key: cord-0053291-d5e9bfuq authors: Picherot, G. title: Les enfants, la Covid, l’école … Protection des enfants à l’ère de la Covid date: 2020-12-01 journal: nan DOI: 10.1016/j.perped.2020.10.013 sha: ad12e52880e5a5151a03443b8e333e6eda2af5b8 doc_id: 53291 cord_uid: d5e9bfuq nan Les enfants, la Covid, l'école . . . Protection des enfants à l'ère de la Covid Children, Covid, School . . . Protecting children in the era of Covid G. Picherot L a proposition, par le comité de rédaction de Perfectionnement en Pédiatrie, d'un éditorial de réflexions autour des mots COVID-19, Enfants, Ecole amène à analyser, pendant cette crise, la place que l'on donne à la santé de l'enfant dans notre pays. Ce sujet a été abordé à plusieurs reprises indirectement au cours des derniers mois, mais une question fondamentale reste la Protection des Enfants à l'ère de la COVID. Nos sociétés savantes de pédiatrie, avec beaucoup de prudence sur la base des publications et d'observations, ont fait le constat que le virus ne ciblait pas particulièrement l'enfant. « L'enfant infecté est plus souvent asymptomatique, et les formes sévères hospitalisées sont rares ». La transmission à partir des enfants est faible : « L'enfant, et en particulier l'enfant âgé de moins de 10 ans, ne contribue pas significativement à la transmission de SARS-CoV2 ». Il s'infecte moins au contact des malades : « Il est très probable que l'enfant exposé à un cas contaminant s'infecte moins qu'un adulte » [1, 2] . Ce constat n'empêche pas la prudence en particulier autour de formes spécifiques de l'enfant, comme les cas de maladie de Kawasaki (Forme de l'enfant des « syndrome inflammatoires multisystémiques » ?), mais devrait être rassurant [2]. Contrairement à d'autres épidémies virales, les enfants sont peu concernés. Sans revenir sur l'ensemble du déroulement des mesures sanitaires, on peut les énumérer : mesures barrières (port de masque, lavage des mains, distanciation dite sociale), éviction des collectivités, fermeture de structures d'accueil, confinement. Ces mesures peuvent s'appliquer en milieu collectif, en milieu familial ou à l'extérieur. Dans notre pays, des adaptations à la population des enfants ont été faites : pas de recommandations de port de masque (pendant le premier confinement) pour les enfants âgés de moins de 10 ans par exemple. Pendant la période du premier confinement, la très grande majorité des structures scolaires ou d'accueil collectif a été fermée. La mesure de distanciation physique s'est rapidement transformée en distanciation sociale associée à l'isolement familial. Après le déconfinement, les mesures barrières ont été poursuivies et un dépistage massif par PCR des formes symptomatiques, asymptomatiques et des sujets contacts a été lancé sans que des modalités spécifiques soient précisées pour la population pédiatrique. Le protocole de notre société savante a d'ailleurs déconseillé, pour l'enfant, ce dépistage non ciblé spécifiquement sur les sujets malades ou leurs contacts [1] . L'application très strict début septembre du protocole de l'éducation nationale a abouti à une importante et inquiétante fermeture de classes, voire d'établissements scolaires. La publication des propositions de la Société française de pédiatrie le 9 septembre 2020 a permis de définir un protocole adapté à l'enfant et aux connaissances scientifiques, autorisant possiblement ainsi un retour en classe dans des conditions plus sereines [1, 2] . Depuis le début de cette épidémie, nous apprenons à gérer l'incertitude et les dilemmes. Nous ne savons pas tout des conséquences pour l'enfant de cette COVID-19. Les conséquences de la maladie elle-même sont peu importantes chez l'enfant puisque la maladie est peu grave. Peu d'enfants ont été hospitalisés pour cette pathologie. Les enfants porteurs de pathologies chroniques semblent aussi peu impactés même si une prudence renforcée est nécessaire. Cependant nos observations doivent porter sur les conséquences dites indirectes. Des effets positifs peuvent être retenus comme l'amélioration des mesures d'hygiène, en particulier le lavage des mains [3] . La diminution remarquée par tous des passages aux urgences pédiatriques peut correspondre à une orientation différente ou . . . à une moins bonne prise en charge des pathologies. Les enfants porteurs de pathologies chroniques peuvent avoir été moins bien suivis, en particulier pendant la période de confinement. Nous reviendrons sur les particularités des enfants victimes de violences intrafamiliales. La transmission des informations vis-à-vis de la contagiosité est souvent imprécise, incertaine parfois culpabilisante. Lorsqu'un adulte est malade, certaines informations peuvent faire penser que cette contamination est liée à un contact avec des enfants alors qu'on sait qu'ils sont peu contaminants ! La diffusion de spots télévisés sur les protections au sein de la cellule familiale cible de façon inappropriée les enfants. Les mesures prises ont aussi des conséquences particulières difficiles à analyser chez l'enfant. L'utilité des mesures barrières ne se discute pas. Mais nous ne savons rien des conséquences pour l'enfant d'être entouré d'adultes ou d'adolescents porteurs de masques. Les observations (sans preuve) montreraient peu de conséquences sur les plus âgés mais qu'en est-il pour les nourrissons ou les plus jeunes enfants ? Le développement (mais aussi le sentiment de sécurité) est basé sur les échanges qui passent en partie par les expressions du visage modifiées par le port du masque. Il n'y a pas pour le moment de masques transparents et homologués pour la prévention des transmissions infectieuses. La période du premier confinement a été sûrement utile. Les enfants ont pu au début considérer cette période comme un temps de vacances familiales. Les contraintes du confinement ont été évoquées par nos collègues pédopsychiatres : « les 4 C Claustration, Compression temporo-spatiale, Contrainte, et Contamination » [4] . Un grand nombre d'enfants a pu bénéficier des compétences parentales en particulier dans le relais de l'école et la créativité familiale. Mais cette adaptation optimiste cache des inégalités importantes. Nous y reviendrons dans le paragraphe suivant sur l'arrêt de la scolarité. La perte des relations sociales et des activités sportives et culturelles a également des conséquences non évaluées en particulier chez les adolescents. La pandémie nous a imposé d'accepter l'incertitude. Celle-ci a été marquée par des avis divergents d'autorités médicales plus ou moins expertes mais très (trop !) médiatisées. Les enfants ont entendu la variation des informations et surtout les réactions de leurs parents ou de leur entourage inquiets vis-àvis d'une information instable. Le manque de confiance des adultes a-t-il des répercussions sur l'enfant ? Les autorités médicales pédiatriques ont cherché à être synthétiques et rassurantes mais elles ont été peu entendues. Les enfants ont parfois aussi été confrontés à des situations inquiétantes portés par les adultes en lien avec la COVID-19 : hospitalisation de proches, décès familiaux, situation économiques inquiétantes, peur des périodes post-COVID. Le premier confinement a imposé un arrêt scolaire prolongé. La plupart des établissements ont mis en place un enseignement à distance associé à des contacts fréquents avec les enseignants. Le constat global est l'inégalité et l'incertitude dans l'évaluation de cette période. Sur le plan des apprentissages, la période paraîtra sûrement courte, mais il a déjà été montré que les interruptions de 2 mois peuvent entraîner des pertes de 20 à 50 % des capacités en lecture et mathématiques [5] . Les inégalités d'organisation, de répartition du matériel, de capacité à trouver de l'aide sont apparues importantes et révélatrices des inégalités sociales. Certains enfants ont « décroché » transitoirement avec des conséquences pour le moment non évaluées. Pour d'autres ce décrochage du confinement a été poursuivi par une déscolarisation. L'UNESCO s'est inquiété récemment de ces déscolarisations d'enfants immigrés ou réfugiés avec un risque plus important pour les filles (Fonds de l'Unesco pour le Droit des filles à l'éducation : https://fr.unesco.org/news/ reconstruire-legalite-guide-rescolarisation-filles). Les pédiatres ont été parmi les premiers professionnels de l'enfance à alerter sur les conséquences négatives de l'arrêt scolaire sur la santé de l'enfant complétant les difficultés en matière d'apprentissage. Le document « Reopening schools » du Center for Disease Control publié en juillet 2020 fait référence à toutes les prises de position pédiatriques de nombreux pays dont la France [5] . Le rôle de la scolarisation dans le développement des compétences sociales et émotionnelles, dans la sécurité (en particulier dans la prévention des violences intrafamiliales), dans la nutrition et le maintien de l'activité physique est rappelé avec force à cette occasion par . . . les médecins de l'enfant. Tout comme les structures sanitaires, les écoles étaient mal préparées à cet événement et on regrettera l'absence de coordination entre les divers intervenants autour de l'enfant [6] . Le confinement, l'interruption des accueils collectifs des enfants, les arrêts des activités professionnelles des adultes ont modifié les rapports familiaux. La crainte d'une possible augmentation des violences intrafamiliales ciblant les enfants et les femmes a été confirmée. Les appels au SNATED (119 : service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger) ont nettement augmenté. Des recommandations particulières pour la détection des situations ont été faites [7] . Pendant le premier confinement, les activités des unités d'accueil pédiatriques des enfants victimes a diminué pour réaugmenter de manière spectaculaire ensuite. Une des conséquences du confinement et de l'arrêt des activités scolaires a été, comme on le pressentait, de diminuer la sécurité des enfants vulnérables. Il est trop tôt pour avoir des notions épidémiologiques précises. Nous déplorons l'absence de chiffres fiables sur l'exposition des enfants français à la maltraitance diminuant les possibilités d'évaluation rapide de périodes à risque comme celle que nous avons traversée. Sur le plan européen, on peut citer les constats de l'ENOC qui rassemble les Défenseurs des Enfants (European Network of Ombudspersons for Children https://enoc.eu/) : « La crise de la COVID-19 a eu des effets désastreux sur la vie et les droits des enfants, et aura très probablement des conséquences considérables pour les enfants. Les résultats de L'enquête ENOC-UNICEF montre que les plus vulnérables (enfants pauvres, enfants en institution, enfants handicapés, enfants migrants, etc.) ont été et continueront d'être les plus touchés par la crise du COVID-19. Les vulnérabilités existantes ont été exacerbées et les inégalités sont devenues plus visibles, notamment en ce qui concerne l'éducation en ligne. La situation d'urgence a rendu visible un échec systémique à prendre en compte les droits et le bien-être des enfants. . . ». L'ONPE (Observatoire national de protection de l'enfance : onpe.gouv.fr) a publié un rapport sur les conséquences du premier confinement et de la crise sur les Enfants en situation de Protection de l'Enfance en particulier placés ou faisant l'objet de mesures éducatives. On a pu constater des effets paradoxaux. Un « apaisement a été constaté pour certains enfants » dont la prise en charge est « devenue moins morcelée ». Certaines familles ont « réinvesti la fonction parentale ». Mais le rapport souligne que beaucoup de fragilités du système de protection et d'accueil des enfants ont été plus visibles : relations entre les services, ambiguïté des relations avec les familles, difficultés de prise en charge des enfants porteurs de handicap ou de maladie etc. Beaucoup de lieux d'accueil ont dû faire face à la complexité de la mise en place des logistiques dans les démarches de prévention en particulier des gestes barrières. Des souhaits pour l'avenir : la protection des enfants « Définir l'avenir est difficile car le passé est trop récent et le présent incertain ». On peut émettre des souhaits en particulier sur ce qui nous semble avoir manqué pour la partie initiale de cette crise. Deux domaines sont particulièrement déficitaires à la lumière de cette expérience : les connaissances et la recherche en particulier autour des conséquences des mesures et de la place de l'enfant à travers l'organisation sanitaire des épidémies. La connaissance de la maladie est récente et de nombreux travaux de recherche clinique portent sur les particularités cliniques des formes pédiatriques. On comprend qu'il faille attendre pour une vision globale. Mais on sait trop peu de choses sur les conséquences possibles des mesures prises qui modifient les relations sociales ou imposent de nouvelles règles de fonctionnement de l'environnement de l'enfant. « En France, la déficience qualitative mais surtout quantitative d'études sur ces dimensions psychologiques, sociales et économiques augmente le risque que les décisions futures reposent sur des données recueillies dans des contextes socioéconomiques et culturels très différents » [8] . Cette remarque s'applique particulièrement à l'enfant. La mise en place des mesures a dû être rapide mais elle ne s'est pas appuyée sur des travaux spécifiques à l'enfant. Il n'a pas été pris en compte des contextes très différents de vulnérabilité sociale ou de handicap par exemple. De nombreuses mesures ont été proposées, mises en place et retirées après des expériences difficiles. On peut espérer que nos sociétés savantes de pédiatrie favoriseront rapidement des programmes de recherche sur ces sujets en collaboration avec d'autres : psychiatres, psychologues, sociologues. La publication pédopsychiatrique « Du confinement au déconfinement » pourrait être poursuivie par une réflexion plus globale sur la santé de l'enfant [4] . On ne peut prévoir la prochaine épidémie mais on peut essayer d'évaluer les conséquences des mesures qui ont été et seront prises. On pouvait penser avant cette crise que l'enfant avait une place majeure au sein de l'organisation de la santé. Comme d'autres, nous avons pu regretter que l'« intérêt de l'enfant ait été oublié dans cette période ». Les propositions de nos sociétés savantes de pédiatrie ont été peu entendues. La tribune publiée le 13 octobre propose une solution « La leçon des enfants : si nous faisions confiance à nos sociétés savantes » [9] . Si cette proposition est très pertinente, elle n'est pas suffisante. Des alertes avaient en effet été données avant la crise : « La médecine de l'enfant risque de passer sous la ligne de flottaison » titre d'une publication récente de notre revue alertait sur la situation de la pédiatrie et donc de la représentation de l'enfant dans les décisions de santé [10] . D'autres alertent sur la situation de la pédopsychiatrie et de la Protection maternelle et infantile (PMI) ou sur la Protection de l'Enfance. Comment expliquer ces défaillances qui contrastent avec les importants progrès dans la prise en charge des maladies ? Une réponse pourrait être que la place de la pédiatrie et donc de l'enfant est insuffisante dans les décisions de santé publique. Les réponses devraient être basées sur l'expertise des sociétés savantes [9] mais aussi sur l'expérience des secteurs ayant un rôle de santé publique en particulier la PMI et la Santé Scolaire (comme pour les adolescents les Maisons des Adolescents) qui auraient dû être associés, valorisés, reconnus comme interlocuteurs dans ces périodes ou finalement le rôle hospitalier est moindre. Ces structures sont trop fragiles. Leurs moyens sont insuffisants comme l'investissement pédiatrique. Aucune coordination nationale de ces structures n'a eu la parole. Nous, pédiatres, devons réinvestir ces structures et leur donner une place plus grande dans la société en favorisant leurs travaux de recherche, en leur créant une représentation nationale et universitaire [10] . Le peu de place faite aux enfants dans la réflexion autour des décisions prises dans ce contexte sanitaire nous incite à réfléchir à la protection des enfants dans notre société. On parle de la Protection de l'Enfance en ciblant les plus vulnérables mais les pédiatres doivent l'inclure de façon plus globale dans la protection de tous les enfants, qui paraît très fragile à la lumière de cette crise. COVID-19 et écoles. Propositions de la Société française de pédiatrie Quand l'hygiène reprend sa place Du confinement au déconfinement nouvelles perspectives en pédopsychiatrie The Importance of Reopening America's Schools this fall de la Jeunesse et des Sports. Guide relatif au fonctionnement des écoles dans le contexte du COVID 2019 pour 2020 et 2021 Repérage des situations de violence chez les enfants et les adolescents en sortie de confinement L'épistémologie troublée de la première vague de recherche sur la Covid-19 La Leçon des enfants : Si nous faisions confiance aux sociétés savantes ? Publié le 13 octobre 2020 Pourquoi La médecine de l'enfant risque de passer sous le ligne de flottaison ? Les raisons d'une maltraitance annoncée Protection des enfants à l'ère de la Covid Éditorial 325