key: cord-0760573-jgdyor6d authors: Godon, Alexandre; Tacquard, Charles Ambroise; Mansour, Alexandre; Garrigue, Delphine; Nguyen, Philippe; Lasne, Dominique; Testa, Sophie; Levy, Jerrold H.; Albaladejo, Pierre; Gruel, Yves; Susen, Sophie; Godier, Anne; le GIHP, pour; GFHT, le title: Prévention du risque thromboembolique veineux et surveillance de l’hémostase chez les patients hospitalisés pour COVID-19 : propositions réactualisées (avril 2021). Groupe d’intérêt en hémostase périopératoire (GIHP) et groupe d’étude sur l’hémostase et la thrombose (GFHT) date: 2021-10-15 journal: Anesthésie & Réanimation DOI: 10.1016/j.anrea.2021.08.002 sha: fb8b070ee561367fcdd6d05368a84d89ecd16888 doc_id: 760573 cord_uid: jgdyor6d Contexte La COVID-19 est associée à un risque thromboembolique veineux élevé, en particulier chez les patients sévères. Depuis les premières propositions GIHP/GFHT publiées en avril 2020, de nouvelles connaissances sont apparues. L’objet du présent travail était de réactualiser ces propositions. Méthodes Un groupe de travail a défini sept questions et effectué une revue critique de la littérature. Les propositions ont été formulées après consensus entre les membres du groupe de travail et les autres membres du GIHP/GFHT. Résultats Chez les patients hospitalisés non sévères et certains patients ambulatoires à risque, nous suggérons l’administration d’une thromboprophylaxie à dose standard. Chez les patients sévères, nous suggérons une thromboprophylaxie à dose intermédiaire ou thérapeutique selon le taux de D-dimères et son évolution. Sept à dix jours après l’admission, nous suggérons de revenir à une dose standard pour réduire le risque hémorragique. Chez les patients présentant un très haut risque thrombotique, ayant reçu une thromboprophylaxie à dose thérapeutique, nous suggérons un dépistage systématique de la thrombose avant la désescalade. Nous suggérons d’ajuster l’anticoagulation au poids des patients. Nous suggérons un monitorage régulier des paramètres d’hémostase, incluant les D-dimères, chez les patients sévères. Nous suggérons un monitorage de l’anticoagulation à dose intermédiaire et thérapeutique par l’activité anti-Xa. Conclusion Les propositions réactualisées suivent une approche standard de la thromboprophylaxie, visant à diminuer l’incidence des évènements thromboemboliques veineux symptomatiques. Chez les patients sévères, nous proposons une stratégie séquentielle tenant compte de la relation temporelle entre le risque thrombotique et le risque hémorragique. En avril 2020, en raison du haut risque thrombotique associé à la COVID-19, le groupe d'intérêt en hémostase périopératoire (GIHP) et le groupe d'étude sur l'hémostase et la thrombose (GFHT) ont publié des propositions sur l'anticoagulation prophylactique des patients hospitalisés pour COVID-19 [1] . En février 2021, six auteurs du groupe de travail (CT, AM, AlG, AnG, SS, YG, PA) ont débuté leur réactualisation, jugée nécessaire en raison de plusieurs points : l'épidémiologie des complications thrombotiques a été décrite ; plusieurs types de traitements anticoagulants ont été rapportés, et plusieurs études rétrospectives ont suggéré qu'une anticoagulation prophylactique à dose majorée puisse être bénéfique ; initialement sous-estimées, les complications hémorragiques sont apparues comme une limite de l'anticoagulation à dose majorée, et surviennent plus tardivement que les complications thrombotiques ; les premiers résultats d'essais randomisés contrôlés de grande ampleur sur l'anticoagulation à dose majorée ont été publiés ; les traitements immunomodulateurs (corticoïdes, antagonistes du récepteur de l'IL-6) sont à présent largement utilisés, mais leur impact sur le risque thrombotique est inconnu ; malgré une amélioration du pronostic, les complications thrombotiques restent nombreuses [2] . Le groupe de travail a défini sept questions pour lesquelles une recherche bibliographique a été effectuée : Quels patients bénéficient d'une anticoagulation prophylactique à dose standard ? L'anticoagulation prophylactique doit-elle être majorée chez les patients sévères ? Quels patients pourraient bénéficier d'une anticoagulation à dose thérapeutique ? L'anticoagulation doit-elle être ajustée au poids du patient ? Quel est le risque hémorragique associé à la COVID- 19 Contexte > La COVID-19 est associée à un risque thromboembolique veineux élevé, en particulier chez les patients sévères. Depuis les premières propositions GIHP/GFHT publiées en avril 2020, de nouvelles connaissances sont apparues. L'objet du présent travail était de réactualiser ces propositions. Méthodes > Un groupe de travail a défini sept questions et effectué une revue critique de la littérature. Les propositions ont été formulées après consensus entre les membres du groupe de travail et les autres membres du GIHP/GFHT. Résultats > Chez les patients hospitalisés non sévères et certains patients ambulatoires à risque, nous suggérons l'administration d'une thromboprophylaxie à dose standard. Chez les patients sévères, nous suggérons une thromboprophylaxie à dose intermédiaire ou thérapeutique selon le taux de D-dimères et son évolution. Sept à dix jours après l'admission, nous suggérons de revenir à une dose standard pour réduire le risque hémorragique. Chez les patients présentant un très haut risque thrombotique, ayant reçu une thromboprophylaxie à dose thérapeutique, nous suggérons un dépistage systématique de la thrombose avant la désescalade. Nous suggérons d'ajuster l'anticoagulation au poids des patients. Nous suggérons un monitorage régulier des paramètres d'hémostase, incluant les D-dimères, chez les patients sévères. Nous suggérons un monitorage de l'anticoagulation à dose intermédiaire et thérapeutique par l'activité anti-Xa. Conclusion > Les propositions réactualisées suivent une approche standard de la thromboprophylaxie, visant à diminuer l'incidence des évènements thromboemboliques veineux symptomatiques. Chez les patients sévères, nous proposons une stratégie séquentielle tenant compte de la relation temporelle entre le risque thrombotique et le risque hémorragique. membres du GIHP et le 28 avril au GFHT pour relecture. Les désaccords ont été résolu ensuite par consensus au sein du groupe de travail (figure 1). Ces propositions suivent une approche standard de la thromboprophylaxie, qui vise à diminuer l'incidence des évènements thromboemboliques veineux symptomatiquesembolie pulmonaire et thrombose veineuse profondeà un taux acceptable sans trop augmenter le risque hémorragique (par exemple, un taux d'évènements à 30 jours inférieur à 5 %). Cette approche pourrait ne pas être suffisante dans le cadre de la physiopathologie associée à la COVID-19. Ces propositions sont une synthèse d'opinions basée sur un nombre limité de données et ne doivent pas être considérées comme des recommandations formelles. Patients ambulatoires L'incidence des complications thrombotiques chez les patients ambulatoires est mal connue. Chez des patients non hospitalisés et adressés à l'angioscanner thoracique par un service d'accueil des urgences (n = 72), une embolie pulmonaire était diagnostiquée sur 18 % des angioscanners, et 38 % des patients avec embolie pulmonaire présentaient une forme modérée de la COVID-19 [3] . Comme la Société française de médecine vasculaire, nous suggérons qu'une anticoagulation prophylactique à dose standard soit réservée aux patients ambulatoires à haut risque, présentant une réduction significative de la mobilité associée à un autre facteur de risque parmi : IMC > 30 kg/m 2 , âge > 70 ans, cancer actif, antécédent personnel d'évènement thromboembolique veineux, ou chirurgie majeure dans les 3 derniers mois [4] . Les patients qui nécessitent une oxygénothérapie à domicile sont à considérer comme hospitalisés. Nous suggérons pour ces patients une anticoagulation prophylactique à dose standard. Parmi les patients hospitalisés, une méta-analyse rapporte une incidence cumulée de thromboses veineuses profondes et [5] . Cette incidence est plus élevée que dans les pneumonies virales non liées à la COVID-19 : Elgendy et al. ont rapporté une incidence d'évènements thromboemboliques veineux de 1 % chez 455 629 patients hospitalisés pour pneumonie virale non COVID-19 [6] ; Stals et al. ont rapporté une incidence cumulée d'évènements thromboemboliques veineux à 30 jours de 3,6 % (IC 95 % : 2,7-4,6) dans les infections grippales contre 23 % (IC 95 % : 16-29) dans la COVID-19 [7] . Les taux rapportés de complications thrombotiques varient considérablement entre les études du fait de stratégies de screening, de types d'études (prospectives ou rétrospectives), et d'inclusions d'évènements (veineux ou artériels) différents. L'absence d'anticoagulation prophylactique est associée à une augmentation de la mortalité chez les patients COVID-19 hospitalisés [8] . Chez les patients hospitalisés non sévères, nécessitant une oxygénothérapie à 6 L/min ou moins, nous suggérons l'administration d'une thromboprophylaxie à dose standard. Chez les patients sous anticoagulant au long cours, le changement pour une anticoagulation parentérale est à envisager pour limiter les interactions médicamenteuses et permettre d'ajuster les doses si nécessaire. Chez les patients sous antivitamines K, l'INR doit être surveillé de façon rapprochée. 2) L'anticoagulation prophylactique doit-elle être majorée chez les patients sévères ? L'incidence d'évènements thromboemboliques veineux est élevée chez les patients sévères. Jimenez et al. ont rapporté une incidence de 27,9 % (IC 95 % : 22,1-34,1) chez les patients de réanimation [5] . Lors de la première vague épidémique, les patients atteints de SDRA COVID-19 présentaient davantage de complications thrombotiques que les patients atteints de SDRA non liés à la COVID-19 [9] . L'admission en réanimation et la nécessité de ventilation mécanique ont été identifiés comme facteurs de risque indépendants de thrombose dans la COVID-19 [10] . Les évènements thrombotiques sont associés de façon indépendante à la mortalité [11] . En raison de ce risque thrombotique élevé, plusieurs référentiels et sociétés savantes ont proposé d'augmenter les doses d'anticoagulation prophylactique chez les patients sévères [12, 13] . Plusieurs études rétrospectives ont suggéré qu'une anticoagulation prophylactique majorée, à une dose intermédiaire ou thérapeutique, pouvait être bénéfique chez les patients sévères [14] [15] [16] . Plusieurs essais randomisés sont en cours. L'un d'eux a récemment été publié, et un autre a présenté des résultats préliminaires. Dans l'essai INSPIRATION, une anticoagulation prophylactique à dose intermédiaire ne réduisait pas la survenue d'un critère de jugement composite (mortalité à 30 jours, nécessité d'ECMO, évènements thrombotiques) [17] . Bien que ces résultats ne soient pas en faveur d'une anticoagulation à dose majorée chez les patients COVID-19 sévères, plusieurs réserves sur l'applicabilité de ces résultats existent [18] : malgré une mortalité élevée de 42 %, la durée de séjour en réanimation était courte, de 6 jours en médiane (IQR 2-11), et seuls 20 % des patients ont bénéficié d'une ventilation invasive, soulevant la question des moyens de réanimation disponibles. Surtout, le taux d'évènements thrombotiques dans le groupe thromboprophylaxie standard était très faible, de 3,5 %, ce qui suggère que tous les évènements n'ont pas été diagnostiqués, et que le bénéfice d'une anticoagulation à dose intermédiaire a pu être sous-estimé. L'essai multiplateforme ATTAC/REMAP-CAP/ACTIV-4, toujours en cours, a stoppé l'inclusion des patients sévères le 19 décembre 2020, en raison d'une probabilité de futilité de 99,8 % concernant l'anticoagulation à dose thérapeutique sur leur critère de jugement (mortalité hospitalière et nombre de jours sans défaillances d'organe) [19] . Le choix de ce critère composite est critiquable. Chez les patients COVID-19, les défaillances d'organe sont multifactorielles. En matière de thromboprophylaxie, le critère de jugement des essais pivots est l'incidence d'évènements thromboemboliques veineux [20] [21] [22] . De façon remarquable, l'essai multiplateforme a retrouvé moins de complications thrombotiques dans le groupe anticoagulation à dose thérapeutique que dans le groupe anticoagulation à dose prophylactique (5,7 % contre 10,3 % respectivement). Parmi ce dernier, 51 % des patients ont reçu une anticoagulation à dose intermédiaire. Les complications hémorragiques majeures étaient rares (< 4 %) et comparables entre les deux groupes. Au total, ces résultats n'écartent pas un potentiel bénéfice d'une anticoagulation à dose majorée sur les complications thrombotiques chez les patients COVID-19 sévères. Nous suggérons que les patients atteints d'une forme sévère de la COVID-19, nécessitant une oxygénothérapie à plus de 6 L/min ou une ventilation mécanique, reçoivent au moins une anticoagulation prophylactique à dose intermédiaire. aux complications thrombotiques, à l'insuffisance rénale aiguë, à la défaillance respiratoire et à la mortalité [23] . Dans la cohorte CLOTVID, incluant des patients COVID hospitalisés hors réanimation, la combinaison d'un taux de D-dimères 2 mg/mL et de neutrophiles 7,0 G/L à l'admission était associée à la mortalité et aux admissions en réanimation [24] . Le taux de D-dimères semble associé aux complications thrombotiques des patients COVID-19, mais aussi à la sévérité de l'atteinte respiratoire et aux défaillances d'organe. Plusieurs études ont évalué la valeur prédictive des D-dimères pour le diagnostic des complications thrombotiques des patients COVID-19. Dans l'étude COVICLOT [15] , un taux de D-dimères > 5 mg/mL était associé à une valeur prédictive positive de 50 % pour les complications thrombotiques (données non publiées). De même, chez les patients hospitalisés, un taux de D-dimères > 5,6 mg/mL était indépendamment associé au diagnostic de maladie thromboembolique veineuse (OR 6,3 ; IC95 2,4-16,2) [25] . Chez les patients bénéficiant d'un angioscanner thoracique, un seuil de D-dimères > 5 mg/mL était associé à une valeur prédictive positive de 70 % pour le diagnostic d'embolie pulmonaire [26] . Dans une cohorte de patients non ventilés, un taux de D-dimères > 5 mg/mL à l'admission était associé à un événement thromboembolique veineux dans 46,7 % des cas [27] . Bien que des valeurs de D-dimères élevées puissent être spécifiques d'évènements thromboemboliques veineux, leur valeur prédictive positive reste faible dans des situations cliniques où l'incidence de ces évènements est faible [28] . Cependant, au cours des formes sévères de COVID-19 où l'incidence des complications thrombotiques est élevée, un taux de D-dimères > 5 mg/mL semble particulièrement associé à un haut risque thrombotique, avec une valeur prédictive positive de 40 à 50 %. La principale limitation des D-dimères réside dans la grande variabilité des résultats selon la méthode analytique utilisée [29] , pouvant justifier un ajustement des seuils diagnostiques [30, 31] . De plus, l'anticoagulation diminue significativement les taux de D-dimères [32] . La dynamique temporelle des D-dimères pourrait aussi permettre une meilleure identification des patients à haut risque de thrombose. Ainsi, une augmentation de 50 % des D-dimères est indépendamment associée au diagnostic de thrombose chez les patients COVID-19 [33] . De même, une augmentation rapide des D-dimères précède fréquemment la survenue d'un évènement thrombotique [14, 34] . Chez les patients présentant un très haut risque thrombotique, défini par un taux de D-dimères > 5 mg/mL ou une augmentation rapide des D-dimères (par exemple, une augmentation de 100 % en 24-48 h à partir d'une valeur > 2 mg/mL), nous suggérons d'initier une anticoagulation prophylactique à dose thérapeutique et de débuter une stratégie diagnostique de la thrombose. Les patients COVID-19 bénéficiant d'une assistance par ECMO (extracorporeal membrane oxygenation) représentent un sousgroupe de patients très sévères, et présentent une incidence élevée de complications thrombotiques, en particulier des thromboses de pompe et d'oxygénateur. Les données sur l'anticoagulation chez ces patients sont limitées. Chez les patients sous ECMO, nous suggérons l'utilisation d'un protocole d'anticoagulation dédié ciblant une anticoagulation à dose thérapeutique. 4 ) L'anticoagulation doit-elle être ajustée au poids du patient ? Devant la forte prévalence de l'obésité chez les patients COVID-19, en particulier en réanimation [35] , l'anticoagulation doit prendre en compte le poids ou l'IMC (indice de masse corporelle) du patient. En effet, l'ajustement de la thromboprophylaxie au poids du patient est associé à une réduction des évènements thromboemboliques chez les patients obèses non COVID-19 hospitalisés [36] . Pour l'anticoagulation à dose thérapeutique, les recommandations suggèrent d'ajuster les doses au poids réel, même si des doses maximales sont fréquemment fixées en pratique clinique [37, 38] . Bien qu'initialement peu rapporté dans la littérature, les patients COVID-19 présentent un risque hémorragique dont l'incidence globale est évaluée à 7,8 % (IC 95 % : 2,6-15,3), dont 3,9 % (IC 95 % : 1,2-7,9) de complications hémorragiques graves, sans différence notable entre les patients en hospitalisation conventionnelle et en réanimation [5] . Dans une cohorte de patients COVID-19 en réanimation, Halaby rapporte une incidence élevée de complications hémorragiques graves de 14,8 %, sans toutefois mettre en évidence de différence significative avec le risque hémorragique associé aux autres infections virales sévères (HR 1,26 ; IC 95 % : 0,86-1,86) [39] . L'exposition à une anticoagulation à dose thérapeutique pourrait induire une augmentation du risque hémorragique [5, 39] , même si celui-ci reste faible dans les études prospectives [17, 19] . En l'absence de sélection des patients, ceci pourrait Il existe une relation temporelle entre la progression de la COVID-19 et les risques thrombotiques et hémorragiques associés. L'analyse de 22 études (dont 13 incluant des patients de réanimation) à l'aide de méthodes d'estimation par quantile a mis en évidence un délai entre l'admission à l'hôpital et la survenue des complications thrombotiques de 7,0 (5,9-8,2) jours contre 11,4 (8,6-14,1) jours pour les complications hémorragiques [18] . Ces résultats sont cohérents avec les données biologiques démontrant une augmentation initiale de la génération de thrombine et une diminution de la fibrinolyse au cours de la première semaine d'hospitalisation en réanimation des patients COVID-19, ainsi qu'une normalisation secondaire accompagnant la diminution du syndrome inflammatoire biologique [40] . Le risque thrombotique semble prédominant dans les 7 à 10 jours suivant l'admission à l'hopital, tandis que le risque hémorragique augmente après cette période. Chez les patients COVID-19 en réanimation, nous suggérons une stratégie séquentielle associant une intensification de la thromboprophylaxie initiale pendant 7 à 10 jours, puis une diminution secondaire du niveau d'anticoagulation à dose prophylactique standard. 6 ) Quelle est la surveillance minimale de l'hémostase biologique chez les patients hospitalisés pour COVID-19 ? Dans le cadre de l'évaluation du risque thrombotique des patients hospitalisés, les D-dimères peuvent aider à identifier les patients atteints d'une forme sévère de la maladie, et donc ceux à haut risque thrombotique. Chez les patients sévères, nous suggérons de surveiller le taux de D-dimères toutes les 24-48 heures pendant les 7 à 10 premiers jours, période au cours de laquelle la plupart des événements thrombotiques surviennent. Initialement proposé comme marqueur du risque thrombotique chez les patients COVID-19, le taux de fibrinogène n'a pas été associé à un risque thrombotique dans la plupart des études et ne peut donc pas être utilisé pour identifier les patients à risque de thrombose [27, 41] . La numération plaquettaire, le taux de prothrombine et le taux de fibrinogène peuvent aider à diagnostiquer une thrombopénie induite par l'héparine (TIH) et une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), bien que ces conditions soient peu fréquentes chez les patients atteints de la COVID-19 [42] . La TABLEAU I Anticoagulation prophylactique (dose, posologie) selon l'indice de masse corporelle et la clairance de la créatinine CIVD est associée à un risque hémorragique accru et doit donc inciter à réduire le niveau d'anticoagulation. Le fibrinogène, élevé à la phase aiguë de la maladie, peut diminuer l'efficacité de l'héparine et entraîner une augmentation des doses nécessaires. La diminution du taux de fibrinogène peut entraîner un surdosage en héparine non fractionnée et des complications hémorragiques [43] . Chez les patients sévères, nous suggérons de surveiller ces paramètres (numération plaquettaire, temps de prothrombine, fibrinogène) fréquemment pendant la phase aiguë de la maladie, par exemple toutes les 24-72 heures. Chez les patients non sévères (oxygénothérapie 6 L/min), la numération plaquettaire doit être contrôlée une à deux fois par semaine pour détecter une TIH si l'héparine non fractionnée à dose standard est utilisée [44] . En ce qui concerne la surveillance de l'héparine non fractionnée (HNF), l'utilisation du temps de céphaline activé (TCA) peut être inappropriée en raison de l'intensité de l'état inflammatoire lié à la maladie. L'activité anti-Xa, bien qu'elle ne soit pas complètement standardisée [45] , pourrait être plus appropriée pour surveiller l'anticoagulation par HNF, car elle est moins dépendante des conditions pré-analytiques et moins vulnérable aux interférences du laboratoire [40] . La résistance à l'héparine est fréquemment observée chez les patients COVID-19 sévères [46] et est probablement due à des taux élevés de facteur VIII et de fibrinogène [47] . Dans ces conditions, le TCA est moins prolongé ou se normalise alors que l'activité de l'héparine n'est pas affectée, comme l'indique le dosage de l'anti-Xa. Ainsi, l'ajustement de la dose d'héparine en fonction du TCA pourrait entraîner un surdosage en héparine et des complications hémorragiques. Chez les patients sévères présentant un état inflammatoire intense, nous suggérons fortement que l'HNF à dose intermédiaire et thérapeutique soit surveillée par un dosage de l'activité anti-Xa. Si l'HNF est utilisée, nous suggérons un niveau cible d'anti-Xa de 0,5-0,7 UI/mL pour la dose thérapeutique. Malgré un manque de données, nous suggérons que la perfusion d'héparine soit adaptée à un niveau anti-Xa détectable sans dépasser 0,5 UI/mL pour la dose intermédiaire. L'HNF se lie de manière non spécifique aux protéines plasmatiques, ce qui entraîne un effet anticoagulant variable dans le temps, surtout en cas d'état inflammatoire intense [48] . Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) présentent un effet dose-réponse plus prévisible que l'HNF et sont préférées dans la plupart des cas. Néanmoins, les propriétés pharmacocinétiques des HBPM ne sont pas équivalentes entre elles, notamment en ce qui concerne leur élimination par le rein. Les HBPM, dont l'élimination est moins dépendante de la fonction rénale, comme la tinzaparine ou la daltéparine, peuvent être envisagées chez les patients présentant une insuffisance rénale. Chez les patients ambulatoires, la Société française de médecine vasculaire (SFMV) suggère une thromboprophylaxie à dose standard (HBPM ou fondaparinux) si des facteurs de risque sont présents, pendant 7 à 14 jours [4] . Les facteurs de risque incluent, en plus d'une réduction significative de la mobilité, un IMC > 30 kg/m 2 , un âge > 70 ans, un cancer actif, un antécédent personnel d'évènement thromboembolique veineux et une chirurgie majeure dans les trois derniers mois. Chez les patients sévères, nous suggérons une durée totale d'anticoagulation prophylactique à dose majorée (intermédiaire ou thérapeutique) de 7 à 10 jours, pour tenir compte de l'évolution temporelle de la maladie. Chez les patients à très haut risque thrombotique, sous anticoagulation prophylactique à dose thérapeutique, nous suggérons un dépistage systématique de la thrombose avant la désescalade, entre 7 et 10 jours après l'admission. Ces patients sont suspects de présenter une thrombose jusqu'à preuve du contraire. Le dépistage systématique peut inclure un angioscanner thoracique, une échographie-doppler veineux des membres inférieurs ou toute autre imagerie diagnostique disponible. En l'absence de thrombose diagnostiquée, une thromboprophylaxie à dose standard, adaptée au poids, est poursuivie pour limiter le risque thrombotique jusqu'à la sortie de l'hôpital. Si une complication thrombotique est diagnostiquée, un traitement antithrombotique approprié est initié en fonction de la localisation de la thrombose et de sa gravité. Dans ce sousgroupe de patients, un test diagnostique peut être justifié avant le 7 e jour en cas de suspicion clinique de thrombose. Dans tous les autres cas de patients hospitalisés, une thromboprophylaxie à dose standard est indiquée jusqu'à la sortie de l'hôpital. Après la sortie de l'hôpital, une thromboprophylaxie prolongée devrait être décidée au cas par cas. Le risque d'évènement thromboembolique veineux après la sortie de l'hôpital semble similaire à celui d'autres affections médicales aiguës [49] . L'âge de plus de 75 ans et les antécédents d'évènement thromboembolique veineux sont fortement associés aux complications thrombotiques après la sortie de l'hôpital [50] . Remerciements : Les auteurs remercient les membres du GIHP et du GFHT pour leur aide dans la rédaction des propositions. Membres du Groupe d'intérêt en hémostase périopératoire S. Schlumberger (Anesthésie Réanimation Prevention of thrombotic risk in hospitalized patients with COVID-19 and hemostasis monitoring Incidence of thrombotic complications and overall survival in hospitalized patients with COVID-19 in the second and first wave Acute pulmonary embolism in non-hospitalized COVID-19 patients referred to CTPA by emergency department Proposal of the French Society of Vascular Medicine for the prevention, diagnosis and treatment of venous thromboembolic disease in outpatients with COVID-19 Incidence of VTE and bleeding among hospitalized patients with Coronavirus Disease Incidence, predictors, and outcomes of thrombotic events in hospitalized patients with viral pneumonia Risk of thrombotic complications in influenza versus COVID-19 hospitalized patients Anticoagulant treatment is associated with decreased mortality in severe coronavirus disease 2019 patients with coagulopathy High risk of thrombosis in patients in severe SARS-CoV-2 infection: a multicenter prospective cohort study Incidence of symptomatic, image-confirmed venous thromboembolism following hospitalization for COVID-19 with 90-day follow-up Thrombosis in hospitalized patients with COVID-19 in a New York City Health System NICE rapid guideline v3 Scientific and Standardization Committee communication: clinical guidance on the diagnosis, prevention, and treatment of venous thromboembolism in hospitalized patients with COVID-19 Utility of D-dimers and intermediate-dose prophylaxis for venous thromboembolism in critically ill patients with COVID-19. Thrombosis Impact of high-dose prophylactic anticoagulation in critically ill patients with Coronavirus Disease 2019 pneumonia D-Dimer-driven anticoagulation reduces mortality in intubated COVID-19 patients: a cohort study with a propensity-matched analysis Extracorporeal membrane oxygenation treatment, or mortality among patients with COVID-19 admitted to the intensive care unit: the INSPIRATION Randomized Clinical Trial Anticoagulation in COVID-19: not strong for too long? Therapeutic Anticoagulation in Critically Ill Patients with Covid-19 A comparison of enoxaparin with placebo for the prevention of venous thromboembolism in acutely ill medical patients. Prophylaxis in Medical Patients with Enoxaparin Study Group Randomized, placebo-controlled trial of dalteparin for the prevention of venous thromboembolism in acutely ill medical patients Efficacy and safety of fondaparinux for the prevention of venous thromboembolism in older acute medical patients: randomised placebo controlled trial Prevalence and outcomes of D-Dimer elevation in hospitalized patients with COVID-19 D-Dimer level and neutrophils count as predictive and prognostic factors of pulmonary embolism in severe non-ICU COVID-19 patients Predicting venous thromboembolic events in patients with Coronavirus Disease 2019 Requiring hospitalization: an observational retrospective study by the COVIDIC initiative in a Swiss University Hospital Pulmonary embolism in hospitalised patients with COVID-19 Utility of D-dimer in predicting venous thromboembolism in non-mechanically ventilated COVID-19 survivors Ddimer testing for suspected pulmonary embolism in outpatients D-dimer: simple test, tough problems Management of the thrombotic risk associated with COVID-19: guidance for the hemostasis laboratory A reevaluation of the D-dimer cut-off value for making a diagnosis according to the ISTH overt-DIC diagnostic criteria: communication from the SSC of the ISTH. J Thromb Haemost Prévention du risque thromboembolique veineux et surveillance de l'hémostase chez les patients hospitalisés pour COVID-19 : propositions réactualisées Prévention du risque thromboembolique veineux et surveillance de l'hémostase chez les patients hospitalisés pour COVID-19 : propositions réactualisées (avril 2021) Intensity of anticoagulation and survival in patients hospitalized with COVID-19 pneumonia Clinical characteristics and risk factors for symptomatic venous thromboembolism in hospitalized COVID-19 patients: a multicenter retrospective study Prothrombotic hemostasis disturbances in patients with severe COVID-19: individual daily data High prevalence of obesity in severe acute respiratory syndrome Coronavirus-2 (SARS-CoV-2) requiring invasive mechanical ventilation Efficacy and safety of high-dose thromboprophylaxis in morbidly obese inpatients American Society of Hematology 2018 guidelines for management of venous thromboembolism: optimal management of anticoagulation therapy Antithrombotic therapy and body mass: an expert position paper of the ESC Working Group on Thrombosis Bleeding risk by intensity of anticoagulation in critically ill patients with COVID-19: a retrospective cohort study Management of the thrombotic risk associated with COVID-19: guidance for the hemostasis laboratory Coagulation biomarkers are independent predictors of increased oxygen requirements in COVID-19 COVID-19 coagulopathy: an in-depth analysis of the coagulation system Major bleeding complications in critically ill patients with COVID-19 pneumonia Diagnosis and management of heparininduced thrombocytopenia Monitoring unfractionated heparin therapy: lack of standardization of anti-Xa activity reagents Heparin resistance in COVID-19 patients in the intensive care unit Thromboembolic events and apparent heparin resistance in patients infected with SARS-CoV-2 Effect of nonspecific binding to plasma proteins on the antithrombin activities of unfractionated heparin, low-molecular-weight heparin, and dermatan sulfate Postdischarge venous thromboembolism following hospital admission with COVID-19 Postdischarge thromboembolic outcomes and mortality of hospitalized COVID-19 patients: the CORE-19 Registry Prévention du risque thromboembolique veineux et surveillance de l'hémostase chez les patients hospitalisés pour COVID-19 : propositions réactualisées