d'une infection. Elle exige des mesures de qualité, souhaitant de façon peut être légitime, mais parfaitement illusoire, un risque zéro, véritable leurre, finissant par polluer la sagesse des décisions prises. Cette exigence est d'autant plus exprimée que toute pathologie infectieuse est immédiatement connue de tous, excessivement médiatisée le plus souvent. Le mystère que font naître les maladies infectieuses suscite toujours des craintes ancestrales et notre société qui aime aussi à se faire peur, se complait dans ces annonces permanentes d'émergence de pathogènes et des moyens mis à disposition pour lutter contre eux. Les risques infectieux d'un point de vue sanitaire sont variés correspondant non seulement à divers agents infectieux, ou types de microorganismes, mais aussi à diverses modalités de transmission ou de circonstances de transmission. Aussi beaucoup de maladies sont-elles transmises directement par voie aérienne, ou par voie digestive et d'autres indirectement par des vecteurs vivants ou inertes. De même doit être isolé le risque de transmission nosocomiale en distinguant les infections à germes d'origine exogène par opposition à ceux d'origine endogène, venant donc des flores du malade lui-même. • Un certain nombre d'éléments influe sur l'évolution d'un risque infectieux : ils interviennent dans l'apparition de tel ou tel germe, dans les capacités d'extension d'une maladie, dans ses aptitudes à régresser voir à disparaître ; • nous ne ferons que cibler les facteurs tenant aux moyens de lutte contre un agent infectieux que sont les mesures d'hygiène, les moyens de prévention comme la prophylaxie vaccinale ou les moyens thérapeutiques au premier Adresse e-mail : francois.bricaire@psl.ap-hop-paris.fr (F. Bricaire). Réanimation 14 (2005) S1-S4 www.elsevier.com/locate/reaurg rang desquels se situent les anti-infectieux, antibiotiques, antiparasitaires ou antifongiques, antiviraux maintenant ; • interviennent surtout des modifications très nombreuses de notre environnement. Nous en évoquerons quelquesunes : C naturelles d'abord comme les conditions climatiques : les modifications thermiques : un réchauffement ou un certain refroidissement module l'écologie, l'état de réservoirs animaux, la prolifération des vecteurs donc la transmissibilité de maladies infectieuses ; C des catastrophes naturelles font de même : inondations, tremblements de terre sont habituellement suivis de phénomènes épidémiques. C Des variations génétiques de l'hôte peuvent aussi modifier la réceptivité vis-à-vis d'une infection et son expression ; mais beaucoup de ces modifications sont induites par l'homme : -les guerres, les conditions d'hygiène insuffisantes, favorisent les épidémies ; -l'homme interfère sur les climats, en modifiant des sites, en changeant l'hydrologie d'une zone géographique ; -les modifications de réservoirs animaux provoquées par l'homme qui artificiellement favorise la prolifération de certaines espèces pour des raisons écologiques ou personnelles : par exemple, l'augmentation des cervidés a favorisé l'extension de la maladie de Lyme ; -les habitudes alimentaires, conditionnement de mets, rupture de la chaîne du froid, type d'alimentation dans une population donnée, modifient la prolifération de certains germes. Les habitudes sexuelles sont à l'origine de nombreuses infections ; des phénomènes de dépendances (toxicomanie) facilitent des transmissions d'infections (hépatites) ; -des techniques telle que la climatisation, l'installation de tours aéroréfrigérantes ont fait naître des pathologies dues aux légionnelles ; -l'utilisation éventuellement abusive et surtout à mauvais escient d'antibiotiques est source d'émergence de bactéries résistantes. De même voit-on proliférer en conséquence des infections fongiques. Les progrès de la médecine aboutissant aussi à favoriser des états d'immunodépression (traitements anticancéreux, greffe, corticothérapie, etc) facilitent l'émergence de pathogènes multiples. Sans parler des actes délibérément malveillants tel que le bioterrorisme. C'est dire que nombreux sont les facteurs qui pourraient déclencher un phénomène épidémique obligeant les services de surveillance à faire valoir certaines données ou à devoir en tenir compte dans les enquêtes épidémiologiques. C'est aussi aujourd'hui dans ce cadre que l'on parle de maladie émergente ou d'infection réémergente. Les moyens d'investigations, d'isolement d'un agent microbien, de diagnostic sont d'ailleurs actuellement très améliorés, avec des possibilités d'échanges entre les laboratoires, entre les pays. Aussi tout phénomène infectieux apparaissant, n'importe où dans le monde, aboutit à considérer l'infection très vite, à tort ou à raison, comme émergente ou réémergente. La liste des pathologies infectieuses actuelles constituant un risque sanitaire serait particulièrement longue à dresser, que l'on s'adresse aux infections bactériennes, aux maladies virales en perpétuel développement, aux diverses parasitoses, mais aussi aux infections fongiques. Aussi ne ferons-nous que citer certaines d'entre elles parmi les principales actuellement. Certaines classiques restent présentes, préoccupantes et responsables de très nombreux cas et de nombreux décès dans le monde : ainsi la tuberculose demeure-t-elle présente dans de nombreuses zones, en France notamment, à Paris plus spécifiquement, ainsi que dans des pays où la mauvaise prise en charge des malades aboutit à des phénomènes de multirésistance aux antituberculeux particulièrement préoccupants. Le paludisme progresse toujours dans le monde en dépit des tentatives de campagnes d'éradication des vecteurs ou des progrès des traitements antipaludiques. Certaines réémergent comme aujourd'hui la syphilis chez des sujets le plus souvent homosexuels, ne prenant pas de précautions lors de rapports sexuels. L'augmentation des cas de listéria ou de légionnelles illustre les conséquences des modes de vie de sociétés développées. Des infections nouvelles, virales principalement, s'étendent dans le monde, qu'elles soient dues à des agents connus comme les fièvres hémorragiques africaines (Ebola) ou comme l'infection à virus West Nile inconnue il y a encore quelques années en Amérique du Nord et aujourd'hui répandue dans quasiment tous les états des États-Unis, ou qu'elles soient provoquées par des virus nouveaux : comme les coronavirus récemment isolés et responsables du SRAS, ou même des virus d'un groupe connu tels les virus grippaux aviaires qui font redouter une éventuelle adaptation à l'homme et l'émergence d'une future redoutable pandémie. À part, on doit évoquer hélas aujourd'hui le risque biologique induit par des terroristes. Les agents dont ils pourraient avoir disposition, cultivables, transportables avec possibilité de diffusion, suffisamment pathogènes mais si possible susceptibles d'être contrôlables pour éviter ou réduire tout effet « boomerang » sont répertoriés aujourd'hui dans une liste sans doute non exhaustive : ainsi le bacille du charbon est-il considéré comme l'agent principal susceptible de servir à ce type d'action, devant le botulisme, la variole, la peste et la tularémie. Pour les pays développés cette menace oblige à mettre en place des mesures de prévention et de prise en charge, mesures fort coûteuses mais sans doute nécessaires, au cas où un tel acte serait commis. La prise en charge du risque infectieux comporte de nombreux aspects : • L'emploi des traitements anti-infectieux, antibiotiques, antiviraux modifie bien sûr considérablement l'évolution des pathologies infectieuses. Encore faut-il que celui-ci se fasse à bon escient et en respectant des bonnes règles d'utilisation, si l'on veut pérenniser dans le temps la valeur de ces traitements ; • les modalités de surveillance des maladies infectieuses sont également d'une très grande importance. Toutes celles qui touchent aux réseaux de surveillance, internationaux ou nationaux comme pour la grippe, tout ce qui est déclaration de cas obligatoires ou non, tout ce qui concerne les enquêtes épidémiologiques permettant de comprendre un phénomène infectieux et de déclencher des mesures concrètes, tout ceci est fondamental. Des structures récemment nées comme l'institut national de veille sanitaire (INVS) sont à ce titre tout à fait essentielles ; • d'un point de vue pratique, il importe de bien distinguer ce qui est infection transmissible de ce qui ne l'est pas, ce qui est surtout contagieux par rapport à ce qui ne l'est pas, ce qui est susceptible d'être épidémique. Les risques sont bien sûr très différents, les craintes induites dans la population sans relation, les mesures devant être prises tout à fait différentes. Ainsi décrivons-nous ici les principales modalités de prise en charge d'une épidémie due à une infection contagieuse : • les décisions récemment prises sur ce thème sont essentiellement le résultat des réflexions conduites à partir des expériences anciennes et plus récemment de la gestion du bioterrorisme et de celle des sujets suspects ou atteints de SRAS [6] . Cette dernière infection a permis de tester, d'affiner ces modalités de prise en charge et d'en faire un modèle extrapolable pour d'autres maladies contagieuses épidémiques. • Le but est à la fois de fournir les soins nécessaires aux personnes infectées ou suspectes de l'être et d'assurer par un isolement de qualité une protection des personnes non contaminées. • Le déclenchement de l'alerte est le premier temps. Il est sans doute le plus difficile. En dehors d'un phénomène épidémique déjà repéré ailleurs, permettant d'être déjà en situation de vigilance accrue, force est de reconnaître que le risque de se faire surprendre par le ou les premiers cas est majeur. Cette alerte peut être assurée selon des scénarios divers : soit par une autorité ou un service tel que l'INVS, soit par un service d'urgence tel le Samu, ou bien encore par un médecin généraliste repérant une pathologie inhabituelle, un laboratoire isolant quantitativement ou qualitativement un agent infectieux inhabituel, par un hôpital enfin. • Le système tel que défini actuellement repose sur des hôpitaux référents, répartis dans les zones de défense françaises. Les référents sont a priori des CHU comportant un service des maladies infectieuses et tropicales -les sept zones françaises comportent un ou deux centres référents. Ils ont pour rôle d'organiser l'ensemble de la prise en charge des problèmes infectieux en termes de gestion, de conseil, de coordination, en assurant la formation, l'information, les diagnostics microbiologiques, l'isolement et les traitements s'ils existent des sujets malades. En fonction des circonstances, tenant compte des nombres de sujets concernés d'autres structures peuvent être activées sous la responsabilité du centre référent : divers services de l'hôpital référent, autres services de maladies infectieuses, autres CHU, autres structures hospitalières. Les centres doivent être recensés et posséder des possibilités d'isolement jugées satisfaisantes. Toutes ces structures doivent donc être techniquement équipées en conséquence, à des degrés divers (chambre d'isolement, sas, installation de pression négative). • Dès l'alerte lancée, vérification faite de l'exactitude des faits, se mettent en place les cellules de crise -cellule centrale au niveau des tutelles, ministre de la santé notamment, cellule locale dans le centre référent. Participent à cette cellule de crise toute personne médicale, paramédicale, administrative jugée utile au bon fonctionnement de la gestion de crise ; • les transferts sont organisés avec l'aide des Samu, toute personne suspecte pouvant faire appel au 15 pour obtenir son transfert vers le centre où elle sera accueillie et isolée ; • les laboratoires hospitaliers ont pour mission de « techniquer » dans des conditions de sécurité les prélèvements nécessaires aux confirmations diagnostiques ; • au niveau de l'hôpital référent, ou délégué pour accueillir, devront être prévus des mesures d'accueil pour éviter tout phénomène de panique ou d'émeute. Des circuits doivent être prévus, organisés et indiqués clairement. Le but est d'assurer un accueil d'emblée dans le service d'isolement, les urgences devant être le plus possible préservées, mais également prêtes à recevoir des sujets, le personnel étant protégé. • les moyens de protections doivent être fournis au personnel, dès l'accueil et pour tous ceux amenés à approcher le malade ou suspect. Le port de masque de type FFP2, avec une casaque, des gants, des bottes ou surchaussures, un couvre-chef, des lunettes suffisent largement à assurer la protection efficace souhaitée ; • les chambres peuvent être soit des chambres strictes d'isolement, avec sas, existence d'une pression négative. Sinon des chambres isolées, avec sas peuvent tout à fait suffire, surtout lorsque le nombre de sujets à hospitaliser devient plus élevé. Le troisième niveau d'isolement est plus simple, réduit à une chambre permettant une fermeture de qualité ; • l'hôpital peut alors être amené à réorganiser ses activités non urgentes (chirurgie programmée par exemple) en fonction des nécessités induites par l'épidémie. Des systèmes d'accueil des personnes inquiètes ou chez qui une prophylaxie doit être proposée doivent être mis en place : local dédié pour vacciner ou distribuer des anti-infectieux (antibiotiques). Ce type de prise en charge peut aussi être effectué hors de l'hôpital, dans des structures préalablement listées. Tout ceci pourrait fonctionner éventuellement avec l'aide des forces de l'ordre si le nombre de sujets concernés l'imposait ; • dans le secteur d'isolement, les malades sont pris en charge pour être isolés et traités. Le moins d'examens possible doit être fait. Les prélèvements sont réalisés et conditionnés pour être protégés pendant leur transport. Les laboratoires sont informés, le personnel technique et les prélèvements protégés selon les modalités définies dans chaque structure hospitalière. Les transferts en radiologie ne se feront que si nécessaire, à des horaires prévus pour réduire les risques de contagion et en assurant une désinfection ; • doit aussi être assuré un accueil en réanimation dans une unité dédiée, à déterminer selon les possibilités des établissements. De même l'accueil pédiatrique doit pouvoir se faire dans une unité pédiatrique préalablement repérée, activée et munie des mêmes conditions d'isolement ; • l'hôpital référant doit de plus veiller à l'organisation de la formation de ses personnels, à l'information à tout niveau (hôpital, média), à l'établissement et à la diffusion des consignes nécessaires ; • enfin, les circuits des déchets et leurs destructions doivent être prévus et finalisés selon les normes dites DASRI ; • la gestion des sujets décédés est également définie : mise en bière immédiate, double cercueil, prévision de lieux de réception de ceux-ci, si des décès en nombre survenaient ; • sont associées à ces moyens d'autres mesures mises en place par les autorités sanitaires : outre la surveillance et les enquêtes immédiatement diligentées, peuvent être nécessaires : les contrôles aux frontières avec des informations aux voyageurs, le recueil des identités assurant une traçabilité, la mise en quarantaine de sujets contacts avec leur surveillance parfaitement définie et organisée ; Telles sont schématiquement les principales modalités qui permettent la gestion du risque infectieux. Le schéma se doit d'être souple, adaptable, modulable selon le type d'épidémie, sa gravité, son potentiel d'extension, ses modalités de contamination, les possibilités de contrôle, vaccinaux, antiinfectieux en particulier. Éventuellement déclenché sur un mode très rigoureux au début, il peut être allégé si nécessaire en fonction des précisions microbiologiques apportées ou de tout élément important émanant des contrôles et des surveillances instituées sur le plan national et international. Les classiques de la médecine Editions l'archipel Paris United states smallpox response plans: a commentary from the bioterrorism taskforce (Bichat) perspective. Eurosurveillance Bioterrorisme in bioterrorisme À propos des maladies infectieuses Syndrome respiratoire aigu sévère (sras) : une épidémie singulière de pneumonie virale