key: cord-0040388-0xpjo8ao authors: Sène, D.; Cacoub, P. title: Expressions Vasculaires des Maladies Infectieuses date: 2012-12-21 journal: Traité de médecine vasculaire. DOI: 10.1016/b978-2-294-71346-0.50023-9 sha: 6e31c830eabf6464d907c6412cc9cf80ade871a1 doc_id: 40388 cord_uid: 0xpjo8ao nan La paroi vasculaire est une cible privilégiée des micro-organismes en général et des virus en particulier, mais selon des mécanismes divers. Ainsi, beaucoup d'infections peuvent atteindre les vaisseaux. Cette association a été renforcée par le développement des techniques de biologie moléculaire qui a permis de mieux caractériser certaines infections, virales pour la majorité, et de discuter avec plus de clarté la présence et le rôle de certaines infections dans la genèse de certaines manifestations vasculaires. Les mécanismes en jeu dans ces manifestations vasculaires infectieuses ou post-infectieuses peuvent être directs, liés au caractère pathogène direct de l'agent pathogène ou indirects en rapport avec les réactions immunologiques ou inflammatoires induites par le micro-organisme. Le troisième mécanisme est la thrombose médiée par l'activation plaquettaire comme c'est le cas au cours des microangiopathies thrombotiques. Ces manifestations vasculaires directes ou indirectes peuvent également être analysées selon la taille du vaisseau concerné en atteinte des vaisseaux de petit calibre, des vaisseaux de petit et moyen calibre et des vaisseaux de gros calibre. Dans cet article, nous proposons une revue des manifestations vasculaires des infections bactériennes, virales, parasitaires et fongiques en les subdivisant en manifestations directes infectieuses et en manifestions indirectes postinfectieuses ou immunologiques. Nous n'aborderons pas les manifestations veineuses comprenant essentiellement des thrombophlébites suppurées ou des thromboses veineuses liées à une hypercoagulabilité avec ou sans présence d'anticorps antiphospholipides. Parmi les manifestations vasculaires artérielles, nous n'aborderons pas les microangiopathies thrombotiques et la périartérite noueuse qui sont traitées en détail dans d'autres chapitres. Plusieurs mécanismes peuvent être évoqués pour caractériser l'expression vasculaire des infections. Les deux mécanismes principaux sont l'effet pathogène direct du micro-organisme sur la paroi vasculaire et l'effet indirect d'origine immunolo-gique [1] . Le troisième mécanisme est la thrombose médiée par l'activation plaquettaire et l'altération endothéliale. Infection directe de la paroi vasculaire C'est le résultat d'une dissémination hématogène, d'une contamination par contiguïté ou d'une inoculation directe. Les micro-organismes induisent des lésions endothéliales et des altérations pariétales, mais également une réaction inflammatoire cellulaire et cytokinique in situ. L'atteinte infectieuse de la paroi artérielle aboutit à une endartérite, le plus souvent suivie par la formation d'un anévrisme ou d'un faux anévrisme. Ces anévrismes auront le plus souvent un aspect sacciforme, mais peuvent également apparaître comme fusiformes ou cupuliformes. Ceux qui peuvent être mis en jeu dans l'expression vasculaire des infections sont multiples. Ils comprennent : -la production de complexes immuns (CI). Les Les aortites infectieuses et anévrismes mycotiques sont assez rares puisqu'ils représentent 0,7 à 2,6 % des anévrismes aortiques opérés et 0,7 à 4 % des anévrismes cérébraux [3, 4] . Ils ont une prédominance masculine (3 hommes pour 1 femme) probablement expliquée par l'association des aortites infectieuses aux facteurs de risque cardiovasculaires qui sont plus fréquents chez les sujets masculins. L'âge moyen de survenue est de 65 ans, sauf pour les aortites infectieuses et anévrismes mycotiques compliquant une endocardite infectieuse, l'âge moyen étant dans ce contexte de 40 ans du fait de la préva-lence importante des complications de la toxicomanie intraveineuse. Les manifestations cliniques dépendent de la localisation de l'anévrisme mycotique. Il peut s'agir typiquement d'une masse douloureuse, battante ou pulsatile chez un patient qui présente des symptômes et signes infectieux. Quand l'anévrisme est localisé sur l'aorte, les symptômes dominants sont une fièvre (90 %), des frissons (16 %), des sueurs (5 %), des douleurs thoraciques et dorsales pour l'aorte thoracique ou abdominales pour l'aorte abdominale (20 à 60 %). Chez les patients présentant une endocardite bactérienne, l'anévrisme mycotique peut être révélé par des céphalées, un accident ischémique ou une hémorragie sous-arachnoïdienne. L'anévrisme peut également être révélé par des complications variables selon le site : une hémorragie digestive dans les anévrismes de l'aorte abdominale, une ischémie distale de membre, une dysphagie et une raucité de la voie dans les anévrismes de l'artère sous-clavière, des ostéomyélites ou des spondylodiscites, des abcès du psoas ou une masse endobronchique pour les anévrismes de l'artère pulmonaire. La rupture dans un organe creux (tube digestif, bronche, trachée) ou une cavité libre (péritoine, méninges) est le risque majeur, met-tant en jeu le pronostic vital. Une rupture avec hémorragie est présente dans 7 à 24 % des anévrismes aortiques au moment du diagnostic et une rupture partielle circonscrite dans 47 à 61 % [10] . Le diagnostic d'anévrisme mycotique se fait sur un faisceau d'arguments cliniques, radiologiques et microbiologiques. Sur le plan biologique, une hyperleucocytose à prédominance de polynucléaires neutrophiles est retrouvée dans 60 à 70 % des cas et une anémie inflammatoire dans près de la moitié des cas. Les hémocultures sont contributives dans 50 à 85 % de cas et les prélèvements bactériologiques de tissu anévrismal sont positifs dans 56 % des cas [11] . L'imagerie est indispensable pour établir le diagnostic, localiser et caractériser (nombre, taille), identifier les complications associées et évaluer les possibilités thérapeutiques. Elle est aussi indispensable pour la surveillance de l'efficacité thérapeutique. On dispose de plusieurs examens morphologiques permettant le diagnostic des anévrismes mycotiques : l'échographie, le scanner, l'imagerie par résonance magnétique et l'artériographie [12] . La radiographie du thorax peut mettre en évidence une opacité médiastinale évocatrice d'anévrisme thoracique qui, dans un contexte infectieux, peut faire évoquer le diagnostic. L'échographie peut montrer une altération pariétale avec des modifications de flux au niveau des artères périphériques et de l'aorte abdominale sous-rénale. Le traitement des anévrismes mycotiques repose sur une prise en charge médicale avec une antibiothérapie systémique associée ou non à un traitement chirurgical ou endovasculaire. L'antibiothérapie, initialement par voie intraveineuse, doit cibler les germes les plus fréquents et être adaptée secondairement en fonction du profil de sensibilité du germe identifié. La durée habituelle est de 4 à 6 semaines, avec des adaptations en fonction de l'évolution des paramètres inflammatoires [14] . La stratégie chirurgicale doit toujours être associée à une antibiothérapie préalable. Elle dépend du site d'infection, de la présence ou non d'une rupture et parfois de la disponibilité de greffons autologues ou prothétiques [15] . Elle peut consister en : -une ligature d'une artère suivie d'une excision de l'anévrisme avec peu de risque d'ischémie d'aval en raison des voies de suppléance (artères radiale, brachiale, iliaque externe, fémorale profonde) ; -une réparation ou une reconstitution in situ, en particulier dans les anévrismes de l'aorte sus-rénale avec l'utilisation d'un greffon ou d'un patch prothétique ; -un pontage prothétique avec excision de l'anévrisme, en particulier pour l'aorte sous-rénale ; -un traitement endovasculaire par stent, avec comme principal risque la persistance de l'infection chez près de 20 % des patients [16] ; -quelques cas d'embolisation d'anévrismes mycotiques cérébraux ont été rapportés [17] . Pour les anévrismes mycotiques intracrâniens, le facteur pronostique majeur est la rupture fatale chez un quart des patients. En l'absence de rupture, une antibiothérapie isolée est recommandée, associée à la chirurgie dans le cas contraire [18] . La mortalité associée aux anévrismes mycotiques est élevée et dépend de la localisation, de la présence d'une rupture, des traitements reçus et des pathologies associées. Elle concerne 20 à 60 % des anévrismes aortiques, l'aorte abdominale sousrénale ayant un meilleur pronostic (taux de survie 96 %) que l'aorte sus-rénale (taux de survie 60 %). La combinaison de l'antibiothérapie et de la chirurgie offre de meilleurs résultats, avec une mortalité de 38 % contre 96 % en cas d'antibiothé- rapie isolée [15, 19] . En cas d'anévrisme rompu, la mortalité est estimée à 63 à 100 % pour les anévrismes abdominaux et 60 à 90 % pour les anévrismes intracrâniens. Pour les artères périphériques, la mortalité est estimée entre 0 et 15 % [20] . Les manifestations vasculaires indirectes des infections sont liées à la réaction immunologique induite par l'agent pathogène, le plus souvent par le biais de la formation de complexes immuns. L'agression immune de la paroi vasculaire est responsable d'une vascularite avec une inflammation plus ou moins importante au niveau de la paroi vasculaire ou du pourtour périvasculaire, ou des deux. L'aspect clinique le plus caractéristique de la vascularite cutanée est le purpura vasculaire. Il est, par opposition au purpura d'origine hématologique, infiltré, palpable, prédominant aux membres inférieurs, aggravé par l'orthostatisme, polymorphe (pétéchial et ecchymotique, parfois nécrotique) et parfois associé à d'autres lésions (papules, nodules, lésions nécrotiques, bulles hémorragiques, urticaire ou livedo). L'examen histologique cutané peut mettre en évidence une nécrose fibrinoïde de la paroi vasculaire des petits vaisseaux du derme superficiel et moyen, associée à un infiltrat riche en polynucléaires pycnotiques (vascularite leucocytoclasique) ou en lymphocytes (vascularite lymphocytaire). L'immunofluorescence montre en général des dépôts vasculaires d'immunoglobulines ou de la fraction C 3 du complément. Sans être spécifique, la présence d'IgA est très évocatrice de purpura rhumatoïde, la présence d'IgM ou d'IgG évoque une cryoglobulinémie [21] . La vascularite cutanée est souvent associée à une autre pathologie qui peut être une vascularite systémique des vaisseaux de petit calibre (purpura rhumatoïde, vascularite cryoglobulinémique, vascularite granulomateuse), une connectivite (maladie de Gougerot-Sjögren, lupus systémique), une vascularite d'hypersensibilité médicamenteuse ou une néoplasie. Elle peut également être associée à des infections systémiques comme au cours des endocardites bactériennes et du purpura fulminans (streptocoque, méningocoque, gonocoque), une infection virale aiguë ou chronique avec ou sans cryoglobuline (VHC, VHB, VIH, Parvovirus B19, EBV [Epstein-Barr Virus], CMV), une infection fongique (septicémie à Candida) ou parasitaire (leishmaniose, paludisme). Le traitement de la vascularite cutanée est celui de sa cause, en particulier de l'infection associée. En l'absence de traitement étiologique, un traitement symptomatique peut être proposé (repos, bas de contention, antalgiques, colchicine). Le purpura vasculaire peut également disparaître spontanément sans intervention thérapeutique, mais récidive généralement. La vascularite cryoglobulinémique est définie par l'ensemble des manifestations cliniques et biologiques témoignant de la présence d'une cryoglobuline. Il s'agit d'une vascularite touchant toujours les vaisseaux de petit calibre et dans des cas plus rares de moyen calibre. Les cryoglobulinémies associées aux infections sont toujours mixtes (CM), c'est-à-dire de type II (une immunoglobuline monoclonale associée à des immunoglobulines polyclonales) ou III (immunoglobulines polyclonales). De nombreuses infections sont associées à la production d'une cryoglobuline (tableau 23-1). Toutefois, l'association la plus forte est celle avec le virus de l'hépatite C qui est actuellement la cause de plus de 80 % des vascularites cryoglobulinémiques [22] . Historique L'association cryoglobulinémie et hépatopathie a fait l'objet de plusieurs publications dans les années soixante-dix et quatre-vingt. L'étiologie de ces cryoglobulinémies n'était habituellement pas connue. Dès la découverte du VHC en 1989 et la mise à disposition de tests sérologiques de dépistage en 1990, les premières observations d'infection par le VHC chez les patients présentant une cryoglobulinémie mixte sont rapportées sous forme de simples cas cliniques. Des études montreront rapidement que 56 à 95 % des patients ayant une cryoglobulinémie mixte dite « essentielle » présentent des anticorps anti-VHC, avec la présence d'ARN VHC dans le sérum et le cryoprécipité pour la grande majorité d'entre eux. Le suivi prospectif de cohortes de patients infectés par le VHC a confirmé cette association, plusieurs études rapportant la présence d'une cryoglobulinémie mixte chez 36 à 55 % des patients infectés par le VHC [23] . Dans une étude très récente qui portait sur plus de 15 000 recherches de cryoglobulinémie entre 1989 et 2006 dans un seul centre universitaire, 1 400 étaient positives et persistantes, parmi lesquelles 91 % étaient dues au VHC [22] . Il convient de distinguer l'anomalie biologique (positivité de la recherche de cryoglobuline) des manifestations cliniques de vascularite cryoglobulinémique. La majorité des patients VHC+ ayant une CM restent asymptomatiques, mais 13 à 30 % vont présenter des symptômes dont le substratum anatomique est une vascularite des petits vaisseaux (artérioles, capillaires, veinules). Plusieurs facteurs épidémiologiques, cliniques et biologiques favorisent la production de cryoglobulinémie mixte au cours de l'infection par le VHC : le sexe féminin, une consommation d'alcool supérieure à 50 g/jour et une fibrose hépatique extensive. Certains haplotypes HLA de classe II, en particulier le HLA-DR11, augmentent ce risque, alors que HLA-DRB7 est « protecteur ». Au cours de l'infection par le VHC, la cryoglobulinémie mixte est constituée d'anticorps anti-VHC, d'IgM ou d'IgG à activité rhumatoïde, de lipoprotéines de faible densité (LDL), d'antigènes viraux (en particulier la protéine core), et de virions encapsidés à haut titre (20 à 1 000 fois plus élevés que dans le sérum) [24] . L'ARN du VHC a également été détecté dans certaines lésions tissulaires actives de patients présentant une cryoglobulinémie mixte mais sans preuve d'une réplication virale in situ. Le rôle d'une pression de sélection favorisée par la stimulation antigénique chronique avec comme antigène principal la glycoprotéine d'enveloppe E2 (gpE2) du VHC a été proposé. Cette stimulation antigénique chronique pourrait favoriser la prolifération polyclonale, puis oligoclonale et enfin monoclonale de lymphocytes B le plus souvent secrétant une immunoglobuline à activité facteur rhumatoïde, dans le foie et la moelle osseuse comme c'est le cas au cours des cryoglobulinémies mixtes de type II. L'hypothèse d'un mimétisme moléculaire entre une partie de la protéine NS3 du VHC et la fraction Fc des immunoglobulines a été suggérée. Une interaction directe entre le VHC et le lymphocyte B est évoquée en raison du caractère lymphotrope du VHC. Cette interaction se ferait via l'engagement de la glycoprotéine gpE2 avec le récepteur CD81 exprimé par les lymphocytes B et aurait comme conséquence l'abaissement du seuil d'activation antigénique et une augmentation de la prolifération des lymphocytes B. D'autres mécanismes font intervenir des anomalies chromosomiques, en particulier la translocation [14, 18] qui favorise la surexpression du facteur anti-apoptique et pro-prolifératif Bcl-2 : 71 à 86 % des patients VHC+ cryoglobulinémiques présentent ces anomalies contre seulement 16 à 37 % chez les patients VHC+ non cryoglobulinémiques et 0 à 3 % des patients souffrant d'hépatopathies chroniques non VHC. Ces anomalies chromosomiques ainsi que certaines populations lymphocytaires B oligoclonales ou monoclonales disparaissent chez la majorité des patients présentant une réponse virologique soutenue [25] . Enfin, il existe chez les patients cryoglobulinémiques une augmentation de l'expression d'une cytokine clé de la prolifération, la différentiation et la production d'immunoglobulines des lymphocytes B, appelée BLyS (B Lymphocyte Stimulator), dont les mécanismes d'action passent par l'expression de Bcl-2 [26] . Les lésions des vascularites cryoglobulinémiques touchent les vaisseaux de petit calibre. Les premiers phénomènes à l'origine de l'altération de la paroi vasculaire sont l'interaction entre la fraction C1q présente dans le cryoprécipité et son récepteur le C1qR exposé à la surface des cellules endothéliales ; puis apparaît une activation non spécifique du complément et la mise en action du complexe d'attaque membranaire [27] . L'immunité cellulaire semble aussi jouer un rôle important dans la genèse des lésions de vascularites cryoglobulinémiques associées au VHC : déficit quantitatif en lymphocyte T régulateur, jouant un rôle majeur dans le contrôle de l'auto-immunité [28] ; augmentation de certaines cytokines pro-inflammatoires (TNFalpha) dans le sang et dans les lésions tissulaires nerveuses ; augmentation de la production par les hépatocytes des cytokines T H 1 (TNF-alpha, IFN-gamma, IL-2), diminution de la production des cytokines T H 2 (IL-4, IL-10) ; surexpression des cytokines T H 2 dans les lésions tissulaires, notamment nerveuses ; rôle des métalloprotéases [29] . L'apparition de manifestations symptomatiques de vascularite au cours des cryoglobulinémies mixtes liées au VHC est [30] . Le rôle du virus C via le système immunitaire semble clair. En revanche, un rôle direct du VHC lui-même est plus douteux : pas de lien démontré avec le génotype ou la charge virale ; présence d'ARN du VHC au sein de certaines lésions nerveuses mais sans brin négatif et donc sans réplication in situ démontrée [31] . Les manifestations cutanées sont la conséquence directe d'une vascularite des vaisseaux de petit calibre (vascularite leucocytoclasique). Le symptôme principal est le purpura vasculaire présent chez 30 à 100 % des patients présentant une cryoglobulinémie symptomatique ( fig. 23-5) . Souvent révélateur et intermittent, il survient volontiers au cours des périodes hivernales et débute toujours aux membres inférieurs pouvant s'étendre progressivement jusqu'à l'abdomen. Il est infiltré, non prurigineux, d'aspect pétéchial ou papulaire, rarement nécrotique. Les poussées purpuriques peuvent être déclenchées par l'orthostatisme, les efforts prolongés, l'exposition au froid, voire un traumatisme. Plus rarement, l'atteinte cutanée peut correspondre à des ulcères supra-malléolaires associés au purpura, un syndrome de Raynaud pouvant se compliquer d'ulcérations digitales ou une vascularite urticarienne. Les manifestations rhumatologiques cryoglobulinémiques sont principalement des arthralgies touchant les grosses arti-culations, bilatérales et symétriques, non déformantes et non migratrices. Intermittentes et souvent inaugurales, elles sont retrouvées chez 50 à 83 % des patients. Une arthrite vraie ou une atteinte du rachis sont beaucoup plus rares. À la phase initiale d'une polyarthrite rhumatoïde, des difficultés diagnostiques peuvent se poser d'autant qu'existe un facteur rhumatoïde. Le dosage des anticorps antipeptide citrulliné permet de faire la distinction car ils sont présents chez 75 à 85 % des patients avec une polyarthrite rhumatoïde et chez moins de 5 % des patients infectés par le VHC. Des myalgies sont rapportées chez 15 % des patients, pouvant s'intégrer par ailleurs dans un tableau de type syndrome de fatigue chronique ou de fibromyalgie. Les manifestations neurologiques sont présentes chez 9 à 45 % patients avec une cryoglobulinémie mixte symptomatique. Le tableau clinique prédominant (80 % des cas) est celui d'une polyneuropathie sensitive ou sensitivomotrice distale, prédominant aux membres inférieurs. Les troubles sensitifs superficiels avec douleurs et paresthésies asymétriques sont les premiers symptômes, devenant secondairement symétriques. Inconstamment peut s'y associer un déficit moteur distal touchant les loges antéro-externes des membres inférieurs. L'évolution prolongée se fait par poussées, avec stabilisation, rémission ou exacerbation des symptômes, parfois déclenchés par une exposition au froid. Dans 20 % des cas il s'agit d'un tableau neurologique de mononeuropathie ou mononeuropathie multiple mimant une vascularite nécrosante de type périartérite noueuse [32] . L'électromyogramme des quatre membres confirme la neuropathie axonale avec altération des potentiels sensitifs et/ou moteurs, voire de la conduction motrice sous la forme d'une polyneuropathie axonale sensitivomotrice ou d'une mononeuropathie multiple. Dans certains cas, une biopsie neuromusculaire est nécessaire et l'analyse anatomopathologique révèle alors des lésions axonales modérées à sévères, associées à une vascularite des vaisseaux de petit calibre (artérioles, veinules, capillaires) comportant un infiltrat inflammatoire périvasculaire composé de lymphocytes et des thrombi hyalins endovasculaires, sans nécrose ni granulome. Pour les mononeuropathies multiples, se surajoutent des lésions de vascularites nécrosantes de type PAN avec une destruction de la paroi vasculaire et une nécrose fibrinoïde touchant des vaisseaux de moyen calibre [32] . L'atteinte du système neurologique central est révélée par un tableau d'encéphalopathie, de convulsions, de vascularite cérébrale avec infarctus cérébraux et atteinte des paires crâniennes [33] . Des altérations des fonctions supérieures ont été rapportées, comprenant des troubles cognitifs et de l'attention, associés ou non à un syndrome dépressif ou un syndrome de fatigue chronique. Les manifestations rénales cryoglobulinémiques sont rapportées chez 2 à 50 % des patients cryoglobulinémiques et comportent essentiellement des néphropathies glomérulaires membranoprolifératives. La glomérulonéphrite membrano- proliférative (GNMP) est associée dans plus de 80 % des cas à une cryoglobulinémie de type II dont le composant monoclonal est une IgM ( à activité facteur rhumatoïde [34] . La présentation la plus fréquente (40-55 %) est une protéinurie non néphrotique, associée à une hématurie microscopique et une insuffisance rénale de degré variable. Un syndrome néphrotique aigu avec ou sans insuffisance rénale (20 %) ou un syndrome néphritique aigu (14-25 %) avec ou sans insuffisance rénale, voire une insuffisance rénale chronique sans anomalies significatives du sédiment urinaire (10 %) peuvent révéler l'atteinte rénale. Une hypertension artérielle est présente dans 50 à 80 % des cas. Une insuffisance rénale chronique sévère est retrouvée chez 10 % des patients. Une cryoglobuline mixte de type II est retrouvée dans 70 à 80 % des cas avec une IgM kappa ou IgG kappa monoclonale, et une cryoglobuline mixte de type III dans 20 à 30 % des cas. Un effondrement de la fraction C4 du complément est présent dans plus de 90 % des cas de GNMP diffuses. L'effondrement du C3 est plus rare (20- Les autres manifestations comprennent : -une atteinte cardiaque pouvant se manifester par une atteinte valvulaire mitrale, une vascularite coronaire avec infarctus du myocarde, une péricardite ou une insuffisance cardiaque congestive ; -une atteinte pulmonaire souvent asymptomatique ou révélée par une dyspnée d'effort modérée, une toux sèche, des épanchements pleuraux ou des hémoptysies ; -une atteinte digestive se manifestant par des douleurs abdominales parfois pseudo-chirurgicales, et des hémorragies digestives peuvent révéler une vascularite mésentérique. Les cryoglobulinémies mixtes associées au VHC ne justifient de traitement que si elles sont symptomatiques. La base de ce traitement est une association antivirale optimale avec l'association de l'interféron alpha pégylé et de la ribavirine. En cas d'efficacité virologique soutenue (virémie indétectable 6 mois après l'arrêt des traitements antiviraux), une rémission com-plète et prolongée des vascularites cryoglobulinémiques et des manifestations associées est généralement obtenue. L'efficacité des traitements anti-VHC sur les vascularites cryoglobulinémiques a suivi les avancées du traitement sur l'infection par le VHC [35] . L'association « interféron alpha standard + ribavirine » permettait une amélioration dans 60 à 100 % des cas sur les manifestations cutanées, 35 à 75 % des cas sur l'atteinte rénale, et 25 à 80 % des cas sur les atteintes nerveuses périphériques. Ces études ont aussi confirmé la très étroite corrélation entre la rémission de la vascularite cryoglobulinémique et la réponse virologique. Comme dans l'infection par le VHC en général, la combinaison plus moderne de l'interféron alpha pégylé et de la ribavirine est encore plus efficace, permettant d'obtenir une réponse virologique et une rémission clinique complète des symptômes de la vascularite cryoglobulinémique chez 70 à 80 % des patients, avec une réduction de la durée du traitement antiviral (14 mois en moyenne vs 23 mois avec interféron standard + ribavirine) [35] . Plusieurs études ouvertes ont suggéré l'intérêt du rituximab (anti-CD20) [375 mg/m 2 /semaine 4 semaines de suite] dans le traitement des vascularites cryoglobulinémiques. Dans une analyse récente de l'ensemble des cas publiés [36] , avec un recul moyen de 9,7 mois, le rituximab, en l'absence de traitement antiviral, a permis d'obtenir une réponse clinique et immunologique ( [42] . Sur le plan histologique, il s'agit le plus souvent d'artérite à cellules géantes. La recherche du génome viral ou bactérien dans les lésions est rarement positive. Des résultats divergents sont ainsi rapportés avec le Parvovirus B19 et le Chlamydia pneumoniae. Beaucoup d'études ayant utilisé des tests sérologiques pour apprécier l'association entre une infection virale ou bactérienne et une artérite à cellule géante se sont révélées à terme négatives ou non confirmées. À défaut de preuve directe, des liens de causalité ont été établis par la réponse au traitement de l'agent causal, tel que décrit au cours de la maladie de Lyme [43] . Des cas sont rapportés au cours de l'infection par le VIH mais sans lien de causalité clair. Les vasculopathies de l'artère pulmonaire se manifestent par une hypertension artérielle pulmonaire. Au cours des infections, elles sont essentiellement décrites associées à l'infection par le VIH. Chez les patients infectés par le VIH, la prévalence de l'HTAP est estimée entre 0,5 et 1 %, soit bien plus que dans la population générale où elle est estimée à 1 à 2 pour 10 6 [44] . Il n'y a pas de lien entre le stade de l'infection par le VIH et la progression de l'HTAP. Sur le plan histologique, les lésions sont identiques à celles retrouvées chez les patients non infectés par le VIH. Les mécanismes sous-tendant l'HTAP associée au VIH ne sont pas clairement identifiés, ce d'autant plus que le génome viral n'a pas été mis en évidence dans l'endothélium pulmonaire malgré l'utilisation de techniques d'amplification et d'hybridation in situ hautement sensibles. Il n'y a pas de preuves de l'effet bénéfique du traitement antirétroviral sur la prévalence et l'évolution de l'HTAP associée au VIH, ni sur la mortalité associée. Le traitement repose donc sur les recommandations thérapeutiques appliquées aux HTAP primitives ou secondaires non associées au VIH : diurétiques, anticoagulation, inhibiteurs calciques, antagonistes des récepteurs de l'endothéline ou analogues prostanoïdes [45] . Le spectre de l'expression vasculaire des infections est assez étendu et va des lésions des artères de petit calibre aux atteintes des gros troncs artériels avec des mécanismes multiples et non exclusifs. Les liens de causalité sont démontrés ou évi-dents dans les manifestations liées à l'effet pathogène direct de l'agent pathogène comme dans les anévrismes mycotiques et les artérites infectieuses. Ils le sont également dans les manifestations vasculaires liées à la production de complexes immuns comme dans les vascularites cryoglobulinémiques liées au VHC et la périartérite noueuse associée au VHB et au VHC. La causalité est plus discutable dans les autres situations et elle n'est souvent soutenue que par une association épidémiologique (HTAP et VIH), de circonstance (cas rapportés) ou thérapeutique. Vasculitis and systemic infections The Gustonian lectures on malignant endocarditis Mycotic aneurysm. 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