key: cord-0043726-79ppv023 authors: Koch, M.; Broustet, J.-P. title: Techniques de renforcement musculaire en réadaptation cardiaque date: 2020-05-22 journal: Arch Mal Coeur Vaiss Pratique DOI: 10.1016/j.amcp.2020.05.001 sha: 440d22c1ab2919ed9eedc2d85de8994aa1c5d9e7 doc_id: 43726 cord_uid: 79ppv023 nan Resistance exercise training in cardiac rehabilitation Hôpital cardiologique Haut-Lévêquegroupe hospitalier Sudcentre hospitalisation universitaire de Bordeaux, 1, avenue Magellan, 33600 Pessac, France Disponible en ligne sur ScienceDirect le xxx D epuis une vingtaine d'années, les modalités de l'entraînement des joueurs de rugby à XV et des insuffisants cardiaques se sont rapprochées ! Naguère, d'innombrables tours de terrain en petites foulées entrecoupés de sprints courts résumaient l'entraînement foncier. La force physique, naturelle ou développée par le métier, était considérée comme allant de soi. Le durcissement du jeu a fait prendre conscience que courir n'augmentait ni la masse, ni la force musculaire. La musculation est apparue, elle est devenue exigeante, incontournable. Elle a provoqué une prise de masse musculaire de 5 à 10 kilos chez les professionnels. Elle s'est d'ailleurs généralisée à tous les sports, améliorant la performance au prix d'une fragilisation musculo-tendineuse. En cardiologie, le renforcement musculaire segmentaire a été proposé à des insuffisants cardiaques confinés au fauteuil au début des années 90 [1-3]. Depuis, un grand nombre d'études et de protocoles concernant le renforcement musculaire segmentaire a été proposé dans la méta-analyse de Jewiss [4] . La sédentarité multifactorielle de l'insuffisant cardiaque est responsable de la sarcopénie souvent majeure ; la perte de force musculaire est hautement corrélée à l'espérance de vie dans l'insuffisance cardiaque : la survie à 5 ans est de 70 % pour les « efforts » (< 68 Nm %) au niveau des quadriceps contre 25 % pour les « faibles » (moins de 68 Nm %) [5] . Quand la VO2 max est effondrée, l'entraînement en endurance ne peut pas restaurer la force musculaire car son niveau en durée et en intensité est trop faible pour stimuler une augmentation de la capacité oxydative. Une fois la cardiopathie traitée de manière optimale (médicaments, chirurgie) et stabilisée, si le malade reste au stade III, il reste le renforcement musculaire segmentaire pour réduire la sarcopénie et rendre des forces. Le renforcement musculaire segmentaire initialement proposé aux insuffisants cardiaques systoliques à fraction d'éjection basse, s'adresse à toutes les sarcopénies secondaires à une pathologie cardiopulmonaire : avant et après transplantation cardiaque ; insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée [6] , cardiopathie congénitale, artérite [7] , bronchopneumopathie obstructive, obésité, cancer. Mais il faut le souligner, le renforcement musculaire segmentaire étant proposé à des cas graves, l'évaluation complète, clinique, biologique, est indispensable avant d'entreprendre un programme qui, pour être efficace, doit atteindre progressivement le maximum d'intensité [8] . Les contreindications habituelles sont celles définies par la Société française de cardiologie [9] et plus récemment par l'European Society of Cardiology [10] . Évaluations propres au renforcement musculaire segmentaire Indépendamment de l'insuffisance cardiaque, la fonction musculaire peut être affectée par de nombreux facteurs qu'il convient d'identifier et de corriger le cas échéant. Les patients relevant du renforcement musculaire segmentaire sont le plus souvent âgés, usés, et on est dans la situation d'un contrôle technique approfondi. L'insuffisance cardiaque doit bien sûr être quantifiée, BNP ou NT pro-BNP, fraction d'éjection, pressions pulmonaires, VO2, rétention oedémateuse . . . chez le coronarien, troponine . . . Mais aussi, détection d'un état inflammatoire, d'une anémie et de sa cause, d'un déficit endocrinien, d'une insuffisance respiratoire antérieure à l'insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, obésité, état ostéoarticulaire. Le cardiologue est responsable du bilan médical, qui servira de référence pour quantifier l'évolution de la cardiopathie et la réadaptation. Il doit dépister les contre-indications au renforcement musculaire segmentaire : arythmie ventriculaire grave, baisse ou absence de montée de la pression artérielle en cours d'effort, apparition de signe d'ischémie majeure et précoce etc. Bien sûr est optimisé l'équilibre du traitement médicamenteux ou physique : pacemaker, assistance circulatoire . . . avant toute réadaptation. Le physiothérapeute mesure les forces musculaires segmentaires, définit les limitations orthopédiques, et peut proposer des protocoles associés à visée orthopédique et respiratoire, bien souvent indispensables. Les carences repérées seront réparées au mieux : EPO, transfusion, correction des anomalies électrolytiques, des carences en fer, alimentation et hydratation adaptées. Les candidats au renforcement musculaire segmentaire sont très souvent en état de dénutrition. Le déroulement du renforcement musculaire segmentaire La charge, le nombre de répétition, la fréquence et la durée des sessions, constituent le socle du renforcement musculaire segmentaire. L'intensité du renforcement musculaire segmentaire doit être progressivement maximale en tenant compte bien sûr de l'état cardiovasculaire et général. Pour optimiser la sollicitation cardiovasculaire forcément modérée mais indispensable, on propose au début une prépondérance du renforcement musculaire segmentaire puis on tend progressivement grâce au gain de force segmentaire vers une prépondérance de l'endurance. Par exemple, 80 % de renforcement musculaire segmentaire contre 20 % d'endurance pendant 1 à 2 mois, puis 60 % de renforcement musculaire segmentaire contre 40 % d'endurance pendant 3 à 4 mois, puis 10 % de renforcement musculaire segmentaire contre 90 % d'endurance pendant 5 à 7 mois ou plus [11] . On limite les poussées d'hypertension pulmonaire par du travail debout ou assis, sans blocage respiratoire de type manoeuvre de Valsalva. On commence par mesurer la force musculaire au plus proche des muscles qu'on va faire travailler. On s'attache à la détermination des capacités musculaires, soit par la RM 1 ou RM 10 (résistance maximale) que l'on peut soutenir en 1 ou 10 fois, soit par la Force Maximale (FM) mesurée simplement au dynamomètre. Actuellement, la plupart des établissements spécialisés utilise des bancs adaptés à colonnes guidées permettant des mouvements et mesures précis et reproductibles. Principes généraux du travail en renforcement musculaire segmentaire Le temps de repos entre les séries de 10 à 20 mouvements varie de 60 à 90 secondes, ou plus si l'état du patient est très sévère. Au moment de chaque mouvement, flexions et extensions doivent être maîtrisées, contenues, sans brusquerie au démarrage. En phase concentrique, le mouvement doit être plus rapide qu'en phase excentrique. Si l'ensemble d'une séance doit solliciter successivement de manière séquentielle les muscles des jambes, des bras et du torse, les exercices mettant simultanément en jeu ces muscles sont à proscrire (rameur, natation, ergocycle, tapis roulant). Ils n'améliorent pas la force et peuvent avoir des conséquences hémodynamiques et rythmiques dangereuses. Les entraînements doivent être dirigés par un personnel diplômé d'État, ayant suivi une formation spécifique de la réadaptation cardiaque, entraîné aux gestes d'urgence. Un matériel de réanimation composé selon les recommandations de la SFC [12] est présent. Un cardiologue est également présent et immédiatement disponible. Le rôle du cardiologue est de rassurer les physiothérapeutes (infirmières, kinésithérapeutes) et de conseiller la progression ou la modération des charges en fonction de la tolérance hémodynamique [13, 14] . Le matériel nécessaire au bilan cardiologique en renforcement musculaire segment Q2 aire : outre le stéthoscope, l'échocardiographie, l'ECG d'effort avec cyclo ergomètre, voire tapis roulant, un analyseur des gaz respiratoires peut être nécessaire pour préciser l'état cardiorespiratoire, mais non indispensable. Les exercices musculaires segmentaires utilisent de préférence des poids ou des bandes élastiques faute de mieux, des bancs de musculation dédiés permettant des séances reproductibles de travail de renforcement musculaire segmentaire et à la fois des mesures de la force maximale en situation si cette méthode est retenue. Il est impossible de proposer aux lecteurs un programme standard. Les équipes qui pratiquent le renforcement musculaire segmentaire ont développé leurs propres séquences en fonction de leur recrutement, du matériel dont elles disposent. On essaie de varier les séquences pour éviter la lassitude et on doit s'assurer de la motivation des patients pour un entraînement durable. La première démarche est celle de l'évaluation en vue de déterminer les charges de départ. Elle repose sur le test d'effort en rampe de protocole 5 W/1 min pour les plus sévères, 10 W/1 min en cas d'insuffisance cardiaque, jusqu'à 30 W/2 min pour des malades moins fatigués et 40 W/2 min pour des cardiopathies ischémiques. On adaptera le travail en pourcentage de charge maximum (RM ou FM) par rapport à la performance à l'épreuve d'effort et au bilan initial. Un programme-type minimaliste : le « Light-K » Déjà utilisé en routine par plusieurs centres experts français, ce programme est le fruit de l'expérience de centres référents en renforcement musculaire segmentaire et d'un consensus cardiologues-physiothérapeutes-infirmières. Il constitue une base de travail à adapter et moduler au centre et à son recrutement. Il reste à valider sur de plus grandes séries. Principe général : l'élaboration d'une grille de séance renforcement musculaire segmentaire suit le FITT model (Tableau I) comme l'ensemble de la réadaptation cardiaque [10] . Après bilan initial, si le patient est jugé apte au programme général, au moins une séance de familiarisation au banc à faible charge est nécessaire : c'est la phase de pseudoprogression technique. La force maximale servant de base est mesurée après cette phase. Puis les charges sont affectées selon le Tableau II. Ces charges sont une base de départ, à corriger si besoin devant le patient par le physiothérapeute responsable du programme. Un exemple de séance est détaillé en Fig. 1 (1/2 et 2/2). Cette grille est conçue pour optimiser le rapport bénéfice patient/temps-contraintes du physiothérapeute. L'échauffement articulaire à vide peut être effectué sans charge, avec deux répétitions, puis le travail s'effectue par séries de 3 fois 10 répétitions de mouvements portant sur les principaux groupes musculaires : fessiers, psoas, quadriceps, biceps, triceps, abaisseurs et élévateurs, dorsaux. Il n'est pas possible de solliciter tous ces groupes musculaires à chaque séance. La surveillance pendant la séance est essentielle. Le monitoring ECG peut être utile notamment pour les plus à risque. Il s'avère qu'il permet souvent d'autoriser plus d'intensité en rassurant le soignant. Pendant le retour au calme, on veillera à l'hydratation adaptée, à l'état clinique, au rythme cardiaque, à la pression artérielle et aux thérapeutiques en cours. Presque toujours combinées à l'endurance, des séances de renforcement musculaire segmentaire complètes selon le schéma Tableau II + Fig. 1 peuvent nécessiter d' intercaler un à deux jours de récupération notamment dans un cadre ambulatoire. Pour des séances quotidiennes en hospitalisation, on pourra si besoin, soit programmer des séquences de groupes musculaires, soit alterner à jour passé avec l'endurance. La progression dans le programme est illustrée dans la Fig. 2 . Des évaluations intermédiaires des progrès par mesure de la force maximale et du test d'effort permettent une montée en charge contrôlée et sécurisée. L'objectif d'accroître régulièrement la charge est primordial. Au total, 24 séances sont un minimum requis, mais la progression continue d'augmenter au fil des mois chez les patients motivés pour persévérer (Fig. 3) . La phase 3 à domicile adaptée au patient et son environnement, doit être initiée par l'équipe dès la fin de la phase 2. Elle est la continuité du programme. Certains plaident pour l'intensité [6, 8] et pour le nouveau Guard Lines dans un but de standardisation. Bjarnason-Wehrens [16] remarque les faibles effectifs de cardiaques dans la littérature. D'ailleurs, Jewiss [4] ne retient que 27 études méthodologiquement acceptables de 1985 à 2016. En fait, la plupart des équipes pionnières se satisfont de leurs résultats importants au quotidien mais n'ont souvent ni le temps, ni les moyens, ni la formation pour des publications rigoureuses. Le manque de mesures chiffrées ou de protocoles reproductibles servent trop souvent d'alibis. Les critiques et les doutes sur les résultats du renforcement musculaire segmentaire dans l'insuffisance cardiaque mettent en évidence des méthodologies insuffisantes, des petites séries, l'absence de randomisation. Toutefois, la France a 30 ans d'expérience en renforcement musculaire segmentaire. De nombreux centres la pratiquent au quotidien et rapportent objectivement des bénéfices spectaculaires en communications reconnues JESFC, GERS, malheureusement non publiés. Par exemple, Cricqueboeuf, référencé par Cochrane, rapporte environ 180 000 séances consécutives depuis 1989, exclusivement chez des insuffisants cardiaques sévères (NYHA III, FE < 0,40 ou VO2 < 50 % théorique ou irréalisable) sans aucun incident noté en 30 ans. Leurs séances sont en intensité par la durée toutes monitorées en ECG. Les protocoles varient selon le recrutement, les habitudes des cardiologues et kinésithérapeutes locaux, et les équipements matériels dont on dispose. Les bancs adaptés paraissent indispensables pour la quantification, le dosage, la reproductibilité des charges et des mouvements, et l'intensité nécessaire au bénéfice. D'une manière générale, on observe une progression modeste des paramètres hémodynamiques (débit cardiaque, fraction d'éjection) alors que les gains de force musculaire segmentaire sont constants et souvent considérables [17] . L'entraînement avec réduction du débit sanguin local est à l'étude en cardiologie [18, 19] . Les améliorations du renforcement musculaire segmentaire sont attendues par le travail excentrique, une voie d'avenir probable car ce mode 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 Tableau II. « Light-K », détermination des charges. Mieux connu et codifié, le renforcement musculaire segmentaire s'inscrit dans des programmes combinés avec l'endurance. Techniques de renforcement musculaire en réadaptation cardiaque Dossier / Mise au point The effect of resistance training on clinical outcomes in heart failure: a systematic review and meta-analysis Muscle strength as a predictor of long-term survival in severe congestive heart failure Exercise training improves exercise capacity and diastolic function in patients with heart failure with preserved ejection fraction: results of the Ex-DHF (Exercise training in Diastolic Heart Failure) pilot study Strength training increases walking tolerance in intermittent claudication patients: randomized trial Acute cardiovascular response to resistance training during cardiac rehabilitation: effect of repetition speed and rest periods Society of Cardiology guidelines for cardiac rehabilitation in adults Secondary prevention through comprehensive cardiovascular rehabilitation: From knowledge to implementation. 2020 update. A position paper from the Secondary Prevention and Rehabilitation Section of the European Association of Preventive Cardiology Combined endurance-resistance training vs. endurance training in patients with chronic heart failure: a prospective randomized study Society of Cardiology guidelines on exercise tests (part 1): methods and interpretation Le réentraînement segmentaire du cardiaque Is strength training the more efficient training modality in chronic heart failure? Exercise training intensity determination in cardiovascular rehabilitation: should the guidelines be reconsidered? Recommendations for resistance exercise in cardiac rehabilitation: do they need reconsideration? Segmental rehabilitation in cardiac failure: short and long-term results Blood flow restriction resistance exercise improves muscle strength and hemodynamics, but not vascular function in coronary artery disease patients: a pilot randomized controlled trial Magnitude of muscle strength and mass adaptations between high-load resistance training versus low-load resistance training associated with blood-flow restriction: a systematic review and meta-analysis