key: cord-0787925-hn4cpmef authors: Maalouf, J. title: Une philosophie de la survie au temps de la pandémie date: 2021-02-19 journal: Ethique Sante DOI: 10.1016/j.etiqe.2021.01.001 sha: facacbfa7f4ef8c9e1e6af70579c7adda82e16f5 doc_id: 787925 cord_uid: hn4cpmef In medical practice, the concept of survival is reduced to a quantitative approach related to the patient's sameness. A philosophical refoundation of this concept, within the framework of the current contributions of the Covid-19 pandemic narratives and of Ricœurian hermeneutics, allows the development of survival-ipse. This is the hyperbolic force of refiguration of the living-dead human being. This excess of survival is, within the illness and the pandemic, the source of health and not its effect. The role of care is to constantly reactivate it. Le concept médical de survie est défini statistiquement en rapport avec la « quantité de vie » qui reste pour le patient. Il est lié au pourcentage de patients qui vivront encore un temps chronologique déterminé après la maladie (a posteriori) ou avant la mort (a priori). Il répond à la question « combien vivre ? » et relève d'une prédication de la mort comme fin de la vie. La thérapie vise à augmenter ce temps. Le concept socio-psychologique de survie est corrélé à l'adaptation au stress ou à la résilience, c'est-à-dire à la capacité personnelle de résister et de rebondir après une crise. Il répond à la question « comment vivre ? ». Il transfère, dans le domaine psychologique, le conceptévolutif et darwinien de la survie de l'espèce par la sélection naturelle. Il est alors en rapport avec la conservation, l'adaptation et le maintien de l'individu. Le conceptéthique de survie répond à la question téléologique « pourquoi ou en vue de quoi vivre ? ». Il est corrélé à la notion de la « qualité de vie » comme visée de la vie bonne. Permanence d'une identité-idem dans le temps chronologique qui fuit, endurance et résistance au vécu du temps qui « mord » d'une identité-ipse, ou consistance de l'instant de la décision d'une identitééthique devant la mort qui « rampe » : la survie implique toujours un « plus de vie » dans le temps identitaire, narratif et historique. Les narrations de la pandémie du Covid-19 remettent en relief la question de la survie d'une manière aiguë. D'un côté, les récits de survie rappellent et réactivent les concepts médical, psychologique etéthique et montrent leur actualité. Mais d'un autre côté, le confinement joue un rôle d'époché -de suspension, de parenthèse -et une motivation pour philosopher [1] . Il appelle l'identité en crise à une distanciation de soi, à un vécu individuel intensionnel et à la visée d'une profondeur relationnelle de la vie. Le « plus de vie » ne relève plus d'une herméneutique réductrice médicale, psychologique ouéthique, mais il remonte, dans l'enracinement primordial de la vie, à travers une herméneutique amplificatrice de sens, à la vie comme accomplissement, avènement etépanouissement de soi. Dans une perspective anthropologique, existentielle et ontologique, et d'une manière plus affirmative et insistante, la survie donne à penser non seulement l'« en dépit de » et l' « à travers » la maladie, mais plutôt le « combien plus » et l'« au-delà » de la santé. Dans une première partie, la phénoménologie de la survie au temps de la pandémie et du confinement permet de construire un concept de survie hyperbolique, au-delà de la vie et de la mort. Dans une seconde partie, la survie est développée comme la force hyperbolique de refiguration de l'homme vivant-mort 1 . Elle constitue la source de la santé narrative de la personne à travers son identité survivante. La pandémie joue le rôle d'une plateforme critique de l'identité personnelle. Elle suscite plusieurs questions identitaires qui constituent des passages maïeutiques pour la « re-con-naissance » de soi. Ces questions concernent à la fois le malade avec une atteinte légère ou moyenne de Covid-19, la personne obligatoirement confinée à cause du contact avec un porteur du virus, ou ceux et celles qui trouvent leur dimension relationnelle et sociale se restreindre à des degrés différents. Durant la pandémie, la vie personnelle manifeste une tension entre une temporalité identitaire orientée vers l'avenir, vers le passé ou vers le présent, et une temporalité du soi ancrée dans l'instant de la décision. D'un côté, l'individu porte, dans son existence quotidienne, le fardeau du virus, de sa propagation et de toutes ses conséquences. Il vit le risque de la contagion imminente et la peur d'un futur de maladie, de mort, mais aussi d'instabilitééconomicopolitique. Affecté par le passé d'un virus qui passe et ne cesse de passer, et venant dans un avenir qui ne cesse d'advenir, il se présente et se représente dans un présent effervescent. Ce présent se rétrécit par carence de possibilités futures, s'obscurcit par manque d'espérance et s'alourdit par l'excès de la pesanteur virale déjà à l'oeuvre depuis un certain temps. Comment survivre à une telle temporalité affectée par le virus ? Quelle dimension temporelle de la survie pourrait-elle relancer la personne dans son affirmation identitaire et dans son existence ? Survivre, c'est sauter dans l'épaisseur de l'instant. Selon Sören Kierkegaard, l'instant est le contact du temps avec l'éternité. Il est « l'atome de l'éternité [. . .] le premier reflet de l'éternité dans le temps, et pour ainsi dire sa première tentative d'arrêter le temps » [2] . Le philosophe danois précise que l'instant « est décisif et plein d'éternité. Un tel instant doit avoir un nom spécial [. . .] plénitude du temps » [3] . C'est le temps de la « nouvelle naissance » [4] . Survivre, c'est accomplir une décision instantanée. Selon Martin Heidegger, ce « choix du choix » est fondé ontologiquement dans la « résolution devançante » face à la mort [5] , comme « maintien de soi-même » [6] . Au temps de la pandémie, nous sommes vulnérables et nous le sommes encore davantage : fragiles, exposés, susceptibles, dénudés, affectés, souffrants, enfermés, otages d'un autre [7] , l'autre comme virus. Cette vulnérabilité de la finitude constitutive de la survie est négative et régressive dans son envers. Mais dans son endroit, elle pourrait devenir positive, constructive, performatrice, réceptive, vigilante et ouverte à un infini qui vient en se retirant, à ce possible identitaire qui structure l'ipséité comme fidélité à une promesse, selon Paul Ricoeur [8] . L'identité n'est plus alors la victime passive d'une emprise de cet autre viral et de son imposition. La déprise identitaire relève plutôt d'une fécondité maïeutique au sein des douleurs de l'accouchement du soi. L'autre viral me rend vulnérable et, dans ma vulnérabilité, soi-même devient un autre : c'est ma survie. Le vécu de la pandémie est dominé par l'expérience de l'impuissance. Il s'agit d'une impuissance existentielle du malade et de la personne confinée, d'une impuissance scientifique et professionnelle du système médical, d'une impuissance socio-politique d'organisation et de sécurité sanitaire, et d'une impuissanceéconomique due aux effets néfastes du confinement. Face à cette perte du pouvoir en face des circonstances débordantes, se consolide en creux le pouvoir-être soi-même comme résolution anticipante de la mort [9] , ou le souci de soi au sein du dispositif politique mais aussi viral [10] . Ce qui est alors en question n'est plus seulement l'élimination de la maladie, mais aussi et surtout l'auto-transcendance du soi en dépit du problème. La question de l'intégralité du soi est alors posée de front, au sein de la dispersion identitaire et de l'« interruption biographique » [11] . Survivre, c'est pouvoir-être soi-même dans le creux d'une vie impuissante qui se retire et s'invagine, c'est s'auto-transcender dans l'immanence d'une finitude qui s'alourdit. Face à la mort imminente qui s'infiltre et se répand, l'appel à la vie rebondit, s'amplifie et devient exponentiel. La visée identitaire est alors articulée avec unélan vers l'essentiel. La pandémie constitue ainsi, en creux, uneépoché et une motivation pour philosopher [1] . Le saut de la décision instantanée et vulnérable comme pouvoir-être soi-même dans la finitude assumée devient alors un sursaut dans l'essentiel. Nous passons de la dynamique de l'accessoire et de l'éphémère à la quête de ce qui reste dans la vie qui nous reste, à la recherche de l'infini dans la finitude, de l'absolu dans le relatif et le contingent, de l'ouverture dans tout ce qui ferme et nous referme. Si la pandémie implique un déracinement à plusieurs niveaux, l'enracinement identitaire en profondeur est encore possible [12] . Survivre, c'est s'enraciner dans l'essentiel et sursauter dans l'absolu au creux de la finitude. Survivre, c'est vivre au centre immobile du cercle, de l'éternel retour, de la répétition. La « vie plus que la vie », la survie virtuelle, spectrale et l'élargissement de la chair Dans l'actualité de la pandémie, la question du numérique est mise en relief d'une façon urgente et nécessaire. Elle concerne les diverses manifestations de la vie quotidienne : communication, travail, enseignement et apprentissage, soin médical, etc. La survie virtuelle implique ainsi uń elargissement de la notion du corps propre ou de la chair qui s'étend et s'allonge par-delà la surface corporelle vers des horizons plus larges et plus universels. Jacques Derrida a défini la survie comme « un plus de vie », surtout comme une survivance à travers la structure testamentaire de l'écriture. La survie est ainsi une dimension structurale et originaire qui constitue l'existence [32] . Elle se rapporte à la question de l'héritage, de la trace et du témoignage. L'écrivain survit dans la traceécrite qu'il laisse et qui témoigne de son existence identitaire et vécue. Les lecteurs héritent de son testamentécrit qui constitue un pont entre la vie et la mort. Il n'est pas tout à fait mort puisqu'il vit encore dans et à travers l'économie de sonécriture. Il n'est pas tout à fait vivant puisqu'il est soit décédé, soit confronté, dans le texte de sa vie quotidienne, à de multiples formes de mort. La survie se situe ainsi audelà de la vie et de la mort, dans un entre-deux, et elle est liée à la contamination de la vie par l'économie de la mort. En sursis, « comme complication de l'opposition vie/mort [. . .] affirmation inconditionnelle de la vie » [33] , elle est le signe d'une différance 2 au sein de la répétition de la finitude du même. Cette différence implique une approche spectrale de la vie. C'est pour cela que la survie est un fond sans fond, sans fondation ni origine absolue, donc elle est supplément etécriture. L'homme est sans cesse différé dans le temps, par rapport à lui-même et par rapport au monde qui l'entoure et le constitue. L'absence de contemporanéité du présent vivant aboutit à une anachronie constituante. Celle-ci ne peut être abordée que par la logique du fantasme ou du spectre qui remet en question toute médiation entre l'idéal et le réel, et invite à rester sur les bords, dans les marges et les parages, dans le « blanc » de la page. L'homme est ainsi toujours en quête, en questionnement continu, dans l'entre-deux et sans repère fixe. Il survit dans l'écriture fictive et imaginaire, voire virtuelle. Ses concepts ne sont que des constructions multiples etévolutives desquels la vie ne cesse d'échapper. J. Derrida affirme : « La survivance, c'est la vie au-delà de la vie, la vie plus que la vie, et le discours que je tiens n'est pas mortifère, au contraire, c'est l'affirmation d'un vivant qui préfère le vivre et donc le survivre à la mort, car la survie, ce n'est pas simplement ce qui reste, c'est la vie la plus intense possible » [33] . Le confinement est une limite dans le double sens du terme : borne et frontière. D'un côté, la relation à autrui se trouve réduite avec la distanciation sociale ou l'isolement. En plus, le port du masque aliène l'identité. L'autre comme visage s'éloigne et ne s'impose plus face à la résistance sanitaire du soi en recherche de prévention et de protection. D'un autre côté, cetéloignement habituel de l'altérité réactive l'exposition du soi à autrui et sa patience [34] , le pressentiment de la venue de l'autre [35] , le charme d'autrui [36] , l'autre comme mystère plutôt que problème [37] . Il suscite l'émerveillement relationnel. « Comme si c'est la première fois » : voilà la survie de l'identité altérée par un autre qui vient en se retirant. La pandémie marque le passage de la désintégration socioeconomique et politique à la solidarité et à la compassion. La survie est ainsi corporative, collaborative et coopérative. La vie lie ce que la mort délie et retisse ce que la mort déchire. Cette vie circule en réseau. Elle est plurielle comme une nappe souterraine qui ne cesse de déborder à travers les 2 La « différance » (avec un « a », ce qui se lit mais ne s'entend pas) est un concept derridien de la philosophie de la déconstruction qui vise àébranler toute fondation métaphysique et à maintenir une approche plurielle et fragmentaire. Le verbe différer possède ici le double sens de retarder (temps mort) et de différencier (temps de vie). Il s'agit d'une part, de laisser les problèmes ouverts et soumis à un questionnement incessant. D'autre part, il s'agit de dévoiler lesécarts dissimulés dans les traditions culturelles afin de conserver l'originalité de chacune d'elles. gestes d'échange. Survivre, c'est laisser la vie déborder par ses trous, par ses lieux de souffrance, de maladie et de mort. Les récits de la pandémie révèlent un concept de survie qui ne se limite pas à garder la vie, à la conserver, à la maintenir et à la continuer. La survie relève plutôt de la démesure, de l'excès, de l'hyperbole, de l'infini, du plus, de l'excédent, du supplément, du surplus, du surcroît, de l'utopie, etc. C'est un style de vie en profondeur qui célèbre la vie et vise sonépanouissement malgré et en dépit de la mort qui la traverse. Il s'agit d'une action, d'une initiative, d'une spontanéité plutôt que d'une réaction ou d'une adaptation. Survivre, c'est se retourner comme l'enfant qui ne vit ni ne meurt mais survit, c'est jouer la vie dans l'épaisseur de l'instant, en transgressant les règles du jeu. L'éthique du survivre est celle du mieux vivre, de vivre plus intensément, plus intentionnellement, plus profondément. La survie est l'en-vie en tant que déploiement, développement et accomplissement de la vie. Cette approche hyperbolique de la survie nécessite une conceptualisation en rapport avec l'identité et avec la santé. La question : « qui survit ? » se rapporte, d'un côté, à l'ipséité de l'homme vivant-mort et, d'un autre côté, elle appartient à une philosophie herméneutique et narrative de la santé. La réponse à la question : « qui survit ? » nous emmène, à travers l'herméneutique ricoeurienne, à la distinction entre l'identité-idem ou la mêmeté structurée par le caractère, l'identification-à, la permanence dans le temps, et l'identité-ipse ou l'ipséité comme fidélité à une promesse et changement dans le temps [38] . L'identité narrative, synthèse fragile et médiatrice de leur dialectique, est déployée selon la triple mimésis ricoeurienne : la préfiguration du temps dans les expériences vécues (se situer en amont du texte de la vie), la configuration et la mise en intrigue comme synthèse de l'hétérogène et concordance discordante (se situer dans le texte de la vie), et la refiguration de l'identité par fusion du monde du texte et du monde du lecteur (se situer en aval du texte de la vie) [39] . L'arc herméneutique qui soutient ces trois moments interprétatifs, va d'une compréhension superficielle et naïve du texte de la vie, en passant par l'explication scientifique, pour aboutir finalement à une compréhension plus profonde et critique. Cette dernière s'accomplit dans la compréhension de soi : « Se comprendre, pour le lecteur, c'est se comprendre devant le texte et recevoir de lui les conditions d'émergence d'un soi autre que le moi, et que suscite la lecture » [40] . L'approche de la survie, à partir de cette plateforme conceptuelle, herméneutique et phénoménologique narrative, permet d'élaborer un concept médiateur de survie narrative, entre la survie-idem et la survie-ipse. La survieidem, survie de l'identité comme mêmeté, correspond à la conservation et à l'adaptation, et peut êtreétudiée d'une manière quantitative et statistique. La survie-ipse, survie de l'ipséité, est structurée par l'hyperbole de la fidélité à une promesse de vie infinie, excessive, débordante et epanouissante. Elle est tissée par la démesure d'un horizon de possibles, par l'intelligibilité de l'espérance (intellectus spei) [41] . Cette distinction rappelle la différenciation opérée par Walter Benjamin entre Überleben comme survie qui se base sur le passé, sur ce qui reste, et Fortleben comme survie qui se rapporte à l'avenir, au vivre vers l'avant [42] . La survie narrative de l'homme vivant-mort, comme elle se raconte dans les récits de la pandémie, est corrélée à une identité narrative qui se cherche au sein de la crise. Elle tient à une identité fragile et instable qui ne cesse d'osciller entre le recouvrement de l'ipse par l'idem ou de l'idem par l'ipse. Mais au sein de cette vulnérabilité, la survie narrative demeure une force de refiguration identitaire qui déplace sans cesse l'idem vers l'ipse. C'est à cause de cette survivance, de cette force de vivre qui tient, soutient, maintient et entretient l'identité que la refiguration hyperbolique est possible, même si l'identité narrative qui en résulte reste fragile. Il ne s'agit pas d'« une montagne qui accouche d'une souris », mais d'une source qui ne cesse de jaillir (pour le dire comme F. Nietzsche). La démesure de la survie sous-jacente à l'identité narrative, par-delà toute mesure, déclenche, pousse, motive, sollicite l'initiative personnelle à un davantage, à un plus de vie. Elle « jette » l'identité « au-delà » et d'une manièreélevée et intense -selon l'étymologie grecque du mot hyperbole -mais, à chaque fois, dans une parabole identitaire, limitée et restreinte qui, pourtant, donne à penser. La refiguration identitaire devient ainsi une hyperfiguration et même une métafiguration. Si la survie est comme une force hyperbolique de refiguration de l'homme vivant-mort, comment se rapportera-t-elle au concept de santé ? Quelles seront les conditions de son application pratique dans le monde médical ? La survie est le fond et la source de la santé et non pas son but, sa fin ou sa conséquence. C'est parce que je survis que je suis sain et non pas l'inverse. Le « parce que » qui relie la santé à la survie n'est pas tout à fait à connotation causale. Le concept de « fond » développe le lien entre les deux selon quatre dimensions articulées ensemble : il est abordé à la fois comme motivation, fondement, structure etémergence. D'abord, la santé est motivée par la survie. C'est la force de survie qui met en mouvement le processus sanitaire à la fois individuel et collectif. La mobilisation mondiale face à la pandémie ne vise pas seulement la protection et la recherche d'un vaccin, mais aussi la santé comme bien-être au sein du confinement. Ensuite, la survie est la fondation, le fondement de la santé. C'est l'homme vivant-mort, survivant, dans le sens derridien, qui peut être sain. À la base de la santé, « il y a » un fond sans fond, une identité de la différance, toujours fuyante, où l'homme est pris sans cesse entre la vie et la mort, entre la plénitude et le manque, entre le bien-être et le mal-être, etc. La pandémie révèle cette fragilité constitutive de l'être humain. Un petit virus fait trembler la planète. Cela nous rapproche de la troisième conception où la survie structure la santé. Dans son ouvrage L'homme faillible [43] , P. Ricoeur montre comment l'être humain est tiraillé structurellement et dialectique-ment entre les deux pôles du fini et de l'infini, au niveau du connaître, de l'agir et du sentir, c'est-à-dire globalement au niveau du vivre. Dans cette optique, la survie narrative constitue la médiation imparfaite entre l'infinitude de la vie (la survie-ipse) et la finitude de la mort (la survie-idem). Quelle que soit la définition donnée à la santé, elle ne peut que répondre à la question : « la santé de qui ? (de qui vit ? de qui survit ?) ». Elle se rapporte ainsi implicitement à l'identité survivante. Dans la pandémie, l'assimilation des récits de santé (et de maladie) à des récits de survie est fréquente. Par exemple, à la question : « comment vastu ? », plusieurs répondent : « je survis ». Enfin, la santé est une figure de survie. La notion d'émergence ou de jaillissement de la vie en santé fut déjà abordée par F. Nietzsche (cf. ci-dessus). La gradualité de la santé est alors rapportée au déploiement de cette force hyperbolique de refiguration de l'homme faillible et malade. Selon cette perspective et dans sa conception large, le soin a pour rôle la réactivation, le suscitement et le déploiement de la survie en vue de la santé identitaire. Soigner, c'est reconnaître la survie effervescente au sein de la maladie et de la souffrance, c'est naître de nouveau avec et dans la vie qui surabonde des fissures de la crise. L'autosoin, favorisé et suppléé par le soin des professionnels de la médecine, est structuré originairement dans l'initiative [44] , dans le « je peux » fondamental, comme pouvoir-être soi-même et souci [9] . Mais le « je peux » est en circularité herméneutique avec sa source et son fondement, le « je vis ». Je vis donc je peux et vice versa : l'entrée dans ce cercle génère le « je survis ». Cette structure originaire de la survie rejoint la volonté de vivre nietzschéenne. Mais l'identité survivante reste une identité revenante, selon 20-40. H. Carel, Illness, phenomenology, and philosophical method Simple réflexion psychologique pour servir d'introduction au problème dogmatique du péché héréditaire (par Vigilius Haufniensis) Éditions de l'Orante Éditions de l'Orante Être et temps. Traduit par E. Martineau. Éd. hors commerce. Paris: Authentica Être et temps. Traduit par E. Martineau. Éd. hors commerce. Paris: Authentica Autrement qu'être ou au-delà de l'essence. La Haye: Kluwer Academic, Martinus Nijhoff Soi-même comme un autre. Paris: Seuil, coll. L'ordre philosophique Être et temps. Traduit par E. Martineau. Éd. hors commerce. Paris: Authentica Histoire de la sexualité, tome 3. Paris: nrf-Gallimard Illness narratives: fact or fiction? Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain. Paris: nrf-Gallimard Un livre pour esprits libres, tome I. Traduit par R. Rovini. Paris: Gallimard, coll. Folio/essais 77 Traduit par R. Rovini. Paris: Gallimard, coll. Folio/essais 78 Traduit par A. Vialatte, 1950, nrf-Gallimard, coll Union Générale d'Éditions, coll. 10/18; Paris, 78-79. F. Nietzsche F, Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre qui est pour tous et qui n'est pour personne Un livre qui est pour tous et qui n'est pour personne Union Générale d'Éditions, coll. 10/18; 1988, 29, 59. F. Nietzsche F, Le Gai savoir. Traduit par A. Vialatte, 1950, nrf-Gallimard, coll Un livre qui est pour tous et qui n'est pour personne Traduit par A. Vialatte. Paris: nrf-Gallimard, coll Traduit par A. Vialatte. Paris: nrf-Gallimard, coll De l'utilité et des inconvénients desétudes historiques Traduit par A. Vialatte, 1950, nrf-Gallimard, coll La généalogie de la morale Traduit par A. Vialatte Traduit par A. Vialatte. Paris: nrf-Gallimard Traduit par A. Vialatte. Paris: nrf-Gallimard Traduit par A. Vialatte. Paris: nrf-Gallimard Traduit par A. Vialatte. Paris: nrf-Gallimard, coll Idées 210; 1949, § 20, 138. F. Nietzsche, La généalogie de la morale Man's Search for Meaning. An Introduction to Logotherapy The Will to Meaning. Foundations and Applications of Logotherapy Man's Search for Meaning. An Introduction to Logotherapy Man's Search for Meaning. An Introduction to Logotherapy Spectres de Marx. L'État de la dette, le travail du deuil et la nouvelle Internationale Apprendre à vivre enfin. Entretien avec Jean Birnbaum. Paris: Galilée Essai sur l'extériorité. La Haye: Kluwer Academic, Martinus Nijhoff Apports à la philosophie (de l'avenance) Temps et récit, tome 3 : Le temps raconté Soi-même comme un autre, 1990, Seuil, coll. L'ordre philosophique Temps et récit, tome 2 : La configuration du temps dans le récit de fiction ETIQE-581 Éthique et santé xxx (xxxx) xxx-xxx Temps et récit, tome 3: Le temps raconté, 1985, Seuil, coll. L'ordre philosophique Du texte à l'action. Essais d'herméneutique, tome 2 Présentation et traduction par F Écrits et conférences 3. Anthropologie philosophique. Textes rassemblés,établis, annotés et présentés par J. Michel et J. Porée. Paris: Seuil, coll. La couleur des idées Die Aufgabe des Übersetzers Philosophie de la volonté, tome 2 : Finitude et culpabilité, livre I. L'homme faillible. Paris: Aubier/Éditions Montaigne, coll. Philosophie de l'esprit Du texte à l'action. Essais d'herméneutique, tome 2, 1986, Seuil, coll. Esprit; Paris, 261-277. P. Ricoeur, Soi-même comme un autre. Paris: Seuil, coll. L'ordre philosophique