key: cord-0038534-656kq3mm authors: Hofman, P. title: Que reste-t-il de la pathologie liée au VIH ? date: 2008-01-03 journal: Ann Pathol DOI: 10.1016/s0242-6498(04)94032-1 sha: e95efe8374a58eb1d9b1bf62c7141d41f6ce3f57 doc_id: 38534 cord_uid: 656kq3mm nan La première drogue anti-rétrovirale utilisée dans la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), la zidovudine (AZT), fut mise sur le marché par les laboratoires Burroughs Wellcome et administrée en essais cliniques chez l'homme en février 1986. Puis les inhibiteurs protéasiques et les différents analogues nucléosidiques firent leur apparition conduisant à la mise en place d'un « cocktail » médicamenteux anti-rétroviral « hautement actif » ou HAART (highly active anti-retroviral therapy). Ce traitement est ainsi régulièrement proposé en France depuis 1996 aux patients VIH positifs. L'administration de ces nouvelles thérapeutiques a depuis profondément modifié le spectre des différentes maladies et complications associées à l'état d'immunodépression. Ainsi, alors que de nombreuses infections opportunistes, comme la toxoplasmose, la cryptococcose, la pneumocystose, les mycobactérioses, ou la leishmaniose, présentaient une incidence très élevée selon les territoires d'endémie [1] [2] [3] , l'ensemble de ces maladies infectieuses a vu leur fréquence brutalement chuter dans les cohortes de patients traités par les anti-rétroviraux. Toutefois, l'augmentation de la survie de ces patients a eu comme premier effet de voir apparaître un plus grand nombre d'affection néoplasiques, en particulier de lymphomes malins, chez des patients ayant une fonction immunitaire alors insuffisamment rétablie [4, 5] . La plupart des traitements antirétroviraux permettant une augmentation satisfaisante du nombre de lymphocytes CD4 positifs, certains inhibiteurs de protéases exerçant en particulier une activité antiapoptotique sur ces lymphocytes. Ainsi, les principales maladies actuellement observées chez les patients VIH positifs traités par les anti-rétroviraux sont en fait la conséquence directe de ces thérapeutiques présentant de nombreux effets secondaires [6] . Il peut s'agir de divers réactions dysimmunitaires [7] , de réactions d'hypersensibilité, de myotoxicité et hépatotoxicité [8] , de troubles graves du métabolisme glucidique et lipidique [9] , d'affections osseuses [10] , et probablement de nouvelles formes d'encéphalite liée au VIH [11] . Ces multiples complications iatrogènes, dont le pathologiste peut avoir à faire le diagnostic, seront essentiellement détaillées. Certains patients développent dans les premiers mois qui suivent le début du traitement anti-rétroviral, des réactions inflammatoires très intenses, locales et systémiques, coïncidant avec la soudaine augmentation du taux de lymphocytes CD4 positifs. Ce syndrome est probablement du à une brutale hypersensibilité à différents antigènes présents dans les tissus. Ainsi ces réactions inflammatoires sont associées au niveau du système nerveux central, à des méningites à cryptoccoques ou à des cryptococcomes cérébraux multiples, à une toxoplasmose, à une aggravation des lésions d'encéphalite multifocale progressive ou de leucoencéphalopathie démyélinisante sévère, à une inflammation intraoculaire associant rétinite à cytomégalovirus et uvéite [7] . Cette recrudescence d'infections opportunistes dans le cadre du syndrome de restauration immunitaire se traduit également au niveau des ganglions lymphatiques par des réactions granulomateuses de type sarcoïdosique, parfois associées à la présence de mycobactéries, par des infections virales multiples (varicelle, maladie herpétique, hépatites virales B et C, infection à papillomavirus), ou par des infections cutanées (folliculite à demodex). D'autres lésions sont également observées au cours de ce syndrome : au niveau des ganglions lymphatiques, une hyperplasie folliculaire et de volumineux centres germinatifs, et au niveau du thymus, une augmentation considérable de volume. Certaines drogues anti-rétrovirales provoquent des réactions idiosyncrasiques, alors que d'autres sont toxiques de manière spécifique, ou bien en association, ceci en fonction de la durée du traitement et des doses cumulatives [6] . Les réactions d'hypersensibilité cutanée se traduisent par des éruptions parfois fatales, associées à une éosinophilie, une fièvre et un oedème. Un des syndromes les mieux connus lié aux nouvelles thérapeutiques anti-rétrovirales est certainement le syndrome lipodystrophique [9] . Cliniquement, il peut s'agir de lipoatrophie ou de lipohypertrophie de siège périphérique (face, membres, fesse) ou central (taille, région thoracique dorsal, poitrine). Il peut ainsi exister une « bosse de bison » entre les épaules, identique à celle que l'on observe dans le syndrome de Cushing, une gynécomastie, des lipomes multiples, ou une augmentation considérable du tour de cou et de la taille [6, 9] . Au niveau du visage, la disparition des boules de Bichat est associée à des pommettes très saillantes et à un creusement des orbites. Selon les études, la prévalence de ce syndrome lipodystrophique lors du traitement [6] . Les biopsies musculaires révélent alors en général des foyers de myonécrose avec les présence de fibres de type « ragged red » et des inclusions paracristallines. Les études expérimentales effectuées sur des souris transgéniques montrent que les nouveaux traitements anti-rétroviraux entraînent une cardiomyopathie mitochondriale associée à une augmentation des lactates plasmatiques. Il peut exister aussi une toxicité hépatique directe des thérapeutiques anti-rétrovirales parfois responsable d'une stéatose massive associée à une acidose lactique fatale [6, 8] . L'ostéonécrose et l'ostéopénie prédominant au niveau des épaules et des hanches, sont décrites chez les patients VIH positifs, de façon indépendante aux facteurs de risque classique (hypertrigycéridémie, corticothérapie, alcool) [10] . Il a été alors suggéré un lien direct entre l'administration d'inhibiteurs de protéases et l'ostéonécrose. Bien d'autres complications associées aux anti-rétroviraux sont décrites, tubulopathie des tubules rénaux proximaux, pancréatites, etc [6] . On estime actuellement aux États-Unis qu'un tiers des patients VIH positifs éligibles pour recevoir un traitement par anti-retroviraux ne sont pas soignés pour divers raisons : patients non compliants (en particulier les toxicomanes) ou de niveau socioéconomique bas (en particulier la population hispanique et les sujets de race noire). Dans certains continents, la progression de l'épidémie liée au VIH est constante (Amérique du Sud, Afrique), alors que l'émergence d'un nombre spectaculaire de patients infectés se fait également sur le continent asiatique (en particulier en Chine et en Inde), et dans les pays de l'Europe de l'est. Ainsi, l'ensemble des pathologies déjà décrit en association à ce syndrome d'immunodépression continue à croître et à se développer dans le monde. Ce fait impose au pathologiste français, compte tenu des cas d'importation potentielle, de rester vigilant dans la connaissance de ces pathologies. Certaines pathologies très peu décrites émergent constamment chez les patients VIH positifs Ainsi, des maladies infectieuses, autrefois méconnues ou rarissimes chez l'homme, sont de plus en plus souvent rapportées [12] . Les nouveaux traitements anti-rétroviraux sont capables de modifier complètement le devenir de certaines infections chez les patients VIH positifs : à titre d'exemple, les infections à Acanthamoeba (encephalite, kératite, sinusite), auparavant constamment fatales, peuvent disséminées et ne pas être systématiquement mortelles chez les patients traités par ces nouvelles thérapeutiques [13] . Enfin, les conséquences de l'infection par le VIH sur l'évolution des nouvelles maladies émergentes, comme par exemple l'infection par le coronavirus, ne peuvent pas être actuellement évaluées, faute d'un recul suffisant [14] . Extracerebral toxoplasmosis in the acquired immunodeficiency syndrome (AIDS) Autopsy findings in the acquired immunodeficiency syndrome (AIDS). A report of 395 cases from the south of France The histological spectrum of visceral leishmaniasis caused by Leishmania infantum MON-1 in acquired immune deficiency syndrome Peripheral T cell lymphoma with cytotoxic phenotype : an emerging disease in HIV-infected patients ? 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