key: cord-0786689-ctbjc7dq authors: Joboory, Samantha Al; Monello, Florence; Bouchard, Jean-Pierre title: PSYCOVID-19, dispositif de soutien psychologique dans les champs de la santé mentale, du somatique et du médico-social date: 2020-06-25 journal: Ann Med Psychol (Paris) DOI: 10.1016/j.amp.2020.06.008 sha: e4aef90a1babcc95d8c96acd54bceacc4e772171 doc_id: 786689 cord_uid: ctbjc7dq Résumé Au mois de décembre 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recense les premiers cas d’une maladie infectieuse apparue en Chine en novembre de la même année. Générée par le nouveau coronavirus SARS-CoV2, elle est nommée COVID-19 pour COronaVirus Infectious Disease 2019. Rapidement, la diffusion de cette maladie inconnue a un retentissement planétaire : la contagiosité du virus est extrêmement importante et les suites sont potentiellement mortelles. En France, la population réagit initialement avec incrédulité, jusqu’à ce que la maladie atteigne l’Europe et que les premiers cas apparaissent sur le territoire français fin janvier 2020. Quelques semaines plus tard, le 16 mars 2020, le Président Macron déclare le pays « en guerre » contre le Covid-19. Le lendemain, la population est placée en confinement. L’activité du pays est à l’arrêt. Les écoles, les entreprises, les commerces, sont fermés. Les Français sont sidérés. Ils doivent soudainement affronter la peur : celle qu’eux ou leurs proches puissent tomber malades, celle de l’enfermement et de la restriction de libertés, celle de la précarité économique. Et surtout celle de l’inconnu. Afin de prévenir les conséquences désastreuses du séisme, des cellules d’écoute et de soutien psychologiques sont créées dans l’urgence, à l’échelon national. Elles sont destinées à soutenir le corps soignant, les malades et plus largement la population générale. Celle dédiée au département de la Gironde s’organise en quelques heures, sur le week-end du 21 mars 2020. La plateforme d’écoute COVIDPSY33 est ainsi mise en place à Bordeaux, par le Centre Hospitalier Charles Perrens, avec le soutien de l’Agence Régionale de Santé Nouvelle-Aquitaine (ARS). La cellule PSYCOVID-19 est créée de manière concomitante. Cette cellule de soutien d’aval travaille en collaboration avec la plateforme COVIDPSY33 et propose une aide psychologique à la population générale et aux soignants du secteur Bordeaux Rive Droite, Bordeaux Gare, Rives de Garonne, Rives d’Arcins et Sud Gironde. Elle couvre ainsi un territoire équivalent à environ la moitié du plus vaste département de France métropolitaine, la Gironde. Dans cet entretien, Samantha Al Joboory et Florence Monello, psychiatre et psychologue coordinatrices de PSYCOD-19, présentent ce dispositif de soutien psychologique. Abstract In December 2019 the World Health Organization (WHO) recorded the first cases of an infectious disease that appeared in China in November of the same year. Generated by the new coronavirus SARS-CoV2, it is quickly named COVID-19 for COronaVirus Infectious Disease 2019. The spread of this unknown disease will soon have worldwide consequences: the contagiousness of the virus is extremely high and potentially lethal. In France, the population initially reacted with disbelief until the disease reached Europe and the first cases appeared on French territory, at the end of January. A few weeks later, on 16 March 2020, President Macron declared the country "at war" against COVID-19. The next day the population was placed in lockdown. At the present time, the country's activity is at a standstill. Schools, businesses and shops are closed. The French citizens are astounded. They suddenly have to face fear: fear of falling ill or that a close relative may fall ill, fear of being locked up and experiencing restrictions of liberties, fear of economic precariousness. And, above all, fear of uncertainty. In order to prevent the mental consequences of this crisis, psychological support units have been created with urgency at national scale. These units are intended to support the healthcare professionals as well as the patients and more broadly, the general population.The unit responsible for the department of Gironde has been set up quickly, over the weekend of March 21, 2020. The COVIDPSY33 listening unit has thus been created in Bordeaux by the Charles Perrens Hospital with support from the AgenceRégionale de Santé Nouvelle-Aquitaine (ARS). Simultaneously, the PSYCOVID-19 unit was created. This additional unit works in collaboration with the COVIDPSY33 platform and offers psychological assistance to the general population and caregivers in the sectors of Bordeaux Rive Droite, Bordeaux Gare, Rives de Garonne, Rives d’Arcins and Sud Gironde. It thus covers an area equivalent to approximately half of Gironde, the largest department in metropolitan France. In the present interview, Samantha Al Joboory and Florence Monello, psychiatrist and psychologist coordinating PSYCOD-19, present this psychological support unit. La France, comme le monde entier, connaît une nouvelle période charnière, non pour des raisons martiales cette fois, mais en raison d'une menace bactériologique [12] . Celle-ci avait pu être déjà anticipée par des lanceurs d'alertes, tel Bill Gates en 2015, au cours d'une conférence TEDX [22] , mais également par de nombreux épidémiologistes et scientifiques, qui considéraient qu'un futur état de pandémie sévère était hautement probable à court ou moyen terme, sans pouvoir néanmoins être plus précis sur son délai d'apparition. Cette attaque virale pouvait, selon eux, résulter des conséquences catastrophiques des politiques de déforestation massive appliquées depuis des années, favorisant l'émergence de zoonoses [25, 29] . Ces alertes sont cependant restées confidentielles. Nous n'étions pas en mesure de les entendre, trop préoccupés à tenter de suivre le rythme effréné imposé par notre société de consommation. Par conséquent, nous n'étions pas préparés à aborder cette menace mortelle avec efficacité et cette dernière nous a frappés d'emblée, provoquant une onde de choc sans précédent. Pour faire face à l'état de sidération psychique et aux différentes étapes d'évolution de ce séisme, la prise en charge psychologique de nos concitoyens et de l'ensemble de nos soignants est apparue comme une évidence pour les psychiatres et les psychologues spécialisés en psychotraumatologie et en victimologie, mais également pour les autres spécialistes. Nous avons bien intégré que, déconfinement ou pas, après avoir expérimenté la vanité de nos vies humaines, celles-ci ne seraient plus jamais les mêmes. Notre rôle d'acteurs en santé mentale consiste, entre autres, à préparer nos concitoyens à ces changements radicaux. La première étape de cet ajustement est une étape de prévention primaire, à laquelle contribuent les cellules psychologiques et de soutien mises en place à la suite de l'émergence de cet événement d'ampleur. Ainsi, des plateformes d'écoute destinées à soutenir le corps soignant et la population générale se sont constituées en quelques jours, à l'échelon national [5, 7] . Celle dédiée au département de la Général de l'OMS déclare en conférence de presse l'état de pandémie. On assiste alors à des prises de mesures sans précédent, avec un confinement progressif de près de la moitié de la ou à l'aggravation d'une situation de précarité imprévue, sans perspectives de projections positives à court ou moyen terme, ce qui constitue un facteur supplémentaire de risque de décompensation [14] . Une étude a suivi 369 adultes dans 64 villes de Chine après un mois de confinement dû au contexte de pandémie actuelle. Les résultats mettent en évidence que les personnes qui avaient dû arrêter de travailler rapportaient une santé mentale et physique moins bonne, plus de désarroi et un niveau moindre de satisfaction envers la vie par rapport aux personnes qui avaient continué à se rendre à leur travail. Les personnes en télétravail avaient aussi une meilleure santé mentale par rapport à celles qui étaient au chômage [40] . La fermeture des écoles a contraint les parents à assurer eux-mêmes l'éducation scolaire Elle est destinée à répondre aux appels de la population générale, ainsi qu'à ceux des professionnels intervenant dans le champ de la santé mentale, secteur médico-social compris. Un numéro vert a été mis à la disposition de la population générale et des soignants. L'accueil par la plateforme fonctionne du lundi au vendredi de 10 à 18 heures. Des personnes formées à l'écoute (psychiatres, psychologues, infirmiers…) se chargent de prendre les premiers renseignements à l'aide d'un questionnaire établi en concertation avec les psychiatres des trois établissements. Les demandes sont ensuite réorientées vers les coordonnateurs du centre hospitalier du secteur dont la personne dépend, en fonction de son lieu de résidence. Ces mesures sont mises en place pour toute la durée de la crise que nous traversons. à ceux qui sont dans un surinvestissement face à l'épidémie, au risque de troubles anxieux, de dépression, de burn-out avec tout ce que cela peut sous-entendre de comportements palliatifs (addictions, troubles du sommeil…) ; aux personnes endeuillées qui n'ont pas pu accompagner leur proche du fait des mesures sanitaires ou qui doivent gérer seules cette perte à cause du contexte ; aux adolescents ou enfants qui vivent mal ce changement brutal de vie ; aux aidants familiaux… On peut également supposer que s'autoriser à se confier à un psychologue par téléphone, c'est déjà penser un ailleurs qui n'est parfois pas pensable pour arriver à survivre à ce confinement qui réduit notre monde perceptible. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de besoins, ni qu'il n'y en aura pas, mais seulement qu'ils ne s'expriment pas encore, ou ailleurs. On a pu remarquer que la plupart des personnes qui ont été orientées vers nous sont pour l'instant des personnes ne travaillant pas dans le domaine du soin, et ayant déjà eu des difficultés antérieures. Elles ont donc déjà une « culture » du suivi psychologique et savent que cela peut leur apporter, car elles l'ont expérimenté. Elles sont donc plus à même d'oser faire cette démarche. On note par ailleurs que les soignants ont du mal à se saisir des espaces proposés. Valorisés dans un rôle de « sauveur », ils sont parfois « contaminés » par cette image de « superhéros » qui n'a besoin de rien, excepté celui de remplir son devoir. Bien sûr ce n'est pas le cas de tous, et tous partagent la fatigue du travail acharné qu'ils mènent actuellement. Après il leur est difficile de trouver le temps de prendre soin d'eux le soir, trop fatigués pour autre chose que le sommeil… Pour l'instant, le retour que nous pouvons avoir, émanant de plusieurs plateformes, est le même : peu de soignants, et moins d'appels qu'attendu en général. Cela ne présage pas forcément de la suite, dans la mesure où les modalités de dé-confinement prévues pour le 11 mai sont encore incertaines. Or on sait que plus la durée de mise en quarantaine est longue et plus grand sera l'impact psychique, économique, professionnel et sociétal Il faut donc d'ores et déjà s'interroger sur les futures modalités de prise en charge de ces personnes, à savoir dans quel contexte et avec quels moyens Déclaration de liens d'intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Références Confinement : lettres anonymes, vols…des plus en plus de coups bas faits aux soignants Psychotraumatologie : prendre en charge les traumatismes psychiques Les traumatismes psychologiques de l'adulte (1/2). La revue de l'infirmière 2020 Les traumatismes psychologiques de l'adulte (2/2). La revue de l'infirmière 2020 Covid-19 : les dispositifs de soutien psychologique Covid-19 en Espagne : l'impact psychologique de la pandémie sur les soignants Coronavirus Prep Divides Couples: How Many Cans of Tuna Are Too Many la détresse et les questions des artisans et des commerçants Covid-19 : les soignants entre héroïsation et ostracisation. La revue de l'infirmière 2020 Covid-19: Évolution de la pandémie et panorama de l'impact psychologique de la crise sanitaire en France jusqu'au confinement Le confinement renforce les violences conjugales The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence Assurer les soins aux patients souffrant de troubles psychiques en France pendant l'épidémie a` SARS-CoV-2, L'Encéphale (2020) Déprogrammation de toute l'activité chirurgicale et médicale non urgente et des consultations au Collectif Handicap. L'alerte de 48 associations sur le sort des personnes handicapées oubliées de la pandémie de coronavirus Les violences faites aux femmes, l'autre fléau de la crise sanitaire Coronavirus en Sud Gironde : un soutien psychologique pour les soignants et les habitants Sud Gironde, l'invasion du Covid-19 souligne une fracture sociale La prochaine épidémie ? Nous ne sommes pas prêts Prise en charge des patients souffrant de pathologies psychiatriques en situation de confinement à leur domicile Covid-19 : où sont passés les AVC Covid-19 : Ce qui nous attend pourrait être encore pire Crise COVID-19 : recommandations pour les soignants et patients en santé mentale. L'Encephale Online Covid-19 : le cri d'alerte des médecins Les étapes de la propagation du virus dans le monde A SARS-like cluster of circulating bat coronaviruses shows potential for human emergence La DGS recommande-t-elle les blouses à usage unique ? Au moins 27 décès : le lourd tribut payé par les professionnels de santé A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the COVID-19 epidemic: implications and policy recommendations Le plan blanc psychologique et psychiatrique, un dispositif d'avenir pour les victimes d'événements hors normes les violences conjugales en hausse dans les pays sous confinement. RFI Les traumatismes psychologiques de l'enfant. La revue de l'infirmière Les traumatismes psychologiques de l'adolescent. La revue de l'infirmière 2020 South-Africa: challenges and successes of the Covid-19 lockdown Covid-19 en Afrique du Sud : les soignants impliqués. La revue de l'infirmière Unprecedented disruptions of lives and work Health, distress and life satisfaction of working adults in China one month into the COVID-19 outbreak