key: cord-0702716-htxfra3l authors: Maisonneuve, Hervé; Plaud, Benoit; Caumes, Eric title: Pandémie à SARS-CoV-2 : éthique et intégrité oubliées devant la précipitation pour publier date: 2020-12-31 journal: La Presse Médicale Formation DOI: 10.1016/j.lpmfor.2020.10.021 sha: e88c637c2a9f7056a229cba66b62305c01760ff4 doc_id: 702716 cord_uid: htxfra3l Les éditeurs, propriétaires des revues scientifiques avec les sociétés savantes, ont mis en accès libre les articles traitant de la COVID-19 au sein d’un espace dédié. Les revues médicales prestigieuses ont reçu jusqu’à une centaine de manuscrits par jour, pour en publier moins de 2 ou 3 % ; cependant, les règles de relecture par les pairs n’ont pas toujours été suivies. Des revues ont créé de nouvelles rubriques pour alléger les standards de publication, attirer les auteurs, ou augmenter le nombre de citations. Des manipulations des publications ont été observées. Les revues prédatrices, pour certaines créées lors de la pandémie, ont profité de la crise sanitaire pour attirer auteurs et articles. Les médecins ont adopté le système des prépublications, après avoir été réservés sur son utilité. Les revues scientifiques n’ont plus la primeur des résultats des recherches. The publishers, owners of the journals along with the learned societies, have made COVID-19 articles freely available, with a dedicated space. Prestigious medical journals received up to 100 manuscripts per day, publishing less than 2–3%, and peer review standards were not always followed. Journals have created new sections to lower publication standards, attract authors, or increase citation numbers; manipulations of publications have been observed. Predatory journals, including some created during the pandemic, took advantage of the pandemic to attract articles. Doctors have adopted the preprints system, after being reserved about its usefulness. Scientific journals are no longer the first to publish research results. Dans tous les domaines de la science, la pandémie à SARS-CoV-2, responsable de la COVID-19 (Coronavirus Disease 2019), a permis à certains d'allouer du temps pour écrire. Mais si des chercheurs confinés, ne pouvant de fait poursuivre des expérimentations de laboratoire ou de terrain, ont pu exploiter des données existantes pour les analyser et rédiger des manuscrits, les personnels soignants, que nous soutenons et remercions, ont quant à eux eu beaucoup moins de temps pour ce type d'analyse et d'écriture. La communication par les médias, les chaînes d'information continue et les réseaux sociaux dont YouTube TM n'ont pas toujours permis de transmettre des messages validés. Des publications scientifiques ont été exposées au public sans beaucoup d'esprit critique. Nous aurions aimé écouter des représentants de sociétés savantes, mandatés par leurs pairs, plutôt que des experts auto-proclamés qui n'apportaient pas une contribution significative au débat. Beaucoup sortaient de leurs champs de compétences, se prenant pour des virologues, des épidémiologistes, des infectiologues, ou des réanimateurs. Les sociétés savantes, propriétaires de la plupart des revues scientifiques, n'ont pas été beaucoup sollicitées, notamment pour proposer des experts [1] . Les animateurs de débats auraient dû être des journalistes scientifiques plutôt que des journalistes attentifs à l'audience : ils savent interpréter les résultats de recherche décrits dans les articles scientifiques, et ils ont un esprit critique. L'image de la science a en souffert, même si la confiance des citoyens envers la science ne semble pas avoir été altérée [2] . L'Académie nationale de médecine, habituellement réservée, a exprimé fermement dans un communiqué de presse du 8 mai 2020 : « La vérité scientifique ne se décrète pas à l'applaudimètre. Elle n'émerge pas du discours politique, ni des pétitions, ni des réseaux sociaux. En science, ce n'est ni le poids majoritaire ni l'argument d'autorité qui font foi » [3] . Les publications permettent de valider la science par les pratiques de l'évaluation par les pairs (peer-review). À distance de la pandémie, que restera-t-il de cette avalanche de publications ? Quels bénéfices attendus pour le progrès de la prise en charge en direction des patients, de la société dans son ensemble ? La singularité de la crise sanitaire justifiait-elle que les pratiques les plus élémentaires en matière d'éthique et d'intégrité dans les publications soient si peu respectées ? Notre objectif a été d'exposer des observations sans les commenter, de décrire des dérives du système des publications, et d'évoquer des changements qui pourraient être pérennes. Quel rôle des acteurs du système de publications pendant la pandémie ? Si certains n'ont pas eu de temps pour analyser leurs données en vue de rédiger des articles, d'autres, confinés à leur domicile, ont soumis des textes qui n'auraient jamais dû être écrits. Selon les domaines, le nombre de manuscrits soumis aux revues a été soit augmenté soit diminué. Le JAMA a ainsi reçu 11 000 manuscrits entre le 1 er janvier et le 1 er juin 2020, au lieu de 4000 pour la même période en 2019 [4] . Une nette émergence des auteurs chinois a été observée. Contrairement aux précédentes pandémies, ils ont publié sans la collaboration de collègues anglo-saxons, représentant à eux seuls 50 à 75 % des publications entre janvier et avril 2020 selon les bases de données analysées [5, 6] . Environ 25 % des publications étaient le fruit de collaborations internationales, et environ 25 % contenaient des données originales ; il s'agissait surtout d'études rétrospectives, de série de cas, de modélisations. Les premières données d'essais randomisés sont apparues entre mai et juillet 2020 [5, 6] . Cependant, à partir de 1551 protocoles enregistrés sur ClinicalTrials.gov le 19 mai 2020, il a été estimé que moins d'un tiers de ces essais apporteront des données probantes [7] . Dans son livre (chapitre 3), Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, décrit les collaborations entre auteurs chinois pour rapidement décrire la maladie, rédiger leurs observations et les publier sans censure dans les revues internationales en langue anglaise [8] . Il évoque des changements scientifiques et culturels très importants, sous le leadership de chercheurs comme Bin Cao, Pékin, dont l'équipe a publié les premières données cliniques dans The Lancet. Des revues anglo-saxonnes ont systématiquement ajouté des résumés en chinois aux articles. Des traductions d'articles en langue chinoise ont été publiées par des revues prestigieuses comme The Lancet, le JAMA et leurs revues affiliées, mais sous la responsabilité des auteurs chinois. Nous n'avons pas d'information sur les publications indexées dans les bases de données chinoises. Des articles en langue chinoise, avec un bref résumé anglais, ont été pris en compte par la communauté internationale. Les critères pour la paternité d'un article n'ont pas toujours été respectés. Certains articles ont eu plus d'auteurs que de malades analysés, et une traduction en chinois (encadré 1) [9] . Des Predatory journals, including some created during the pandemic, took advantage of the pandemic to attract articles. Doctors have adopted the preprints system, after being reserved about its usefulness. Scientific journals are no longer the first to publish research results. auteurs de complaisance ont été ajoutés, des auteurs ont été oubliés (fantômes), et des conflits d'intérêts ont été gérés dans l'urgence. Le Directoire de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l'Inserm et les universités franciliennes ont demandé la mise en place d'une charte de signature [10] . Ainsi, tous les articles scientifiques originaux rapportant les résultats des études à promotion AP-HP sur le SARS-CoV-2 auraient dû utiliser comme seule signature : « On behalf of the AP-HP/ Universities/Inserm COVID-19 research collaboration ». Cette directive n'a pas été très suivie. L'évaluation par les pairs, ou peer-review, est indispensable pour sélectionner les articles au sein d'une revue. Les évaluateurs ont été très recherchés, avec des appels de revues pour demander des évaluations en quelques jours, quand plusieurs semaines étaient habituellement nécessaires. Certains ont accepté de relire vite, parfois en 24 à 48 heures. Les recherches originales ont été analysées par des évaluateurs externes, alors que les autres articles (points de vue, lettres, éditoriaux, revues de littérature) ont souvent été évalués par les rédacteurs des revues, sans évaluation externe par des pairs [4] . Certaines revues ont publié des articles en 20 jours, voire moins, ce qui suppose que les standards habituels n'ont pas toujours été suivis. La publication rapide ou fast-track est devenue la norme pour certaines revues. Elle répond à une règle 10 + 10, c'est-à-dire : 10 jours entre la soumission et la décision (les évaluateurs doivent répondre en 2 à 4 jours) ; et 10 jours pour les corrections (révisions de la rédaction), la préparation et les épreuves avant la mise en ligne [11] . Les délais de publication pour des revues de spécialités biomédicales (virologie, infectiologie) ont été divisés par deux par rapport aux délais moyens de 2019 [12] . Des délais médians entre soumission et publication ont été de 8 jours, avec un interquartile de 4 à 16 jours [6] . Des rédacteurs des revues ont été submergés par les soumissions COVID-19 alors que les soumissions dans d'autres domaines de recherche étaient diminuées, voire stables. Les revues médicales prestigieuses ont reçu une centaine de manuscrits par jour, pour en publier moins de 2 ou 3 %. The Lancet Global Exemple de « hot papers » publiés par des revues prestigieuses. Il s'agit d'études ouvertes, sans groupe contrôle, voire d'études randomisées avec un effectif insuffisant, ou d'un cas clinique trompeur. La lecture d'une étude ouverte supportée par une industrie pharmaceutique dans le NEJM nous interroge sur la stratégie de cette revue [9] . Ce genre d'article est refusé en période non pandémique. Cette étude a inclus 53 malades dont 22 aux USA, 22 en Europe et 9 au Japon. Il n'y avait pas de comparaison avec un autre groupe. Est-il utile de faire une compilation multicentrique (8 pays) pour inclure 53 malades ? Il y avait 55 auteurs et c'est beaucoup ; 37 sont des experts universitaires dont les affiliations sont : USA (17 auteurs), Italie (7 auteurs), Japon (6 auteurs), France (3 auteurs), Allemagne, Canada, Espagne et Autriche (un auteur chacun). Il y a 18 auteurs du laboratoire Gilead Sciences (USA). Il y a plus d'auteurs que de malades analysés. Les cliniciens n'ont peut-être pas géré le protocole, les analyses, ni la rédaction de l'article. Il y a eu 5 « medical writers », dont 2 de Gilead Sciences. La discussion est mesurée en mentionnant que ces résultats n'apportent rien avec des phrases remarquables : « Bien que les données de plusieurs essais randomisés et contrôlés en cours fourniront bientôt des preuves plus instructives concernant la sécurité et l'efficacité du remdesivir pour la COVID-19, les résultats observés dans ce programme d'utilisation compassionnelle sont les meilleures données actuellement disponibles. » Le NEJM supporterait-il l'industrie pharmaceutique ? Le NEJM sait-il qu'il va vendre des tirés-à-part rémunérateurs avec cet article accepté ? Le JAMA a publié des articles de recherche qui n'auraient pas dû être acceptés. Par exemple, le 3 juin 2020, un essai randomisé d'origine chinoise dont la puissance n'était pas suffisante a été publié [14] . Il devait inclure 200 malades, mais il a été arrêté après 103 inclusions. La conclusion était : « Chez les patients atteints de COVID-19 grave ou mettant leur vie en danger, la thérapie plasmatique de convalescence ajoutée au traitement standard, comparée au traitement standard seul, n'a pas entraîné une amélioration statistiquement significative du délai d'amélioration clinique dans les 28 jours. L'interprétation est limitée par l'arrêt précoce de l'essai, qui peut avoir été insuffisamment puissant pour détecter une différence cliniquement importante ». Cet article original avait été précédé par une communication préliminaire d'une autre équipe chinoise avec 5 malades ayant reçu du plasma de malades convalescents [15] . Une lettre publiée par le NEJM le 30 janvier 2020, traduite en langue chinoise, a été signée par 17 auteurs pour décrire 4 cas de patients allemands ayant été contaminés par le virus SARS-CoV-2 [16] . Une femme d'affaires chinoise est venue à Munich, provenant de Shanghai, pour des entretiens commerciaux entre les 19 et 22 janvier 2020. La publication décrit la contamination de 4 allemands, dont deux ont rencontré la femme chinoise. Il s'agit de contamination à partir d'un cas index qui n'avait, soitdisant, pas de symptômes. À son retour en Chine, cette femme a Encadr e 1 (Suite) été testée positive le 26 janvier. Mais on apprend dans un second temps que pendant son séjour en Allemagne, elle était fatiguée et avait des douleurs musculaires nécessitant des prises d'acétaminophène [17] . Cet article aurait dû être rétracté, mais il restera dans le NEJM comme la première description d'une transmission à partir d'un cas asymptomatique qui ne l'était donc pas. Health, parmi les 2000 manuscrits soumis, a seulement publié 5 articles originaux [13] . Des revues ont cherché des « hot papers » (articles discutés par les médias et ultérieurement cités), parfois avec une veille sur les serveurs de prépublications (Encadré 1). En médecine, des essais ouverts, sans groupe contrôle, avec des critères de jugement pas toujours pertinents, et donc de mauvaise qualité, ont été publiés par des revues prestigieuses, qui en général recherchent surtout les essais randomisés contrôlés. De nombreux cas cliniques peu validés ont clamé la première description d'un signe. Des cas de malades ont été publiés dans plusieurs revues, ce qui est contraire aux bonnes pratiques de publication. Des revues ne considéraient plus les « lettres à la rédaction » car elles en recevaient beaucoup trop, et parce que les commentaires des articles avaient été déposés sur PubPeer (http://www.pubpeer.com/), des blogs, voire sur Twitter TM . Les éditeurs, propriétaires des revues avec les sociétés savantes, ont mis en accès libre leurs articles, avec un espace dédié « COVID-19 ». Plus de 30 éditeurs, représentant quelques milliers de revues, sous l'égide du Wellcome trust TM ont signé une déclaration pour mettre les articles en accès libre, et pour les transférer de manière accélérée sur des bases de données (https://wellcome.ac.uk/press-release/publishers-makecoronavirus-covid-19-content-freely-available-and-reusable). Les références citées dans ces articles ne sont pas en accès libre. Des milliers d'articles COVID-19 ont été accessibles sans frais, ni pour le lecteur, ni parfois pour l'auteur. Est-ce une exception temporaire ? Pourquoi la gratuité d'accès pour les articles sur la COVID-19 ne serait-elle pas possible pour tous les domaines de la science ? La plupart des revues scientifiques sont la propriété des sociétés savantes. Les revues prestigieuses sont la propriété d'associations professionnelles (JAMA, The BMJ, New England Journal of Medicine, Annals of Internal Medicine, Science) ou de sociétés privées (revues Lancet/Elsevier, revues Nature/Springer). Par l'intermédiaire de leurs revues, et de leurs sites internet, les sociétés savantes se sont adressées à leurs membres [1] . Ces sociétés savantes n'ont pas été présentes dans les débats publics. Auraient-elles dû déléguer leurs représentants pour intervenir dans ces débats ? Devraient-elles avoir des missions d'informations vers le grand public avec l'objectif de valider les connaissances scientifiques, plutôt que de laisser s'exprimer des experts auto-proclamés ? La société française de pharmacologie et de thérapeutique a publié sur son site internet 164 questions réponses pour le public (https://sfpt-fr.org/ covid19-foire-aux-questions). Cela représente une base de données excellente pour le public, probablement sous-utilisée par les journalistes et les citoyens. Une question légitime pourrait se poser : les sociétés savantes ne devraient-elles pas avoir un organe d'expression vis-à-vis du public ? La question est d'autant plus pertinente que les journalistes n'aiment pas se voir imposer un interlocuteur particulier, que ce soit par une société savante, ou un employeur, universitaire ou hospitalier. Il existe de nombreuses sociétés au service des chercheurs, des industries et des revues pour préparer des articles. Des sociétés de traduction et de relecture en langue anglaise ont proposé des réductions sur leurs prestations, voire des prestations gracieuses pendant la pandémie. Par exemple, le site internet de « American Journal Experts » avait une information en juillet 2020 : « Au cours des trois derniers mois, l'AJE a édité et traduit plus de 600 articles COVID-19/SARS-CoV-2 gratuitement ou à prix réduit. Nous continuerons à soutenir la communication sur la recherche autour de ce sujet essentiel en offrant une réduction de 25 % sur la traduction ou de 50 % sur la mise en forme des articles. » (https://www.aje.com/coronavirus/). Le travail des sociétés de communication a été retardé, surtout par l'annulation des congrès. Ainsi, des posters n'ont jamais été présentés, d'autres ont été transformés en abstracts sur le site des congrès ; la publication des articles traitant de sujets non-COVID-19 ont été retardés par les revues ; des numéros spéciaux, des publications planifiées n'ont pas été réalisées. L'International Society for Medical Publication Professionals a organisé des webinars pour leurs membres afin de partager les expériences des professionnels de la rédaction (https://thepublicationplan. com/2020/05/01/ismpp-u-sheds-light-on-coronavirusimpact-on-publication-planning/). Un projet Nord-Américain a permis de créer une nouvelle base de données compilant les références à tous les articles concernant les coronavirus dans tous les domaines de la science. Les objectifs sont de permettre des analyses automatisées, avec des outils pour des recherches de données. Cette base, appelée CORD-19 pour COVID-19 Open Research Dataset contenait plus de 130 000 documents le 20 septembre 2020 (https://www. semanticscholar.org/cord19). 140 rédacteurs (https://ease.org.uk/ease-events/virtualconference-2020/vc-2020-recordings/) : la plupart des rédacteurs sont en faveur de ne pas diminuer les standards de qualité. Pour alléger les standards de publication, attirer les auteurs, ou augmenter le nombre de citations, les revues peuvent créer de nouvelles rubriques, publier des points de vue, des lettres, des cas cliniques, voire des résumés d'étude ou des données préliminaires en attendant les résultats définitifs. L'évaluation par les pairs doit être accélérée ; dans l'urgence, certains pensent qu'un seul relecteur est suffisant, ou qu'une relecture peut être faite par le comité de rédaction. Les remarques faites aux auteurs doivent être réduites, d'autant plus que ces derniers peuvent avoir des difficultés pour refaire des analyses, et qu'ils n'ont pas adopté les meilleures méthodologies de recherche. Or les revues, et non seulement les auteurs, ont la responsabilité d'identifier toutes les limites méthodologiques : cette transparence est une sorte d'assurance qualité. Il ne s'agit pas d'inciter à publier de la mauvaise science. Nous citons trois exemples de « hot papers » que les revues prestigieuses n'auraient jamais publier normalement, en période hors pandémie (encadré 1). Au 6 novembre 2020, 38 articles COVID-19 ont été rétractés de la littérature, trois ont été temporairement rétractés et trois ont reçu une mise en garde (https://retractionwatch.com/ retracted-coronavirus-covid-19-papers/). Un cas de rétractation a été mal interprété, c'est l'affaire dite du « LancetGate » (encadré 2). Un article a reçu une mise en garde mais sans décision claire de rétractation ou de validation. Il s'agit d'un des premiers articles de l'institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille : il aurait dû être rétracté (encadré 3). Rétracter un article et reconnaître des erreurs est une démarche vertueuse que peu de revues font. Les rétractations sont en général causées par des erreurs de bonne foi découvertes après publication, ou par des fraudes des auteurs. Les délais de rétractation ont été courts, car habituellement il faut plusieurs années pour rétracter un article. Combien d'articles COVID-19 seront rétractés dans les années futures ? Pourquoi des erreurs ou fraudes n'ont pas été détectées par les rédacteurs des revues ou les évaluateurs externes ? L'urgence a incité l'ensemble des acteurs à accélérer les délais de publication dans un contexte concurrentiel fort entre les revues sans prendre le temps d'une expertise de qualité. Un processus Le LancetGate, une rétractation rapide et vertueuse pour une suspicion de fraude non prouvée car des données n'ont pas été communiquées. Le 1 er mai 2020, une équipe de chercheurs américains publie un article dans une revue prestigieuse, le New England Journal of Medicine (NEJM) à partir de données de dossiers électroniques de malades [18] . Ces données ont été collectées et analysées par une société commerciale américaine Surgisphere TM . Ces types de données massives sont régulièrement collectés par des établissements publics ou des sociétés privées dans le monde. Ce sont des registres de dossiers, bases similaires à celles de l'Assurance maladie. Cet article a analysé les données de 8900 malades atteints de la COVID-19 au sein de 169 hôpitaux en Amérique du Nord, Asie et Europe. Il s'agit d'une base de malades atteints de maladies cardiovasculaires, et l'analyse a montré que les médicaments antihypertenseurs n'avaient pas d'effet sur cette maladie. Cet article n'a pas été commenté. Le 22 mai 2020, la revue The Lancet a publié une étude similaire, à partir de la même base de données de Surgisphere TM . Certains des auteurs étaient aussi auteurs de l'article du NEJM [19] . Il s'agissait de 96 000 dossiers de malades transmis par 671 hôpitaux. Cet article émettait l'hypothèse que la chloroquine et l'hydroxychloroquine avaient des effets délétères sur la maladie et augmentaient les effets indésirables. L'émotion de certains chercheurs devant ces résultats les ont poussés à analyser cet article. Ils ont émis des réserves, la plupart justifiées sur certaines analyses, et ils ont suspecté des erreurs (https://zenodo.org/record/3864691#.XwHlGec682w). Ils ont mis en doute le travail des évaluateurs et du comité de rédaction de la revue. Ces commentaires ont été transmis au Lancet et aux auteurs de l'article, en demandant des précisions sur les données. L'auteur principal, affilié à la prestigieuse université Harvard a demandé à un co-auteur, responsable de la société Surgisphere TM d'avoir accès aux données, ce qui lui a été refusé. Devant ce refus, les trois autres auteurs ont signifié qu'ils n'avaient pas confiance dans les données et recommandé de retirer les deux articles de la littérature. Les commentaires dans les médias ont été faits par des personnes ignorant la méthodologie de cette recherche. Il ne s'agissant pas d'essais cliniques, mais d'analyses de données de vie réelle, donc ne permettant pas de conclure avec certitude. Il ne s'agissait pas d'engager des sommes faramineuses et des personnels capables de soigner 96 000 malades. C'était l'analyse d'une base de données existante. Nous n'avons pas d'informations sur l'existence des données, et aucune preuve pour dire qu'il s'agissait d'une fraude. Une enquête est en cours. Elle a été diligentée par le « Brigham and Women's Hospital Heart and Vascular Center » qui emploie le premier auteur des deux articles. L'enquête sera probablement longue ou sans conclusion. Le 5 juin 2020, dans la même heure, The Lancet et le NEJM ont rétracté ces deux articles. The Lancet a demandé aux auteurs de l'éditorial accompagnant l'article rétracté de le rétracter Encadr e 2 (Suite) également et de le republier pour actualiser les commentaires [20] . Sans l'article du Lancet, il est probable que l'article du NEJM serait toujours référencé et n'aurait pas eu de critiques. d'évaluation par un comité de pairs, qui se fait en 4 ou 6 semaines normalement, a été réalisé en une ou deux semaines pour les articles traitant de la COVID-19. Les chercheurs sont en compétition entre eux, les revues sont en compétition entre elles ; tous veulent être dans les médias. Certains contrôles n'ont pas suivi les standards habituels. L'évaluation par un comité de pairs est basé sur un principe de bonne foi des chercheurs : ni les évaluateurs, ni les rédacteurs n'ont accès aux données sources, et ne peuvent auditer dans les laboratoires. En théorie, ce serait possible, mais qui va consacrer le temps et les ressources pour refaire les analyses statistiques ? Les auteurs signent lors de la soumission qu'ils s'engagent sur l'intégrité des données. Les institutions doivent s'assurer de l'intégrité des chercheurs ; et ce n'est pas la mission des revues ou des évaluateurs. Dans le cas de ces deux articles, les revues (Lancet et NEJM) n'ont pas communiqué sur leur évaluation par un comité de pairs ; et nous n'avons pas d'arguments pour en évaluer la qualité, ou pour dire qu'elle aurait été mal conduite (encadré 2). L'évaluation par un comité de pairs est justement critiquée, mais il n'existe pas de meilleur modèle. Cette démarche des auteurs, et des rédacteurs des deux revues est à la foi instructive pour la science, et aussi un exemple vertueux. Combien de revues devraient se questionner sur les données sources des articles ? Des manipulations des publications ont été observées [23] . La manipulation de revues par l'équipe de l'IHU de Marseille a été bien décrite, sans que la communauté scientifique soit déstabilisée (encadré 3). La pratique de manipuler le facteur d'impact n'est pas admissible car elle influence des décisions éditoriales. Les « hot papers » publiés par les revues seront commentées par le public, et cela participe à l'augmentation des citations [24] . Les articles controversés sont à l'origine de citations, dont certaines contestent les conclusions ou signalent des erreurs ou embellissement. L'article sur le traitement avec l'association hydroxychloroquine et azithromycine (encadré 3), a été cité environ 3000 fois entre le 20 mars et le 1 novembre 2020. Ce seul article aura une influence majeure sur le prochain facteur d'impact de la revue International Journal of Antimicrobiol Agents. Et cela aura le même effet sur le facteur H, évaluation indirecte de la réputation des chercheurs par le nombre de leurs publications. Ces manipulations sont flagrantes également avec la revue New Microbes and New Infections dans laquelle Didier Raoult a cosigné 234 des 743 articles publiés [23] . Cinquante pour cent des articles de cette revue sont signés par des auteurs français. Les manipulations des comités de rédaction des revues par l'équipe de l'IHU de Marseille ont été décrites en détail, en proposant la qualification de revues d'auto-promotion pour ces revues [25] . Les données sources et codes de cette recherche sont librement accessibles [25] . Les publications manipulées permettent d'allouer des ressources à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) par le système SIGAPS TM (Système d'Interrogation, de Gestion et d'Analyse des Publications Scientifiques). D'après la page Wikipedia TM français de D. Raoult, il aurait déclaré que ses publications en 2018 auraient rapporté 11 millions d'euros à l'AP-HM (https://fr.wikipedia.org/wiki/ Didier_Raoult#cite_note-:14-87). D Raoult a publié plus de 3500 articles pendant sa carrière, soit environ un article tous les 3 ou 4 jours. Les revues prédatrices ou trompeuses caractérisent un modèle de publication dont l'objectif unique est des faire des profits en demandant à des chercheurs de soumettre leurs manuscrits et de payer en moyenne 150 $ américains pour qu'ils soient publiés. Ce service assure des délais rapides de publication, sans risque de refus [26] . Il existerait environ 13 000 revues prédatrices. Une définition a été proposée : « Les revues et éditeurs prédateurs sont des entités qui privilégient l'intérêt personnel au détriment de la recherche et se caractérisent par des informations fausses ou trompeuses, un écart par rapport aux bonnes pratiques éditoriales et de publication, un manque de transparence et des sollicitations agressives sans discernement » [27] . Les revues prédatrices ont profité de la pandémie pour solliciter des soumissions. C'était d'autant plus facile que les revues légitimes, submergées, refusaient beaucoup de manuscrits. Des revues prédatrices dédiées à la COVID-19 ont même été créées. Ces revues prédatrices ont été surnommées le « Salon des Refusés » [28] . Nous avons eu un exemple avec le manuscrit du Collectif Laissons les Prescrire. Il s'agit d'un groupe de médecins généralistes n'ayant pas pu publier leurs résultats dans une revue légitime, et ayant choisi, sans le savoir, une revue prédatrice avec un titre asiatique. Les auteurs, en refusant d'admettre leur erreur, ont permis d'alerter la communauté française sur ce mode de publication. La dernière auteure est députée de la République française, ce qui a donné de la visibilité au phénomène des revues prédatrices. L'un des auteurs a signé avec l'affiliation « institut Pierre-Louis d'épidémiologie et de santé publique (IPLESP), Paris ». Cet Institut a publié une mise au point : « La direction de l'IPLESP ainsi que ses tutelles (Inserm, Sorbonne Université) et l'AP-HP réfutent la méthodologie et les conclusions du manuscrit intitulé « Azithromycin and Hydroxychloroquine accelerate recovery of outpatients with mild/moderate COVID-19 » publié dans Asian Journal of Medicine and Health et dont l'un des co-auteurs est affilié au centre de recherche. Cet article publié dans une revue prédatrice ne permet pas de conclure que l'azithromycine administrée seule ou avec de l'hydroxychloroquine ait un quelconque impact favorable sur l'évolution de la maladie COVID-19. Enfin, le statut réglementaire de l'étude tel que décrit dans le papier pose question et mériterait d'être précisé. » (https://www.iplesp. upmc.fr/). Les auteurs du Collectif Laissons les Prescrire ont nié la qualité de prédatrice de cette revue asiatique. Un autre groupe d'auteurs (Collectif Laissons les Vendeurs de Trottinette Prescrire) a confirmé qu'il s'agissait d'une revue prédatrice en soumettant un article loufoque avec des données inventées et qui a été publié puis rétracté (avec pour titre : Contrairement aux attentes, SARS-CoV-2 plus létal que les trottinettes : est-ce que l'hydroxychloroquine pourrait être la seule solution ?). L'histoire complète est décrite sur le blog d'un des auteurs (http://www.mimiryudo.com/blog/2020/08/lemeilleur-article-de-tous-les-temps/#comment-4321). Le « manuscrit auteur » est la version initiale du compte rendu de recherche, avant soumission à une revue. Cette version qui précède l'évaluation par un comité de rédaction est appelée « prépublication, préprint ou preprint ». Elle ne comprend ni les modifications que fera l'auteur après l'évaluation par un comité de pairs, ni les corrections et la mise en page de l'éditeur. En 1991, des physiciens ont proposé de mettre en ligne ces prépublications pour communiquer au plus vite les résultats des recherches (https://arxiv.org/). En 2004, les sciences sociales ont créé leur plateforme SSRN pour Social Science Research Network (https://www.ssrn.com/index.cfm/en/). Fin 2013, les biologistes ont créé leur archive ouverte (https://www.biorxiv.org/), et ce n'est qu'en juin 2019 que la communauté médicale a découvert les prépublications (https://www.medrxiv.org/). De grandes variations existent entre les disciplines. En France, depuis 2001, la plateforme Hyper articles en ligne (HAL) héberge des articles et des prépublications (https://www.hal.inserm.fr/). En médecine, les débats ont été nombreux, avec des opposants aux prépublications. Les principaux arguments peuvent être résumés ainsi : « Les prépublications peuvent être perçues par des chercheurs peu scrupuleux comme des preuves même si les études n'ont pas fait l'objet d'un examen par les pairs, ni été publiées dans une revue scientifique. . .. Contrairement aux autres sciences, la recherche clinique sera lue par des patients et familles, le public et les médias. Il existe une appétence pour interpréter les données ; la recherche clinique est plus facile à lire que d'autres disciplines scientifiques. . .. Les manuscrits sous forme de prépublications ressemblent aux articles acceptés par les revues, et des confusions sont possibles. Ne serait-il pas possible de les discuter sur des blogs, des réseaux sociaux, plutôt que les publier dans ces archives ouvertes ? » Un avertissement est affiché sur les serveurs de prépublications : « Attention : les prépublications sont des rapports préliminaires de travaux qui n'ont pas été certifiés par un examen par les pairs. Ils ne doivent pas servir à orienter la pratique clinique ou les comportements liés à la santé et ne doivent pas être présentés dans les médias comme des informations établies ». Cet avertissement a été ignoré par des experts auto-proclamés et des journalistes. La COVID-19 a rapidement changé la vision des prépublications en médecine. La revue « International Journal of Antimicrobial Agents » a publié un article de complaisance, puis un commentaire le qualifiant de recherche irresponsable avec une conclusion infondée. Des arguments pour rétracter l'article n'ont pas été retenus par la rédaction. Un article avec des résultats sur le traitement de la COVID-19 par une association hydroxychloroquine et azithromycine a été déposé sous forme de prépublication sur la plateforme medRxiv (https://www.medrxiv.org/) le 16 mars 2020. Il a été soumis le même jour à la revue International Journal of Antimicrobiol Agents, accepté le 17 mars et mis en ligne le 20 mars [21] . Ce délai de publication de un jour, affiché sur le site de la revue, a ensuite disparu (des copies d'écran existent). Cet article est signé par des collaborateurs de l'IHU de Marseille. Le dernier auteur est Didier Raoult. D'autres auteurs sont affiliés à l'université de Marseille ou au centre hospitalier universitaire de Nice. En quelques jours, cet article a eu plus de 100 commentaires, la plupart négatifs, que ce soit sur medRxiv, PubPeer, ou des blogs. Le rédacteur en chef de la revue est un des auteurs de l'article. Deux autres auteurs sont membres du comité de rédaction. L'acceptation a été rapide et l'article a une note : « Compte tenu de son rôle de rédacteur en chef de cette revue, Jean Marc Rolain n'a pas participé à l'évaluation de cet article par les pairs et n'a pas accès aux informations concernant cette évaluation. L'entière responsabilité du processus de révision par les pairs pour cet article a été déléguée à P.R. Hsueh ». Le 3 avril 2020, le président de l'International Society of Antimicrobiol Chemotherapy (ISAC), propriétaire de la revue a publié un communiqué pour dire que cet article ne respectait pas les standards de l'ISAC. Le 11 avril, l'ISAC et Elsevier TM ont publié un communiqué annonçant une investigation, tout en confirmant que les standards de la revue avaient été respectés. Le 13 juillet, la revue a publié un avis sur cet article, signé d'un chercheur hollandais en épidémiologie clinique [22] . L'avis était très critique : « Cette étude souffre d'importantes lacunes méthodologiques qui la rendent presque, voire totalement, non informative. Le ton du rapport, qui présente cela comme une preuve d'un effet de l'hydroxychloroquine et qui recommande même son utilisation, est non seulement infondé, mais, . . . totalement irresponsable ». Notons que, en opposition aux bonnes pratiques de publications, les données sources de cette recherche n'ont pas été rendues accessibles pour permettre une analyse par un autre groupe de chercheurs. La revue ne pratique pas l'évaluation par un comité de pairs ouverte, donc les avis des évaluateurs ne sont pas publics. Ni le comité de rédaction de la revue, ni l'ISAC, ni Elsevier TM n'ont prévu de rétracter cet article avec une conclusion infondée. L'article reste dans la littérature et la mise en garde n'a pas eu de réponse. Il aurait été souhaitable que ces principes d'Open Science et d'Open Data soient appliqués pour les recherches COVID-19. Cela n'a pas été fait par la plupart des chercheurs. L'exemple emblématique est celui de Didier Raoult qui a déclaré sur YouTube TM avoir des résultats exceptionnels. S'il avait respecté les principes de l'Open Data, il aurait diffusé les données sources et codes de ses observations. D'autres ainsi auraient pu les analyser à nouveau. Les données sur les traitements auraient pu être mises à disposition de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Dissimuler les données sources nourrit controverses et polémiques. Tous les citoyens, politiques en tête, y compris les chercheurs, se sont affrontés sur des croyances sans avoir accès aux données. Dans l'article initial, sont mentionnés l'Agence Nationale de la Recherche pour le support financier, l'ANSM et le Comité de protection des personnes Ile-de-France pour l'accord sur le protocole, les CHU et Universités de Marseille et Nice pour l'affiliation des auteurs [21] . Aucune de ces institutions n'a émis de réserve sur le fait que la publication ne soit pas conforme au protocole. Des revues ont fait signer des accords de partage de données par les auteurs. Les auteurs s'engagent à partager leurs données avec les chercheurs qui ont un projet de recherche (par exemple une revue systématique ou une méta-analyse). Nous verrons si ces signataires donneront accès à leurs données si d'autres chercheurs les leur demandent. Une autre pratique est celle de publier des « Data papers » : c'est l'un des objectifs de la science ouverte (https://coop-ist.cirad. fr/gerer-des-donnees/rediger-un-data-paper/ 1-qu-est-ce-qu-un-data-paper). Le data paper est une publication qui décrit un jeu de données scientifiques brutes (data, dataset), notamment à l'aide d'informations précises, appelées métadonnées (metadata). Il est évalué par les pairs et publié par des revues dédiées. Cette pratique, qui commence à être acceptée par certaines disciplines, est peu développée en médecine. Il existe des supports qui ne publient que des jeux de données, et les éditeurs peuvent être l'un des acteurs de cette initiative. Suite à la rétractation dite « LancetGate », le groupe des 21 revues Lancet a prévu d'améliorer les pratiques d'évaluation des articles, notamment en ayant plus de rigueur sur les exigences d'intégrité et de partages de données [30] . Ces revues n'adoptent pas l'évaluation ouverte des articles (mise en ligne des avis de relecture). Les revues scientifiques n'ont plus la primeur des résultats des recherches En biomédecine, il existait une pratique des revues scientifiques, connue sous le nom de « règle d'Ingelfinger ». Cette règle édictée en 1961 a été revisitée lors de l'apparition du SIDA en 1991 [31] . L'engagement des revues était de ne pas considérer, ni de publier des manuscrits dont les résultats avaient été présentés aux médias, ou déjà publiés, hormis lors des congrès. Cette règle était basée sur le principe que les revues, par leur processus d'évaluation par les pairs et de contrôle qualité (mise en forme, corrections notamment) assuraient la validité des données divulguées. Elle est devenue obsolète. L'apparition des réseaux sociaux a changé la communication. La visibilité de la pratique des rétractations a augmenté, avec 37 rétractations « COVID-19 » en quelques mois : mais c'est peu, comparé aux milliers d'articles publiés dans l'urgence. Dans la littérature, il y a environ 1500 rétractations par an pour 2 à 3 millions d'articles publiés ; soit 1 rétractation pour 1500 à 2500 publications. Combien d'articles basés sur des données non vérifiées par tous les auteurs sont-ils publiés chaque année ? Combien de chercheurs sélectionnent, amassent, et améliorentils des données sans que personne ne soit informé ? Combien d'articles « COVID-19 » devraient être rétractés ? Dans le cas des données de Surgisphere TM du cas appelé « Lan-cetGate » (encadré 2), les co-auteurs ont été naïfs et probablement manipulés [32] . Ce cas n'est pas une surprise : nombreux sont les auteurs qui signent des articles sans vérifier les données. David Latchman, un chercheur anglais reconnu, a eu sept de ses articles rétractés pour des manipulations d'images [33] ; il avait signé imprudemment ces articles et son nom avait pu faciliter l'acceptation de l'article. Depuis 2013, l'International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE) a ajouté une quatrième condition aux critères qualifiant les auteurs d'un article : « Engagement à assumer l'imputabilité pour tous les aspects de la recherche en veillant à ce que les questions liées à l'exactitude ou l'intégrité de toute partie de l'oeuvre soient examinées de manière appropriée et résolues » [34] . Il est montré que la plupart des auteurs s'engagent sur les quatre critères ICMJE qualifiant les critères de paternité d'un article en signant lors de la soumission à une revue ; leur signature ne semble pas réellement les engager [35] . Le Cnrs a publié un guide : « Pratiquer une recherche intègre et responsable » qui aurait bien aidé les chercheurs s'ils l'avaient consulté [36] . Un site internet, sous l'égide d'Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l'université Paris-Saclay, a été créé pour apporter des réflexions éthiques sur la pandémie (http://ethique-pandemie.com/). Les billets de ce site, publiés sous l'onglet « Science et Médecine », apportent des réflexions sur les comportements des chercheurs. Dans l'introduction de ce site, citons quelques phrases. « Parmi les réflexions éthiques, citons : le recours à un traitement non validé en période de crise sanitaire pose des questions d'éthique ; il y a un devoir moral de mettre en oeuvre des essais rigoureux et à respecter les critères internationaux de bonne pratique des essais cliniques ; l'éthique de la recherche en situation de pandémie est une éthique de la responsabilité, de la rigueur, mais aussi de la prudence. Son cadre d'exercice est inspiré par des valeurs d'humanité, de dignité, de respect, d'intégrité et de loyauté. » Un ouvrage collectif reprend ces réflexions [37]. L'intégrité de la recherche est un concept qui comprend 14 principes de responsabilité décrits dans la déclaration de Singapour [38, 39] . Citons quatre de ces principes : « les chercheurs doivent utiliser des méthodes appropriées, baser leurs conclusions sur une analyse critique de leurs résultats et les communiquer objectivement et manière complète ; les chercheurs doivent conserver les données brutes de manière transparente et précise de façon à permettre la vérification et la réplication de leurs travaux ; les chercheurs doivent limiter leurs commentaires à leur domaine de compétence lorsqu'ils sont impliqués dans des débats publics sur les applications ou l'importance d'un travail de recherche et distinguer clairement ce qui relève de leur expérience professionnelle et ce qui relève de leurs opinions personnelles ; les institutions de recherche et les chercheurs doivent reconnaître qu'ils ont une obligation éthique de prendre en compte le rapport bénéfices/risques liés à leurs travaux. » La pandémie liée au SARS-CoV-2 a modifié la communication des résultats des recherches scientifiques, tant par les revues scientifiques que par les médias. La communauté scientifique s'est adaptée, et les revues ont accéléré leurs procédures de publications. Les standards d'évaluation des revues ont été diminués, contribuant à la publication de mauvais articles. Ces changements, avec la mise en ligne gratuite des articles « COVID-19 », pourraient avoir un impact sur le système des publications. Les revues scientifiques ont perdu le monopole du savoir, puisque des données discutées dans les médias provenaient de prépublications non soumises à l'évaluation des pairs, de billets de blogs, de contenus sur YouTube TM . Ces méthodes deviendront-elles pérennes, avec le risque de marginaliser la parole du chercheur ? COVID-19 : les sociétés savantes doivent se réinventer dans le monde d'après La crise a-t-elle changé notre regard sur la science Recherche clinique et Covid-19 : la science n'est pas une option Evaluation and peer review during a pandemic. How journals maintain standards Research methodology and characteristics of journal articles with original data, preprint articles and registered clinical trial protocols about COVID-19 Coronavirus disease 2019 (COVID-19): an evidence map of medical literature Characteristics and strength of evidence of COVID-19 studies registered on ClinicalTrials.gov The COVID-19 catastrophe. What's gone wrong and how to stop it happening again Compassionate use of remdesivir for patients with severe COVID-19 Charte de signature des publications COVID pour les études à promotion AP-HP 10 + 10: Rapid decisions and fast track publication for RCTs Pandemic publishing: medical journals drastically speed up their publication process for Covid-19. Pré-publication Publishing in the time of COVID-19 Effect of convalescent plasma therapy on time to clinical improvement in patients with severe and life-threatening COVID-19. A randomized clinical trial Treatment of 5 critically ill patients with COVID-19 with convalescent plasma Transmission of 2019-nCoV infection from an asymptomatic contact in Germany Study claiming new coronavirus can be transmitted by people without symptoms was flawed Cardiovascular disease, drug therapy, and mortality in Covid-19 Hydroxychloroquine or chloroquine with or without a macrolide for treatment of COVID-19: a multinational registry analysis Retraction and republication: cardiac toxicity of hydroxychloroquine in COVID-19 Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial Être juge et partie, ou comment contrôler une revue scientifique. The conversation Does newspapers coverage influence the citations count of scientific publications? 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CNRS Déclaration de Singapour sur l'intégrité de la recherche COVID-19 -Journal de bord -20/05/2020 -Les médias n'ont pas à juger de la preuve scientifique