key: cord-0723265-8dewhykn authors: Berkesse, Alexandre; Gross, Olivia title: Quels enseignements tirer de l’expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l’accompagnement des patients chroniques ? date: 2020-12-10 journal: nan DOI: 10.1016/j.mmm.2020.12.004 sha: c9349de6f7ac7ae960824a65c9f79598f61ec351 doc_id: 723265 cord_uid: 8dewhykn Du point de vue éthique, sanitaire, social et politique, les premiers mois de l’épidémie (pandémie) à coronavirus 2019 (COVID-19) ont été – et restent – une expérience déstabilisante. Cela le fut en particulier pour les personnes vivant avec une ou plusieurs maladies chroniques, dont la qualité de vie, et parfois la survie, dépend d’un grand nombre de décisions et de coopérations auxquelles elles ne participent que rarement. De telles pratiques de soins et de telles situations ne sont pas nouvelles, mais cette période épidémique les a davantage mis en lumière. Parmi les difficultés rencontrées au cours des premiers mois de la pandémie de la COVID-19, les plus fondamentales furent la difficulté de soutenir et de développer l’autonomie des personnes et d’intégrer « l’expérience patient » pour penser, effectuer et organiser les soins et les services de santé. Sans pratiques d’ajustement continu du système de santé aux préoccupations, attentes et besoins des acteurs de la santé, sans avoir pour horizon le développement des pouvoirs d’agir des personnes, le système de santé s’est retrouvé à concentrer l’essentiel de ses ressources sur des types limités d’actes et d’usagers. Pourtant, même dans ce contexte, des alternatives de soins et de services de santé ont pu émerger, en particulier à travers les actions des associations de malades. Apprendre de ces premiers mois invite à recentrer les décisions en santé sur des modalités participatives qui soient ancrées dans les expériences individuelles et collectives des acteurs. From an ethical, sanitary, social and political perspective, the first months of the COVID-19 pandemic were – and still are – a destabilizing experience. This was particularly so for people living with one or more chronic diseases whose quality of life, and sometimes survival, depends on a large number of decisions and actions in which they rarely participate. Such healthcare practices and situations are not new, but this epidemic period has brought them to the fore. In general, among the difficulties encountered during the first months of the COVID-19 pandemic, the most fundamental were the difficulty of supporting and developing the autonomy of people and of integrating the patient experience to think, perform and organize healthcare and health services. Without practices of continuous adjustment of the health system to the concerns, expectations and needs of the actors of health, without having as a horizon the development of people's power to act, the health system found itself to concentrate the essential of its resources on a limited type of users and acts. However, even in this context, alternatives to healthcare and health services have emerged, in particular through the actions of patient associations. It is essential that we learn from these first months to refocus health decisions on participatory actions that are anchored in the individual and collective experiences of the actors of health. Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? Introduction La pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (COVID- 19) et son florilège de conséquences nous font vivre depuis janvier dernier une expérience particulièrement déstabilisante du point de vue éthique, social, et politique. Bien qu'évoquée comme une possibilité depuis plusieurs années, nous n'étions pas prêts à l'affronter, comme l'a révélé le manque de produits matériels (masques, produits d'anesthésie, respirateurs, etc.). Mais ces enjeux d'approvisionnement ne sont qu'un symptôme parmi d'autres de l'inadéquation plus fondamentale qui les génère, celle de l'organisation des soins et services de santé au regard des besoins. En particulier, ce sont les mécanismes d'ajustement aux préoccupations, attentes et besoins des acteurs de santé (dont les patients et leurs aidants font partie) qui sont à interroger, et peut-être à revoir. Dans un tel contexte, il est de notre responsabilité (professionnelle comme citoyenne) de chercher à apprendre de nos erreurs et tâtonnements, que ce soit en prévision d'une nouvelle épidémie (de la COVID-19, ou autre) ou pour identifier ce que cette crise dit de nous, notamment de nos pratiques de soins et de notre approche de la santé. D'où la question qui nous a été posée, compte tenu de nos engagements personnels et professionnels respectifs : « Quels enseignements tirer de l'expérience de l'épidémie de COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? ». What are we beginning to learn from the COVID-19 pandemic experience in supporting chronic patients? From an ethical, sanitary, social and political perspective, the first months of the COVID-19 pandemic wereand still area destabilizing experience. This was particularly so for people living with one or more chronic diseases whose quality of life, and sometimes survival, depends on a large number of decisions and actions in which they rarely participate. Such healthcare practices and situations are not new, but this epidemic period has brought them to the fore. In general, among the difficulties encountered during the first months of the COVID-19 pandemic, the most fundamental were the difficulty of supporting and developing the autonomy of people and of integrating the patient experience to think, perform and organize healthcare and health services. Without practices of continuous adjustment of the health system to the concerns, expectations and needs of the actors of health, without having as a horizon the development of people's power to act, the health system found itself to concentrate the essential of its resources on a limited type of users and acts. However, even in this context, alternatives to healthcare and health services have emerged, in particular through the actions of patient associations. It is essential that we learn from these first months to refocus health decisions on participatory actions that are anchored in the individual and collective experiences of the actors of health. La désignation de certaines personnes vivant avec la maladie chronique comme « personnes fragiles » plutôt que comme « personne en situation de vulnérabilité », et ce indépendamment de leur état de santé personnel, n'est pas sans impacter leur accompagnement et le développement de leur pouvoir d'agir. Les proches ou aidants se sont retrouvés la plupart du temps ignorés, voire mis à distance, en particulier pour les décisions relatives au bien-être des personnes et à la fin de vie. Le paradigme de la prise en charge est celui qui a déterminé la plupart des actes et décisions de soins, privilégiant ainsi l'agir pour autrui plutôt qu'avec autrui lequel renvoie à une logique de coopération basée sur la complémentarité des savoirs et des compétences. Pour citer cet article : Berkesse A, Gross O. Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? Med Mal Metab (2021), 10.1016/j.mmm.2020. 12.004 Pourquoi apprendre de l'expérience ? Apprendre des expériences n'est pas seulement une nécessité existentielle, une injonction managériale contemporaine 1 , ou encore la manière de construire une histoire commune de ce qui a été vécu, c'est aussi le meilleur moyen de produire des connaissances valides et de faire face à une situation-problème [1] . Nous constatons à travers l'histoire que toute situation de crise (sanitaire, sociale, etc.) génère une période plus ou moins longue de « tétanisation » : « nos logiques de gouvernance et de pilotage n'ayant pas été pensées pour des mondes marqués par de sévères turbulences » [2] . En cela, la crise que nous venons de connaître ne fut pas l'exception à la règle, en particulier pour ce qui fut de l'accompagnement des personnes vivant avec une ou plusieurs maladies chroniques. La question qui nous est posée traduit le fait que nous sommes sortis, ou en voie de sortir, d'un épisode de sidération collective et que les conditions sont désormais réunies pour revenir, sans complaisance, mais de manière constructive, sur les premiers mois de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 en France. Nous répondrons ici à la question qui nous a été posée à partir de notre prisme d'acteurs et témoins engagés comme citoyens, proches-aidants et chercheurs qui nous a amené à vivre, côtoyer, et à collaborer au quotidien avec des personnes vivant avec une ou plusieurs maladies chroniques. En outre, nous avons développé depuis plus de dix ans une expertise de l'accompagnement des personnes vivant avec la maladie chronique, du partenariat soignés/soignants et de « l'expérience-patient » comme en témoignent nos diverses contributions [3] [4] [5] [6] . Autrement dit, notre analyse est conditionnée par cette éthique coopérative et ces référentiels. Enfin, nous considérons le recueil de l'expérience des patients et la visée de l'améliorer comme le seul moyen de passer d'une culture de moyens à une culture d'effectivité et proposons, de ce fait, d'identifier les enseignements des premiers mois de la pandémie de la COVID-19 pour y contribuer. Parce qu'au départ de tout il y a le verbe, et que la manière dont nous nommons les personnes ou leurs situations influence la manière dont nous nous comportons envers elles, il est intéressant de commencer par mentionner l'inconfort que de nombreux patients ont vécu vis-à-vis du choix et de l'utilisation constante, dans les médias publics comme professionnels, puis par ricochet dans les échanges courants entre citoyens, du terme de « personnes fragiles » pour désigner certains profils de personnes (personnes malades, âgées, en surpoids. . .), et cela indépendamment de leur état de santé personnel. Pour beaucoup, la notion jusque-là de mise de « personne en situation de vulnérabilité » aurait été bien plus adaptée pour mettre l'emphase sur le fait que c'est l'environnement (sur lequel nous avons collectivement un pouvoir d'influence ; par exemple : par la mise en place des gestes barrières) qui génère la situation vulnérabilité, plutôt que de mettre l'emphase sur une hypothétique fragilité intrinsèque à la personne (contre laquelle le pouvoir d'action semble alors limité, et surtout la responsabilité rendue individuelle plutôt que collective). Si nous insistons sur ce point, c'est qu'il est loin d'être anodin. Il révèle, entre autres, que les personnes concernées, notamment à travers les associations ou leurs représentants, n'ont pas été inclues pour décider de ce qui les concerne directement, à savoir la manière de nommer, et donc implicitement faire sens, de leur situation. Non seulement la désignation choisie s'est révélée particulièrement stigmatisante, mais elle a aussi généré des impacts significatifs sur les accompagnements prodigués. Il n'est pas abusif de dire que certains d'entre eux ont nui directement à la pertinence des soins et à l'éthique dans la relation de soin. Ce fut le cas, par exemple, en mettant en oeuvre une protection infantilisante et une surprotection qui n'ont respecté ni leur autonomie, ni leurs attentes et besoins, ce qui en outre renforce leur rapport de dépendance aux professionnels de santé. De plus, cet état de fait les a obligées dans leur contexte professionnel à devoir déclarer leur statut (qui peut rapidement se transformer en identité) de « personnes fragiles » pour aménager leurs conditions de travail à leur situation de santé (ce qui contrevient au secret qui les protégeait jusque-là). Le premier enseignement que nous pouvons donc tirer de l'expérience des personnes vivant avec la maladie chronique pendant la pandémie de la COVID-19 est qu'il est nécessaire de les inclure, eux ou leurs représentants (proches, aidants ou membres des associations qui les représentent), dans l'élaboration des communications qui les concernent directement, car elles auront une influence sur les pratiques des professionnels qui coopèrent à leurs soins et sur leur vie en général. Quelle conception du soin a principalement été mobilisée ? 1 Qui se matérialise dans les organisations par la multiplication des discours (par exemple : celui de l'amélioration continue), des outils (par exemple : roue de Deming Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? tome xx > n8x > xx 2020 Pour citer cet article : Berkesse A, Gross O. Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? Med Mal Metab (2021), 10.1016/j.mmm.2020.12.004 reconnaissant les composantes à la fois individuelles et collectives qui le favorisent (l'environnement pouvant être plus ou moins capacitant [9] ). En portant attention au développement de ce pouvoir d'agir, auquel peuvent plus ou moins contribuer les actes et les relations d'accompagnement des professionnels, il se dégage plusieurs conceptions sous-jacentes aux pratiques d'accompagnement des personnes vivant avec une maladie chronique. Premièrement, au cours des premiers mois de cette pandémie de la COVID-19, les expériences remontées par de nombreuses personnes vivant avec une ou plusieurs maladies chroniques illustrent que les proches ou aidants n'ont pas été considérés dans l'équation. Pas plus au niveau des risques de transmission qu'au niveau de la coopération avec les soignants. Des mesures dérogatoires ont concerné le retour au travail des malades, mais il a fallu des interventions associatives pour que ce droit s'étende à leurs proches (sans compter, qu'actuellement, l'accès à ce droit s'est réduit). Enfin, concernant les décisions relatives au bien-être des personnes, aux soins, à la fin de vie, les proches ou aidants se sont retrouvés la plupart du temps ignorés, voire mis à distance. Deuxièmement, et même si l'hétérogénéité des expériences invite à la prudence dans les conclusions à tirer, les expériences des personnes vivant avec la maladie chronique ou accompagnées dans le cadre des soins liés au grand âge illustrent que c'est principalement le paradigme de la prise en charge qui a dominé. Sans doute parce que la prise en charge constitue le paradigme principalement enseigné. Dès lors, cela caractérise les pratiques de soins dans les établissements. Sans compter que les contextes d'urgence ramènent souvent les professionnels, comme la plupart des personnes, à privilégier l'action spontanée (agir vite à partir de ses automatismes) et à agir pour autrui plutôt qu'avec autrui (ce qui caractérise le partenariat de soin [10] ). En fait, comme le confirment de nombreuses études [11] , les professionnels de santé éprouvent de nombreuses difficultés à mettre en oeuvre le partenariat de soins, notamment car ils sont peu outillés à cet effet (leur formation initiale et continue ne contribuant pas ou peu au développement de ces compétences). De plus, considérant qu'ils font le bien d'autrui, ils peuvent être amenés à penser que cela suffit en soi à justifier et à garantir la pertinence de leurs actions. Mais tout cela est sans considérer que les professionnels et les responsables politiques, plutôt que de capitaliser sur les savoirs, compétences et capacités d'action des personnes concernées, ont privilégié la conception du soin la plus épuisante pour les professionnels, à savoir celle qui a conduit à leur sur-responsabilisation et au maintien de la dépendance des personnes qui ne s'encapacitent pas à travers leurs relations. Ce qui en outre augmente la probabilité que les décisions et actes de soin choisis aillent à l'encontre des attentes, besoins, et projets de vie des personnes. Enfin, ces mêmes expériences révèlent que nous prenons pour acquis que le soin ne s'effectue qu'au sein des établissements de santé et par l'intermédiaire des professionnels de santé. Or, cette crise a illustré de manière particulièrement visible que le système de santé formel tient du fait que coexiste un système de santé informel qui le complète. Cette composante informelle, non reconnue institutionnellement, composée notamment de membres des associations de patients, des personnes concernées elles-mêmes, ainsi que de leurs proches ou aidants, a assuré pendant cette période la plupart du soutien psychologique, du travail d'information, comme elle s'est chargée de l'accompagnement des personnes [12] . L'exemple de la ligne C, ligne téléphonique d'écoute pour les patients chroniques sur le COVID-19, est particulièrement illustratif de ce constat et de la pertinence de ces actions [13] , qui ont notamment permis la remontée de situations de soins ou administratives inacceptables. L'accompagnement des personnes vivant avec une maladie chronique ne se limite donc pas à l'interaction entre des soignants et un soigné au sein d'établissements de santé, mais se pense comme une coopération d'acteurs des soins agissant à tous les niveaux de la communauté. Ceci vaut au niveau des acteurs traditionnels du soin-et la crise a démontré une fois de plus le manque de considération pour certains d'entre eux, comme les médecins de ville et les cliniques privées. Mais cela vaut aussi, et particulièrement, pour les proches ou aidants et leurs associations. Le deuxième enseignement que nous pouvons tirer de l'expérience des personnes vivant avec la maladie chronique pendant la pandémie de la COVID-19 est donc qu'il est urgent de substituer la culture de la prise en charge par celle de l'accompagnement afin, notamment, de décloisonner les soins, faciliter le développement du pouvoir d'agir des personnes concernées, la coopération avec les proches ou aidants, et inscrire ainsi l'action des professionnels de santé à travers celles d'un collectif d'acteurs du soin interdépendants du fait de leurs savoirs et compétences complémentaires. De tels constats ne peuvent être simplement communiqués aux professionnels de santé sans qu'ils s'engagent eux-mêmes dans des démarches de retour d'expérience (REX, ou RETEX) afin qu'ils se les approprient et qu'elles se traduisent vraiment en actions d'amélioration. Plusieurs établissements de santé ont déjà terminé ces démarches, et plusieurs sont en cours. Ces REX se font la plupart du temps sur la base de l'expérience des professionnels, mais incluent de plus en plus l'expérience patient [14] qui correspond à « l'ensemble des perceptions, des interactions entre l'organisation et sa patientèle, ainsi que les faits vécus par les patients tout au long de la trajectoire de soins et de services » [15] . D'ailleurs, de manière assez spontanée, de nombreuses enquêtes ont été initiées pendant la crise pour recueillir l'expérience des patients à travers leur parcours de soins, et plusieurs outils sont désormais disponibles pour expliquer comment effectuer un retour d'expérience, incluant l'expérience patient [16] . Compte tenu du fait que ces expériences ont aussi besoin d'être analysées à l'aune des bonnes pratiques, des droits des malades, et d'un engagement à l'amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients, un tel travail doit également inclure la participation des représentants des usagers (qui ensuite peuvent aussi identifier la nécessité de coopérer avec des associations particulièrement compétentes dans le domaine investigué). C'est ce type de démarche dans laquelle se sont, par exemple, engagés les membres de l'unité d'évaluation médicale du CHRU de Nancy dont plusieurs témoignages et enseignements qu'ils ont collectés à partir de l'expérience de patients, aidants et professionnels, ont été partagés au grand public [17] . Concernant l'accès aux soins à distance, il est notamment intéressant de constater que, contrairement aux vives critiques émises par de nombreux professionnels de santé à propos de la généralisation des téléconsultations [18] , l'expérience qu'en ont fait les patients ou les aidants est globalement positive. Ils étaient déjà un sur deux en 2019 à y être favorables, selon une enquête diligentée par France Asso Santé [19] . Et bien que certains enjeux soient identifiés (par exemple : un travail de préparation en amont exigeant pour certains, une difficulté à communiquer par l'intermédiaire de la technologie, une qualité de connexion instable qui rend l'écoute ou l'expression plus fatigante ou incertaine, . . .), ceux qui en ont fait l'expérience rapportent qu'ils ont trouvé la téléconsultation pratique, efficace (moins d'attente), rassurante (leur permettant notamment de limiter les risques de contamination au SARS-Cov-2), en particulier pour les actes qualifiés de « simples » (par exemple : avis médical, renouvellement d'ordonnance, suivis ne requérant pas d'auscultation, . . .) [20] . Au-delà de la nécessité de tirer les enseignements de cette période exceptionnelle, nous encourageons plus généralement au déploiement d'une culture de l'amélioration continue au sein des établissements de santé au moyen du recueil direct de l'expérience patient. Il s'agit par-là de faire en sorte que les organisations s'engagent à travers cette démarche pragmatique de manière à devenir réellement apprenantes de l'expérience de ses acteurs. De telles organisations deviennent alors : « capable[s] de créer, acquérir et transférer de la connaissance et de modifier [leur] comportement pour refléter de nouvelles connaissances » [21] . Cela illustre l'injonction contemporaine à « l'agilité », dans le sens d'une agilité à apprendre des personnes accompagnées et à se transformer en fonction. Plus exactement, il s'agit de faire en sorte que l'organisation encapacite les personnes qui y sont accueillies (développe leur pouvoir intérieur qui leur permet de fonctionner), analyse les nouveaux fonctionnements et en déduise des nouvelles actions pour répondre aux nouveaux besoins (figure 1). Le fonctionnement d'une organisation apprenante en santé. Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? tome xx > n8x > xx 2020 Pour citer cet article : Berkesse A, Gross O. Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? Med Mal Metab (2021), 10.1016/j.mmm.2020.12.004 Le troisième enseignement à tirer des premiers mois de la pandémie de la COVID-19 est qu'il est nécessaire d'apprendre de l'expérience des personnes concernées et de faciliter l'intégration de ces apprentissages en contribuant au façonnement d'organisations en santé capables de se transformer en fonction et ce, avec le souci d'encapaciter les acteurs (patients, aidants, professionnels, représentants d'usagers, usagers partenaires [22] , . . .). Dans la période actuelle, cela peut notamment se matérialiser par l'intégration de « l'expérience patient » aux REX menés par les établissements, ou plus spécifiquement dans leur parcours de soins. Si une telle démarche est initiée, il est recommandé d'engager dès le début les personnes ayant une expérience de première main des parcours de soins pour penser, opérationnaliser, évaluer et intégrer les pistes d'actions identifiées suite à cette démarche. Sans oublier d'associer les représentants d'usagers qui seront vigilants au respect des droits des malades. Un tel partenariat implique également une réflexion commune sur les asymétries possibles. En effet, malgré les bonnes intentions présentes, de nombreuses barrières à la co-construction existent [11] . Cela convoque des espaces collaboratifs où les perspectives des différentes parties prenantes sont exprimées et mises en dialogue. Or, des « préjudices de participation » guettent aisément les acteurs moins légitimes ou crédibles qui tentent de s'engager dans des activités collectives épistémiques [23] . Nous devons en être conscients et développer en conséquence des méthodes pour nous assurer que ces opportunités d'engagement des personnes concernées ne débouchent pas sur des participations-alibis. De manière plus générale, la création d'une entité de gouvernance ; par exemple : un bureau de l'expérience et du partenariat patient, comme mis en place à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) au sein du service d'évaluation médicale, ou encore un centre de ressources sur l'expérience et le partenariat patient, comme développé au CHU de Rennes et impliquant la coopération entre des usagers partenaires, la direction de la qualité et l'unité transversale d'éducation du patient (UTEP), ou d'une stratégie d'engagement des usagers et du partenariat en santé intégrée à l'établissement (comme la stratégie PEPS [pour Partenariat et Expérience Patient en Santé] pilotée par une patiente coordinatrice aux hospices civils de Lyon) qui permet de contribuer à l'évaluation et l'intégration de « l'expérience patient » dans l'amélioration continue des soins et de l'organisation des soins. Apprendre des premiers mois de cette pandémie de la COVID-19 pour nous améliorer individuellement et collectivement est un impératif, même si la crise associée n'a fait que révéler de manière plus évidente des enjeux qui lui préexistaient. Nous avons à travers cet article tenté de mettre en lumière des enseignements spécifiques identifiés à partir de l'expérience des personnes vivant avec la maladie chronique avec qui nous sommes en relation d'accompagnement, d'engagements citoyens communs ou de coopération professionnelle, et qui font écho aux témoignages présentés dans les médias par d'autres personnes dans des situations similaires. Au-delà de ces apprentissages spécifiques, l'enseignement principal et transversal est celui de la nécessité de poursuivre le déploiement actuel d'une culture de l'amélioration continue, tout en nous assurant qu'elle se nourrit de « l'expérience patient, » qu'elle se pense et s'effectue en partenariat avec les usagers, leurs représentants et les usagers partenaires, et qu'elle s'ancre dans une vision coopérative de l'accompagnement des personnes. Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Logic: the theory of inquiry Pandémie grippale et réflexion éthique : quelles exigences pour un pilotage à la hauteur des enjeux ? L'évaluation des projets d'accompagnement à l'autonomie en santé : pourquoi privilégier une approche pragmatiste ? Sante Publ L'engagement des patients au service du système de santé. Collection la Personne en Médecine Le déploiement du partenariat avec les patients dans la formation initiale des professionnels de la santé : réflexions et pistes d'action à partir de l'expérience de la faculté de médecine de l'Université de Montréal The participation of patients and their relatives in Quebec's health system: the Montreal Model habilitation » au « Pouvoir d'Agir » : vers une appréhension plus circonscrite de la notion d'empowerment Ergonomie constructive The patient-as-partner approach in health care: a conceptual framework for a necessary transition Patient and public involvement in research and the Cancer Experiences Collaborative: benefits and challenges Gross tome xx > n8x > xx 2020 Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? Les associations de patients, alliées indispensables durant la crise sanitaire. The Conversation La ligne C, une ligne téléphonique d'écoute pour les patients chroniques sur COVID-19 Avis n o 2/2020 du Conseil pour l'engagement des usagers TN: The Beryl Institute Mobiliser l'usager et son expérience lors du RETour d'EXpérience (RETEX) Covid-19-Structure sanitaire, médico-sociale et exercice coordonné Unité d'évaluation médicale du CHRU de Nancy. Partenariat de soins. L'accès aux soins à distance & COVID 19 j Retours d'expériences des patients et professionnels de santé. Newsletter des patients partenaires du CHRU de Nancy/septembre La télémédecine est-elle devenue l'avenir de la médecine de la personne ? Réflexions d'un confiné au temps du COVID Résultats de notre enquête flash sur la téléconsultation Building a learning organization Extension des figures de l'usager partenaire : l'expérience patient comme levier d'analyse coopérative et écosystémique des organisations. Revue Soins Cadres Some varieties of epistemic injustice Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ? MISE AU POINT tome xx > Quels enseignements tirer de l'expérience de la pandémie de la COVID-19 dans l'accompagnement des patients chroniques ?