key: cord-0780292-ma6zvxow authors: Couloigner, V.; Schmerber, S.; Nicollas, R.; Coste, A.; Barry, B.; Makeieff, M.; Boudard, P.; Bequignon, E.; Morel, N.; Lescanne, E. title: COVID-19 et Chirurgie ORL date: 2020-04-22 journal: nan DOI: 10.1016/j.aforl.2020.04.009 sha: a2d3ad765a92a62f26230516e290525873e23364 doc_id: 780292 cord_uid: ma6zvxow RESUME En ORL, l’examen clinique et les gestes invasifs sur les voies respiratoires et leurs annexes exposent à la transmission directe du SARS-CoV-2 par inhalation ou projection oculaire de gouttelettes contaminées, ou indirecte manuportée ou par l’intermédiaire d’objets ou de surfaces contaminés. L’estimation d’un R0 de la Covid-19 à environ 3 a justifié de reporter les rendez-vous des consultations présentielles non urgentes et de développer la téléconsultation afin de limiter les risques d'infection par le SARS-CoV-2 des patients ou des agents de santé et de participer au respect du confinement. L’autorité sanitaire a recommandé de déprogrammer toute activité ORL chirurgicale ou médicale non urgente et sans préjudice de perte de chance pour les patients. Cette déprogrammation a eu pour objectif d’augmenter très significativement la capacité de soins critiques, prioriser l’accueil de malades de patients Covid-19, prioriser l’affectation des personnels et la mise à disposition des matériels nécessaires à leur fonctionnement, contribuer à la fluidité de l’aval des soins critiques au sein de leur établissement. Il s’agissait également de ne pas exposer les malades concernés à un risque d’exposition infectieuse. Cet article propose des orientations concernant les indications et modalités de réalisation de la chirurgie ORL et la gestion des reports d’intervention dans le contexte pandémique actuel. Il ne s’agit que de conseils de bonne pratique qui doivent naturellement être modulés dans chaque région en fonction de l’évolution de l’épidémie et des organisations préexistantes, et ce dans le cadre de concertations entre les équipes ORL, les unités opérationnelles d’hygiène et toutes les autres spécialités concernées. COVID-19 SARS-CoV-2 Signalée pour la première fois à Wuhan, en Chine, le 31 décembre 2019, la flambée de maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) constitue l'urgence de santé publique la plus importante du siècle. L'évolution internationale de l'épidémie liée notamment à la contagiosité du virus SARS-CoV-2 a rendu inéluctable l'installation d'une circulation active du virus sur le territoire et une fragilisation sans précédent des organisations sanitaires. Commune à de nombreux pays, l'une des priorités sanitaires nationale a été de limiter la transmission interhumaine, y compris parmi les soignants. Face à la circulation active du SARS-CoV-2 (phase épidémique de Covid-19), il a été recommandé en mars 2020 de déprogrammer toute activité ORL chirurgicale ou médicale non urgente, et sans préjudice de perte de chance pour les patients [2] . Cette déprogrammation a augmenté très significativement la capacité de soins critiques, priorisé l'accueil de malades de patients Covid-19, priorisé l'affectation des personnels et la mise à disposition des matériels Selon le contexte local, des procédures de prise en charge adaptées au regard des ressources disponibles définissent les modalités de réalisation et de retour des tests PCR de patients suspects [3] . Il est recommandé de maintenir la tenue des RCP d'oncologie ORL sous forme dématérialisée (visio ou téléconférence) pour ne pas retarder la prise en charge des patients et ne pas exposer au risque d'exposition infectieuse les participants à la concertation [4] . Il est recommandé d'établir un compte rendu écrit après une délibération collégiale ou une réunion de concertation pluriprofessionnelle éthique (RCPE), dès que les reports posent des questions éthiques cliniques complexes [5] . Le CNPORL propose de répondre aux questions des équipes soignantes en aidant à organiser des réunions de concertation par des moyens numériques avec son comité d'éthique (ceorl@sforl.org). En effet, ces interventions sont à haut risque de contamination car elles favorisent l'aérosolisation de SARS-CoV-2 [11, 12] . Dans le contexte pandémique actuel, les patients non testés doivent être considérés à priori comme suspects, même en l'absence de symptômes. Il est recommandé de prévoir une organisation visant à solliciter un nombre restreint de professionnels de santé autour des patients suspects, possibles ou confirmés pour limiter l'exposition et la consommation d'équipements de protection individuelle (EPI). Il est recommandé de porter l'EPI dès l'entrée au bloc opératoire. Les professionnels de santé en contact direct avec les patients doivent disposer d'une formation locale ou d'un rappel des techniques d'habillage et de déshabillage par l'équipe opérationnelle d'hygiène [2] . Il est préconisé de limiter l'accès aux praticiens les plus expérimentés et de réduire l'accès des professionnels de santé en formation et des étudiants en santé [2] . Il convient de procéder au nettoyage des surfaces du mobilier du bloc opératoire à l'aide de l'eau de Javel prête à l'emploi ou à diluer ou à l'aide de produits détergents/désinfectants virucides (norme NF EN 14476), afin de limiter la transmission du virus par manuportage [13] . Il est recommandé pour les soignants d'un patient considéré comme suspect, possible ou confirmé, les précautions complémentaires de type « air » ainsi que de type « contact » (précautions risque épidémique et biologique (REB) renforcées), selon les modalités suivantes [14, 15] : • le port d'un appareil de protection respiratoire par masque FFP2 (norme CE) ou N95 (norme US FDA) en vérifiant l'étanchéité au visage (réalisation d'un fit check19) pour tout soignant avant d'entrer dans le bloc opératoire ; • la protection de sa tenue professionnelle par une surblouse à usage unique à manches longues ; cette surblouse sera imperméable si réalisation de soins mouillants ou souillants ; • la prévention d'une éventuelle projection dans les yeux par le port systématique de lunettes de protection; • le port d'une protection complète de la chevelure (charlotte, calot couvrant, …) ; • le port de gants à usage unique reste limité aux situations de contact ou de risque de contact avec du sang, des liquides biologiques, une muqueuse ou la peau lésée ; • l'élimination de ces EPI en DASRI avant la sortie de la salle d'opération, sauf pour les lunettes et l'APR qui seront retirés après la sortie du bloc. Notons cependant qu'en cas de pénurie de masques FFP2, ceux-ci peuvent ne pas être immédiatement jetés car ils restent efficaces jusqu'à 8 heures à condition de ne pas être retirés puis remis. [16] . Il est recommandé d'observer une dynamique d'équipe avec le médecin anesthésiste et son personnel pour l'application des principes de gestion de voies aériennes du Covid-19 (intubation et extubation) et afin de détecter toute attitude ou geste à risque de contamination [12] . chirurgie bucco-pharyngée, laryngo-trachéale, endonasale, d'otologie et d'otoneurochirurgie,…) sont, comme il a été précisé ci-dessus, à haut risque de contamination [11, 12] . Il est recommandé de maintenir la ventilation en surpression et la filtration dans les blocs opératoires [13] . Selon les recommandations de pratique institutionnelles et l'évaluation du risque de contamination, il est préconisé d'associer les protections suivantes aux EPI : masque FFP2 (N95), coiffe, protection oculaire (visière), tenues imperméables à manches longues, gants [14] . D'autres installations chirurgicales spécifiques (suspension d'un champ transparent au-dessus du patient) peuvent être discutées avec l'EOH locale pour limiter la vaporisation de microfragments tissulaires contaminés. En l'absence de connaissance spécifique du risque lié au SARS-Cov-2, l'utilisation de l'électrochirurgie (monopolaire, bipolaire, radiofréquence, coblation) et du LASER doit être prudente. En effet, l'aérosolisation de particules virales dans le panache de fumée généré par ces technologies a déjà été montrée [17, 18] . • Ajuster le masque par un maintien à deux mains pour minimiser les fuites, pendant les temps de ventilation manuelle [19] • Éviter l'optiflow et la jet ventilation Chirurgie endonasale [20] • Utiliser une instrumentation limitant le risque d'aérosolisation ou vaporisation de micro fragments tissulaires contaminés par le virus. Le fraisage et l'utilisation du microdébrideur doivent être évités. • Privilégier les alternatives à la voie d'abord endonasale lorsqu'elles permettent d'éviter l'utilisation du microdébrideur : voies externes paracanthale, voie paralatéro-nasale, voie sous-labiale. Chirurgie otologique [9] • Privilégier les alternatives à la mastoïdectomie lorsqu'elles permettent d'éviter le fraisage qui risque l'aérosolisation ou vaporisation de micro-fragments tissulaires lorsqu'ils sont contaminés par un coronavirus [21, 22] J o u r n a l P r e -p r o o f Cas particulier de l'amygdalectomie et l'adénoïdectomie [10] • Les indications résiduelles de cette intervention sont les hypertrophies adénoïdoamygdaliennes majeures avec syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) sévère, en particulier chez les enfants avec un terrain particulier comme la drépanocytose avec risque de crise vaso-occlusive aggravée par le SAOS [23] . Chez l'adulte, cette chirurgie pourra être maintenue, sans endoscopie du sommeil préalable, en cas de forte probabilité de succès thérapeutique. Cette situation correspond au Stade I de la classification de Friedman qui associe une hypertrophie amygdalienne de Grade 3/4 et un score de Mallampati de Grade ½, sans d'hypertrophie de base de langue associée [24] . Dans ce cas précis, la chirurgie sera préférable à l'instauration d'un traitement par pression positive continue (PPC) car ce dernier est à risque de dissémination virale dans l'air environnant [25] . • Aucune donnée n'est actuellement disponible concernant le tropisme du SARS-Cov-2 pour l'amygdale, ni sur les risques spécifiques de contamination liés aux différentes techniques (amygdalectomies partielles ou totales) ou instruments (électrocoagulation, radiofréquence, coblation,…) utilisables pour l'amygdalectomie. De fait, il n'est pas conseillé de modifier sa technique habituelle pour cette chirurgie, en dehors du microdébrideur dont on évitera l'utilisation par analogie avec les recommandations préconisées pour la chirurgie endonasale. Les points clés de l'organisation de l'activité chirurgicale ORL en période épidémique Covid-19 sont résumés dans l'encadré 1. Les propositions de cet avis, issues d'une concertation entre la SFORL, le SNORL et le Collège sont basées sur les connaissances actuellement disponibles et sont susceptibles d'être modifiées en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques, de l'évolution de l'épidémie actuelle COVID-19. Tableau 1. Chirurgie des cancers ORL : conseils de bonne pratique au regard de l'épidémie COVID-19 (adapté d'après [7, 8] Safety Recommendations for Evaluation and Surgery of the Head and Neck During the COVID-19 Pandemic Organisation des soins hors Covid-19 -8 mars 2020 Conseils sur l'organisation des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) en cancérologie dans le contexte de l'épidémie au Covid-19 18 mars 2020 Accessible sur Contribution du CCNE à la lutte contre COVID-19 : Enjeux éthiques face à une pandémie. Accessible sur COVID-19 and the otolaryngologist -preliminary evidence-based review Consensus Français sur la pratique de la chirurgie oncologique ORL pendant la pandémie de COVID-19 ORL (SFORL) Cancérologie ORL épidémique Covid-19 : état des lieux le 25 mars 2020 Conseils de bonne pratique chirurgie otologique et oto-neurologique Conseils de bonne pratique de l'AFOP et du CNPORL 28 mars 2020 Aerosol generating procedures and risk of transmission of acute respiratory infections to healthcare workers: a systematic review Les actes invasifs ou manoeuvres au niveau de la sphère respiratoire ou ORL pouvant provoquer cette aérosolisation de particules infectantes nécessitant le port d'un masque de type FFP2 Réduction du risque de transmission par la ventilation et gestion des effluents Société française d'hygiène hospitalière SF2H : avis relatif aux mesures d'hygiène pour la prise en charge d'un patient considéré comme cas suspect, possible ou confirmé d'infection à 2019-nCoV Gestion des déchets d'activités de soins (DAS) produits au cours de l'épidémie de Covid-19 Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) : Risques biologiques. Accessible sur Is surgical smoke harmful to theater staff? a systematic review Laser-generated air contaminants from medical laser applications: a state-of-the-science review of exposure characterization, health effects, and control Covid-19 : Principes de gestion des voies aériennes Precautions for endoscopic transnasal skull base surgery during the covid-19 pandemic Polymerase chain reactionbased detection of rhinovirus, respiratory syncytial virus, and coronavirus in otitis media with effusion Detection of rhinovirus, respiratory syncytial virus, and coronavirus infections in acute otitis media by reverse transcriptase polymerase chain reaction Exacerbation of sickle cell disease by obstructive sleep apnea Clinical staging for sleep-disordered breathing Conseils de bonne pratique de l'Association Française du Sommeil en ORL (AFSORL) et de la Société Française d'ORL (SFORL) Encadré 1: Les 10 points clés de l'activité chirurgicale ORL en période épidémique Covid-19 Catégoriser les interventions en fonction de leur degré d'urgence Évaluer les risques et bénéfices de toute intervention chirurgicale ORL selon la prévalence de la COVID-19 et les conditions sanitaires régionales au regard de l'épidémie Reporter toute procédure ORL jugée non urgente et sans préjudice de perte de chance pour les patients, en accord avec les recommandations déjà émises Pour les pathologies les plus sévères, les décisions de report doivent idéalement être collégiales et notifiées avec un compte-rendu écrit. Les réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) de cancérologie doivent être maintenues sous forme non présentielle Prévoir au cas par cas, si report d'une intervention, des réévaluations intermédiaires du patient, notamment par téléconsultation Avoir recours à l'imagerie radiologique pour le suivi évolutif du patient (tumeurs, cholestéatomes…) si la chirurgie a été différée Protéger le chirurgien et le personnel de bloc opératoire en ajoutant aux précautions standard les précautions complémentaires de type « air » ainsi que de type « contact » (précautions REB renforcées), d'après les recommandations opérationnelles actualisée de la Société Française d'Hygiène Hospitalière Utiliser les recommandations COVID-19 de la Société Française d'Anesthésie Réanimation lors de l'intubation et l'extubation, et prendre toutes les précautions peri-opératoires visant à prévenir le risque d'aérosolisation de particules virales dans les actes invasifs ORL jugés à haut risque de transmission de la COVID-19, une prise en charge alternative ou un traitement médical seul Adapter l'ensemble des conseils de bonne pratique ORL de la phase la circulation active du SARS-CoV-2 (phase épidémique de Covid-19) à l'évolution des connaissances et de la prévalence de la COVID-19 en France et dans le territoire, selon la mobilisation de l