key: cord-0691671-42qlo7qb authors: Wild, Pauline; Dias, Laurane; Leclerc, Anaïs; Pautonnier, Brigitte title: Décision kinésithérapique : Éric 0. 55 ans. En réanimation avec Covid-19 date: 2020-06-10 journal: nan DOI: 10.1016/j.kine.2020.05.015 sha: 7b6affb4cebfdf4a09e5ac4f09000e81aecba08d doc_id: 691671 cord_uid: 42qlo7qb nan Le 08/03/20, Éric O. se présente chez son médecin traitant avec un état grippal, caractérisé par de la fi èvre et une toux persistante. Devant le tableau évocateur d'un Covid-19, il est préconisé que le patient reste à domicile, avec une surveillance par téléconsultation. Le 14/03/20, le patient est orienté en unité Covid de l'hôpital de proximité, car il présente une aggravation de l'état respiratoire, avec apparition d'une dyspnée importante. À son arrivée, il est mis sous oxygénothérapie ; ce qui le stabilise dans un premier temps. Ce même jour, un test RT-PCR (reverse transcription-polymerase chain reaction) est positif au Covid-19. Le 17/03/20, soit à J9 du début de l'apparition des symptômes, Éric O. présente une aggravation brutale de l'état respiratoire, caractéristique de l'infection. Cette aggravation se manifeste par une désaturation brutale à 68 % sous 2 L/min d'oxygène, l'apparition de signes de lutte respiratoire, une polypnée et une fi èvre en plateau à 40°. Le patient est immédiatement mis sous masque à haute concentration à 15 L/min, pour augmenter la saturation à 95 %. Éric O. est alors transféré en réanimation. À l'arrivée en réanimation, le tableau clinique est le suivant : fréquence cardiaque à 93 bpm, saturation à 98 % sous 15 L/min au masque à haute concentration, tension artérielle à 125/60 mmHg et fréquence respiratoire à 35 cycles par minutes. Sur le plan respiratoire, l'auscultation met en évidence un murmure vésiculaire audible, bilatéral et asymétrique, avec une intensité diminuée à la base gauche. Les gaz du sang sont les suivants : pH = 7,51, PaO2 = 65 mmHg, PaCO2 = 36,1 mmHg, [HCO3-] = 27 mmol/L, SaO2 = 95 %, Lactates = 1,5 mmol/L. On peut donc supposer que l'alcalose respiratoire est en lien avec une hyperventilation, liée au manque d'oxygène. Ce phénomène doit être surveillé de près, car si l'état respiratoire du patient ne s'améliore pas, celui-ci risque de se fatiguer et de présenter alors une hypoventilation. La radiographie pulmonaire met en évidence un syndrome alvéolo-interstitiel, prédominant en base gauche. Les examens hémodynamique et cardio-vasculaire, neurologique et abdominal ne révèlent aucune anomalie. À l'issue de cet examen clinique initial, les médecins préconisent un traitement par oxygénothérapie à haut débit par canule nasale. Le débit est alors de 50 L/min et la FiO2 (Fraction Inspirée en Oxygène) de 40 %. À j12, l'état respiratoire du patient se dégrade de nouveau : Éric O. présente un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). Une intubation orotrachéale est alors nécessaire ; le patient est profondément sédaté puis curarisé, puisque selon la classifi cation de Berlin, il présente un SDRA sévère, nécessitant entre autres traitements la mise en place de décubitus ventral [3] . L'action des kinésithérapeutes débute dès les premiers jours [4, 5] , par des mobilisations passives. La contre-indication majeure aux mobilisations passives est l'instabilité hémodynamique. L'objectif principal est de lutter contre les troubles de décubitus dans leur ensemble. Notre expérience témoigne de patients très labiles dans les premiers jours de réanimation. Aussi, lors des mobilisations, tout évènement d'ordre cardiaque (tachycardie, bradycardie), respiratoire (désaturation, désadaptation au respirateur) ou tensionnel (hyper-ou hypotension) est relevé avec attention, et constitue un critère d'arrêt de séance. Durant cette phase de sédation profonde, lorsque l'indication est posée, les kinésithérapeutes participent également aux séances de mise en décubitus ventral et au retour en décubitus dorsal. Après trois semaines (j33), l'état respiratoire du patient s'améliore, notamment avec augmentation franche du rapport P/F. Les sédations sont alors levées et le sevrage ventilatoire est amorcé. Au réveil, le patient présente un tonus du tronc très faible, pouvant à peine aider lors des retournements. L'évaluation des capacités motrices par le MRC-Sum Score 1 [6] , met en évidence une neuromyopathie de réanimation sévère avec un score à 10/60 [7] , ce qui constitue un facteur prédictif d'échec d'extubation. En effet, le sevrage ventilatoire ne permet pas d'aller jusqu'à l'extubation, et devant l'impossibilité de séparer le patient de son respirateur, la décision d'une trachéotomie est prise ( Fig. 1) . Celle-ci est réalisée le 20/04/20 (j34), par voie percutanée, selon les recommandations spécifi ques Covid-19 [8] . Cette collection présente depuis 2014 des processus décisionnels en kinésithérapie à partir de cas cliniques réels. Après une première phase d'illustrations de la Fiche de Décision Kinésithérapique (FDK) par son concepteur (2014-2015), puis une deuxième phase d'appropriation par les spécialistes de la profession (2016-2017), cette troisième phase partage quelques FDK rédigées par des professionnels de terrain. Il s'agit d'exemples instantanéspubliés sans bibliographie ni autre développement -à l'instar des fi ches que produit le praticien de terrain pour alimenter le dossier du patient. Pour plus d'informations, se référer à l'article introductif (en accès gratuit pour tous) : Gedda M, et al. Atelier de décision kinésithérapique : un espace de progression collective (http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2013.11.001) [12] , ainsi qu'à l'annexe à la fi n de cet article. Note de la rédaction Le 23/04/20, à j37, le patient peut enfi n être séparé de son respirateur : il réalise la première session de ventilation libre. Les kinésithérapeutes réalisent alors les premiers tests de ballonnet dégonfl é (Fig. 2) , de valve phonatoire (Fig. 3) [7] . Chez les patients Covid-19, nous remarquons très fréquemment un tableau clinique au réveil assez sévère avec des MRC-Sum Score bas, mais la récupération est étonnamment rapide. A contrario, ces patients sont très fatigables : le challenge réside donc dans le fait d'accompagner cette récupération, tout en restant progressif et non dangereux pour le patient. Le sevrage ventilatoire progresse et, dans le but de décanuler prochainement le patient, à j42 les médecins mettent en place une canule à ballonnet plaqué d'un calibre inférieur à celui mis en place en première intention (Fig. 4) [9] . La mise en place du bouchon d'occlusion (Fig. 5) , en alternance avec la valve La déglutition ne pose aucun problème, avec une réalimentation mise en place avant même la décanulation. Les praxies buccales et linguales sont considérées comme normales à l'examen. Sur le plan moteur, le MRC-Sum Score s'est largement amélioré avec un score à 42/60. Le tonus du tronc a également progressé, avec désormais la possibilité de tenir assis au bord du lit, sans aide, avec déstabilisations intrinsèques ou extrinsèques possibles. En termes de transferts, Éric O. est très aidant pour les retournements au lit : il réalise le pont fessier au lit et est capable de réaliser la marche fessière au bord du lit. Le transfert lit/ fauteuil n'est évidemment pas possible. La verticalisation n'est cependant pas encore possible. Cela est probablement en lien avec l'inadéquation entre la force musculaire et le poids important du patient. La marche n'est de fait pas envisagée. L'alimentation ne présente pas de problème ; l'habillage en réanimation est limité à une casaque d'hôpital. La toilette est réalisée partiellement par le patient, qui est aidé par l'équipe soignante. Éric O. semble subir un stress post-traumatique (SPT) très important. S'il est très participatif lors des exercices, il est également en proie à une humeur très labile et pleure beaucoup tout au long de la journée. Ce stress post-traumatique est un phénomène fréquent chez les patients ayant été hospitalisés pour une réanimation lourde [11] , il sera évidemment à surveiller dans les semaines à venir. Une Fiche de Décision Kinésithérapique (FDK) a été établie selon le modèle « Tpro » [12] (Fig. 6 ). Éric O. souhaite retourner à domicile le plus rapidement possible et reprendre une vie « normale ». Il précise cependant ses inquiétudes quant au fait de contaminer le reste de sa famille. Les objectifs en masso-kinésithérapie s'orientent vers une récupération des capacités musculaires, pour ensuite entreprendre des activités fonctionnelles plus importantes, comme la marche. Le but principal est de rapprocher le patient au plus près de ses capacités fonctionnelles antérieures. Il sera utile de suivre un plan de soins classique à base de renforcement musculaire, de travail de l'équilibre, reprise de la marche, mise en place de cycloergomètre, éventuellement d'électrostimulation. Les exercices doivent répondre à des critères de surveillance plus strictes qu'à l'habitude pour un patient atteint de Covid-19. En effet, l'European Respiratory Society (ERS) recommande un travail sous le seuil de dyspnée de 3/10 de l'échelle de Borg modifi ée [13] . Par ailleurs, les « Réponses rapides » pour les patients atteints de Covid-19 pris en soins en SSR ou à domicile, émises par la Haute Autorité de Santé (HAS) invitent à rester prudents et à surveiller la fréquence respiratoire et la saturation [10] . Nous avons décrit précédemment la récupération rapide de la motricité d'Éric O. La littérature, qui doit être considérée avec beaucoup de précautions compte tenu du caractère récent de la maladie Covid-19, semble indiquer une fatigabilité importante des patients, ainsi qu'un retentissement cardiaque [14] . Il importe donc de considérer les patients atteints de Covid-19 avec la plus grande prudence. La rééducation doit se faire de manière progressive, même dans les cas de récupération les plus rapides. World Health Organization. BMI Classifi cation Physiotherapy management for COVID-19 in the acute hospital setting. Recommendations to guide clinical practice. Version 1.0, published 23 Acute respiratory distress syndrome: the Berlin Definition Prise en charge de la mobilisation précoce en réanimation, chez l'adulte et l'enfant (électrostimulation incluse) Référentiel d'aptitude du kinésithérapeute en réanimation Recommandations sur la prise en charge kinésithérapique des patients COVID-19 en réanimation Neuromyopathie de réanimation Recommandations formalisées d'experts -Trachéo tomie en réanimation Prise en charge des patients post-COVID-19 en Médecine Physique et de Réadaptation (MPR), en Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), et retour à domicile. HAS. Réponse rapide dans le cadre du COVID-19 Évaluation des conséquences psychologiques d'un séjour en réanimation Atelier de décision kinésithérapique : un espace de progression collective Report of an ad-hoc International Task Force to develop an expert-based opinion on early and short-term rehabilitative interventions (after the acute hospital setting) in COVID-19 survivors Cardiovascular Implications of Fatal Outcomes of Patients With Coronavirus Disease 2019 (COVID-19)