key: cord-0779288-exph92br authors: Laconi, Stéphanie; Ramaye, Dominique; Kalaitzaki, Argyroula title: Impact psychologique de la pandémie de la COVID-19: Comparaison entre des français métropolitains et de l'île de La Réunion date: 2021-01-18 journal: Encephale DOI: 10.1016/j.encep.2020.09.006 sha: b25feeba4ef4cccc041035b798578fc7b1d7891e doc_id: 779288 cord_uid: exph92br Objectifs: L’objectif principal était d’explorer et de comparer l’impact de la pandémie de la COVID-19 (stress perçu, risque et crainte perçus d’être contaminé, gravité estimée, respect du confinement, qualité de vie, qualité des relations, solitude, résilience) lors de la période de confinement dans un échantillon de français métropolitains et de l’île de La Réunion, département ultramarin le plus peuplé. Matériel et méthode : Un échantillon de 347 participants, âgés de 18 à 78 ans a répondu à un questionnaire diffusé sur Internet lors des dix derniers jours du confinement en France. L’échantillon se découpe en 227 métropolitains (M = 38,24 ; DS = 13,41 ; 13,2% d’hommes) et 120 Ultramarins réunionnais (M = 37,26 ; DS = 12,81 ; 31,7% d’hommes). Résultats: Les métropolitains, plus exposés, respectaient davantage le confinement et se sentaient plus à risque. Des scores élevés non significatifs de résilience et de qualité de vie contrastent dans l’échantillon réunionnais qui estimait par ailleurs la gravité ou la crainte similairement. Chez les métropolitains, le stress était expliqué par des variables liées à la COVID-19 (crainte, gravité, respect des mesures), la solitude et négativement par la résilience et la qualité de vie. Dans l’échantillon réunionnais, le stress était expliqué par la crainte et négativement par la résilience. Conclusions: Cette étude apporte des nouvelles données sur l’impact psychologique important de la pandémie du COVID-19 dans deux échantillons français ayant des caractéristiques différentes. Davantage de travaux pourraient mettre en avant les facteurs de protection de ces populations. Objectives: The COVID-19 pandemic raised a lot of anxiety around the world. France is composed of several overseas territories with major cultural differences but also with a different exposure to the COVID-19. Reunion Island is the most populated overseas French department, but few researches have focused on this population. Therefore, the main objective was to explore and compare the impact of the COVID-19 pandemic (perceived stress, risk and fear of being infected, severity, lockdown respect, perceived stress, quality of life, quality of relationship, loneliness, resilience) during the lockdown among residents of metropolitan France and of Reunion Island. Material and methods: A sample of 347 participants, aged from 18 to 78 (M = 37.90; DS = 13.20) replied to a questionnaire posted online during the last ten days of the lockdown in France. The sample is divided into 227 metropolitans (M = 38.24 DS = 13.41; 13.2% of men) and 120 residents of Reunion Island (M = 37.26; DS = 12.81; 31.7% of men). Resilience, loneliness and perceived stress have been assessed using validating scales while specific items have been created to assess COVID-19 impacts. Results: The majority of the total sample has been little exposed to the COVID-19, but the estimated severity was high throughout the sample. Several significant differences have been observed between overseas and metropolitans. The latter, who were more exposed, were more respectful of lockdown measures and felt more concerned about being contaminated. They also had different professional activities (work at home, stop working) since the lockdown than did the overseas sample. Non-significant higher scores of resilience and quality of life during the lockdown contrast in the overseas sample, who estimated risk, fear and severity similarly. In correlational analyses, many relationships were significant only in one sample. For example, in metropolitans the higher the loneliness, the higher the severity. In the other sample, the higher the perceived stress, the higher the respect of lockdown measures, while more metropolitans felt lonely the more they respected these measures. Regressional analysis showed different predictive variables of the scores of perceived stress and fear of being contaminated. In metropolitans, stress was explained by COVID-19 related variables (fear, severity, respect), loneliness and negatively by resilience and quality of life while in the other sample it was explained by fear of being infected and negatively by resilience. Fear of being infected was explained by risk and stress in the overseas, but also by quality of life in the metropolitan sample. Conclusions: This study brings new data on the important psychosocial impact of the COVID-19 pandemic on two French samples. Observed differences highlight a higher fear of being infected among the metropolitans who were generally more exposed. Overseas from La Réunion did not feel more spared by this risk, despite the limited number of cases since the appearance of the first case in March 11th and the end of the lockdown in May 11th. Despite exposure, our results could be explained by several cultural differences such as way of life or beliefs. Overseas life in Reunion Island might bring more resilience and less loneliness given the particular familial, social and religious functioning. Given the limits of this study and the lack of similar comparisons, more work could highlight the protective factors of these populations. La COVID-19 est une maladie infectieuse apparue en décembre 2019 et devenue pandémique en quelques mois [1] . Chez les individus atteints, exposés ou présentant des symptômes similaires, elle générerait, à travers le monde, davantage de symptômes dépressifs, anxieux et de manière générale une plus grande détresse psychologique [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] . Associée à des situations de quarantaine et d'isolement, la pandémie de la COVID-19 a certainement entraîné un plus grand sentiment de solitude [9] . Ainsi dans ces situations, l'OMS a recommandé de « gardez le moral en restant en contact avec les personnes [aimées] » [1] car la solitude imposée par le confinement de la COVID-19 augmenterait notamment l'anxiété [10] . Cette dernière serait par ailleurs négativement reliée à la résilience [11] , qui correspond à la faculté de faire à face à « des stress importants et/ou cumulés (…) des traumatismes ou des contextes à valeur traumatique » [12] , essentielle durant cette crise sanitaire [13] . Si nous envisageons cette résilience comme un processus dynamique et multifactoriel avec des adaptations significatives face à la pandémie [12] , il convient de les resituer historiquement. C'est dans un maillage de ressources sociales, familiales, économiques et religieuses que les Réunionnais, différemment des métropolitains, puisent les multiples étayages dont ils ont besoin pour faire face aux conséquences de la pandémie. La créolisation J o u r n a l P r e -p r o o f aurait permis une « forme de résilience collective faisant suite à une souffrance extrême » [14] . Contrairement à d'autres maladies chroniques à La Réunion (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers), la COVID-19 présente les traits d'une maladie nouvelle, mortelle, et incontrôlable par la personne infectée et aux caractéristiques scientifiques toujours en cours de définition. La Réunion fait déjà face à une épidémie de Dengue qui entraîne toujours des décès [15] . Ainsi, dans l'île, la représentation et le vécu de Dans l'échantillon réunionnais les variables expliquaient 27,9 % de la variance du stress perçu (F = 5,182 ; p < 0,001). La crainte d'être contaminé (β = 0,284 ; t = 3,005 ; p = 0,003) et la résilience (β = -0,238 ; t = -2,619 ; p = 0,010) étaient prédicteurs. En métropole, la variance était expliquée à 45,3 % (F = 18,016 ; p < 0,001) par la solitude (β = 0,314 ; t = 5,178 ; p < 0,001), la qualité de vie (β = -0,289 ; t = -5,342 ; p < 0,001), la résilience (β = -0,249 ; t = -4,254 ; p < 0,001), la crainte (β = 0,158 ; t = 2,886 ; p < 0,01), le respect du confinement (β = -0,154 ; t = -3,021 ; p < 0,01) et la gravité perçue (β = 0,151 ; t = 2,845 ; p < 0,01). Dans l'échantillon réunionnais, 31 % de la variance de la crainte d'être contaminé était expliquée (F = 5,853 ; p < 0,001) par le risque (β = 0,388 ; t = 4,832 ; p < 0,001) et le stress perçus (β = 0,272 ; t = 3,005 ; p < 0,01). Chez les métropolitains, la variance était expliquée à 18,2 % (F = 5,579 ; p < 0,001) par le stress (β = 0,236 ; t = 2,886 ; p < 0,001), le risque (β = 0,224 ; t = 3,545 ; p < 0,001) et la qualité de vie (β = 0,194 ; t = 2,797 ; p < 0,01). Une part importante de notre échantillon ne faisait pas directement face à la pandémie de la COVID-19, ce qui peut expliquer pourquoi les scores de stress perçu (mais également de risque et de crainte d'être contaminé) se situaient en dessous de la moyenne, tandis qu'ils étaient assez élevés concernant la gravité perçue de la crise. Des scores similaires de stress perçu ont été retrouvés dans une étude internationale en anglais et espagnol, utilisant le même outil [22] . En population générale, il apparaît que cette pandémie génère une forte anxiété, influencée notamment par l'exposition [7, 8, 22] . Le stress perçu corrélait avec plusieurs variables dans les deux échantillons (crainte, gravité, qualité de vie, qualité des relations, solitude, résilience). Chez les métropolitains, le stress était en grande partie expliqué par la solitude, et négativement par la qualité de vie et la résilience. Dans une moindre mesure, le stress perçu était expliqué par des variables liées à la COVID-19 (crainte, gravité, respect du confinement) ce qui fait sens dans cet échantillon métropolitain plus directement touché. Pourtant, bien que les métropolitains aient obtenu des scores plus élevés de stress perçu, et malgré une exposition plus importante que dans les territoires ultramarins [23] , les Réunionnais obtenaient des scores similaires concernant la crainte et la gravité estimée de cette crise. Il est vrai que dans la période confinement, l'amplification médiatique, les informations erronées ou contradictoires [10, 24, 25] ou l'identification progressive des conséquences du virus sur l'humain ont alimenté la rumeur publique. Ceci fait écho à l'épidémie du Chikungunya où « d'autres explications entrent en concurrence avec la transmission vectorielle. Et, de fait, on note la circulation de plusieurs J o u r n a l P r e -p r o o f rumeurs reprises par la presse écrite » [26] qui viennent nourrir les fantasmes et les peurs associés à la maladie [27] . Dans l'échantillon réunionnais, peu de variables expliquaient le stress perçu, si ce n'est la crainte d'être contaminé et négativement la résilience. Sans résilience, un des éléments intrinsèques de l'édifice social réunionnais, la crainte d'être contaminé et le stress perçu augmenteraient certainement ce stress. Les conséquences économiques sont aussi un facteur pouvant être associé au stress lié à la COVID-19 [7] . Outre l'exposition et la gravité estimée [7] , la situation professionnelle et notamment le télétravail et l'arrêt de travail, constitue un facteur entraînant davantage de stress [7, 8] . Dans notre étude, plus nombreux étaient les métropolitains dans ces situations, alors que les Réunionnais sont certes plus exposés aux situations de pauvreté et de précarité [28] . Bien qu'exposés et confinés différemment, cela a pu cependant renforcer la précarisation de certaines familles. n'offrent pas toujours les mêmes gages de qualité de vie en raison des mauvaises conditions de logement, notamment à La Réunion [30] , ce qui interpelle la question des inégalités sociales face au confinement. Les croyances pourraient également influencer le respect des mesures [31] . À La Réunion, le recours aux protections religieuses voire magico-religieuses est souvent une ressource. Ses filiations multiples, notamment catholiques, malgaches et hindoues peuvent entraîner la représentation de la COVID-19 comme une sanction divine qui les atteindra de toute façon, comme dans d'autres cultures pour d'autres crises, ce qui pourrait augmenter leur résilience [32] . Les comparaisons de moyennes ont montré des scores significativement plus importants de solitude en métropole, alors qu'à la Réunion les scores de résilience et de qualité de vie étaient plus élevés. L'absence de significativité n'exclut pas de s'interroger sur ce qui explique des scores plus élevés de résilience à La Réunion, qui était corrélée négativement à la solitude. Les Réunionnais ont la possibilité de puiser leurs ressources au sein de leurs relations interpersonnelles, et en étant moins isolés, présenter une meilleure santé mentale [9, 10] . Ceci converge vers les conclusions d'une autre étude sur l'importance de la résilience dans la situation actuelle [13] . Il serait intéressant de conduire une étude sur les spécificités de la Bien qu'apportant de nouvelles données, cette étude présente de nombreuses limites. Elle aurait gagné à avoir un échantillon de taille plus importante et à être plus homogène (notamment en termes de genre, de catégorie socio-professionnelle ou de niveau d'études), tout comme d'une méthode plus rigoureuse d'échantillonnage. Des analyses croisant l'âge et le genre auraient pu mettre en avant des différences plus spécifiques, tout comme il aurait été pertinent de créer des sous-groupes en fonction de l'exposition, mais ceci aurait nécessité un échantillon plus conséquent. Au vu de nos interprétations, d'autres variables auraient pu être explorées, notamment liées au mode et au lieu de vie. Évalué à la fin de la période de confinement, le stress perçu ne présentait pas la même intensité en début de crise, en début puis au cours du confinement comme le suggèrent d'autres résultats [7, 25] . Par ailleurs, certaines des variables utilisées ne sont composées que d'un item alors que certains outils, allongeant le protocole, auraient apporté plus d'informations et donné plus de poids à nos résultats. Certaines questions ne permettaient pas de faire face à toutes les situations ; par exemple certaines personnes étaient en couple mais étaient confinées seules pendant le confinement, d'autres ont dû faire face à une perte de revenus ; ce qui a certainement un impact psychosocial. Deux variables déviant de la normalité ont été ajoutées aux analyses paramétriques et ces résultats doivent donc être considérés avec précaution. Ainsi, le manque de significativité et l'absence de différences plus marquées pourraient s'expliquer en partie par la méthodologie. Cette étude apporte des données nouvelles sur l'impact psychologique de la COVID-19 à la fin de la période de confinement dans deux échantillons français présentant des caractéristiques spécifiques. Les différences observées soulignent une crainte plus importante chez les métropolitains plus exposés. Les Réunionnais ne se sentaient pas épargnés par le risque d'être contaminé malgré le nombre de cas limités à La Réunion ou l'absence de décès depuis l'apparition du premier cas le 11 mars 2020 jusqu'à la fin du confinement. Quelles seront les conséquences à moyen terme de cette pandémie sur la santé mentale déjà fragiles des Réunionnais mais aussi de millions d'individus ? Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) : questionsréponses Les professionnels de santé face à la pandémie de la maladie à coronavirus (COVID-19): quels risques pour leur santé mentale? Factors associated with mental health outcomes among health care workers exposed to Coronavirus disease 2019 Psychological effects of the COVID-19 outbreak and lockdown among students and workers of a Spanish university COVID-19 pandemic and lockdown measures impact on mental health among the general population in Italy. An N=18147 web-based survey Study of knowledge, attitude, anxiety & perceived mental healthcare need in Indian population during COVID-19 pandemic Souffrance psychique et troubles psychiatriques liés à l'épidémie de COVID-19 et difficultés de la vie en confinement : Les évaluer pour mieux agir Immediate psychological responses and associated factors during the initial stage of the 2019 coronavirus disease (covid-19) epidemic among the general population in China The impact of the COVID19 pandemic and initial period of lockdown on the mental health and wellbeing of UK adults An infectious disease pandemic and increased suicide risk Loneliness in the general population; prevalence determinants and relations to mental health Le concept de résilience et ses applications cliniques Stress resilience during the coronavirus pandemic Un miracle créole Augmentation du nombre de cas de dengue à La Réunion. Préfecture de La Réunion A global measure of perceived stress Introduction à la psychologie de la santé Collection psychologie d'aujourd'hui. Paris: Presses Universitaires de France Psychometric properties of the French Brief Resilience Scale The brief resilience scale: assessing the ability to bounce back Université Laval (ÉSUL) : validation canadienne-française du UCLA Loneliness scale The revised U.C.L.A. loneliness scale: concurrent and discriminant validity evidence Anxiety, worry and perceived stress in the world due to the COVID-19 pandemic Les territoires d'Outre-mer Impact of coronavirus outbreak on psychological health Stress, anxiety, and depression levels in the initial stage of the COVID-19 outbreak in a population sample in the northern Spain rumeur et tension : aspects de la « crise » du chikungunya dans l'espace public médiatique réunionnais Ile à peur. La peur redoutée ou récupérée à La Réunion des origines à nos jours Contribution au diagnostic territorial : quelques chiffres clés de l'Insee et d'autres organismes Les mondes créoles comme paradigme de la mondialisation Éclairage régional île de La Réunion Coronavirus : cerveau prédictif et gestion de la terreur Religious beliefs, PTSD, depression and resilience in survivors of the 2010 Haiti earthquake How health anxiety influences responses to viral outbreaks like COVID-19: what all decision-makers, health authorities, and health care professionals need to know Timely mental health care for the 2019 novel coronavirus outbreak is urgently needed