key: cord-0746186-syvnwzl0 authors: Fontanet, Arnaud title: Le franchissement de la barrière inter-espèces : dernier obstacle avant la pandémie date: 2007-05-09 journal: Transfus Clin Biol DOI: 10.1016/j.tracli.2007.04.012 sha: 757d2e790f2d020b33cd57defe3ac7335b8587c6 doc_id: 746186 cord_uid: syvnwzl0 Many emerging diseases (AIDS, SARS, avian flu) are related to viral zoonoses, which have crossed the interspecies barrier. The improvement of epidemiological surveillance has allowed live monitoring of epidemic progresses, while new molecular biological tools have allowed analysis of the various steps required for viral adaptation to their new hosts. These observations suggest lower transmissibility of viral strains at the start of epidemics. It is therefore essential to strengthen public health surveillance systems, so that swift moves can be made before viruses get adapted to humans. Early control measures will be more efficient. Les maladies émergentes sont d'actualité. Syndrome d'immunodéficience acquise (Sida), syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) et grippe aviaire en sont les exemples les plus récents et les plus dramatiques. Ces maladies ont en commun d'être des zoonoses liées à des virus ayant franchi la barrière inter-espèces. Le franchissement de la barrière interespèces est un phénomène complexe et le laps de temps nécessaire au virus pour s'adapter à l'homme offre une opportunité unique pour le contrer, comme le montrent les exemples du Sras et de la grippe aviaire. Le 12 mars 2003, l'OMS lançait une alerte mondiale contre le Sras. Depuis quatre mois déjà couvait dans le sud-est de la Chine une épidémie de pneumopathies dites atypiques, résistantes aux antibiotiques et fréquemment mortelles. Il fallut quatre mois supplémentaires, 8000 malades, et 774 décès pour en venir à bout [1] . Le virus responsable de cette nouvelle affection pulmonaire, un coronavirus, fut isolé rapidement [2] . Son réservoir animal, une chauve-souris insectivore du genre Rhinolophus, fut identifié un an plus tard [3] . Quel concours de circonstances a-t-il fallu pour que ce coronavirus encore inconnu s'adapte à l'homme et soit responsable de la première grande pandémie du 21 e siècle ? L'enquête épidémiologique a débuté classiquement par l'interrogatoire des premiers patients, révélant que neuf sur 23 travaillaient sur les marchés ou dans les cuisines des restaurants de la région de Canton (Chine) [4] . La poursuite de l'enquête sur les marchés d'animaux a permis d'isoler un coronavirus quasi identique à celui retrouvé chez l'homme au sein de civettes palmistes masquées (Paguma larvata), petit animal sauvage consommé dans les restaurants locaux [5] . Comment la civette a-t-elle été infectée ? On ne le sait pas. Le virus est-il passé directement de la chauve-souris à la civette ? Probablement pas. En revanche, le passage du virus de la civette à l'homme a été bien documenté lors de l'étude de quatre cas de Sras groupés survenus quelques mois plus tard dans un restaurant de Canton (décembre 2003-janvier 2004) [6, 7] . Deux arguments plaident en faveur d'une faible transmissibilité inter-humaine des souches de coronavirus immédiatement après le passage de la civette à l'homme : le premier est l'absence de cas secondaires malgré 257 contacts non protégés en période contagieuse lors de l'enquête sur les cas infectés directement au contact des civettes en décembre 2003 [7] . Le second est le nombre limité de cas (quelques centaines) observés en mars 2003 au moment où l'OMS a lancé l'alerte mondiale, alors que le virus circulait déjà depuis quatre mois en population humaine. Si l'on applique aux trois foyers épidémiques initiaux de novembre et décembre 2002 (19, 11, et 28 cas, respectivement) les taux de reproduction de base R0 1 du Sras, estimés en phase épidémique (entre deux et trois) [8, 9] , le nombre de patients attendu en mars 2003 aurait dû être de plusieurs centaines de milliers, et non quelques centaines. Il est donc très vraisemblable que le virus ait été peu transmissible d'homme à homme en début d'épidémie, et qu'un concours de circonstances malheureux a permis à une souche plus contagieuse d'émerger avant de se diffuser beaucoup plus largement. On ne peut que regretter plus encore le retard pris à la gestion de l'épidémie fin 2002-début 2003, alors que le virus était encore peu contagieux. L'isolement des cas et la mise en quarantaine des contacts, auraient probablement suffi à maîtriser l'épidémie. L'absence de mesures de contrôle, en revanche, a permis la diffusion du virus et son adaptation à l'homme, jusqu'à l'émergence d'un phénomène épidémique facilité par quelques sujets très contagieux, les superspreaders [10, 11] . Les études virologiques ont permis depuis, de montrer que deux mutations sur le gène de la protéine de surface spike ont été déterminantes pour l'adaptation du virus de la civette au récepteur ACE-2 de l'épithélium respiratoire humain [12] . Aujourd'hui, le Sras n'est plus d'actualité, remplacé par une menace plus inquiétante encore, celle de la grippe aviaire. Une fois encore, la question fondamentale est celle de l'adaptation du virus à l'homme, à savoir le franchissement de la barrière inter-espèces. Actuellement, plus de 250 cas humains ont été recensés, le plus souvent infectés au contact des volailles [13] . La létalité est très élevée, supérieure à 50 %. La transmission inter-humaine, à ce jour, est restée limitée. Si le virus s'adaptait à l'homme et devenait transmissible entre humains, l'épidémie prendrait une toute autre ampleur, avec le risque d'une pandémie semblable à celle de 1918-1919. Au-delà de son impact dramatique sur la filière avicole, la grippe aviaire pose donc la question cruciale du franchissement de la barrière inter-espèces. Il est donc primordial de maintenir une surveillance épidémiologique étroite des cas de grippe aviaire dans le monde. Il s'agit tout d'abord de mettre en évidence des cas groupés qui traduiraient une transmission inter-humaine et non plus des infections au contact des volailles. En pareil cas, les mesures d'isolement des cas, de quarantaine des contacts et de protection du personnel médical seraient hautement urgentes. La chimioprophylaxie des populations avoisinantes pourrait même être envisagée si le nombre de cas augmentait [14, 15] . L'efficacité de ces mesures serait d'autant meilleure qu'elles interviendraient sur une souche virale en période d'adaptation et non encore largement transmissible entre humains. La surveillance des cas de grippe aviaire permet également l'étude des mutations virales sur les souches prélevées chez les patients afin de suivre le processus d'adaptation du virus à l'homme et de recueillir les souches circulantes pour la préparation des vaccins. La survenue récente d'un cluster familial en Indonésie [16] pourrait être le signal tant redouté du franchissement d'une étape supplémentaire dans le phénomène d'émergence. Severe acute respiratory syndrome Identification of a novel coronavirus in patients with severe acute respiratory syndrome Bats are natural reservoirs of SARS-like coronaviruses Epidemiological clues to SARS origin in China Isolation and characterization of viruses related to the SARS coronavirus from animals in Southern China Cross-host evolution of severe acute respiratory syndrome coronavirus in palm civet and human SARS-CoV infection in a restaurant from palm civet Transmission dynamics of the etiological agent of SARS in Hong Kong: impact of public health interventions Transmission dynamics and control of severe acute respiratory syndrome Molecular evolution of the SARS coronavirus during the course of the SARS epidemic in China The role of evolution in the emergence of infectious diseases Identification of two critical amino acid residues of the severe acute respiratory syndrome coronavirus spike protein for its variation in zoonotic tropism transition via a double substitution strategy Nombre cumulé de cas confirmés de grippe aviaire H5N1 au 2 avril Containing pandemic influenza at the source Strategies for containing an emerging influenza pandemic in Southeast Asia Pandemic ''dry run'' is cause of concern Nombre de cas secondaires par cas index dans une population susceptible