key: cord-0694969-biylyqa3 authors: Baranes, Marilyne title: De l’intime au collectif, de multi-traumatismes sont en cours: Osons prévenir plutôt que guérir, osons une politique éthique date: 2020-05-29 journal: Ethics Med Public Health DOI: 10.1016/j.jemep.2020.100538 sha: ad974bc529dc929a49120ea4027211630109118b doc_id: 694969 cord_uid: biylyqa3 Résumé L’épidémie de Covid-19, sa mortalité, les incertitudes qui persistent sur son origine, son évolution, la période de confinement et ses suites entraînent des situations d’inquiétude voire d’angoisse jusqu'au traumatisme pour certains. Si celles-ci sont naturellement légitimes, cela ne signifie pas qu’elles ne doivent pas être prises au sérieux, et bénéficier d’une prise en charge appropriée dès lors qu’elles impactent significativement la vie des individus, sachant que la prévention reste le meilleur des soins. Abstract The Covid-19 epidemic, its mortality, the uncertainties that persist on its origin, its evolution, the period of confinement and its consequences lead to situations of anxiety and even anguish to the point of trauma for some people. While these are naturally legitimate, this does not mean that they should not be taken seriously, and benefit from appropriate care as soon as they have a significant impact on the lives of individuals, knowing that prevention remains the best form of care. Cette réaction psychologique s'observe lorsque l'intégrité physique ou psychologique du patient, ou celle de son entourage, a été menacée ou a été effectivement atteinte. Ici, c'est la gravité de la maladie, la lourdeur des procédures médicales de prise en charge, ou même pour certains des contraintes liées à l'épidémie, telles que les gestes barrière, le confinement, etc. qui vont déborder les capacités d'adaptation et entraîner un sentiment de peur allant jusqu'à la panique, une inhibition, des angoisses, ou au contraire une hyperstimulation, avec nervosité, agitation, irritabilité, voire violence. Catherine Tourette-Turgis [2] , directrice du master en éducation thérapeutique à Sorbonne-Université, a analysé les études qui existent sur le confinement. Analysant les données de la littérature, notamment chinoise et britannique, montre qu'une durée de confinement [3] de plus de dix jours, toutes études Page 4 of 13 J o u r n a l P r e -p r o o f 4 confondues, est prédictive de syndrome post-traumatique. A la lecture des premiers retours d'expériences, les psychologues redoutent le pire. Elle nous met en garde : « Il y aura un déluge de stress posttraumatiques ». Le stress post traumatique est un état psychique qui a dépassé le degré le plus élevé de détresse morale. En ce sens il s'inscrit en tant que pathologie référencée dans la CIM10 et le DSM.V. Le degré de détresse morale le plus élevé reste accessible à notre niveau de conscience notamment parce qu'on est gêné par ses symptômes. On pleure, on est triste, on n'a envie de rien, on dort mal, etc. La conscience de ces états handicapants nous amène en général à consulter et, au mieux, à réagir car souvent on en connait la cause. Alors que le stress post traumatique échappe à notre prise de conscience. C'est pourquoi le stress post traumatique n'est ni prévisible, ni évitable. On en est victime. Il s'agira le plus souvent de la représentation d'un vécu, en tant qu'impacté du 1er degré ou impacté du 2nd degré. L'impacté du 1er degré serait dans notre cas présent, la personne s'étant retrouvé en réanimation de COVID. L'impacté du 2nd degré étant sa famille proche ou les soignants par exemple. L'impacté du 1er degré est celui qui sera le plus lourdement atteint. En effet son état de stress post traumatique sera consécutif à un vécu dont la représentation sera qu'il a rencontré la mort. L'impacté du 2nd degré sera atteint de façon différente et plus distante. Son état de stress post traumatique sera consécutif à un vécu dont la représentation sera qu'il a rencontré une peur mortelle. En revanche, l'impact de la violence de l'apparition pour l'un et de la nouvelle pour l'autre, sera quasiment la même. Dans le cas du Covid-19, on observe que le PTSD [4] s'observe d'abord chez les malades, victimes directes de l'épidémie, lorsqu'ils survivent à un passage en réanimation voire seulement en soins intensifs. Certains d'entre eux expriment un sentiment de « culpabilité du survivant » lorsqu'ils survivent alors que la moitié de ceux qui étaient admis dans la même unité de réanimation qu'eux sont morts. Le professeur Jean-Michel Constantin [5], chef du service d'anesthésie-réanimation à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, a rapporté que nombre des malades ayant été intubés lors de l'épidémie de COVID 19 sont victimes d'un PTSD à la fin de leur traitement. Le PTSD peut également s'observer dans l'entourage de tels patients, témoins en quelque sorte d'une situation médicale pouvant entraîner la mort d'un proche, ce qui les a placés dans une situation de crainte en même temps que d'absolue impuissance. Enfin, le PTSD s'observe chez les soignants et les autres personnes acteurs des secours à victime ou professionnels du soin. Par ailleurs, pour les patients suivis dans le cadre d'une autre maladie, comme le cancer par exemple, la survenue de l'épidémie est en soi une agression, car elle désorganise leur prise en charge et leur fait ressentir un sentiment de risque majoré, alors qu'elles se trouvaient déjà en position estimée comme à haut risque, ou à tout le moins limite. Chez ces patients, la poursuite des soins est un enjeu, comme la poursuite de l'accompagnement psychologique. Le PTSD est en effet une authentique comorbidité, qui nécessite comme telle une prise en charge sans défaut ni délai. Beaucoup est dit sur le COVID-19. Peut-être même trop et, tout azimut. Cela crée de la confusion laquelle génère de l'anxiété. Pour autant, dans ce flot continu d'informations, un domaine crucial reste étonnamment trop silencieux, alors même qu'il ne tardera pas à nous déborder si nous ne l'anticipons pas. Il s'agit de la question du syndrome post-traumatique, sous l'expression de ses différents aspects [6] , comme de ses différentes adresses. Le but de la modélisation a été d'avoir une idée précise du nombre de PTSD probable avenirs pour pouvoir anticiper une action de prévention [9] immédiate. Il a été calculé sur tous les groupes référence, comme : les morts, leur famille, les patients COVID +, les survivants de réanimation, etc., un pourcentage de 35% de risque de PTSD et de 5% de PTSD graves pouvant aller jusqu'au suicide. Ces pourcentages ont été démontrés par des études déjà publiées sur de nombreux pays. Toutes les sources sont citées. La référence de l'enquête nationale réalisée en Chine [10] , pendant le confinement, sur la population générale, dans les 36 provinces : à partir de 52 730 réponses, sur un auto-questionnaire en ligne montre le nombre de cas PTSD. La note de synthèse sur l'impact psychologique du confinement parue dans la revue The Lancet [11] a été réalisée à partir de 24 études, dans dix pays différents : elle inclut des études autour du SRAS, d'Ebola, du H1N1. En France [12] comme en Chine ou ailleurs, la question du PTSD est universelle, à priori ! Il n'y a pas encore, à ma connaissance, d'étude dont la cohorte serait suffisamment parlante pour des pays européens. Les aspects sociaux ou culturels entrent peu en ligne de compte concernant la question de la construction psychique et de ce qui fait trauma. L'effroi quelque soient l'origine culturelle ou le niveau social frappe de la même manière : lorsque l'on rencontre soudainement la mort tout en restant vivant, le symptôme de stress post traumatique s'impose au sujet. En l'absence de données statistiques sur la réalité du nombre de syndromes de stress post-traumatiques L'expérience clinique du traumatisme [14] , nous amène à écrire aujourd'hui pour alerter sur la nécessité Ce serait un formidable moyen de pouvoir déceler et de rapidement contacter les personnes à risques. Une action simple aux bénéfices inestimable pour l'ensemble de notre population aujourd'hui en grande souffrance. Je veux parler des gens en grande souffrance aujourd'hui qui sont aussi ceux de la France de demain [15] . Celle qui aura en son sein des nouveaux Français : ceux de l'après-coup. Une Faites-nous confiance sur la question de la construction psychique et du traumatisme autant que vous accordez votre confiance à la question épidémiologique. C'est aussi le sens que nous devons donner au terme éthique. Clinical Manual for Management of PTSD Un confinement de plus de dix jours peut causer des syndromes de stress post-traumatique The psychological effects of quarantining a city Center for the Study of Traumatic Stress. Coronavirus and Emerging Infectious Disease Outbreaks Response Does This Patient Have Posttraumatic Stress Disorder? Rational Clinical Examination Systematic Review Les chiffres clés en France au 17/05/2020, arrêtés à 14h Une modélisation indique qu'entre 3% et 7% des français ont été infectés Prevention of Posttraumatic Stress Disorder by Early Treatment: results from the Jerusalem Trauma Outreach And Prevention study A nationwide survey of psychological distress among Chinese people in the COVID-19 epidemic: implications and policy recommendations The Psychological Impact of Quarantine and How to Reduce it: Rapid Review of the Evidence Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France Resilience Definitions, Theory, and Challenges: Interdisciplinary Perspectives Trajectories of PTSD Risk and Resilience in World Trade Center Responders: An 8 Year Prospective Cohort Study Mental and Behavioral Health Legal Preparedness in Major Emergencies Impact sur familles des pers En parallèle, ne pas sous-estimer l'impact de l'audio visuel dans le contexte de confinement, qui est une varibale additionnelle en terme d'agent stresseur allant jusqu Des chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l'Inserm et Santé Publique France, ont réalisé une analyse détaillée des hospitalisations et des décès dus au Covid-19 en France et construit des modélisations à partir de ces données. Les premiers résultats suggèrent que près de 6% de la population française aura été contaminée par le SARS-CoV-2 au décours de la première vague épidémique Une étude réalisée sur la population chinoise en lien avec le COVID-19, met en évidence le % de PTSD: https://gpsych.bmj.com/content/33/2/e100213 Les conclusions de cette étude sont utilisées dans l'article suivant https://www.franceculture.fr/societe/covid-19-un-confinement-de-plus-de-dix-jours-peut-causer-des-syndromes-de-stress-post-traumatique et justifient les % de PTSD que nous retenons ci-après: nombre PTSD dans la population : 35% nombre PTSD grave dans la population : 5% Source: https://www.franceculture.fr/societe/covid-19-un-confinement-de-plus-de-dix-jours-peut-causer-des-syndromes-de-stress-post-traumatique