key: cord-0055610-mwdb3cib authors: Halimi, Serge title: Médecine des Maladies Métaboliques 15(e) année en temps de pandémie COVID-19. Nous avions oublié qu’une telle épidémie pouvait survenir ! date: 2020-12-13 journal: nan DOI: 10.1016/j.mmm.2020.12.007 sha: 2b4c5dbcec7804f962f72d9ec58186122f341754 doc_id: 55610 cord_uid: mwdb3cib nan Médecine des Maladies Métaboliques 15 e année en temps de pandémie COVID-19. Nous avions oublié qu'une telle épidémie pouvait survenir ! aussitôt bouleversé nos pratiques, en particulier la télémédecine, le télétravail pour d'autres professions, mais aussi l'édition médicale [3] . Nous avions pu croire que les cancers, les maladies chroniques et celles dues au vieillissement étaient les seuls vrais enjeux des pays riches. Si ceci reste vrai, mais nous avons oublié de tirer les leçons de l'histoire de l'humanité qui n'a été qu'une longue succession d'épidémies meurtrières. Tout cela semblait lointain, surtout vu avec nos yeux d'occidentaux. Pourtant, du XIX e au XXI e siècle, nous avons connu d'innombrables épidémies, il y a même moins de 10 ans avec les syndromes respiratoires aigu sévère (SRAS, ou SARS). La pandémie de la COVID-19 a révélé notre impréparation, autant que la fragilité de notre monde. En France, les failles de notre système de santé, la faiblesse de notre politique de prévention, de nos équipements hospitaliers, l'insuffisante autonomie des régions.. Mais cette crise sanitaire a aussi montré les immenses qualités des acteurs de santé, dans les hôpitaux comme partout dans la médecine libérale . Comment avons-nous ignoré la longue histoire des épidémies qui ont touché l'humanité. Quelles furent les conséquences de ces pandémies historiques ? Il est bon de rafraichir notre mémoire collective. D'abord la peste noire, nom donné par les historiens modernes à cette pandémie, principalement la peste bubonique, qui a sévi au Moyen-Âge (milieu XIV e siècle) [4, 5] . Ramenée d'Asie par les Mongols, elle a touché l'Asie centrale, l'Europe, l'Afrique du Nord et, peut-être, l'Afrique subsaharienne (figure 1). Elle a tué de 30 à 50 % des Européens en 5 ans (1347-1352), faisant environ 25 millions de victimes. Sans compter les dizaines de milliers de victimes des persécutions de minorités accusées de propager le mal, en particulier d'empoisonner les puits. En France, soutenu par le roi Philippe VI, des bûchers et pendaisons sont organisés à Orléans, en Dauphiné, en Provence, mais aussi à Strasbourg, en Navarre, en Allemagne, en Castille et à Barcelone [6] . Rien de tel ne se produisit dans l'Empire Ottoman tout autant touché par cette peste [7] . Bien auparavant, la peste d'Athènes (À430 avant notre ère), la peste Antonine (165-166), et la peste de Justinien, première pandémie répertoriée dans l'histoire, qui a sévi à partir de 541 jusqu'en 767, dans tout le Bassin méditerranéen, avec un paroxysme en 592. Toute l'histoire de l'humanité est émaillée d'autres grandes épidémies : le typhus qui a de tous temps décimé la planète et faisait encore des millions de morts au début du XX e siècle en Europe (3 millions pour la seule Russie durant la révolution d'octobre). Une vague de choléra toucha l'humanité, du XIX e siècle jusqu'à 1923. Durant cette période, l'Europe subit trois vagues entre 1829 et 1875 et fit, en France, environ 180 000 morts lors de la seule seconde vague (figure 2). Mais que dire des maladies endémiques toujours présentes, mais plus loin de nous et donc ignorées, paludisme, maladie du sommeil, dengue, qui minent la santé et le développement de nombreux pays émergents, et du virus de l'immunodéficience humaine (VIH/SIDA) qui a, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), fait à ce jour 33 millions de morts depuis 1981, encore 690 000 en 2019, avec 38 millions de séropositifs, et toujours aucun vaccin, même si les avancées thérapeutiques ont été considérables [8] . On oublie que, le XX e siècle a déjà vécu de grandes pandémies virales qui auraient pu nous alerter, alors que nous pensions vivre dans un monde sécurisé, hygiéniste, vacciné contre les maladies infectieuses graves. Le versant sombre de notre capacité d'oubli. D'abord la grippe « espagnole » (H1N1) [9] qui aurait été, selon l'Institut Pasteur, à l'origine de 20 à 50 millions de morts en 3 années, soit 2,5 à 5 % de la population mondiale, et peut-être plus selon d'autres décomptes et estimations (Europe occidentale, Amérique du nord, Chine, et plus encore en Inde). Cette épidémie de grippe dite espagnole (d'origine aviaire) est en réalité d'abord apparue au Kansas (États-Unis) où elle a contaminé de jeunes soldats américains, réunis par dizaines de milliers dans des camps de formation militaire, avant de traverser le pays, puis l'Atlantique pour l'Europe lorsque les armées US et canadiennes se portèrent au secours de nos armée en 1917, puis de se propager dans le monde entier (figures 3 et 4). Une épidémie précisément « centenaire » que donc beaucoup ont oublié, mais qui toucha particulièrement des adultes jeunes. Quelques célébrités en moururent (Guillaume Apollinaire, Egon Schiele...) et des aïeux d'actuelles célébrités, comme le propre grand père de Donald Trump (la mémoire des épidémies peut nous manquer au point de ne pas en tirer de leçon). On considère que 500 millions de personnes furent infectées, soit 27 % des 1,8 à 1,9 milliard de la population mondiale en 1918, avec une mortalité comprise entre 2 et 10 %. L'atteinte préférentielle d'adultes jeunes pourrait peut-être s'expliquer par une relative immunisation des personnes plus âgées contaminées, quelques années auparavant, par un virus proche, une « grippe pneumonique » (1885-1889) qui, à l'Hôpital de la Pitié, à Paris, tuait deux malades sur trois. Une autre hypothèse serait que le système immunitaire des jeunes aurait trop vigoureusement réagi à ce nouveau virus, en déclenchant un choc cytokinique endommageant tous les organes, au point de tuer nombre de malades. Une hypothèse aussi envisagée pour les formes les plus graves de la COVID-19. Les causes de ces anomalies de répartition de la mortalité, des adultes plutôt jeunes, reste cependant toujours inconnues. Plus proche de nous, la grippe asiatique (1956) (1957) liée au virus influenza H2N2 a été la deuxième pandémie grippale la plus mortelle après celle de 1918. Elle causera 2 à 3 millions de morts dans le monde, dont France. Cette dernière marquera les débuts des premiers vaccins antigrippaux efficaces. Si les épidémies se sont succédées, comme la grippe H1N1 en 2009 [10] , qui a touché des millions de personnes, heureusement la plupart sans gravité, elle avait suscité des débats houleux en France et des critiques violentes contre notre ministre de la santé d'alors, Roselyne Bachelot, pour un excès de réactivité ! Il n'est pas bon d'avoir raison trop tôt. On sait la suite de l'histoire. Dès 2003, le monde a été confronté au SARS (ou SRAS), la première épidémie à risque mondial du XXI e siècle, que se limita en réalité à l'Asie, partie de Chine en 2002, avec 8000 cas et 800 morts. Grâce à une mobilisation internationale sans précédent, motivée par l'alerte mondiale déclenchée le 12 mars 2003 par l'OMS, l'épidémie a pu être endiguée par des mesures d'isolement et de quarantaine. Cet agent causal du SRAS, un coronavirus inconnu jusqu'alors (SARS-CoV1), a pu être rapidement identifié. Suite à ces alertes répétées, l'Asie a beaucoup appris depuis et a su lutter efficacement contre la propagation des épidémies [11] . On sait les chiffres de mortalité particulièrement faibles dans toute l'Asie malgré des moyens sanitaires assez inégaux, mais peut-être aussi grâce à une moindre sensibilité à ce virus. Une épidémie de faible ampleur le MERS-CoV (pour Middle East Respiratory Syndrom) se développa ensuite au Moyen-Orient, Arabie Saoudite surtout. Sa très faible propagation serait liée à la zone géographique touchée, à très faible densité de population pour les foyers concernés [12] . À ce jour (le 8 décembre 2020), l'OMS dénombre officiellement dans le monde 68 millions de cas de COVID-19, et 1,6 millions de décès directement liés à ce coronavirus, dont plus de 60 000 en France [8] (figure 6 [13] . Des chiffres surement en deçà de la réalité puisque, pour nombre de pays, les données sont peu fiables ou absentes. Ceci paraît évident lorsque l'on examine les données de certains pays, y compris mitoyens, et aux populations en tous points comparables, avec des ratios allant de 5 à 10 pour le nombre de cas et de décès. Dès les premières données venues de Chine, on s'est aperçu que l'âge, le sexe masculin, et certaines comorbidités, s'accompagnaient d'une plus forte morbi-mortalité. La présence d'un diabète avait déjà été identifié comme un facteur indépendant associé à un mauvais pronostic lors des dernières infections par d'autres coronavirus, telles que le syndrome respiratoire aigu sévère SRAS-CoV1 en 2003, et le MERS-CoV en 2012 [14, 15] . Très rapidement après le début de la pandémie, les comorbidités, dont le diabète, sont de nouveau apparues en Chine comme associées aux formes graves de la COVID-19 (12 à 22 % à Wuhan). Ce sont les pays plus touchés par l'obésité et le diabète, bien sûr les États-Unis et l'Europe, qui ont ensuite mis l'accent sur ces deux comorbidités. Dans ce concert de travaux, de qualité très inégale, publiées trop précipitamment par les journaux médicaux prompts à une concurrence qui ne devrait pas avoir sa place en médecine (81 000 articles sur la COVID-19 au moment où je rédige), il en faut remarquer certains et, cette fois, issus de notre pays. L'étude multicentrique française « Coronavirus SARS-CoV-2 and Diabetes Outcomes » (CORONADO) [16] qui, mise en route en une semaine par nos collègues nantais, Bertrand Cariou et Samy Hadjadj, suivis immédiatement par tous les diabétologues pouvant y participer, 68 centres, a permis de disposer de données d'une qualité rare et presque inégalée sur les formes graves et les décès des diabétiques hospitalisés. Un article porte sur cette étude dans le dossier thématique « COVID-19 et maladies métaboliques » de ce numéro de MmM. Nous nous contenterons de saluer cette initiative, cette réussite, cette solidarité de la diabétologie française (SFD, Fondation francophone pour la recherche sur le diabète [FFRD], Société française d'endocrinologie [SFE], etc.) qui font honneur aux initiateurs et à la communauté diabétologique. Une réactivité et un succès qui méritent d'être salués et qui témoignent de la grande qualité de la jeune diabétologie en France. Espérons que cela sera suivi d'autres signes de dynamisme une fois l'épidémie passée, si le mille-feuille administratif (pour cette fois réactif) ne gêne ni ne retarde la participation des collègues à des protocoles internationaux, n'autorisant souvent notre participation qu'une fois les inclusions terminées ailleurs dans le monde. Cette étude française tente aussi Pour citer cet article : Halimi S. Médecine des Maladies Métaboliques 15 e année en temps de pandémie COVID-19. Nous avions oublié qu'une telle épidémie pouvait survenir ! Med Mal Metab (2020), 10.1016/j.mmm.2020.12.007 d'associer la francophonie (Belgique, Afrique) par CORONADO-Extension. L'obésité est, bien sûr, l'autre comorbidité au premier plan des risques de formes nécessitant réanimation, ventilation, et exposant à un haut risque de décès [17] . Les équipes françaises, là encore, eurent leur mot à dire avec succès [18] [19] [20] . Les conséquences sur nos pratiques (télésuivi des diabétiques, téléconsultations) et sociétales, ont déjà fait l'objet d'articles dans MmM [21, 22] . D'autres conséquences ou retombées de la pandémie de la COVID-19 sont aussi traités dans ce dossier thématique. Nul doute que nous devrons revenir sur cette pandémie et ses relations avec la santé des sujets ayant un diabète ou une obésité. Déclaration de liens d'intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Évolution du nombre quotidien de décès en France liées à la COVID-19 depuis début mars 2020 au 7 décembre 2020 [13] . Données issues de Google Actualiés. https://news. google.com/covid19/map COVID-19: un virus qui réduit les frontières entre maladies transmissibles et non transmissibles Obésité et COVID-19: le choc fatal entre deux pandémies épidémie de COVID-19 bouscule tout. Organisation des soins, télémédecine, éducation thérapeutique, édition médicale, et rôles du diabète et du terrain cardiovasculaire Les épidémies dans l'histoire de l'homme: de la Peste au SIDA -Essai d'anthropologie médicale. Collection Champs. Paris: Flammarion Les chemins de la peste: le rat, la puce et l'homme. Collection Histoire. Rennes: Presses universitaires de Rennes Encyclopaedia Judaica -Second edition Kat-Lie, 12. Farmington Hills Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens. Tome I: La peste dans l'histoire Données et statistiques de l'OMS -Données de l'Observatoire de la santé mondiale (mise à jour permanente) La grippe "espagnole'' en France en 1918-1919 Collaborating GLaMOR Teams. Global mortality estimates for the 2009 Influenza Pandemic from the GLaMOR project: a modeling study Coronavirusassociated coagulopathy: lessons from SARS-CoV1 and MERS-CoV for the current SARS-CoV2 pandemic MERS coronavirus: diagnostics, epidemiology and transmission Iconographie des données mondiales Coronavirus (Covid-19) -France Plasma glucose levels and diabetes are independent predictors for mortality and morbidity in patients with SARS Risk factors for primary Middle East respiratory syndrome coronavirus illness in humans Saudi Arabia COR-ONADO investigators. Phenotypic characteristics and prognosis of inpatients with COVID-19 and diabetes: the CORONADO study Obesity-a risk factor for increased COVID-19 prevalence, severity and lethality (Review) LICORN and the Lille COVID-19 and Obesity study Group. High prevalence of obesity in severe acute respiratory syndrome coronavirus-2 (SARS-CoV-2) requiring invasive mechanical ventilation COVID Outcomes HCL Consortium and Lille COVID-Obesity Study Group. Prevalence of obesity among adult inpatients with COVID-19 in France Obesity is associated with severe forms of COVID-19 Interprétation rétrospective des données du FreeStyle Libre en téléconsultation chez des patients ayant un diabète de type 1. Leçons tirées de la période COVID-19 COVID-19 et diabète de type 2: des enquêtes nationales en France et leur analyse Médecine des Maladies Métaboliques 15 e année en temps de pandémie COVID-19. Nous avions oublié qu'une Pour citer cet article : Halimi S. Médecine des Maladies Métaboliques 15 e année en temps de pandémie COVID-19. Nous avions oublié qu'une telle épidémie pouvait survenir ! Med Mal Metab