key: cord-0050352-ao1soqu3 authors: Lenormand, C. title: Manifestations cutanées des infections à entérovirus : un spectre clinique en évolution date: 2020-09-18 journal: Ann Dermatol Venereol DOI: 10.1016/j.annder.2020.08.044 sha: 4c289f61ef0b6f64b1987f3c1dff4e5ba736be0d doc_id: 50352 cord_uid: ao1soqu3 nan ScienceDirect www.sciencedirect.com De nombreuses infections virales ou plus rarement bactériennes peuvent s'accompagner d'un exanthème spécifique. Les caractéristiques sémiologiques de celui-ci suffisent à poser le diagnostic, sans nécessité de confirmation microbiologique, à condition bien sûr qu'elles soient reconnues ce qui est le « privilège » des dermatologues. Le syndrome « mains-pieds-bouche », un bon exemple de ce type d'éruption, a été décrit pour la première fois par des auteurs canadiens en 1957 à l'occasion d'une épidémie de cas associant fièvre de courte durée, énanthème de l'oropharynx et éruption à prédominance acrale chez des habitants de certains quartiers de Toronto [1] . Une description morphologique très pertinente de l'éruption était fournie d Depuis cette description, plusieurs autres entérovirus très proches ont été identifiés comme responsables du même tableau clinique, principalement chez de jeunes enfants en situation sporadique (coxsackie A5, A7, A9, B2, B5) ou lors de petites épidémies (coxsackie A10), parfois au cours d'épidémies de plus grande ampleur en Asie (entérovirus 71, avec complications neurologiques et cardio-pulmonaires parfois très graves). L'isolement et l'identification de ces souches a longtemps été fastidieux, nécessitant l'inoculation du virus sur des cultures cellulaires suivie soit d'immuno-marquage avec des anticorps monoclonaux spécifiques, soit de techniques de neutralisation par des sérums immuns, avant l'avènement de techniques de biologie moléculaire [2] . À l'automne 2008, une épidémie de tableaux proches du syndrome « mains-pieds-bouche » s'est déclarée en Finlande, avec identification à partir du liquide de vésicules par biologie moléculaire d'un variant du virus coxsackie de sérotype A6, qui n'était impliqué jusqu'ici que dans des cas sporadiques d'herpangine ou de méningite. La survenue très inhabituelle d'une onychomadèse dans les semaines suivantes était déjà notée par les auteurs [3] . La circulation épidémique de cette souche en Europe et dans le reste du monde a depuis été bien établie, et de multiples observations supplémentaires ont identifié des caractéristiques cliniques particulières de l'éruption associée, notant, au-delà de l'onychomadèse tardive, la possibilité d'une concentration parfois spectaculaire des lésions vésiculeuses sur des sites préalablement touchés par une dermatite atopique (eczema coxsackium), d'une atteinte péribuccale croûteuse mimant un impétigo, d'une diffusion des lésions papuleuses ou vésiculeuses sur le tronc et les membres bien au-delà des sites classiques (mains, pieds, fesses), ou encore le caractère purpurique ou douloureux parfois marqué des lésions [4] . Les formes rapportées chez l'adulte s'accompagnaient souvent d'une fièvre élevée et d'une altération de l'état général pouvant nécessiter l'hospitalisation. La tentation légitime de corréler ces formes dites atypiques de syndrome « mains-pieds-bouche » à une souche particulière de virus s'est vue depuis tempérée par différents travaux à la fois chez l'enfant et l'adulte, qui ont montré que d'autres souches d'entérovirus (coxsackie A16 habituel mais aussi A10, A7, A9, A21, A24. . .) pouvaient être impliqués dans ces formes jugées inhabituelles [5, 6] . L'article de R. Flipo et al. publié ce mois-ci dans les Annales vient enrichir la description de ces exanthèmes dus aux entérovirus, pour lesquels la terminologie de syndrome « mains-pieds-bouche » ne s'applique pas très bien, puisque l'énanthème buccal faisait défaut dans la moitié des cas. L'atteinte acrale et la présence de lésions comportant une altération de la surface (vésicules ou bulles sans ombilication à toit blanc-grisâtre évocateur sur fond érythémateux purpurique ou non, érosions ou croûtes) apparaissent comme le plus petit dénominateur commun de ce spectre d'éruptions, qui semblent résulter de manière directe de la présence du virus dans l'épiderme [7] . L'identification de l'entérovirus par RT-PCR à partir d'un frottis de vésicules nécessite un matériel de prélèvement spécifique (écouvillon avec milieu de transport) et un acheminement rapide, idéalement réfrigéré, jusque dans un laboratoire spécialisé ; l'absence de remboursement et le coût élevé (> 100 D ) représentent des obstacles supplémentaires à son utilisation en pratique courante. Le diagnostic précis de ces exanthèmes repose donc avant tout sur l'analyse sémiologique fine du tableau clinique, complétée en cas de doute par une biopsie d'une lésion vésiculeuse ou bulleuse qui peut être d'une aide précieuse, en montrant des images très évocatrices (spongiose à neutrophiles, nécroses kératinocytaires confluentes dans le tiers supérieur de l'épiderme, infiltrat lymphocytaire périvasculaire accompagné d'une extravasation d'hématies) [8] . À l'heure où un nouveau virus, le SARS-Cov-2, défraie la chronique et semble capable de produire selon le terrain du patient des éruptions variées, parfois papulovésiculeuses diffuses, parfois acrales purpuriques mimant des engelures, une bonne connaissance de ces tableaux cliniques potentiellement reconnaissables paraît plus que jamais indispensable. L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Report of an outbreak of febrile illness with pharyngeal lesions and exanthem: Toronto, summer 1957; isolation of group A Coxsackie virus Comparison of enterovirus 71 and coxsackie-virus A16 clinical illnesses during the Taiwan enterovirus epidemic Coxsackievirus A6 and hand, foot, and mouth disease Eczema coxsackium'' and unusual cutaneous findings in an enterovirus outbreak Dermatological spectrum of hand, foot and mouth disease from classical to generalized exanthema Atypical hand, foot, and mouth disease in adults Clinicopathologic analysis of coxsackievirus A6 new variant induced widespread mucocutaneous bullous reactions mimicking severe cutaneous adverse reactions Clinicopathologic analysis of atypical hand, foot, and mouth disease in adult patients Clinique dermatologique, hôpital civil, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l'Hôpital, 67000 Strasbourg, France Adresse e-mail : cedric.lenormand@chru-strasbourg