key: cord-0051500-kea2hw7j authors: Juste, M. title: Surmédicalisation date: 2020-10-11 journal: nan DOI: 10.1016/j.phclin.2020.09.003 sha: c6e1c6f6f30fc2ad40312465ad5c71fe4c0627ee doc_id: 51500 cord_uid: kea2hw7j nan Cette citation tirée de Knock ou le triomphe de la médecine [1] est évidemment très connue. Mais elle illustre tellement bien mon propos que je ne peux pas l'éviter. Parler de surmédicalisation alors que nous sommes abreuvés chaque jour de nouvelles plus ou moins rassurantes (j'aurais pu dire inquiétantes mais je reste optimiste) sur la pandémie de Covid-19, ne semble pas original. Audelà du volet informatif surabondant, il y a un aspect plus inquiétant lié à notre comportement social. Il existe une perte de confiance actuelle vis-à-vis des professionnels médicaux et de la Médecine en général [2] et paradoxalement nous faisons de plus en plus appel à la pratique médicale. Au point de ne pas pouvoir vivre sans son médicament, son calendrier de rendez-vous (pour certaines spécialités, il faut savoir attendre). Sommes-nous tous malades, hypocondriaques, anxieux, ou simplement conditionnés ? Par surmédicalisation, on entend un excès de prise en charge médicale sous plusieurs aspects : surdiagnostics, surtraitements, surdétections et aussi soins et prises en charge exagérés [3] . Avec la citation tirée de Knock et les réflexions du livre de Georges Canguilhem [4] , on comprend bien que la notion de maladie est parfois très arbitraire et peut varier selon les époques. Les exemples de surmédicalisation sont nombreux : entre troubles psychiatriques, excès de cholestérol, troubles dépressifs, troubles cognitifs, cancers (sein, prostate), voire certaines addictions. Mais attention tout est appréciation quantitative et tout n'est pas surmédicalisé. Les conséquences sont connues, dont la surprescription, la polypharmacie, les surdiagnostics, l'iatrogénie [5] et aussi la résistance aux antibiotiques, les médicaments non utilisés . . . Là encore, la surmédicalisation n'est qu'un des facteurs causaux. Il est néanmoins facile de comprendre que des problèmes sociaux peuvent devenir des pathologies médicales. Il serait facile de classer la vieillesse, le deuil, le mal-être comme des maladies, et de proposer des médicaments pour traiter ce que l'on voudra faire rentrer dans la norme « pathologie ». Le cas de la médecine personnalisée est aussi à regarder de près. Veut-on une médecine bien adaptée au patient-personne, ou une médecine adaptée à chaque personne-patient ? Chaque bien portant pourrait s'identifier par son passé médical ou chirurgical, ses allergies, son profil génétique (pharmacogénétique) son traitement adapté. Le médicament lui-même (remboursé ou en automédication) devient un instrument au service d'un contrôle sanitaire. Scientifique à la base, il est devenu social et politique [6] . Le sport et la nutrition seront-ils médicalisés également ? C'est très bien de faire du sport, on peut aussi en prescrire, mais est-ce raisonnable d'y associer des objectifs thérapeutiques ? Faut-il interdire des nutriments à un patient ? Au-delà de l'information légitime, où se trouve la limite entre prévention et atteinte à la liberté ? Certains auteurs ont ciblé ce glissement [7, 8] : une prise en compte progressive par le pouvoir de la vie de la population. Donc une restriction des libertés au nom de la sécurité sanitaire par un biopouvoir dont la stratégie serait un meilleur contrôle des individus. Michel Foucault et Gilles Deleuze avaient dénoncé cette évolution de nos sociétés. Faut-il y voir une version médicalisée de complotisme, une obsession moderne de la recherche de la santé parfaite [9] , ou une forme de contre productivité comme Illich la décrivait [10] ? Farigoule Louis dit Jules Romain. Knock ou le triomphe de la médecine La surmédicalisation : quand trop de médecine nuit à la santé Evidence for overuse of medical services around the world Is the drug a scientific, social or political object? Tempêtes microbiennes L'obsession de la santé parfaite. Le Monde diplomatique Némésis médicale, l'expropriation de la santé Juste tome xx > n8x > xx 2020 Pour citer cet article : Juste M. Surmédicalisation. Le Pharmacien Hospitalier et Clinicien (2020)