key: cord-0721775-n1w60g72 authors: Noizet, Marc; Pernot, Frédéric; Vilbois, Emmanuel; Rottner, Guillaume title: GESTION D’UNE SITUATION SANITAIRE EXCEPTIONNELLE PAR LE SAMU 68: LA PANDÉMIE COVID-19 date: 2020-08-28 journal: nan DOI: 10.1016/j.pxur.2020.08.016 sha: 9a07503fb57f4c144bf699daaaba5c3be6bc99b1 doc_id: 721775 cord_uid: n1w60g72 La crise COVID-19 s’est abattue sur le Haut-Rhin en quelques jours. Les premiers signaux ont été constatés au niveau du centre de réception et de régulation des appels (CRRA) provoquant une suractivité encore jamais égalée. Dix jours plus tard, ce sont les patients présentant des tableaux de détresse respiratoire qui ont provoqué un second pan d’activité inhabituel tant dans la recherche de lits de réanimation que dans la gestion de logistique de transferts. L’intensité de la crise a nécessité une grande capacité d’adaptation : renfort de ressources humaines, renforcement de l’infrastructure technique, formation, innovations organisationnelles, centralisation des informations et de l’organisation logistique des transferts. L’aspect inédit de cette épidémie a également mis en exergues des fragilités notamment dans les actions de coordination régionale. Les solutions mises en œuvre doivent être partagées et permettre d’anticiper la survenue d’une éventuelle nouvelle épidémie. The COVID-19 crisis hit the Haut-Rhin in a few days. The first signals were noticed at the level of emergency call center causing an overactivity that has never been experienced so far. Ten days later, the patients with signs of respiratory distress triggered an unusual secound round activity in booth the search for reanimation beds and in the management of transfer logistics. The intensity of the crisis required a great capacity for adaptation: reinforcement of human resources, strengthening of technical infrastructure, trainings, organizational innovations, centralization of information and of the logistical organization of transfers. The unprecedented aspect of this epidemic also highlighted weaknesses, particularly in regional coordination actions. The solutions implemented must be shared and must help to anticipate the occurrence of a possible new epidemic. En février 2020 le département du Haut-Rhin a fait face à une crise sanitaire majeure, conséquence de la diffusion fulgurante de l'épidémie COVID-19. Cette épidémie s'est développée à partir d'un rassemblement cultuel qui a eu lieu en périphérie de Mulhouse du 17 au 23 février. Le service d'aide médicale d'urgence (SAMU) 68 au centre du dispositif de réponse sanitaire a été impacté avec une violence extrême, nécessitant des modifications organisationnelles majeures et une adaptabilité inédite. Au-delà, c'est le système de santé français qui a dû faire face à la vague COVID-19, avec très peu d'annonces fiables, très peu de connaissances sur un virus connu que depuis quelques mois, et des données validées sporadiques s'appuyant sur l'expérience chinoise. Les connaissances se sont forgées au fil de l'eau, de jour en jour, parfois avec des contradictions, toujours avec des incertitudes, mais avec une rapidité d'étranglement des centres hospitaliers majeure. Situé à Mulhouse au sein du groupement hospitalier de la région Mulhouse Sud Alsace (GHRMSA), le SAMU est une des unités de la structure des urgences de l'établissement. Les effectifs médicaux et paramédicaux sont mutualisés avec les autres unités de la structure : le service d'accueil des urgences (SAU) et le SMUR. Le GHRMSA est un établissement de 1 250 lits d'hospitalisation complète, avec une structure d'urgences (SU) composée de trois sites d'accueil d'urgences totalisant 120 000 passages annuels par an. Le SAMU-Centre 15 totalise en 2019 une activité de 352 000 appels pour 159 000 dossiers de régulation médicale (DRM) soit en moyenne 450 DRM par jour. Pour assurer cette activité le SAMU-Centre 15 dispose de 1,5 équivalent temps plein (ETP) par jour de médecin régulateur hospitalier (MRU) et à recours à des régulateurs libéraux (RL) sur les horaires de permanence des soins (PDS) dont le nombre varie selon l'activité. Les assistants de régulation médicale (ARM) sont quant à eux trois à cinq selon les créneaux horaires avec présence d'un ARM superviseur 12 h par jour. Le SAMU-Centre 15 est situé sur le site Emile Muller à Mulhouse, dans une nouvelle salle de régulation datant de 2018. Il a gardé son ancienne salle de régulation opérationnelle à des fins de salle de régulation de crise. Le 24 février, le Directeur général de l'Organisation Mondiale de la Santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, appelle le monde à se préparer à une « éventuelle pandémie » du nouveau coronavirus, en jugeant « très préoccupante (…) l'augmentation soudaine » des nouveaux cas en Italie, en Corée du Sud et en Iran [1] . La Lombardie et la Vénétie proches d'un peu plus de 300 km du Haut-Rhin, ont décidé du confinement de plusieurs de leurs villes devant une augmentation importante du nombre de nouveaux cas de patients infectés. La proximité de ces régions et le partage de flux de population avec le Haut-Rhin ont provoqué rapidement une augmentation du nombre d'appels au CRRA. Le SAMU-Centre 15, clé du dispositif, recevait des appels de personnes symptomatiques ou simplement inquiètes, et conformément aux recommandations ministérielles avait pour mission d'identifier les cas suspects [2] . A ce stade de l'organisation, les cas suspects étaient validés conjointement avec le référent infectiologue du CHU de Strasbourg avant de bénéficier d'un prélèvement naso-pharyngé afin de réaliser des RT-PCR (reverse transcriptase polymerase chain reaction). Le 26 février, le CHU de Strasbourg, seul site de prélèvement et d'analyse des tests RT-PCR COVID, a demandé au GHRMSA d'organiser un site de prélèvement pour répondre à une demande en provenance de la zone de Mulhouse devenue trop importante. Ce centre rapidement mis en place était opérationnel 7 jours/7, dès le 28 février. Le 1 er mars, l'enquête épidémiologique a permis d'identifier deux familles du Haut-Rhin avec plusieurs cas avérés ayant participé à un rassemblement évangélique de 2 à 3 000 personnes, semaine du 17 au 23 février. Le niveau d'activité du CRRA était alors à deux fois sa moyenne quotidienne (900 DRM par jour). Le 2 mars, le GHRMSA a mis en place une cellule de crise bi-hebdomadaire et a décidé l'ouverture d'un secteur dédié de médecine unité COVID de 14 lits. Le CRRA a été renforcé en personnel devant l'augmentation continue de l'activité. Le 3 mars, le directeur général de la santé dans sa conférence de presse quotidienne médiatisée annonçait l'identification de la cause des cas COVID+ du département du Haut-Rhin comme étant liée au rassemblement évangélique. Cette annonce a provoqué aussitôt un afflux d'appels amenant le nombre de DRM à trois fois la moyenne quotidienne, soit 1 450 ( Le 4 mars, le CRRA a rencontré une saturation de ses lignes suivie d'une panne de son infrastructure téléphonique et a ouvert sa salle de régulation de crise ( Figure 2 ). Des renforts en personnels étaient à nouveau nécessaires. Simultanément nous avons mis en place un délestage de certains appels COVID vers les SAMU 67 et 54. Devant l'importance du nombre de patients symptomatiques, il a été décidé l'arrêt des prélèvements des patients sans critère de gravité. Seuls les patients présentant des critères d'hospitalisation bénéficiaient d'un prélèvement en opposition au discours national de santé publique. La semaine qui suit a été marquée par une forte augmentation de l'activité d'accueil hospitalier de cas COVID dont une part importante nécessitait une hospitalisation du fait de leur oxygéno-dépendance. Les patients hospitalisés en réanimation nécessitaient une assistance ventilatoire de plus en plus fréquents. Le 9 mars, le CRRA totalisait 1 900 DRM. Les SAU croulaient sous les admissions de cas COVID-19. Cette date correspondant à un point de rupture, nous avons été obligés de basculer l'organisation habituelle et consacrer les trois quarts des surfaces des SU à la prise en charge exclusive de patients COVID-19. Le 16 mars, le CRRA fermait la salle de délestage du CODIS, constatant une régressions d'environ 30% des appels COVID. Les capacités de réanimation départementales avaient plus que doublées passant de 66 à 138 (ouverture de lits de réanimation supplémentaires dans les blocs opératoires, les salles de soins post-interventionnels, transformation de lits de surveillance continue) pourtant elles étaient saturées (Tableau I). Face à cette saturation, le SAMU 68 a décidé d'organiser une opération de transfert massif, afin de libérer des places de réanimation en transférant des patients intubés-ventilés stables vers d'autres réanimations extra-départementales. Le 17 mars, un pont aérien était organisé permettant de transférer 10 patients à l'aide de quatre hélicoptères (HéliSMUR 68, HéliSMUR Lorraine, Dragon 67 et 25) vers les CHU de Strasbourg, Nancy et le CHR de Metz ( Figure 3 ). A partir de ce jour le SAMU 68 a mis en place une cellule de coordination des transferts qui a assuré jusqu'au 9 avril un total de 330 transferts au départ du Haut-Rhin, dont 60 à l'étranger (Tableau II). Cette rotation en libérant des places de réanimation a permis de toujours pouvoir accueillir les nouveaux patients intubés dans nos services. Tableau I. Evolution du capacitaire en lits de réanimation du Haut-Rhin (USC : unités de soins continus ; HCC : hôpitaux civils de Colmar ; GHRMSA : groupement hospitalier de la région de Mulhouse Sud Alsace ; EMR-SSA : élément militaire de réanimation-service de santé des armés). Le retentissement de la pandémie COVID-19 sur le fonctionnement du CRRA revêt plusieurs caractéristiques : une cinétique très rapide (augmentation majeure sur cinq jours avec effondrement de l'activité de régulation conventionnelle de 90% pendant deux jours consécutifs), une intensité inégalée (activité habituelle multipliée par quatre), une durée importante (dispositif spécifique maintenu pendant un mois), une régulation mono pathologie. Le SAMU 68 a installé alors rapidement une cellule de coordination départementale dans ce contexte de saturation des lits de réanimations, et ce malgré l'ouverture de 72 lits de réanimation supplémentaires dans le département faisant passer la capacité de 66 à 138 lits. Ainsi par exemple sur la période allant du 24 février au 20 avril 2020, 195 patients COVID ont été admis en réanimation au GHRMSA à partir de son service d'urgences ( Figure 4) . Les évacuations dans des régions distantes ont été réalisées par l'intermédiaire de vecteurs exceptionnels (Tableau III) : Tableau III. Moyens exceptionnels utilisés par le SAMU 68 pour réaliser les transferts longue distance. En second lieu, il appartient au SAMU de se positionner comme coordonnateur de la recherche des ressources adaptées aux patients présentant des signes de gravité ainsi qu'à l'organisation de leurs transferts. Les principales difficultés rencontrées dans cette gestion de patients de réanimation sont ; la recherche de lits de réanimation disponibles, la coordination régionale des transferts, a rapidement été cogérée par la cellule de crise de l'ARS, le COZ et le SAMU zonal, trois structures n'ayant jamais été amenées à piloter ce type de crises et dont le mode de coordination a parfois été à l'origine de perte de temps ou de défaut d'information, la gestion des relations internationales pour les transferts à l'étranger, imposant une surcouche diplomatique, la coordination des relais routiers avant ou après un vecteur aérien liée à des difficultés de transmissions d'information sur les horaires de vol et également rendue complexe par la multiplicité des intervenants. La gestion régionale et interservices de ces situations doit être améliorée afin de devenir opérationnelle sans délai en cas d'une nouvelle crise. Cela sous-entend la définition précise des missions et responsabilités de chacun ainsi que des processus, et la réalisation d'exercices. Le SAMU 68 a été confronté à une crise sanitaire sans précédent liée au développement fulgurant de l'épidémie COVID-19 dans le Haut-Rhin. Il a fallu faire preuve d'une grande réactivité et adaptabilité pour permettre au CRRA d'assurer ses missions sans rupture. Cette situation a par ailleurs permis de tester des organisations et technologies qui peuvent s'inscrire dans une préconfiguration du SAS, mais qui nécessitent l'élaboration d'un plan formalisé. Le second volet a été la gestion des lits de réanimation et des transferts de patients graves, entrant pleinement dans les missions d'un SAMU mais dont l'ampleur n'avait jamais été égalée. La gestion de l'information et la coordination sont les points clés de ce pan. La dimension régionale nécessite une anticipation des organisations et la mise en oeuvre d'exercices entre les différents services concernés pour devenir pleinement opérationnels. Cette épidémie aura amené les SAMU à se dépasser, à s'adapter et à innover. Il faut maintenant que ces expérimentations permettent l'élaboration d'une doctrine nationale, déclinée en plan d'organisation pour tous les SAMU, visant une meilleure adaptation en cas de survenue d'une nouvelle crise de ce type. Allocution liminaire du point presse sur la COVID-19 du 24 février 2020 Message d'alerte rapide sanitaire du 14 janvier 2020 : Cas groupés d'infections à nouveau coronavirus (2019-nCoV) en Chine Indicateurs Hôpital en tension et réanimation dans les territoires ICUBAM une application pour surveiller et visualiser en temps réel la disponibilité des lits de soins intensifs