key: cord-0061733-kobh9pk5 authors: Darmon, Nicole; Huc, Marie-Line title: Au-delà de la polémique sur les menus sans viande, les multiples enjeux de la restauration scolaire date: 2021-04-05 journal: nan DOI: 10.1016/j.cnd.2021.03.001 sha: a87b6d1344b2440316e465cc23c4ebe439de7c04 doc_id: 61733 cord_uid: kobh9pk5 nan ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Au-delà de la polémique sur les menus sans viande, les multiples enjeux de la restauration scolaire Beyond the controversy over meat-free menus, the multiple challenges of school meals Depuis le début de la pandémie de coronavirus, un million de personnes ont basculé dans la pauvreté en France [1] . Pendant le premier confinement, la fermeture des cantines scolaires a paradoxalement mis en évidence leur rôle social majeur. Les collectivités tentent de faciliter l'accès à la cantine des enfants des familles en difficulté sociale. Aujourd'hui, elles doivent faire face à l'augmentation des impayés de cantine, au nombre croissant d'appels à la solidarité dont font l'objet les services sociaux, et aux règles sanitaires complexes et évolutives imposées par la pandémie. Pour faciliter le respect de ce protocole sanitaire, la ville de Lyon a instauré depuis le 22 février un repas unique « sans viande » dans ses restaurants scolaires, de façon provisoire. D'autres villes aussi ont dû procéder à des aménagements (réduction du nombre de composantes des menus, augmentation du nombre de services, . . .), mais c'est la décision de supprimer la viande à Lyon qui a donné lieu à de vifs débats dans les médias et les réseaux sociaux, la polémique ayant même été relayée au-delà de nos frontières. Les arguments des uns (souci des élus de maintenir le service) sont confrontés aux inquiétudes des autres (crainte de voir s'imposer des menus sans viande). La restauration scolaire doit répondre aux besoins physiologiques et nutritionnels des enfants. Pour cela, l'offre alimentaire est conçue autour d'aliments sûrs, sains, proposés en quantité appropriée à leur âge et à leur goût. La qualité nutritionnelle des repas servis en restauration scolaire a fait l'objet de nombreux travaux qui ont conduit à l'adoption du décret du 30 septembre 2011 [2] . Les repas comprennent nécessairement 4 ou 5 composantes (plat principal, garniture, produit laitier, entrée et/ou dessert) et doivent respecter, pour une série de 20 repas successifs, des fréquences de service pour une quinzaine de types de plats définis selon les ingrédients qu'ils contiennent et/ou certaines caractéristiques nutritionnelles. Par exemple les « crudités de légumes ou de fruits, contenant au moins 50 % de légumes ou de fruits » doivent être servies au minimum 10 fois sur 20 repas successifs et les « entrées contenant plus de 15 % de lipides » pas plus de 4 fois sur 20. Le respect de l'ensemble des 15 critères garantit une très bonne qualité nutritionnelle aux repas servis. En effet, pour les enfants d'âge primaire, lorsque tous les critères sont respectés, les repas servis couvrent en moyenne 36 % des besoins énergétiques de la journée et 50 % des besoins en nutriments essentiels des enfants [3] . Au-delà de la couverture des besoins nutritionnels, la restauration scolaire poursuit : • des objectifs de vivre ensemble, en initiant le jeune à la civilité, au respect de l'autre, au partage de l'espace commun et au respect des règles de vie ; • des objectifs de bien-être, en assurant un confort minimal pour faire du temps du repas un moment de récupération et de ressourcement ; • des objectifs éducatifs, en participant, grâce aux aliments servis mais aussi grâce aux actions éducatives mises en place (non obligatoires) à de multiples apprentissages relatifs au patrimoine culturel, au goût, à l'équilibre alimentaire, à la prévention du gaspillage, à la sensibilisation environnementale. . . • des objectifs de santé publique, en contribuant à l'équilibre nutritionnel de la journée alimentaire des enfants, en leur donnant ainsi qu'à leurs parents des repères de qualité, de diversité et de quantité ; • des objectifs économiques, en structurant des filières locales d'approvisionnement et en soutenant des productions sous signe de qualité ; • des objectifs de lutte contre la précarité alimentaire, à travers notamment la pratique d'une tarification sociale des repas par les communes. La restauration scolaire fait l'objet de nombreuses attentes sociétales qui se traduisent par une multiplication des normes portant sur des sujets aussi divers que les règles sanitaires, la place des produits sous signes officiels de qualité, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou encore l'interdiction du plastique. Concernant plus spécifiquement la nutrition, depuis le 1 er novembre 2019, conformément à la loi EGalim [4] , toute la restauration scolaire -de la maternelle au lycée -doit expérimenter l'introduction d'au moins un menu végétarien par semaine. Il s'agit d'un menu sans viande ni poisson, et dont le plat principal est élaboré avec des produits végétaux sources de protéines et/ou des oeufs et/ou des produits laitiers. Cela peut être un menu unique ou un menu alternatif dans le cas où plusieurs menus sont proposés. Si, dans le repas végétarien, le plat principal peut être à 100 % d'origine végétale, la composante produit laitier du repas, quant à elle, doit être maintenue. Ce menu végétarien hebdomadaire est en phase avec le nouveau Programme national pour l'alimentation (PNA3), dont l'un des objectifs est la promotion des sources de protéines végétales en restauration collective. Il est également en accord avec les récents repères du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) qui visent à augmenter la consommation de légumineuses pour atteindre 2 portions par semaine dès l'âge d'1 an [5] . Le décret du 30 septembre 2011 (« relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire ») doit être maintenant révisé pour prendre ces évolutions en compte. Cette révision a été confiée au Conseil national de la restauration collective (CNRC), créé conformément à la feuille de route de la politique de l'alimentation 2018-2022 et dont les travaux sont en cours. Le débat en matière de couverture des besoins nutritionnels des enfants ne porte pas sur la satisfaction des besoins en protéines mais davantage sur le rééquilibrage entre protéines d'origine animale et protéines d'origine végétale. Un rapport 50/50 devrait permettre de réduire l'impact environnemental tout en atteignant l'adéquation nutritionnelle [6] . Réduire la consommation de viande est un levier majeur pour diminuer de façon notable l'impact carbone de l'alimentation. Mais réduire la viande ne sera vraiment bénéfique que si elle est remplacée par des produits végétaux de bonne densité nutritionnelle. Les recommandations actuelles donnent une place à toutes les catégories d'aliments, dans des proportions adéquates et en privilégiant les aliments peu transformés. Que ce soit pour des raisons nutritionnelles ou environnementales, les consommations de viande, de poisson, de produits laitiers, répondent aux règles du ni trop (risque toxicologique et préservation des ressources), ni trop peu (déficit en micronutriments essentiels). L'urgence climatique et la nécessaire transition de notre alimentation vers des modèles durables impliquent de savoir concilier nutrition et environnement, sans négliger les aspects sociaux, culturels et économiques. Grâce aux évolutions des pratiques et de la réglementation, les repas servis à la cantine ont globalement une très bonne qualité nutritionnelle. Il s'agit de maintenir ce niveau de qualité nutritionnelle tout en limitant les impacts négatifs sur l'environnement, et en restant accessible au plus grand nombre. Pour donner toute sa chance à l'adoption d'une assiette végétalisée, il convient d'innover sans brusquer, en jouant certes sur la diversité des sources de protéines végétales, mais surtout sur les saveurs, les textures, les couleurs, sans oublier la présentation des plats et l'information des enfants et des adultes qui les entourent. Revient aux services des collectivités d'assurer la juste articulation entre des objectifs concernant la santé, l'agriculture, l'environnement, la justice sociale et leur mise en application concrète et pratique. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. Covid-19 : la crise sanitaire a fait basculer un million de Françaises et de Français dans la pauvreté Décret n o 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire Implications nutritionnelles des directives françaises sur l'offre alimentaire en restauration scolaire et place des plats protidiques La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable du 1 er novembre Révision des repères alimentaires pour les enfants de 0-36 mois et 3-17 ans. Haut Conseil de la Santé Publique Prise en compte de la biodisponibilité des nutriments lors de l'identification de régimes alimentaires plus durables : la viande est-elle toujours à réduire ? Diététicienne-nutritionniste -membre du CNRC * Auteur correspondant Adresse e-mail : nicole.darmon@inrae.fr (N. Darmon)