key: cord-0066479-mc3f3qm5 authors: Sobze, Serge François title: L’harmonisation Des Processus D’intégration En Afrique Noire Francophone date: 2021-07-01 journal: nan DOI: 10.1093/ulr/unab009 sha: 128bad02b88579977f632fe0bf4fe646d0055e43 doc_id: 66479 cord_uid: mc3f3qm5 La construction d’une Afrique « politiquement unie » ! Tel est l’un des axes majeurs du projet d’intégration de l’Union africaine illustré dans son Agenda 2063. L’Afrique, par cette option, situe l’intégration politique au premier plan de ses objectifs et domaines prioritaires pour les dix premières années de son agenda. En revanche, elle ne peut y parvenir qu’à travers un partage des expériences qui rend compte de la symbiose qui existe entre les différents processus d’intégration et qui s’inspire soit de l’idée du foisonnement ou de la coexistence des organisations régionales d’intégration, soit de celle d’harmonisation ou de coordination des politiques nationales qui se dégagent des différents traités, que ce soit celui révisé de la CEMAC ou celui d’Abuja établissant la Communauté économique africaine. La présente étude entend expérimenter cette dynamique de convergence des schémas d’intégration régionale dans l’optique de mutualiser les intérêts pour une intégration collective et complète. Ainsi suggère-t-elle aux organisations régionales et sous-régionales l’option d’une approche prudente dans l’ébauche des politiques sanitaires d’intégration communes à l’effet d’affronter l’insécurité sanitaire actuelle occasionnée par la Covid-19. De ce fait, à travers une méthode juridique et une technique comparative des modèles d’intégration, l’étude interroge sur l’harmonisation des processus comme gage de formation de l’intégration régionale africaine. Il s’agit d’un procédé fédératif ayant pour finalité la construction d’un modèle africain d’intégration et qui paraît mieux adapté aux réalités endogènes résolument tournées vers la pluralité que vers l’unité du droit. La problématique de l'intégration en Afrique rend compte de l'histoire générale de l'Afrique 1 d'une part, et de celle du droit de l'intégration 2 d'autre part. En effet, bien que déjà employé dans l'entre-deux-guerres, notamment pour qualifier l'économie mondiale, le concept d'intégration n'a vraiment commencé à être utilisé dans le domaine des affaires internationales qu'après la Seconde Guerre mondiale lorsque plusieurs projets de regroupement économique et politique ont vu le jour, en Europe et en Amérique latine. Cependant, l'intégration par l'harmonisation des schémas aurait longtemps servi les entreprises d'intégration post-coloniales 3 , elle n'est plus terra incognita en raison des facteurs historiques qui l'entourent. Elle est la somme de plusieurs expériences 4 . On peut citer à titre illustratif les expériences du Mali 5 et du Sénégal. En effet, l'histoire de la diplomatie sénégalaise a longtemps été illustrée par les tentatives avortées de regroupements supranationaux 6 . Il est donc question de revitaliser cette harmonisation si l'on envisage une intégration complète 7 , celle qui prend en compte les nouveaux défis qui interpellent le continent africain en perpétuelle insécurité. On se réfère à la crise sanitaire mondiale liée à la Covid-19 qui a démontré les insuffisances aux plans normatif et institutionnel de la politique sanitaire en Afrique et dans d'autres continents et les décisions de restriction de la libre circulation des personnes, légitimées par le droit de préservation des citoyens des contaminations à l'attaque virale. L'insécurité sanitaire actuelle invite les acteurs à adopter une approche prudente dans l'ébauche des politiques communes d'intégration. L'étude trouve sa matière sur un terrain mouvant et en constante évolution. Par ailleurs, l'idée d'harmonisation des politiques et des législations en Afrique est aussi vieille que l'Organisation de l'unité africaine (OUA). À la suite de multiples résolutions 8 , le Conseil des ministres de l'OUA posait déjà la question de l'harmonisation des activités et programmes des groupements d'intégration économique. Elle est reprise ici à l'aune de la mondialisation des économies et de la convergence des droits pour marquer l'interpénétration des schémas dans la formation de l'intégration africaine. L'éclosion des champs d'activités des organisations d'intégration réconforte cette idée. Cependant, il importe de mettre l'accent sur l'harmonisation 9 des processus, d'étendre les champs de compétence des institutions juridictionnelles et non juridictionnelles comme les commissions et les parlements communautaires 10 sur toutes les problématiques liées à l'intégration. Car si la convergence économique peut contribuer à revitaliser l'intégration politique, l'intégration normative ne peut se faire qu'avec des institutions fortes 11 . Autrement dit, les processus d'intégration sont mus par l'idée de servitude et de liberté qui caractérisent leur effectivité et il est établi que « si l'on admet que le pouvoir économique confère le pouvoir politique, alors, on doit admettre que le pouvoir monétaire confère le pouvoir politique » 12 . Il est question de mettre ensemble les processus politiques et économiques d'intégration de telle sorte qu'ils puissent « collaborer plus efficacement pour stimuler la reprise et bâtir une économie plus forte, plus propre et plus juste » 13 . Dans le même sens, la voie qu'a choisie l'Union africaine pour relancer l'intégration du continent reste marquée par l'esprit communautaire, plus exactement par l'idée de combiner étroitement le mécanisme économique et le 8 Résolution CM/ Rés. 464 (XXXVI) de 1976 limitant à cinq les régions d'Afrique devant constituer chacune une institution régionale d'intégration (Nord, Ouest, Est, Sud et Centre). Seule la CEDEAO sera instituée. 9 Issa-Sayegh, J., « L'intégration juridique des É tats africains dans la zone franc », Revue Penant, n o 823, p. 5 ; Kamdem, I. F., « Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours affiné sur les moyens d'intégration juridique », Revue de droit uniforme, 2008, Unif. L. Rev. dr. Unif. 709. 45 p. 10 Institué par le traité fondateur de la communauté. Article 35 du traité révisé de l'UEMOA, articles 10 et 47 du traité révisé de la CEMAC en 2008. À ce titre, le parlement communautaire joue un rô le très important dans le processus d'intégration sous-régionale en ce qu'il est un contrepouvoir nécessaire en face de la puissance législative et exécutive que détiennent les organes de décision et d'exécution de la communauté. 11 mécanisme institutionnel. L'intégration régionale africaine ne peut véritablement s'achever que si elle s'accommode à tous ces « indices d'intégration » 14 . On peut citer aussi l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) 15 en tant que modèle d'intégration réussie 16 , l'harmonisation du droit de la Sécurité sociale à travers les deux principales structures que sont l'OCAM et la CIPRES 17 et l'harmonisation des législations économiques à travers l'UEMOA et la CEMAC 18 pour ne citer que ces initiatives francophones. Pour mieux comprendre le bienfondé de cette dynamique, il convient au préalable de procéder à quelques précisions terminologiques. Venant du latin harmonia 19 , la notion d'harmonisation est rarement définie par les textes juridiques 20 . La première utilisation de cette notion a été attestée en 1842 dans des domaines variés tels que la musique (accord de sons), la mac¸onnerie. . . c'est dire que ce mot « chante » dès l'origine 21 17 La coordination des systèmes de Sécurité sociale des pays africains de la zone franc depuis les indépendances a connu deux grandes expériences issues de deux conventions internationales : convention générale de Sécurité sociale de l'OCAM qui vise à coordonner les systèmes de sécurité des É tats membres et à permettre une coopération des organismes de Sécurité sociale, et le traité de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES) qui vise l'harmonisation des systèmes de prévoyance sociale. 18 L'harmonisation relève aussi bien du droit privé 23 que du droit public 24 , ce qui vient confirmer sa « nature d'hermaphrodisme juridique » 25 . En effet, elle est au coeur du droit communautaire en général dans la mesure où elle facilite la mise en oeuvre des directives, et du droit fiscal communautaire en particulier en ce sens qu'elle s'articule autour des règles fiscales harmonisées en vue de favoriser la construction et l'émergence du marché commun 26 . Dès lors, une harmonisation des lois de finances et des comptabilités publiques qui se dégage des traités CEMAC et UEMOA 27 conduirait une plume prétentieuse à s'interroger sur l'existence d'un droit public financier ouest-africain 28 . La problématique est abordée ici au confluent du droit international public et du droit communautaire pour marquer l'importance de l'harmonisation des processus dans la réussite de l'intégration régionale en Afrique. L'intégration, quant à elle, est à la fois un processus 29 et une situation qui, à partir d'une société internationale morcelée en unités indépendantes les unes des autres, tendent à leur substituer de nouvelles unités plus ou moins vastes, dotées au minimum d'un pouvoir de décision 30 . C'est forte de cette conjugaison d'approche que l'étude suggère une lecture croisée des différents processus d'intégration, à savoir les processus économique 31 , politique 32 , juridique 33 , 23 Rieg, A., « L'harmonisation du droit de la famille », in Stoffel, W. A., Volken, P. La question cruciale que suscite la présente étude est la suivante : en quoi l'harmonisation des processus d'intégration constitue-t-elle un moyen efficient pour l'achèvement de l'intégration en Afrique noire francophone ? Relativement à la question posée, l'on peut postuler que la conception marginale 39 est un frein à l'aboutissement du processus d'intégration tandis que la fédération favorise l'intensification des échanges intra-régionaux et permet une réduction des écarts de niveaux de développement 40 et de la polarisation de l'activité économique. Cette lecture croisée des processus d'intégration donne à la réflexion un intérêt tout singulier et nécessite d'être faite sous le prisme de la théorie et de la pratique. Du point de vue théorique, l'étude met en exergue une analyse juridique des différents processus d'intégration permettant à l'Afrique d'apporter sa contribution à la régionalisation/mondialisation 41 . Il s'agit des linéaments pour la construction d'un droit africain de l'intégration 42 dont le caractère pluriel ou groupal réconforte la thèse du pluralisme juridique 43 qui est une caractéristique principale de l'ordre juridique africain 44 . Du point de vue pratique, il est question de proposer un aperc¸u basé sur quelques indices seulement d'une tension qui semble travailler en permanence la structure de cette intégration, entre unité et pluralité 45 des processus. Il s'agit d'une sorte de « chassé-croisé » 46 des processus d'intégration sans hiérarchie ni subordination véritable dont l'objectif est d'éviter l'enracinement de la crise des institutions africaines 47 en charge des politiques d'intégration. En effet, l'intégration régionale africaine s'enlise de plus en plus, elle procède plus d'une volonté d'hégémonie que de développement, de participation locale 48 . L'harmonisation des processus apporterait une solution à la problématique actuelle de restriction du principe de libre circulation des personnes et des biens puisqu'elle trouve son fondement dans la limitation des souverainetés des É tats pour une gouvernance mondiale 49 . L'harmonisation des processus d'intégration constitue enfin un facteur de stabilité et de sécurité juridique et judiciaire de l'investissement en Afrique 50 . À ce sujet, la doctrine africaine se posait bien la question de savoir quel pays trouverait intérêt à déclarer la guerre à son meilleur client ou fournisseur ? 51 C'est dire que l'intégration économique débouche toujours sur une certaine forme 42 Sur l'émergence de ce concept, voir Perscatore, P., Le droit de l'intégration : émergence d'un phénomène nouveau dans les relations internationales selon l'expérience des communautés européennes, Bruxelles, Bruylant, coll. Droit de l'Union européenne, Grands écrits, 2005, p. 447. Le choix porté sur l'Afrique noire francophone permet de mesurer son apport à la « mondialisation des économies » 53 et d'évaluer les principales caractéristiques des processus d'intégration dans les espaces très explorés comme la CEMAC, la CEDEAO 54 et l'UEMOA. La démarche méthodologique dans la présente étude allie la description normative 55 et institutionnelle 56 , la critique sous l'angle du droit comparé et de la jurisprudence 57 des organisations dans le processus d'intégration en Afrique noire francophone. Dès lors, l'étude suggère une mise en oeuvre de l'intégration politique à travers les mesures économiques, d'une part, (I) et une revitalisation de l'intégration normative par des mécanismes institutionnels, d'autre part (II). L'Afrique indépendante doit cesser de reculer devant ses responsabilités monétaires qui ont tendance à être desservies au profit des velléités politiques 58 . Au plan économique, les nombreuses crises ont poussé les É tats et les institutions à prendre des mesures d'urgence, notamment en procédant par l'assouplissement ou mieux par l'approfondissement de l'union monétaire d'une part (A) et par l'atténuation des souverainismes d'autre part (B). A-L'harmonisation par l'approfondissement de l'union monétaire La monnaie joue un rô le important dans le processus d'intégration, elle est au coeur des économies modernes dont elle commande les mouvements 59 . L'étude suggère une révision des politiques monétaires (1) et une harmonie entre la politique sécuritaire 60 et le développement économique comme gage d'une intégration économique réussie (2). Dans les grands ensembles régionaux, l'intégration économique est réputée pour être la principale clé à succès, comme l'atteste le traité de la CEA de 1991 : « (. . .) stipulant que l'intégration économique du continent est une condition essentielle pour la réalisation des objectifs de l'OUA » 61 . Par cette formule, les É tats parties au traité d'Abuja instituant la Communauté économique africaine accordaient une importance au processus économique d'intégration et mettaient ainsi en relief l'hybridité qui caractérise le pouvoir économique 62 . Dès lors, la politique africaine d'intégration ne peut s'ériger en un modèle de référence pour les autres continents que si elle s'arrime aux exigences de la mondialisation. Il est donc nécessaire de coordonner les législations et de doter les institutions comme l'OHADA et l'UEMOA des compétences suffisantes pour garantir à l'Afrique une intégration économique complète 63 . Le traité révisé de la CEMAC s'inscrit dans cette perspective lorsqu'il assigne à la communauté que la promotion de la paix et le développement harmonieux passent par le rapprochement de deux unions : une union économique et une union monétaire 64 . Par ailleurs, la révision de la politique monétaire permet d'éviter les « horreurs économiques » 65 qui sont des véritables freins au processus d'intégration et qui peuvent être évitées si on a la parfaite maîtrise de sa politique monétaire. En effet, il se pose, en Afrique noire en général, un réel problème d'autonomie monétaire car la majorité des É tats n'a pas une mainmise sur sa monnaie. À ce titre, la crise sanitaire actuelle et son impact sur les économies obligent les É tats à développer une politique de souveraineté monétaire pour éviter les conséquences économiques et financières désastreuses. cuivre, métal ferrant). La monnaie étant l'identité des peuples, l'idée d'« un peuple une monnaie » est donc aussi vieille que les relations humaines. 60 L'idée d'une intégration sécuritaire est tirée de l'ouvrage au titre fort révélateur de Sall, A., Les mutations de l'intégration des États en Afrique de l'Ouest, une approche institutionnelle, op. cit., p. 133. La politique d'harmonisation des techniques paraît à juste titre comme une forme d'intégration plus prudente parce que respectueuse de la souveraineté économique et monétaire des É tats membres. À ce sujet, le droit dérivé de l'UEMOA connaît aujourd'hui une harmonisation très avancée, à travers l'instauration d'un régime douanier commun à tous les É tats membres 66 , la dotation d'une législation bancaire commune, reprenant et complétant l'ancienne réglementation bancaire 67 , et l'adoption d'une nouvelle législation harmonisée en droit de la concurrence. Il en est de même du code des investissements communautaires des É tats de l'UEMOA qui est un projet d'harmonisation très ambitieux et qui fait de l'Afrique de l'Ouest un espace de référence en matière d'intégration 68 . La CEMAC, quant à elle, réalise ses objectifs d'harmonisation des législations définis dans son traité institutif à travers deux structures : l'UEAC (Union économique en Afrique centrale) et l'UMAC (Union monétaire en Afrique centrale). Il faut dire que dans cet espace économique, les querelles de leadership sont des véritables verrous aux multiples projets d'intégration 69 . En revanche, au-delà des initiatives nationales, les pays de la CEMAC se sont mobilisés pour juguler la crise sanitaire occasionnée par la Covid-19 en mettant en place des stratégies communes 70 , d'où l'adoption par les institutions financières sous-régionales des mesures pour prévenir les conséquences qui s'annoncent sévères sur les économies locales. Par ailleurs, l'exemple de l'Union africaine et malgache (UAM) dissoute en 1964 et remplacée deux ans plus tard par l'Organisation commune africaine et mauricienne (OCAM) montre que l'Afrique est un vaste chantier d'intégration 71 au plan politique et même économique, comme l'atteste la controverse autour du maintien ou de la sortie du FCFA. En effet, l'actualité économique africaine permet de se demander si l'intégration économique en Afrique passe nécessairement par l'adoption d'une monnaie unique ? La solution réside-t-elle forcément dans la rupture avec la monnaie initiale qu'est le franc CFA ? 72 Le moins que l'on puisse dire est que la souveraineté monétaire n'a pas de prix. Elle est la voie idéale pour toute politique d'intégration qui se veut autonome. L'Afrique tout entière a besoin d'une politique monétaire qui lui soit propre. À ce titre, avec le débat autour du maintien ou du rejet 73 , et celui de la mise en place de l'eco 74 , la problématique d'une intégration globale avec en relief la dimension économique prend des proportions considérables. L'intégration économique devenant de ce fait un instrument plus poussé de décolonisation, car à l'analyse, les É tats africains sont plus favorables à la reformation de la monnaie commune existante qu'à la révision de la coopération financière qu'ils jugent désavantageuse. Pour réagir à ces interrogations, la France adoptera, lors d'un Conseil des ministres, un projet de loi qui entérine la fin du FCFA et qui a pour points majeurs sa transformation en eco en maintenant la parité fixe avec l'euro ainsi que la fin de la centralisation des réserves de change des É tats d'Afrique de propriété industrielle (OAMPI), devenue quinze ans plus tard l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) qui adopte une législation unique de la propriété intellectuelle pour tous les É tats membres. 72 Le FCFA est utilisé par 14 pays africains : UEMOA (8 pays) et la CEMAC (6 pays). Pourtant le FCFA n'a pas la même signification dans les deux zones : Communauté financière africaine (zone UEMOA) et Coopération financière en Afrique centrale (zone CEMAC). Par ailleurs, ces monnaies ne sont pas interchangeables. 73 Parlant de cette monnaie, un critique acerbe réfléchissant sur sa dévaluation, disait : « Le franc CFA, c'est une chimère : ce qui circule à Abidjan, à Dakar comme à Lomé, c'est bien le franc franc¸ais à cent pour cent. Où encore, aurons-nous suffisamment de réserves d'or pour garantir une monnaie indépendante ? Mais il y a cinquante ans que les réserves ont cessé de garantir les monnaies. Les aventures du franc malien, du cedi ghanéen ne sont-elles pas la preuve qu'un pays sous-développé, de surcroît africain, ne peut avoir sa propre monnaie ?». Tchundjang Pouemi, J., Monnaie, servitude et liberté. La répression monétaire de l'Afrique, op. cit., p. 30. l'Ouest auprès du Trésor franc¸ais 75 , conformément à l'accord conclu entre elle et les É tats de l'UEMOA 76 . Cependant, si l'Afrique de l'Ouest est le théâtre de ces transactions financières, il faut dire que l'Afrique centrale et exceptionnellement le Niger sont réfractaires et appellent le continent à affirmer sa souveraineté monétaire, à se débarrasser de cette servitude monétaire qui le maintient dans « le cercle vicieux du sousdéveloppement » 77 . Il est temps pour les pays africains de « redresser la barre et d'adopter, dans le domaine des conceptions et des monétaires, des comportements plus mû rs, accordés avec les virtualités dynamisantes du phénomène monétaire » 78 . Il est question de rendre à la monnaie tout son rô le, toute sa force d'entraînement et de multiplication sur les autres réalités économiques et sociales. Comme on le voit, on peut passer par les mesures économiques pour garantir à l'Afrique une politique d'intégration autonome et prospère. C'est par cette voie que l'Afrique pourra contribuer en tant qu'acteur et non simplement spectateur à la réforme du système monétaire international et partant, garantir sa propre sécurité économique. Le souci de sécurité a hanté les pays africains dès leur accès à l'indépendance 79 . Cette sécurité dans les espaces étudiés est non seulement comprise comme un préalable au développement économique, mais elle est aussi ancrée dans la volonté politique des É tats. Il est dès lors compréhensible que les organisations communautaires d'intégration qui y officient prennent en compte la sécurité de leurs membres. En effet, parmi les nombreux défis qui interpellent l'intégration régionale africaine, 75 Deux changements majeurs seront annoncés : le placement libre de ses réserves accordé à la BCEAO et le retrait de la France des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente et en particulier de la présence du ministre franc¸ais des Finances dans les instances de gouvernance. Pourtant, un spécialiste africain enseignait, il y a des années, que les réserves extérieures d'un pays ne garantiraient pas la monnaie mais en résulteraient ; que la garantie apportée au franc CFA par le franc franc¸ais serait « une clause vide » et, enfin, que l'organisation en Afrique d'une coopération monétaire suffisamment forte pour soutenir l'activité au sein d'une zone unique est suffisamment souple pour respecter la souveraineté de chaque É tat. à savoir le défi de la paix et de la démocratie, figure en bonne place celui de la sécurité sous tous ses aspects 80 . L'accent ne sera pas mis sur les questions de paix et de sécurité qui exigent aux organisations une légitime défense collective 81 , mais sur la sécurité économique, car l'épanouissement économique comporte un préalable sécuritaire 82 . À ce titre, les organisations d'intégration à vocation essentiellement économique étendent souvent leurs compétences dans le domaine politique (promotion de la démocratie et des droits de l'Homme) et en matière d'environnement, de lutte contre les pandémies (sida, choléra et Covid-19). Les deux derniers domaines d'extension doivent être privilégiés par les CER d'Afrique noire, dans la mesure où la paix et la santé constituent une condition préalable au développement et à l'intégration de cette partie du continent qui continue d'être dévastée par les conflits internes. À ce titre, l'implication de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) dans les questions relatives aux droits de l'Homme et à la lutte contre la pauvreté est édifiante 83 . En outre, les concepts d'ordre public et de sécurité publique, très souvent invoqués pour protéger les intérêts fondamentaux des É tats 84 , sont perc¸us au sein de la CEMAC comme des exceptions incontournables au principe communautaire de libre circulation des objets marchands. Cette position assez radicale s'explique tant par la fragilité des politiques sécuritaires étatiques des pays membres que par la porosité des frontières entre les pays membres, lesquelles sont créatrices de toute forme de désordre et d'insécurité 85 , surtout à un moment où la crise sanitaire occasionnée par la Covid-19 oblige les É tats à emprunter la voie du multilatéralisme pour une solidarité agissante. 80 Ahouansou, W. T., « La coopération internationale contre le terrorisme », mémoire de master recherche, droit international et organisations internationales, Université d'Abomey-Calavi, 2013, 136 p. 81 Dans le cadre de la CEDEAO, il est enfin possible de trouver un fondement de l'intervention de l'organe dans le protocole d'assistance mutuelle. La Conférence des chefs d'É tats et de gouvernement est à ce titre habilitée à se pencher sur les « problèmes généraux de sécurité », et une compétence aussi générale est certainement susceptible d'englober la mise sur pied d'une opération de maintien de la paix. Voir Sall, A., op. cit. p. 137. Lire utilement les implications de la ZLECA sur les droits de l'homme dans le Rapport sur la zone de libre-échange continentale (ZLEC) en Afrique, vu sous l'angle des droits de l'homme, Commission économique des Nations unies pour l'Afrique et Fondation Friedrich-Ebert, bureau de Genève, octobre 2017, 180 p. 84 Certains auteurs conc¸oivent les concepts d'« ordre public » et de « sécurité publique » comme des concepts « d'intérêts essentiels des É tats » ou encore comme des « mesures imposées pour garantir une discipline exigée par la vie en société ». Le Mire, P., « La police administrative », documents d'étude de droit administratif n o 2-07, septembre 1989, p. 4. 85 L'insécurité publique prend en compte toutes les mesures de salubrité publique (hygiène publique, vente publique de marchandises et denrées alimentaires, dépô ts de marchandises, maintien de l'ordre et de la sécurité dans les lieux publics, etc.). Voir Gnimpieba Tonnang, E., Le maire de la commune urbaine de Dschang, mémoire de maîtrise droit public, Université de Dschang, septembre 1998, p. 45. Il est dès lors urgent de revêtir l'intégration régionale africaine des habits neufs capables de doter les É tats africains des mécanismes sécuritaires communs leur permettant de propulser leur développement. On peut, pour ce qui est de la politique sanitaire commune, à défaut d'élaborer un plan de santé intégré, envisager par exemple une harmonisation des directives communautaires pour les conformer aux directives de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à l'exemple de celles du 23 mars 2020 qui renvoient à l'humanisation des inhumations des personnes décédées de la Covid-19 86 . À ce titre, l'édition 2009 du rapport de la CNUCED est une référence capitale lorsqu'elle mentionne que : « . . . l'intégration régionale est [. . .] un élément capital à prendre en considération lorsqu'il s'agit d'élaborer de nouvelles lignes d'action pour développer les services » 87 . Il est question d'élaborer les politiques sécuritaires contraignantes au triple plan régional, communautaire et international afin d'assurer aux investissements économiques une sécurité certaine. En effet, la résistance et même la résilience de la pandémie de coronavirus a révélé au grand jour les angles morts de la politique sanitaire à l'échelle internationale et l'OMS s'est illustrée en une institution de sensibilisation ou d'émission des mesures barrières aux compétences législatives limitées. La politique sécuritaire est donc au coeur du social et contribue à la mise sur pied d'un « modèle social » de développement 88 . Les questions de protection sociale, de sécurité des citoyens dominent la politique africaine actuelle d'intégration. L'Afrique reste donc un continent dans lequel la conception d'un modèle de reconstruction constitue une urgence et où la convergence entre la politique et l'économie est une voie idéale pour une intégration réussie 89 . Encore faudrait-il compter sur la restriction des souverainetés étatiques et non exclusivement sur le droit stricto sensu en ce qu'il demeure « secondaire par rapport à la volonté des É tats » 90 . La formation du droit international en général et du droit de l'intégration en particulier a été profondément marquée par la problématique de restriction de 86 V. Directives et procédures opérationnelles standard pour la préparation et la réponse à la Covid-19 au Cameroun,1 re éd., 23 avril 2020, OMS : conduite à tenir en matière de lutte antiinfectieuse pour la prise en charge sécurisée du corps d'une personne décédée dans le contexte de la Covid-19-OMS : Orientation provisoire, 24 mars 2020. 87 « Le développement économique en Afrique : renforcer l'intégration économique régionale pour le développement de l'Afrique », édition 2009 du rapport de la CNUCED, p. 88. 88 Minet, G., « Concurrence et cohérence dans l'organisation internationale : une problématique pertinente pour l'intégration régionale ? »», op. cit., p. 279. 89 Diouf, S., L'intégration juridique en Afrique : l'exemple de l'UEMOA et de l'OHADA, op. cit., p. 12. 90 Sall, A., Les mutations de l'intégration des États en Afrique de l'Ouest, une approche institutionnelle, op. cit., p. 10. la souveraineté de l'É tat. La limitation des souverainetés conduit alors à aborder l'intégration régionale africaine sous une double approche : une approche "soft" de la souveraineté des É tats, d'une part (1), et, d'autre part, une approche "hard" 91 de développement de l'intégration intra-africaine (2). 1-Une approche "soft" de la souveraineté des États Il est question dans la présente étude de la revitaliser dans l'optique de la situer dans l'évolution globale de la politique internationale tout en lui reconnaissant les compromis théoriques et pratiques que lui imposent les politiques actuelles d'intégration 95 . À travers la question d'intégration, la problématique de limitation des souverainetés est formulée par la doctrine franc¸aise en ces termes : le concept de souveraineté « doit-il être considéré comme absolu ou faut-il désormais le relativiser ? » 96 Il faut dire que dans son étymologie, le terme intégration met déjà en exergue l'idée de « transferts substantiels de souveraineté » 97 au profit d'une nouvelle entité souveraine commune 98 . 95 En réalité, seule la souveraineté nationale est indivisible, à la différence de la souveraineté populaire dont chaque citoyen détient une parcelle. Bodin, J., Les six livres de la République, op. cit., p. 67. La souveraineté est l'apanage de l'É tat, alors que les organisations internationales ne peuvent bénéficier que de transfert de compétences (CC, 9 avril 1992, Maastricht I). Au-delà de la proximité géographique, des liens historiques et des affinités culturelles et sociologiques, la constitution d'un ensemble supranational reste fortement tributaire de considérations institutionnelles et de leadership. Cette dépendance est plus sensible dans les domaines de souveraineté tels que la justice, la défense, la sécurité, la politique extérieure, l'économie et les finances 99 . En effet, la réalisation de l'intégration africaine a toujours créé des divisions 100 et nécessite encore aujourd'hui des concessions de la part des É tats souverains. Par ailleurs, entre l'intégration régionale ou sous-régionale et la souveraineté internationale de l'É tat, la problématique se pose en termes de compatibilité et une interprétation souple de la souveraineté permet de rapprocher les différentes notions 101 . Ainsi, à l'argument de « l'irréductible souveraineté étatique » 102 développé par la doctrine pour justifier le comportement réfractaire du juge national face au droit international et communautaire, s'est progressivement substituée une désacralisation de la souveraineté consécutive à l'entrée du monde dans une zone de « turbulence » dont la meilleure des certitudes est désormais l'incertitude 103 . Le droit de l'intégration tout comme le droit humanitaire 104 ont progressivement contraint les É tats africains à se désenchanter, volontairement ou non, pour finalement admettre que la prise en charge de leur population en danger puisse se faire avec une forte collaboration de la société internationale 105 et sous le label de la responsabilité de protéger 106 . Les résultats sont perceptibles au double plan national et régional. Au plan national, l'effort en faveur de la coopération et de l'intégration à l'échelle régionale 107 est une constance de la politique étrangère 108 de nombreux É tats africains. Cette tradition trouve sa source juridique dans les dispositions constitutionnelles des É tats qui proclament l'attachement du pays à l'idéal de l'unité africaine 109 . Cette légitimation constitutionnelle participe à la consolidation de la « dimension étatique » de l'intégration 110 qui est une faculté de l'É tat souverain et une expression de son engagement 111 . Ces « clauses constitutionnelles d'intégration » 112 conduisent à « renforce[r] à la fois l'ancrage juridique et la légitimité politique de [la participation des É tats africains] à l'intégration [régionale] » 113 . Le juge constitutionnel béninois rappellera que la réalisation de l'unité africaine implique « nécessairement un abandon et à tout le moins une limitation de souveraineté ; qu'une telle limitation ou un tel abandon partiel de souveraineté a un fondement constitutionnel » 114 . 105 On peut en déduire que les constitutions africaines sont désormais un terrain propice à l'enracinement de l'intégration régionale africaine 115 . Le relâchement de la souveraineté comme on le voit peut être explicite ou implicite 116 et atteste de ce qu'il existe un lien entre la justice constitutionnelle et la justice de l'intégration en Afrique 117 . En d'autres termes, l'architecture africaine d'intégration permet d'affirmer que les Constitutions ne sont plus les obstacles, encore moins les garde-fous à l'intégration régionale africaine, elles sont des instruments de « guide et d'encadrement » 118 . Au plan régional africain, la restriction du principe de souveraineté a immédiatement rec¸u un écho inédit lors de la transition entre l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et l'Union africaine (UA) intervenue au début de la décennie 2000. On peut lire dans son texte fondateur : « le droit de l'union d'intervenir dans un É tat membre sur décision de la Conférence, dans certaines circonstance graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité » 119 . L'organisation régionale africaine a entendu donner un sens nouveau au multilatéralisme politique africain, historiquement incarcéré dans l'absolue inviolabilité de la souveraineté issue de la colonisation. Elle a de ce fait posé les jalons de développement d'une intégration intra-africaine. Le développement de l'intégration intra-africaine remet sous le feu des projecteurs l'idée de fragmentation des espaces régionaux et par conséquent celle de restriction des souverainetés étatiques. Il faut donc, pour protéger cette intégration entre É tats membres d'une communauté 120 , compter sur une forte dose de volonté politique invitant chacun à jouer sa partition pour une véritable convergence des processus d'intégration en Afrique 121 . En fait, la politique d'intégration intra-africaine peut être classée dans la catégorie jurisprudentielle « des situations purement internes » 122 consacrant une compétence [communautaire] exclusive 123 devant certaines situations sensibles. C'est le cas par exemple des politiques adoptées par le législateur communautaire CEMAC et relatives à la libre circulation des biens, à la préservation de la sécurité publique et à l'ordre public sanitaire 124 qui affectent directement les ordres publics internes des É tats membres 125 . En effet, les É tats membres disposent encore d'un pouvoir quasi discrétionnaire pour légiférer sur leurs politiques sécuritaires, même s'ils sont obligés d'en avertir le législateur communautaire, lequel sera tenu de conformer ces politiques à la réglementation commune, comme l'a fait le juge communautaire européen pour ce qui est de la protection de la santé publique 126 . En effet, la politique globale d'intégration n'exclut pas celles élaborées à l'initiative des micro-organisations, à l'exemple du développement du commerce entre les É tats membres d'une même région. Cependant, c'est la portion négligeable de ce commerce intra-africain qui fait douter de son influence réelle sur la politique générale. Ce type de commerce est présenté par la CNUCED dans son rapport de 2009 sur le développement économique en Afrique et relatif à l'intégration régionale en Afrique et aux possibilités qu'elle offre de remédier aux faiblesses structurelles séculaires des économies africaines et d'améliorer les résultats économiques nationaux et régionaux 127 . Selon ce rapport, le commerce intra-africain reste très faible par rapport au volume du commerce intra-régional partout ailleurs. Il ne représente que « 8,7 % des exportations totales et 9,6 % des importations totales de la région ». Ceci se justifie selon la doctrine africaine par la présence dans une sous-région ou région des « économies clones » 128 , c'est-à-dire celles dont la production est identique. L'Afrique centrale en général et les pays membres de la CEMAC en particulier dépendent pour leurs exploitations des mêmes produits : les hydrocarbures, les produits miniers, le bois et quelques produits tropicaux comme le café et le cacao. Le même constat peut être fait pour les pays membres de la CEDEAO. Cependant, l'opérationnalisation de la ZLECA paraît être une solution en ce qu'elle a pour but « d'augmenter considérablement le commerce intra-africain, de stimuler l'investissement et l'innovation, d'encourager la transformation structurelle des économies africaines, d'améliorer la sécurité alimentaire, de stimuler la croissance économique et la diversification des exportations, de rationaliser les régimes commerciaux des communautés économiques régionales, qui parfois se recoupent » 129 . Par ailleurs, un parallèle peut être établi avec les É tats relevant de l'espace CEN-SAD. Dans cet espace régional, les coû ts de transport peuvent atteindre 77 % de la valeur des exportations contre 40 % pour les pays asiatiques et 33 % pour les pays d'Amérique latine et les Caraïbes 130 . C'est dire qu'une approche sectorielle de la politique économique d'intégration, ou mieux l'adoption des politiques macroéconomiques sous-régionales, est gage de la réussite de l'économie générale. À ce titre, l'intégration régionale reste un processus graduel 131 qui passe par la zone de libre-échange 132 , l'union douanière, le marché commun, l'union économique et enfin l'intégration économique complète. Par exemple, l'intégration régionale dans le domaine des assurances incarnée par la CIMA 133 a permis de migrer de la coassurance communautaire au marché commun 134 . Il en découle que la réalisation de l'intégration africaine emprunte deux voies : celle de l'unité africaine axée sur la relativisation des Constitutions et celle axée sur l'établissement des « cercles concentriques » 135 qui conditionne la réussite de l'intégration à l'échelle continentale par le succès de regroupements plus restreint au plan régional. La seconde piste a pour avantage d'exiger aux É tats regroupés l'élaboration des normes et des institutions communes capables de fédérer leurs unions. Les acteurs communautaires se doivent de développer en leurs pratiques l'affectio integrationis, ce lien sacré existant entre les acteurs formels et informels, qui les oblige à accorder une certaine primauté à l'esprit communautaire 136 . C'est dire que les regroupements macro au sein de l'Afrique ne doivent pas perdre de vue l'objectif principal qui est le développement global du continent. Une telle dynamique est une oeuvre collective qui nécessite à la fois des mesures politiques et économiques fortes mais aussi des mécanismes normatifs et institutionnels contraignants. L'intégration régionale africaine comme toute entreprise a besoin d'un dispositif normatif et institutionnel pour asseoir son autorité. L'étude suggère d'une part de mettre l'accent sur le renforcement des outils institutionnels d'harmonisation (A) et, d'autre part, de privilégier le modèle polyphonique d'intégration, ce choeur à plusieurs voix qui rend compte des particularités des processus d'intégration en Afrique noire (B). Si l'économie est le moteur de l'intégration, le droit est son moyen. Il est donc judicieux de recourir à la formule dite de l'« intégration par le droit » 137 , ce processus qui consiste à mettre le droit au centre de toute idée d'intégration. L'harmonisation des politiques et des législations des É tats est une préoccupation sans cesse renouvelée dans les ordres juridiques communautaires africains. En effet, de nombreux défis interpellent les législateurs régionaux ou communautaires africains qui sont tenus de mettre sur pied un dispositif normatif contraignant capable de réguler les situations litigieuses telles que le flux migratoire, la pollution et le réchauffement climatique, le terrorisme international, la cybercriminalité, l'insécurité sanitaire, la libre circulation 140 et la problématique de la bonne gouvernance communautaire 141 . La fabrique des normes devient une nécessité impérieuse car pour achever une intégration, il faut nécessairement que « la volonté politique [soit] prolongée par une discipline législative rigoureuse, sinon c'est toute l'entreprise d'intégration qui serait menacée » 142 . Dès lors, l'articulation des systèmes normatifs et institutionnels amorcée en Afrique centrale et en Afrique de l'Ouest entre l'UEAC, l'UEMOA et l'OHADA 143 permet d'attester l'existence d'un « capital législatif important » en Afrique qu'il convient d'harmoniser pour une intégration régionale complète. Elle ne signifie pas la suppression complète de toutes les divergences des droits nationaux. Car si l'essence même de l'harmonisation est la préservation de la souveraineté nationale, chaque É tat participant au processus reste libre de maintenir une certaine spécificité de son droit 144 . L'intégration régionale africaine, pour ce qui est de l'espace CEMAC en particulier, présente des politiques législatives peu contraignantes. Par exemple, malgré l'introduction dans la communauté CEMAC des politiques émergentes telles que la bonne gouvernance, les droits de l'Homme, le dialogue social et le genre, il est regrettable de constater qu'aucun texte communautaire n'a encore défini leur cadre réglementaire. Il devient donc urgent d'élaborer les normes contraignantes et de doter les juridictions communautaires des compétences nécessaires pour sanctionner la violation de ces politiques qui empêchent la Communauté d'atteindre les résultats recherchés. Par ailleurs, un accent particulier doit être mis sur les normes relatives à la libre circulation des biens, des personnes et des marchandises en raison de son application mitigée en Afrique. Si cette politique connaît une certaine avancée au sein de l'Afrique de l'Ouest sous l'égide de la CEDEAO, il faut dire qu'elle est encore très incertaine en Afrique centrale. La politique de libre circulation demeure controversée en zone CEMAC du fait de la mise en circulation tardive du passeport communautaire biométrique 145 tandis que la CEEAC n'envisage que la mise en circulation d'un « carnet » susceptible de faciliter les déplacements intracommunautaires dans son espace géographique. En effet, dans son évolution normale, l'union douanière de l'Afrique centrale était appelée à se transformer en un marché commun dans lequel on allait retrouver, en plus des traités de la zone de libre-échange et de l'union douanière, des dispositifs tendant à supprimer toutes les restrictions à la libre circulation des autres facteurs économiques et à créer ainsi une unité économique plus ou moins homogène entre ses membres 146 . Cette exigence d'intégration s'est manifestée à travers la mise en place progressive d'une politique de promotion de la libre circulation des marchandises et des facteurs de production 147 . En revanche, la politique de libre circulation des personnes est aujourd'hui conditionnée par l'exigence de réciprocité imposée par l'insécurité sanitaire qu'occasionne la pandémie de Covid-19 à travers les mesures barrières, et précisément la fermeture des frontières. Il est donc question de procéder à une harmonisation des politiques et des législations relatives à la libre circulation des personnes, considérées comme le ventre mou de la politique d'intégration en Afrique en général et en Afrique centrale en particulier. Il faut, par ailleurs, renforcer la législation sur la concurrence avec des mesures de contrainte forte. En plus, les règles nationales 148 existantes, jugées « lacunaires et imparfaites » 149 par la doctrine, n'ont pas réussi à créer, au niveau interne, les conditions garantissant le libre jeu de la concurrence entre acteurs économiques. Une harmonisation rigoureuse des législations fera sortir la concurrence de l'utopie à la réalité. Il faut relever enfin l'harmonisation des mesures antiterroristes par le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine 150 . En effet, conscient du fait que la sécurité est la base de toute coopération durable en Afrique 151 , les enjeux sécuritaires sont orientés depuis lors vers la construction d'une ligne de conduite continentale devant coordonner les politiques antiterroristes 152 . Ce rôle dévolu au CPS 153 en tant que système de sécurité collective et d'alerte rapide exige de l'organe une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique. Aussi, le CPS entend « coordonner et harmoniser les efforts du continent dans la prévention et la lutte contre le terrorisme international sous tous ses aspects » 154 . Dans cette mission d'harmonisation des efforts régionaux et continentaux de lutte antiterroriste, le CPS applique les prescriptions de la convention de 1999 et des autres instruments internationaux de lutte contre le terrorisme et travaille de concert avec le Conseil de paix et de sécurité des Nations unies. On en veut pour preuve sa forte implication dans le développement d'une stratégie efficace de relèvement sécuritaire dans la région sahélienne et notamment au Mali (MISAHEL) 155 . Cette coordination des politiques, ou mieux des législations, contribue à une harmonisation des mécanismes de développement en Afrique. Au sein de la SADC par exemple, l'harmonisation des législations permettra d'accompagner l'économie des petits pays de niveaux de développement hétérogènes par l'association du plus grand riche et plus avancé sur le plan économique qu'est l'Afrique du Sud 156 . Il est de ce fait important de joindre à cette normativité ambivalente les institutions juridictionnelles capables d'impulser la dynamique au besoin par la contrainte. Le recours aux institutions juridictionnelles pour accompagner la politique d'intégration passe par le dialogue entre les différentes juridictions 157 , ce que la doctrine communautariste a qualifié de « concertation permanente entre les organisations » 158 d'une part, et par l'habilitation de ces juridictions à soumettre les É tats au respect des dispositions normatives et directives d'autre part. Il s'agit d'un dialogue vertical et horizontal. Le dialogue horizontal qui est plus visé dans le cadre de cette étude met en exergue les objectifs du traité d'Abuja et ceux des CER. Une telle logique est partagée par les organisations ouest-africaines d'intégration au regard du Mémorandum sur les axes de coopération entre l'UEMOA, le CILSS et la CEDEAO du 3 septembre 1998 159 . Il en est de même du rapport de juridiction à juridiction prévu dans le cadre du mécanisme de la question préjudicielle par l'article 12 du protocole additionnel n o 1 de l'UEMOA relatif aux organes de contrô le de l'UEMOA. À ce titre, c'est pour parer au risque de décisions inconciliables et dépourvues de cohérence et d'harmonie que l'avis n o 001/2000 du 2 février verra le jour. Cet avis met en exergue la « nécessité d'une concertation entre les deux organisations en vue de la coordination de leur politique normative et de leur juridiction respective qui exercent leur contrô le juridictionnel sur les mêmes juridictions des É tats membres et dans des domaines qui ne sont pas nettement délimités » 160 . Par ailleurs, l'intégration régionale est aujourd'hui au centre des préoccupations majeures de développement du continent africain. L'harmonisation des techniques d'intégration constitue ainsi l'une des stratégies les plus crédibles pour accompagner les pays africains aux niveaux de développement variés. Il faut donc des institutions solides capables de suivre les sentiers bâtis par le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), notamment sur la relance de la croissance et le développement de l'Afrique. Cependant, les faiblesses institutionnelles sont aussi à l'origine du retard dans le processus d'intégration en Afrique. En effet, les Cours de justice ne s'arment pas suffisamment d'audace pour contraindre les É tats à s'exécuter et les CER n'ont pas toujours rec¸u de pouvoirs supranationaux requis pour assurer l'exécution des décisions collectives et la convergence des politiques communes. 157 Cette dynamique a été qualifiée par Genevois, B. de « dialogue des juges ». En Le droit africain de l'intégration est-il « uniformisable » ? Autrement dit, quel est le degré de faisabilité de cette uniformisation et son apport au développement de l'Afrique ? Cette question rappelle la difficulté que l'on éprouve à vouloir uniformiser les politiques et les législations dans un ordre juridique plural comme l'Afrique 174 . L'expérience manquée de la Ligue arabe est assez illustrative 175 . Composée des mots latins unus qui signifie « un » et forma qui veut dire « forme », l'uniformisation consiste à donner la même forme à un ensemble d'éléments « dont toutes les parties se ressemblent entre elles » 176 . Elle postule que, pour une matière précise, soit minutieusement élaboré un cadre normatif contenu dans un instrument unique auquel les parties prenantes adhèrent sans pouvoir y déroger ni sur le fond, ni sur la forme. C'est ce support commun à tous les intervenants à une intégration juridique qui fait la particularité de l'uniformisation et la distingue de l'unification. L'uniformisation (ou encore « l'unification »), est une forme radicale d'intégration juridique. Elle consiste à « instaurer, dans une matière juridique donnée, une réglementation unique, identique en tous points pour tous les É tats membres, dans laquelle il n'y a pas de place, en principe, pour les différences » 177 . Elle consiste en effet à supprimer les décalages entre les lois nationales pour leur substituer une législation unique, rédigée en des termes identiques pour tous les É tats concernés. En d'autres termes, l'unification impose des règles précises auxquelles les É tats sont tenus de se conformer à l'identique, alors que l'harmonisation se contente d'un rapprochement autour de principes communs. Contrairement à la traditionnelle oeuvre d'unification du droit des organisations internationales 178 , l'unification des systèmes juridiques au plan interne reste discutée. Elle aboutit à une limitation des libertés des É tats notamment dans la législation de certains secteurs d'activités qui désormais sont régis par la Communauté. L'uniformisation est bien présente dans le modèle africain d'intégration et l'OHADA en est la référence en ce qu'elle se présente comme Janus, cette figure de la mythologie romaine dont la face visible est l'harmonisation, et l'unification la partie immergée de l'iceberg 179 . En effet, l'OHADA est un processus d'intégration juridique et dans une certaine mesure juridictionnelle en matière de droit des affaires. Du point de vue de la technique d'intégration, elle recourt nonobstant l'utilisation de la terminologie d'harmonisation dans sa dénomination et dans le traité à deux mécanismes : une uniformisation de principe à travers l'utilisation des actes uniformes comme supports juridiques de l'intégration et une harmonisation exceptionnelle à travers les actes élaborés par le législateur. La réussite du processus d'intégration OHADA est alors assurée par le recours à l'uniformisation et l'institution d'une juridiction supranationale (CCJA) chargée de veiller à l'intégrité de son ordre juridique. Les actes uniformes se caractérisent par leur rigidité puisqu'ils ne laissent pas la possibilité aux É tats membres de l'OHADA de les modifier ou d'y apporter des réserves. Une fois qu'ils ont été adoptés, ils entrent en vigueur dans tous les É tats de l'OHADA et s'imposent à ceux-ci sans dérogation possible, sauf celles qu'ils prévoient eux-mêmes 180 . Cette technique d'intégration est la manifestation même du "hard law". Pourtant, la question de sa capacité à pouvoir assurer seule la réussite du processus OHADA se pose avec acuité. Eu égard, d'une part, aux difficultés actuelles que rencontre l'OHADA dans le cadre de la réglementation de certaines matières (droit du travail, des contrats) et de la réglementation insatisfaisante d'autres domaines (notamment le secteur informel) et, d'autre part, de la volonté d'ouvrir l'OHADA à des É tats de culture juridique différente de celle de la famille juridique romano-germanique, on peut utilement se demander si elle ne devrait pas revoir ses instruments juridiques dans le double sens de leur accroissement et de leur assouplissement. Dans cette perspective, une observation attentive d'autres expériences en matière d'intégration juridique dans le l'affectio integrationis est très avancé, il faut dire qu'elle a encore de la peine à être érigée en une règle en Afrique où l'esprit communautaire est encore en maturation. De même, la politique de développement à plusieurs vitesses qui a cours en Afrique est un frein à l'unification du droit dans ses espaces d'intégration. Le cas de la SADC est assez symptomatique avec le décalage en termes de développement entre l'Afrique du Sud, l'Angola et les autres pays tels les Seychelles ou le Swaziland. Par contre, une harmonisation progressive des politiques et des législations permettrait de rechercher un équilibre entre les niveaux de développement en tenant compte des particularités. Comme on le voit, le droit est devenu à travers la technique dite de rapprochement des législations nationales des É tats l'instrument essentiel de revitalisation de l'intégration. En effet, l'harmonisation des législations économiques, sociales et commerciales, la redynamisation de la politique monétaire et financière commune, apparaissent comme la voie idoine pour une intégration sécurisée en Afrique. L'expérience de l'OHADA a permis selon ses praticiens de mettre un terme à l'insécurité juridique et judiciaire en Afrique. En empruntant aux fonctionnalistes 191 , l'intégration par l'harmonisation des processus doit être progressive. Ce raisonnement qui est perceptible en Afrique de l'Ouest dans les rapports entre la CEDEAO et l'UEMOA s'enracine en Afrique centrale sous le prisme de la concurrence entre les organisations d'intégration sous-régionales (OSIR). En revanche, une harmonisation des législations entre les Communautés CEMAC et UEMOA dans les secteurs névralgiques est porteuse pour une intégration régionale en Afrique. Il s'agit de la revitalisation des politiques telle la libre circulation des personnes, des biens et des services, de la nécessité de garantir le maintien de la concurrence et de la protection des consommateurs dans un environnement libéral favorable aux groupes d'entreprises ; d'encourager la compétitivité économique et d'introduire les É tats membres sur le marché commun recherché par les Communautés 192 . La compétence revient aux organes de décisions que sont les commissions de la CEMAC 193 L'objectif majeur de cette réflexion était de proposer les modalités de coexistence des processus d'intégration dans un même ordre juridique, de passer en revue les points de convergence et même d'achoppement qui peuvent découler de cette harmonisation et de proposer les solutions pour une meilleure articulation des normes et des mécanismes qui les régissent. En effet, la technique d'intégration par fédération est progressivement considérée comme un catalyseur indispensable du développement économique, social et politique des É tats. La recette n'est pas une spécificité africaine car même l'Europe a commencé par le processus économique avant de s'investir dans le secteur politique. À l'analyse, ces processus sont complémentaires et non « rivaux » 196 . Il faut plutôt envisager leur rationalisation car l'usage sélectif contrarie les desseins de l'intégration régionale en Afrique. L'harmonisation des processus d'intégration participe à l'enracinement de la mondialisation des économies et à la réalisation de ce qu'une voix de droit 197 a qualifié de temps du « monde un » 198 . Elle permet à l'Afrique de devenir partie intégrante de l'économie mondiale et de participer au processus de régionalisation/ mondialisation 199 . En bref, empruntant les trajectoires tracées par l'UE et l'OHADA et axées sur la cohérence juridique, l'intégration politique ne peut se faire qu'après la convergence économique. Il en est de même de l'intégration normative qui n'est possible que s'il existe une juridiction qui impose cette harmonisation. Il était donc question de sortir un peu de la dimension pyramidale de l'harmonisation des processus que nous a longtemps imposé l'école classique de l'intégration pour envisager une harmonisation horizontale ou en forme de réseau 200 . « L'intégration juridique dans l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) », Presses universitaires d La particularité de la CEDEAO est qu'elle regroupe les É tats francophones, anglophones et lusophones Théorie générale des normes de la 2 e édition de L'ordinamento giuridico (1946) par Franc¸ois Élément de méthodologie juridique 1. Méthodologie de l'interprétation juridique. 2. Méthodologie de l'application du droit Monnaie, servitude et liberté. La répression monétaire de l'Afrique, op. cit La monnaie est née des échanges entre les humains et surtout de la civilisation urbaine En Afrique, les instruments monétaires existent avant la colonisation (cauris Le droit international des échanges entre unité et pluralité, op. cit. Pour ce qui est de l'Afrique, l'accélération du processus d Projet phare de l'Agenda 2063 de l'UA, la ZLECA est une étape majeure dans la longue marche vers l'intégration économique du continent envisagée très tôt par le traité d'Abuja sur la Communauté économique africaine Née le 10 juillet 1992 à Yaoundé, la Conférence interafricaine des marchés d'assurance (CIMA) regroupe 14 pays de l'Afrique de l'Ouest et du Centre « Atouts et limites de l'intégration dans le secteur des assurances dans la zone CIMA : de la coassurance communautaire au marché unique résolutions des conflits et sécurité collective à l'ère de l'Union africaine : théorie et pratique proposition d'élaboration d'un code de conduite sur le terrorisme étudiée par la Conférence des chefs d'É tats et de gouvernement, décision Assembly/AU/Dec. 9, seconde session ordinaire de la conférence UA, le CPS remplace le mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits établi en 1993 au sein de l'OUA. Il est l'expression de la nouvelle puissance multilatérale africaine basée sur le « nouveau devoir d'intervention » de l'UA pour rétablir la paix et la sécurité Protocole de 2002 relatif à la création du CPS de l'UA, art UA pour le Mali et le Sahel (MISAHEL) : le Mali doit aller plus loin dans le processus de réconciliation a déclaré le président Buyoya « Intégration régionale, croissance et dynamique de spécialisation : une application à l'Afrique australe », thèse de doctorat en sciences économiques Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), op. cit « La gestion de la pluralité des systèmes juridiques par les É tats d'Afrique noire : les enseignements de l'expérience camerounaise La Ligue des É tats arabes avait proposé le projet d'un code unifié du statut personnel Dictionnaire de la langue française Au plan économique stricto sensu, l'union économique aboutit à l'intégration économique complète lorsqu'elle s'accompagne de l'unification des politiques économiques, sectorielles, conjoncturelles et structurelles sous l'égide d'une autorité supranationale 181 . À ce titre la CEEAC et la CEMAC sont des modèles d'uniformisation assez illustratifs. Dès lors, l'uniformisation des programmes sous-régionaux de sécurité alimentaire des deux organisations et l'uniformisation des normes régissant les tarifs préférentiels des deux zones de libre-échange illustrent la volonté politique des deux organisations à harmoniser leurs politiques dans ces différents secteurs. Pour forcer le trait, la recherche de l'unité continentale qui se concrétise aujourd'hui à travers la prolifération des institutions d'intégration régionale rend compte de l'idée de fusion des institutions régionales et sous-régionales en une seule pour parachever le processus d'intégration. C'est ce qui se dégage de nombreux traités adoptés en Afrique et notamment du traité d'Abuja instituant la Communauté économique africaine. En revanche, l'unification reste une entreprise très délicate en matière d'intégration. C'est pour cette raison que les traités instituant la multitude d'institutions régionales et sous-régionales rendent peu compte du processus d'absorption 182 . En effet, chaque institution est mue par l'idée de promouvoir un objet bien précis de l'intégration. Certaines institutions sont à forte connotation politique tandis que d'autres prô nent plutô t une vision économique ou sociale, c'est le cas de la CEDEAO, de la CEEAC, de la ZEP 183 et de la SADCC 184 « Intégration régionale et performances économiques des pays de la CEMAC : une analyse basée sur un modèle d'équilibre général calculable multipays », thèse de doctorat d'É tat ès sciences économiques, option Analyse et politique économique (APE) Abuja et foisonnement des institutions d'intégration régionales en Afrique : problèmes de coordination, de compatibilité des projets et de la gestion des appartenances multiples. Les cas de l'Afrique centrale, de l'Afrique orientale et australe Zone d'échanges préférentiels (Afrique de l'Est) SADCC : Southern African Development Coordination Conference et à la suite d'une réunion d'experts d'Accra et de Lusaka envisageait une « rationalisation des Communautés économiques régionales (CER). À l'issue de la rencontre, sont nées les CER suivantes : CEN-SAD (Communauté économique des É tats sahélo-sahariens), CEEAC, COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa Il s'agit d'une technique en pleine expansion entendue comme la recherche d'un droit commun, ou plutô t d'un droit en commun, qui permettrait d'atténuer certaines divergences juridiques, lesquelles ne facilitent pas ou même empêchent l'achèvement de l'intégration 186 en Afrique. À ce titre, la construction communautaire dans les organisations d'intégration économique reste en principe fondée sur le rapprochement, sur l'harmonisation des législations nationales considérée comme un moyen de construction des organisations économiques de caractère unitaire 187 . Forme la plus douce et la plus prudente d'intégration juridique, l'harmonisation, contrairement à l'uniformisation, laisse encore une marge de liberté aux É tats qui sont libres de légiférer dans les domaines communautaires à condition de ne pas enfreindre son esprit. Sa mise en oeuvre diffère d'un espace juridique à un autre, qu'il soit régional ou sous-régional 188 . En effet, dans l'oeuvre d'harmonisation législative, plusieurs possibilités existent dont la principale réside dans le transfert de compétences aux institutions communautaires, lesquelles ont désormais le pouvoir d'imposer aux É tats membres des modifications de leurs législations internes, et ceci à des degrés différents -notamment à travers des règlements 189 et des directives 190 Droit comparé et harmonisation du droit privé européen « Le rapprochement des législations dans la Communauté économique européenne », Cahiers de droit européen (CDE) n o 1962-2 « Enjeux et problématique de l'intégration en Afrique centrale Article 21 (b) de l'additif au traité CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté Article 21 (c) de l'additif au traité CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté. Cf. articles 63 et suiv. de la Convention régissant l'Union économique de l'Afrique centrale (UEAC) et articles 10 et suiv. de la Convention régissant l'Union Economics and Differential Patterns of Political Integration: Projections About Unity in Latin America « Le droit matériel communautaire de la zone CEMAC », Communication au séminaire sous-régional sur « La sensibilisation au droit communautaire CEMAC secrétariat exécutif de la CEMAC, qui a été transformé en commission de la CEMAC en 2007 par un additif au traité. La commission détient, comme dans l'espace UEMOA, le pouvoir de contrô le et de sanction des pratiques anticoncurrentielles. Elle dispose d'un monopole administratif qui lui permet d'exercer une double fonction : la fonction normative et la fonction sanctionnatrice avec parfois avis consultatif de certains organes UEMOA en ses articles 88, 89, et 90 ainsi que des règlements et directives adoptés en 2002 démontre que la Commission détient une part importante dans le contrô le des pratiques anticoncurrentielles. Elle a une compétence exclusive pour autoriser, exempter ou sanctionner les pratiques jugées anticoncurrentielles sous le contrô le juridictionnel de la Cour de justice de l'Union. V. Coulibaly, A. S., « Le droit de la concurrence de l'Union économique et monétaire ouest-africaine », Revue burkinabè de droit trô le et de sanction, leurs missions essentielles se résument à la dénonciation des comportements illégaux auprès de la Commission et à l'assistance de cette dernière dans les enquêtes ouvertes au sein de l'É tat membre UEMOA : une nouvelle approche de l'intégration économique régionale en Afrique de l'Ouest Sémiotique juridique : introduction à une science du droit, Paris, Puf, « Les voies du droit harmonisation du droit des affaires dans la zone franc « Mondialisation, globalisation, universalisation : s'arracher, encore et toujours, à l'état de nature De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit