key: cord-0750494-4ig7q9ao authors: Dibao-Dina, Clarisse; Frappé, Paul; Saint-Lary, Olivier; Pouchain, Denis title: Comment les médecins généralistes ont-ils pris la première vague ? date: 2021-06-23 journal: nan DOI: 10.1016/j.lpmfor.2021.06.009 sha: 92c677c7d772cfe71b89e8e4e1ce2fcdc2aac495 doc_id: 750494 cord_uid: 4ig7q9ao Le premier confinement en avril 2020 a entraîné une diminution des consultations de médecine générale. Lors de la première vague COVID-19, les médecins généralistes ont adapté leur exercice en favorisant la téléconsultation et les consultations en centres COVID pour diminuer la propagation du virus. La première vague COVID-19 a favorisé l’exercice territorial coordonné en soins ambulatoires et l’utilisation de nouveaux canaux de communication pour échanger entre médecins généralistes et communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Plusieurs projets de recherche en soins ambulatoires ont émergé pendant la première vague COVID-19, allant de la cohorte de suivi aux essais randomisés thérapeutiques. La collaboration entre les instances gouvernementales et les sociétés savantes de médecine générale s’est développée afin d’adapter les recommandations aux réalités du terrain. The first lockdown (April 2020) led to a reduced number of general medicine consultations. During the first wave of COVID-19, in view of limiting propagation of the virus, general practitioners adapted their practice by favoring teleconsultation and consultation in COVID centers. The first wave of COVID-19 favored territorial coordination on an outpatient basis and the utilisation of new channels of communication to facilitate exchanges between general practitioners and territory-based communities bringing together health professionals (CPTS). During the first wave of COVID-19, several outpatient-centered research projects emerged, ranging from tracking cohorts to randomized therapeutic trials. In view of adapting existing recommendations and guidelines to on-the-ground realities, governmental bodies and learned societies in general medicine have begun to collaborate with one another. La pandémie de COVID-19 se développe en Europe depuis le mois de janvier 2020 [1, 2] . Devant l'augmentation exponentielle [3] du taux de mortalité, des mesures de confinement ont été mises en place le 17 mars 2020 afin de protéger la population de la vague de COVID-19 en limitant ses déplacements à l'extérieur du foyer. La sidération de la 1 re vague À ce stade précoce de l'épidémie de COVID-19, les stratégies de communication et de soins de santé étaient concentrées sur la prise en charge des patients infectés ou suspectés de COVID-19 afin d'éviter la saturation des services de soins intensifs. La communication sur les mesures de confinement et de protection contre la propagation du SARS-CoV-2 a été très intense. Ainsi, le 23 mars 2020, le gouvernement annonçait que les personnes ne pouvaient sortir que pour « des soins urgents ou des soins qui répondaient à la convocation d'un médecin » [4] . Cette limitation d'accès aux soins allait même plus loin en Europe. Par exemple, en Grande Bretagne, le National Health Service (NHS) a demandé aux médecins généralistes (MG) de cesser les bilans de santé des sujets âgés de plus de 75 ans et les consultations de suivi afin qu'ils soient disponibles pour faire face à l'épidémie [5] . À la suite de cette annonce, une diminution notable du nombre de consultations chez les MG a été observée en France et rapportée par la presse [6] . Les patients ne contactaient plus leur médecin traitant, y compris ceux ayant un suivi régulier pour une ou plusieurs maladie(s) chronique(s), afin de respecter les directives gouvernementales et par peur de contracter la COVID-19 au cabinet médical. Cependant, ces patients à risque de développer une forme grave de la maladie étaient également à risque de décompensation d'une éventuelle pathologie chronique en l'absence de suivi régulier par leur MG [7] . Cette diminution des consultations en médecine générale a suscité des inquiétudes, car elle instituait une sous-utilisation du système de soins, conduisant à des diagnostics différés de maladies potentiellement graves à court et moyen terme [7] . Cette restriction d'accès à la médecine générale était renforcée par la dérogation accordée aux pharmacies les autorisant à délivrer pendant un mois supplémentaire le traitement médicamenteux aux patients atteints de maladies chroniques sans contact préalable avec leur MG [8] . L'émergence de nouvelles pratiques au sein des cabinets de médecine générale En conséquence, le 8 avril 2020, le gouvernement français a recommandé aux MG de contacter directement leurs patients atteints de maladie(s) chronique(s) pour prévenir les décompensations [9] . En France, le contact avec la médecine générale est traditionnellement à l'initiative du patient. Cela a été l'occasion pour des MG d'appeler directement leurs patients et d'installer la téléconsultation dans leur pratique. Ainsi, 75 % des MG ont eu recours à la téléconsultation durant le 1 er confinement entre avril et mai 2020, alors que seulement 5 % d'entre eux y avaient eu recours avant la pandémie [10] . Cette pratique a été particulièrement plébiscitée en début de confinement, tout en soulignant les limites de l'absence d'examen clinique physique et les problèmes techniques rencontrés, en particulier en l'absence d'outil de téléconsultation chez les sujets les plus âgés ou démunis. En plus des consultations et avis fournis à distance, d'autres adaptations ont été nécessaires au sein des cabinets médicaux. Dans une enquête réalisée auprès de 5400 médecins généralistes, une majorité d'entre eux s'étaient approvisionnés en masques et gel hydroalcoolique [11] . En revanche, ils étaient une minorité à avoir eu recours à des lunettes de protection ou des casaques [11] . Un tiers d'entre eux avait adapté leur exercice en créant des consultations dédiées aux personnes suspectes de COVID-19, en réorganisant les tâches du personnel du cabinet médical et en aménageant les visites à domicile chez les patients fragiles. Cette adaptation semblait avoir été plus forte chez les MG exerçant en groupe [11] . L'exercice coordonné territorial Devant la nécessité de s'organiser pour faire face à la prise en charge des différents motifs de consultation (suivi de patients atteints de maladie chronique, urgences réelles et/ou ressenties, suspicions de COVID-19, etc.) tout en respectant les mesures de protection des soignants et des patients vis-à-vis de la transmission du virus, les MG se sont appuyés sur leur réseau The first wave of COVID-19 favored territorial coordination on an outpatient basis and the utilisation of new channels of communication to facilitate exchanges between general practitioners and territory-based communities bringing together health professionals (CPTS). During the first wave of COVID-19, several outpatient-centered research projects emerged, ranging from tracking cohorts to randomized therapeutic trials. In view of adapting existing recommendations and guidelines to on-the-ground realities, governmental bodies and learned societies in general medicine have begun to collaborate with one another. local [12] . C'est ainsi que les communautés professionnelles des territoires en santé (CPTS) ont coordonné des actions en réseau. Devant le manque de moyens individuels dans les cabinets médicaux pour assurer un circuit sanitaire limitant la propagation du virus, des centres COVID ont été créés et gérés à l'initiative des professionnels de santé ambulatoires. Ces centres permettaient de recevoir les sujets suspects de COVID-19 en toute sécurité pour les soignants et les personnes grâce à de grands bâtiments aérés, munis de tout le matériel nécessaire à la désinfection et avec une mutualisation du matériel de protection à usage unique similaire à celui des hôpitaux. Les professionnels de santé libéraux intervenaient dans ces centres sous forme de vacations tout en continuant à assurer les soins habituels à leur cabinet médical. Pour faire face à la première vague, les MG ont utilisé de nouveaux canaux d'information. Ces dernières provenaient soit de leurs réseaux locaux via des applications, soit de leurs sociétés savantes et/ou syndicats nationaux, soit directement des institutions de santé comme la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), la DGS ou l'Assurance maladie [13] . Autant de canaux qui diffusaient une énorme quantité d'informations évolutives à synthétiser et implémenter dans la pratique tout en gérant les nombreuses contradictions entre les sources d'information et le terrain. Différentes initiatives ont été prises dans les territoires et ont été coordonnées au niveau national pour profiter à toute la communauté des MG. C'est le cas de COVIGIE [14] , une plateforme web de partage d'information créée en avril 2020 à l'initiative de la Société française de médecine générale (SFMG), du Collège de la Médecine Générale (CMG), de la Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO), du réseau d'observation des maladies et des épidémies (Open Rome) et d'OpusLine (cabinet de conseil dédié à l'ensemble des acteurs de la santé). L'ambition de COVIGIE était de permettre aux soignants de premier recours de signaler en temps réel des informations liées à la pandémie, que ce soient sur les difficultés rencontrées dans leur exercice, les solutions adoptées ou les faits médicaux importants constatés sur le terrain (formes cliniques insolites, modes de transmission inhabituels, etc.). Ces informations étaient accessibles à l'ensemble de la communauté soignante, mais également aux pouvoirs publics afin de faciliter leurs décisions dans leur volet soignant de premier recours. Entre le 15 avril et le 10 mai 2020, plus de 200 contributions de toute la France issues de 1500 participants ont été publiées. Plusieurs travaux de recherche ont été menés dans ce contexte par des enseignants chercheurs en médecine générale. Ces travaux concernaient différents champs : épidémiologique, essai thérapeutique, essai de stratégie, enquêtes flash, etc. Par exemple, le projet SOPRAC (SOins PRimaires en AURA pour la COVID-19) a constitué un système de surveillance épidémiologique de la maladie à partir d'un réseau de structures de soins primaires réparties sur la région Auvergne-Rhône-Alpes [15] . Son objectif principal était d'estimer l'incidence régionale des cas suspects et confirmés de COVID-19 et de décrire leurs caractéristiques cliniques. De son côté, le projet COVIQuest était un essai randomisé simultané en grappes évaluant la sur-morbi-mortalité liée aux décompensations des patients atteints de maladie chronique dans le contexte de la pandémie de COVID-19 [16] . Il visait à évaluer une stratégie d'appel des patients atteints de maladie cardiovasculaire ou mentale chronique par un tandem MG/étudiant en médecine sur le taux d'hospitalisations à 1 mois. Enfin, l'essai thérapeutique ambulatoire COVERAGE France [17] , soutenu par le Collège national des généralistes enseignants et le Collège de la médecine générale, et promu par le CHU de Bordeaux, a également été initié lors de la 1 re vague. Il s'agissait d'un essai plateforme destiné aux patients âgés de plus de 65 ans, traités en ambulatoire évaluant l'efficacité clinique du telmisartan et du ciclésonide inhalé. Pilotés par des professeurs de médecine générale, des groupes de travail se sont constitués pour élaborer des recommandations dédiées aux MG. Ainsi, le 17 avril 2020, un avis relatif à la prise en charge à domicile ou en structure de soins des COVID-19suspectés ou confirmés a été rendu par le Haut conseil de santé publique (HCSP) [18] . Cet avis proposait un état actualisé des données scientifiques pour guider les pratiques des MG, en particulier sur la place de la téléconsultation en pratique courante, des examens complémentaires et des traitements médicamenteux des patients suspects ou atteints de COVID-19. La Haute Autorité de santé a également élaboré des réponses rapides en partenariat avec les organisations professionnelles et sociétés savantes de médecine générale [19] . Après la première vague À la suite de la première vague et au premier déconfinement le 11 mai 2020, les MG sont restés en première ligne pour assumer plusieurs rôles [20] . Ils devaient reprendre le suivi des patients atteints de maladies chroniques en rupture de prise en charge et les démarches de prévention (par exemple, la vaccination des nourrissons), tout en identifiant les patients suspects de COVID-19. Ils devaient également les accompagner dans leur Comment les médecins généralistes ont-ils pris la première vague ? déconfinement avec une approche personnalisée des soins et des mesures de protection, en particulier l'isolement et la vaccination. Enfin, ils devaient assurer leur propre protection et celle des patients vis-à-vis du risque de contagion, tout en se tenant quotidiennement informés des nouvelles recommandations (occasionnellement injonctions). Malgré la multiplicité des informations, ces dernières ne parvenaient pas toujours en temps utile aux MG, parfois informés en même temps que la population générale de certaines recommandations, en particulier sur la vaccination. Des pistes d'amélioration de la communication des informations envers les MG sont en cours de réflexion afin de limiter leur impact sur la prise en charge des patients et leur confiance vis-à-vis des informations transmises par leur médecin traitant. Les MG ont réagi à la première vague de COVID-19 en adaptant leur mode d'exercice, leurs collaborations et leurs sources d'information. Ils ont géré les patients suspects et/ou atteints de COVID-19 en ambulatoire tout en préservant le suivi des patients atteints de pathologie chronique ainsi que la prévention, et en réorganisant leurs pratiques. Enfin ils ont mutualisé leurs efforts de manière communautaire aussi bien au sein des territoires qu'au niveau national, et aussi bien pour les soins que pour la recherche. Financement : aucun. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Investigation Team. First cases of coronavirus disease 2019 (COVID-19) in France: surveillance, investigations and control measures Preliminary Case Report on the SARS-CoV-2 Cluster in the UK, France, and Spain Monitoring transmissibility and mortality of COVID-19 in Europe Prise en charge en ville par les médecins de ville des patients symptomatiques en phase épidémique de COVID-19 Covid-19: GPs can stop health checks for over 75s and routine medicine reviews Après le confinement, les médecins généralistes ne reviennent que progressivement à une activité normale A time-duration measure of continuity of care to optimise utilisation of primary health care: a threshold effects approach among people with diabetes Arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire Prise en charge hors COVID-19 Trois médecins généralistes sur quatre ont mis en place la téléconsultation depuis le début de l How GPs adapted their practices and organisations at the beginning of COVID-19 outbreak: a French national observational survey La première vague de Covid-19 en France et les soins primaires Paris: Cerf; 2020 Mieux connaître la COVID-19 en médecine générale Phone-call With a Student/General Practitioner Team to Impact Morbidity of Chronic Patients During COVID-19 Containment Trial of COVID-19 Outpatient Treatment in Individuals With Risk Factors for Aggravation Avis du Haut Conseil de la Santé Publique relatif à la prise en charge à domicile ou en structure de soins des cas de COVID-19 suspectés ou confirmés Prise en charge de premier recours des patients suspectés de Covid-19 FSM appellent à placer les médecins et les soignants au coeur de la stratégie nationale de déconfinement