key: cord-0037933-h0mlv5df authors: Malarewicz, Julien; Kirchacker, Romain; Annane, Djillali title: L’usage des corticoïdes en réanimation date: 2008-01-03 journal: Prat Anesth Reanim DOI: 10.1016/s1279-7960(04)98154-5 sha: bba2cf93269a7e8b134646a4ec9cbd7998d6c5ca doc_id: 37933 cord_uid: h0mlv5df nan Les corticoïdes ont été synthétisés dans les années 50 en s'inspirant d'une hormone découverte vingt ans plus tôt, le cortisol. Cette classe médicamenteuse aux effets physiologiques multiples s'est rapidement imposée comme le traitement anti-inflammatoire de référence. Ses indications thérapeutiques s'élargirent progressivement, souvent dans une atmosphère de débat contradictoire qui se poursuit encore de nos jours puisque, après un demi-siècle d'existence, certaines indications des corticoïdes sont toujours régulièrement discutées et de nouvelles indications régulièrement proposées. Le débat actuel vise notamment à établir leur place exacte dans la prise en charge d'un certain nombre de pathologies infectieuses ou à composante inflammatoire relevant de la réanimation. C'est en tenant compte de ce débat que nous nous sommes proposés dans cet article non pas de revoir dans le détail les indications « classiques » de la corticothérapie en réanimation, mais de faire le point sur les sujets d'actualité que sont le traitement du choc septique, du SDRA et de la méningite. Nous verrons avant cela quelques généralités pharmacologiques nécessaires à la bonne compréhension du maniement des corticoïdes et des enjeux de leurs indications. Enfin, nous dirons un mot de l'épidémie de SARS, partie d'Asie au printemps 2003, que les réanimateurs ont immédiatement décidé de traiter par corticoïdes. Les différents corticoïdes ont en commun une bonne biodisponibilité par voie orale, mais ils diffèrent en terme de cinétique plasmatique : cinétique linéaire pour les molécules qui se lient préférentiellement à l'albumine (dexaméthasone, méthylprednisolone…) et cinétique non linéaire pour celles qui se lient préférentiellement à la transcortine rapidement saturable (cortisol, prednisolone…) (1, 2). La distribution tissulaire est également variable : à titre d'exemple, la concentration de méthylprednisolone dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire (LBA) du lapin est cinq fois supérieure à celle de la prednisolone (3, 4) . Molécules liposolubles, les corticoïdes diffusent librement à travers les membranes cellulaires. Ils se lient à une protéine cytoplasmique, le GRII (glucocorticoid receptor type 2), dont le caractère ubiquitaire explique la diversité d'action de cette classe médicamenteuse. Le complexe corticoïde/ GRII pénètre dans le noyau où il inhibe et active à la fois la transcription de l'ADN, par interaction avec des domaines d'ADN dits GRE (glucocorticoid responsive element). Le délai d'action important des corticoïdes s'explique donc par le fait qu'ils ont toujours une action indirecte, à travers une synthèse protéique (ou une inhibition de synthèse). Trois effets des corticoïdes justifient leur utilisation en réanimation : -la correction d'une insuffisance surrénalienne totale ou relative ; -l'effet anti-inflammatoire relevant de mécanismes multiples (5) : • inhibition de synthèse de cytokines proinflammatoires par les lymphocytes T (IL-2, IL-3, IL-5, IFN-gamma) et par les macrophages (IL-1, IL-6, IL-8, IL-12, TNF-alpha) ; • inhibition de synthèse d'autres médiateurs de l'inflammation (baisse de la production de monoxyde d'azote par baisse de la synthèse de la nitric oxide synthase inductible ou iNOS, baisse de la production de prostaglandine E 2 par baisse de la synthèse de cyclo-oxygénase-2) ; • synthèse de lipocortine-1 inhibant la migration des polynucléaires neutrophiles vers les foyers inflammatoires (6) ; • inhibition de la synthèse des molécules d'adhésion I-CAM-1 et ELAM-1 (interaction endothélium/neutrophiles) (7) et LFA-1 et CD2 (interaction endothélium/lymphocytes) (8), empêchant la pénétration des leucocytes circulants dans le site inflammatoire ; • synthèse de cytokines anti-inflammatoires (IL-1ra ou receptor antagonist, IL-10, TGFbêta). • La plupart des effets d'inhibition transcriptionnelle des corticoïdes passent par l'inhibition d'un facteur transcriptionnel proinflammatoire : le NF-kappaB, à la fois par inhibition directe (9) et par synthèse d'un inhibiteur spécifique : le I-kappaB (10). Le NF-kappaB semble avoir un rôle central dans la physiopathologie du SIRS (syndrome inflammatoire de réponse systémique), du SDRA (syndrome de détresse respiratoire aiguë) et du syndrome de défaillance multiviscérale, et beaucoup d'études abordent désormais ces pathologies sur le plan biochimique en dressant leur profil cytokinique ; -enfin, et c'est plus spécifique à la réanimation, la potentialisation des catécholamines comme nous le verrons dans la partie sur le choc septique. Les effets indésirables des corticoïdes sont multiples : -hyperglycémie par de multiples effets synergiques : stimulation de la glycogénolyse, de la néoglucogenèse avec comme substrats les produits de l'activation de la lipolyse et de la protéinolyse, création d'une résistance périphérique à l'insuline et inhibition de la synthèse protidique ; -hypertension artérielle que l'on pourrait plutôt classer, dans le cadre de la réanimation, dans les effets recherchés ; -hémorragie digestive ; -immunodépression, avec majoration des complications infectieuses ; -ostéoporose par activation des ostéoclastes et inhibition des ostéoblastes, avec baisse des réserves calciques par inhibition de l'absorption digestive et stimulation de l'excrétion rénale de calcium ; -augmentation du risque de neuromyopathie de réanimation (11), en particulier en association aux curares ; -décompensation de pathologies psychiatriques ; -hyperpilosité, fragilité cutanée et obésité cushingoïde. L'enzyme clé du métabolisme des corticoïdes est le CYP3A4 (cytochrome P 450 hépatique). Les caractéristiques de cette enzyme déterminent la clairance des corticoïdes : -un grand nombre d'autres substrats médicamenteux (nombreuses benzodiazépines, nombreux antirétroviraux, théophylline, warfarine, fentanyl, érythromycine…) peuvent entrer en compétition avec les corticoïdes ; -une grande variabilité interindividuelle, son activité pouvant varier d'un facteur 10 d'une personne à l'autre. Des tests sont en développement pour pouvoir évaluer facilement cette activité chez un patient donné (12) ; -l'inhibition par certaines classes médicamenteuses comme les imidazolés ; -l'activation par les médicaments dits « inducteurs enzymatiques » (carbamazépine, rifampicine…). À ces multiples déterminants de la clairance des corticoïdes doit s'ajouter le fait que le bas débit hépatique est fréquent en cas de choc. Les indications des corticothérapies sont multiples. Dans l'asthme aigu grave, la corticothérapie doit être utilisée à une dose d'attaque de 1 à 2 mg/kg (13), en association aux autres traitements plus rapidement actifs sur le bronchospasme. L'insuffisance surrénalienne aiguë (hémorragie bilatérale des surrénales, destruction par la tuberculose, causes toxiques, …) est bien sûr traitée par les corticoïdes, à doses substitutives qu'il faut majorer en cas de stress (chirurgical ou autre). Dans la décompensation aiguë des BPCO, on recommande actuellement la prednisolone, à la dose de 40 mg/j pendant 10 jours chez les patients dont le VEMS de base est inférieur à 50 % de la valeur théorique (14). La pneumocystose compliquant l'infection par le VIH relève classiquement (15, 16) d'une corticothérapie en plus du traitement anti-bactérien, avec un bénéfice en terme de mortalité à la phase aiguë et un moindre recours à la ventilation mécanique. À l'inverse, les observations laissent supposer que ce traitement pourrait ne pas être efficace dans les pneumocystoses survenant sur un autre terrain (17). Les recherches actuelles précisent que le mécanisme d'activation macrophagique dû à Pneumocystis carinii se fait à travers NF-kappaB (18). Signalons de plus que l'on peut retrouver sur le même terrain une tuberculose et qu'on a rapporté des cas où elle était cliniquement prise pour une pneumocystose (19) ; une prescription de corticothérapie, en l'absence d'antituberculeux, peut alors entraîner des complications allant jusqu'au choc septique à Mycobacterium tuberculosis (20). La BOOP (bronchiolitis obliterans organizing pneumonia) est un syndrome caractérisé par une lésion inflammatoire péribronchique avec fibrose alvéolaire, de causes multiples (infectieuse par légionelle, chlamydia, CMV, post-radique, post transplantation médullaire, associé à certaines connectivites et certains cancers mais le plus souvent idiopathique). La sévérité de l'atteinte respiratoire est très variable mais elle justifie parfois une hospitalisation en réanimation. Le traitement repose sur une corticothérapie, la plus précoce possible, à la dose de 1 mg/kg/j pendant un mois, puis décroissance progressive sur un an. Au cours de la tuberculose, l'intérêt de la corticothérapie semble dépendre du site anatomique infecté (21) : elle diminue le nombre de décès et de séquelles dans les méningites tuberculeuses (22), ainsi que le nombre de complications dans les localisations péritonéales (23), elle accélère l'amélioration clinique dans la pleurésie (24), diminue le nombre de décès et le recours à la chirurgie dans les atteintes du péricarde (25, 26), améliore la sensibilité aux anti-tuberculeux (27) et elle semble très utile dans les miliaires. Les localisations osseuses, rénales et ganglionnaires ne sont pas des indications au traitement. La posologie est de 60 à 80 mg/j pendant 15 jours, suivie d'une décroissance progressive. Dans la prise en charge des traumatismes crâniens et médullaires, la place de la corticothérapie est toujours discutée (28, 29). Une étude internationale randomisée en double aveugle, l'essai CRASH (Corticosteroid Randomisation After Significant Head Injury, www.crash.lshtm.ac.uk), a été mis en route pour déterminer les effets de 48 heures d'administration de corticoïdes intraveineux contre placebo sur la mortalité et les séquelles neurologiques chez des traumatisés crâniens adultes avec altération de la conscience. Cette étude a recruté à ce jour plus de 7 000 patients et devrait pouvoir statuer sur cette indication. De nombreuses pathologies auto-immunes traitées par corticoïdes comme la myasthénie (30) peuvent, à l'occasion d'une décompensation, être prises en charge en réanimation. Une méta analyse (31) a regroupé les différents essais contrôlés et randomisés qui ont étudié l'efficacité des corticoïdes donnés en pré-extubation, sans mettre en évidence de diminution du nombre de ré-intubations. Le choc septique est une pathologie classique de la réanimation, que ce soit comme motif d'admission ou comme complication de tout état infectieux. Les données françaises pour l'année 2000 (32) ont rapporté 9,7 chocs septiques pour 100 admissions en réanimation, avec un taux de mortalité de 55,9 % pour ces patients. L'importance de ces chiffres fait comprendre la motivation des médecins confrontés à cette pathologie à trouver des traitements complémentaires à l'antibiothérapie et aux catécholamines. Les corticoïdes ont été étudiés depuis 1963 (33) dans le choc septique. Les premiers essais avaient en commun l'utilisation de fortes doses (en général 30 mg/kg par prise) sur une durée très courte (en général 1 ou 3 jours). Sur 9 études (33-41) prospectives, randomisées et contrôlées, dont 5 en double aveugle, une seule a rapporté un bénéfice au traitement (35). Deux méta-analyses (42, 43) regroupant ces études confirment l'absence de bénéfice d'une corticothérapie à dose élevée. L'idée de ce protocole court à forte posologie a donc été, à juste titre, abandonnée. Deux nouveaux concepts ont relancé la recherche sur cette indication des corticoïdes. Le premier est l'idée que le choc septique est associé à une insuffisance surrénalienne relative. Les mécanismes évoqués sont multiples (44) : destruction hémorragiques des surrénales, bas débit surrénalien, épuisement après l'état de stress prolongé que constitue l'état de choc, rétrocontrôle négatif par certaines cytokines, effets médicamenteux (étomidate, kétoconazole, phénobarbital, phénytoïne). Cet état se compliquerait d'une résistance périphérique aux corticoïdes, de mécanisme encore mal compris. Certaines cytokines pourraient stimuler leur dégradation locale en métabolites inactifs et diminuer le nombre de leurs récepteurs. Le deuxième concept est l'idée d'une réelle synergie biologique entre corticoïdes et catécholamines (45). On a en effet pu observer que le gain hémodynamique de la corticothérapie dans le choc septique était plus marqué chez les patients traités par catécholamines depuis plus de 72 heures, par rapport à des traitements plus récents (46, 47). Un examen histologique du myocarde des patients décédés retrouvait une diminution nette de la densité tissulaire de récepteur bêta-adrénergiques après 72 heures de traitement par catécholamines sans corticoïdes, tandis que cette densité était plus proche de la normale, voir normalisée, chez les patients ayant également reçu des corticoïdes. C'est donc en s'opposant à la diminution progressive du nombre de leurs récepteurs que les corticoïdes pourraient potentialiser la réponse hémodynamique aux catécholamines. Prenant en compte ces nouvelles données, la recherche s'est portée sur une corticothérapie à doses « substitutives » pour une durée plus longue que ce qui avait été précédemment proposé. Les études ont été très nombreuses, d'une part pour établir la posologie efficace (52-55), d'autre part pour cibler la population pouvant en tirer bénéfice, c'est-àdire en fait établir une définition biologique de l'insuffisance surrénalienne relative (48-51). Les études prospectives, randomisées, contrôlées contre placebo en double aveugle (52-55) ont montré une amélioration significative de la survie dans les groupes traités. Les corticoïdes doivent être prescrits dans tout choc septique requérant un traitement par catécholamines, après prélèvement sanguin pour rechercher une insuffisance surrénalienne relative. Étant donné le réel bénéfice potentiel du traitement, on le débutera sans attendre les résultats biologiques et il sera secondairement arrêté en l'absence de preuve d'une insuffisance surrénalienne. Le diagnostic biologique d'insuffisance surrénalienne relative repose actuellement sur la réalisation d'un test au synacthène (250 μg d'ACTH exogène). On dose le cortisol juste avant l'injection (t0), puis une heure plus tard (t60). Quatre cas de figure se présentent (Tableau 1). Le protocole thérapeutique actuellement utilisé associe 200 mg/j d'hydrocortisone en quatre prises avec 50 μg/j de fludrocortisone pendant 7 jours. Un essai (CORTICUS) est en cours pour tester l'intérêt de l'hydrocortisone seule. Le syndrome de détresse respiratoire aiguë est une entité aux causes multiples qui associe des lésions de la barrière alvéolocapillaire avec augmentation de perméabilité à une importante réaction inflammatoire, tant pulmonaire que systémique. L'idée que le traitement puisse inclure un médicament anti-inflammatoire paraît donc naturelle. Ce traitement a été expérimenté très tôt, puisqu'une étude de 1967 rapportait déjà que 9 patients sur 12 souffrant d'un SDRA avaient été traité par corticoïdes (56). Depuis cette date, on connaît bien mieux la part inflammatoire du SDRA, et il a été démontré que, dans le cadre de cette pathologie, une élévation importante de la concentration de marqueurs inflammatoires (les cytokines TNF-alpha, IL-1 bêta, IL-6 et IL-8) était significativement corrélée avec une augmentation de la mortalité, que le dosage soit pratiqué dans le plasma (57) ou dans un LBA (58). Malgré l'ancienneté de cette indication et de nombreuses recherches, la place de la corticothérapie reste encore imparfaitement élucidée. Doit-on y avoir recours ? À quel stade de l'évolution de la maladie ? À quelle dose et pendant combien temps ? Même si une conduite à tenir précise n'a pas été établie, des réponses ont été apportées à certaines questions. Les études animales sont nombreuses. Presque toutes donnent, dans la limite de leur extrapolation à l'homme, des arguments en faveur du traitement du SDRA par corticoïdes. La plus récente (59) s'est intéressée au bénéfice de la corticothérapie (méthylprednisolone) chez le rat après un SDRA induit. Elle a rapporté un bénéfice au traitement tant sur les tests in vivo de mécanique respiratoire (élastance, résistance et pressions) que sur les tests in vitro post-mortem (notamment le degré de fibrose). Trois études prospectives, contrôlées et randomisées ont été réalisées dans les années 80. Toutes portaient sur des patients jugés à risque de SDRA. Le traitement testé était la méthylprednisolone à forte dose (30 mg/kg toutes les 6 heures), contre placebo. La durée de traitement était courte : 48 heures pour la première étude et 24 heures pour les deux autres. L'étude la plus ancienne (60) a porté sur 81 patients sous ventilation mécanique. Elle concluait à la survenue plus fréquente d'infections (p = 0,001) et de SDRA (p = 0,008) chez les patients traités. L'étude suivante (61) a porté sur 304 patients infectés. Elle retrouvait d'une part, une tendance (p = 0,1) à l'augmentation du nombre de SDRA chez les patients traités, d'autre part, une surmortalité significative chez les patients ayant développé un SDRA sous traitement par rapport au groupe placebo (p = 0,004). La dernière étude (41) a porté sur 75 patients en état de choc septique. Elle ne mettait en évidence aucune diffé- Étude chez le patient en phase aiguë de SDRA Une étude prospective, contrôlée et randomisée (62) a été menée à la même époque que les trois précédentes et a porté sur la phase aiguë du SDRA. Elle a regroupé 99 patients soufrant de SDRA de causes diverses. Le traitement proposé était le même que dans les études préventives : 24 heures de méthylprednisolone à 30 mg/kg toutes les 6 heures contre placebo. Elle n'a pas retrouvé de différence significative entre les deux groupes en terme de mortalité et de guérison. Les études s'intéressant au traitement précoce du SDRA en phase aiguë n'ayant pas retrouvé d'intérêt de la corticothérapie, il était logique de rechercher quelle pouvait être sa place dans la phase tardive de ce syndrome. Cette phase, dite « fibroproliférative », a en effet une forte composante inflammatoire à l'origine de l'emballement du processus de réparation tissulaire par les fibroblastes qui va aboutir à la fibrose pulmonaire. Dans une revue de la littérature (63) Dreyfuss et coll. ont répertorié 11 études descriptives de 1978 à 1998 concernant la corticothérapie en phase tardive de SDRA. Toutes utilisaient des doses plus faibles de méthylprednisolone (1 à 8 mg/kg/j pour la plupart), pour des durées de traitement prolongées (environ un mois), suivies d'une décroissance progressive. Dans tous les cas, les taux de survie étaient encourageants (70 % à 80 % en général) laissant supposer que les corticoïdes étaient efficaces dans cette indication précise. Toutes ont mentionné la difficulté du diagnostic d'entrée en phase fibroproliférative (définition histologique) et il avait fallu recourir fréquemment à une biopsie pulmonaire à thorax ouvert (64) . Une seule étude prospective, randomisée, contrôlée a pour l'instant abouti (65) . Elle portait sur 24 patients dont les critères d'entrée en phase tardive étaient simplifiés : pas de biopsie, mais une simple absence d'amélioration du score LIS (lung injury score) après 7 jours de SDRA. Le traitement reposait sur la méthylprednisolone (2 mg/kg en bolus, puis 2 mg/kg/j pendant 14 jours, puis 1 mg/kg/j pendant 7 jours, puis 0,5 mg/kg/j pendant 7 jours, puis arrêt sur quatre jours, soit 32 jours au total) et était évalué contre placebo. On avait retrouvé une corrélation significative entre la corticothérapie et une amélioration du score LIS (p < 0,001), une diminution du nombre de défaillances viscérales (p < 0,001) et une baisse de la mortalité en réanimation (p = 0,002) et à l'hôpital (p = 0,03). Cette étude a été très critiquée pour sa méthodologie (faible effectif, changement de groupe de la moitié du groupe placebo en cours d'étude et plus grande gravité clinique probable du groupe placebo). Une étude récente (66) a évalué, chez les patients survivants de SDRA, les séquelles respiratoires retrouvées à 3, 6 et 12 mois de la sortie de réanimation. Elle a mis en évidence que l'absence de corticothérapie générale pendant l'hospitalisation était significativement corrélée à une meilleure récupération fonctionnelle. Toutefois, le fait de n'avoir pas différencié les différents protocoles de corticothérapie utilisés rend ce résultat difficile à interpréter. Une étude prospective, randomisée, contrôlée, multicentrique, organisée par le NIH (National Institute of Health), concernant le traitement de la phase tardive du SDRA vient de se terminer aux États-Unis : 180 patients ont été inclus et les résultats seront connus dans quelques mois. On a cité plus haut l'intérêt des corticoïdes dans les méningites tuberculeuses. Leur usage à la phase aiguë des autres méningites bactériennes tend à se développer depuis un article paru en novembre 2002 dans le New England Journal of Medicine (67) . Les études réalisées chez l'animal ont montré que la lyse bactérienne induite par le traitement antibiotique était responsable d'une inflammation de l'espace sous-arachnoïdien, pouvant contribuer à l'aggravation de l'évolution. Ces études ont également montré que l'usage d'antiinflammatoires réduisait l'inflammation du LCR et les séquelles neurologiques. Toute méningite bactérienne aiguë avérée sur l'étude initiale du LCR peut être susceptible de bénéficier d'une corticothérapie. Cependant, en raison de son efficacité, on peut étendre les indications du traitement associant antibiotiques et corticoïdes qui peut être instauré avant la ponction lombaire chez tous les patients suspects de méningite et devant bénéficier d'un scanner cérébral avant la réalisation de la ponction (coma, oedème papillaire ou signe de localisation neurologique tel qu'une hémiparésie). Le protocole reconnu aujourd'hui consiste à débuter le traitement corticoïde au plus tard dans le quart d'heure précédant la mise en route des antibiotiques (voire au même moment que les antibiotiques, mais pas après). L'agent utilisé est la dexaméthasone, à la dose de 10 mg toutes les 6 heures pendant 4 jours, en intraveineux direct. Chez l'adulte, l'utilisation précoce de la dexaméthasone atténue les risques à la fois d'évolution défavorable et de décès, mais le traitement anti-inflammatoire n'a pas d'effet préventif des séquelles neurologiques (perte d'audition par exemple). Cette constatation pourrait s'expliquer par une survie plus importante des formes les plus graves dans le groupe traité par corticoïdes, ne permettant pas de conclure à une différence significative avec le groupe placebo. De plus, l'effet bénéfique semble plus important dans le cadre des méningites à pneumocoques (mais le sous-groupe des méningites à méningocoques était beaucoup plus faible dans cette étude). Il faut également préciser que ce traitement n'augmente pas le risque d'hémorragie digestive. On recommande actuellement d'administrer très précocement les corticoïdes en association à l'antibiothérapie dans tous les cas de méningite bactérienne aiguë de l'adulte, en raison de ses effets favorables sur l'évolution de la maladie. Le SARS (severe acute respiratory syndrome), infection pulmonaire à coronavirus (le SARS-CoV), a été au coeur de l'actualité au printemps 2003 et n'est cité ici que comme exemple des nouvelles indications controversées de corticothérapie qui risquent de poser problème dans l'avenir en pratique de réanimation. Le traitement par corticoïdes se basait sur l'idée qu'une inflammation pulmonaire participait largement à la physiopathologie de cette maladie. Depuis la fin de l'épidémie, des études (68-70) ont confirmé cette première impression en retrouvant chez les patients atteints des concentrations plasmatiques de cytokines proinflammatoires significativement plus élevées que dans une population témoin. Les taux d'IL-8 et de TNF-alpha, en particulier, mettaient plus d'un mois pour se normaliser après la sortie de l'hôpital. Les études descriptives réalisées sont parfois contradictoires mais sont globalement en faveur d'un intérêt de la corticothérapie (71, 72) et, dans le climat d'urgence épidémique, aucune étude prospective, randomisée et contrôlée n'a été réalisée. Le protocole de prise en charge de cette pathologie s'est généralement standardisé autour de l'association suivante : corticothérapie (méthylprednisolone), antibiothérapie (diverses combinaisons proposées), antiviraux (ribavirine), isolement et traitements symptomatiques appropriés à chaque cas. La posologie de corticoïdes finalement retenue (73) a été la suivante : méthylprednisolone 1 mg/kg/8 h IV pendant 5 jours, puis 1 mg/kg/12 h IV pendant 5 jours, puis 0,5 mg/kg/ 12 h PO pendant 5 jours, puis 0,5 mg/kg/24 h PO pendant 3 jours, puis 0,25 mg/kg/24 h PO pendant 3 jours, puis arrêt. En cas d'aggravation clinique, radiologique ou biologique, le protocole prévoyait un passage en corticothérapie « pulsée » : méthylprednisolone 500 mg/12 h IV pendant 48 h puis retour au protocole de base. Les corticoïdes sont une classe thérapeutique omniprésente en service de réanimation. Leur éventail d'indications classique s'enrichit de plusieurs sujets d'actualité : -le choc septique où ils doivent être prescrits en se basant sur le résultat d'un test au synacthène, pour palier l'insuffisance surrénalienne relative et améliorer la réponse aux catécholamines ; -la méningite bactérienne où ils servent à limiter l'inflammation sous-arachnoïdienne et doivent être débutés précocement, dans l'idéal 15 minutes avant l'antibiothérapie, et poursuivis pendant quatre jours ; -le SDRA où l'avenir est sans doute à une corticothérapie de longue durée chez les patients dont la pathologie évolue tardivement sur un mode fibroprolifératif. Les résultats de l'étude du NIH ne sont, à la date de la rédaction de cet article, pas encore connus. D'autres indications seront certainement proposées dans l'avenir, que ce soit pour des pathologies anciennes de réanimation ou pour de nouvelles affections d'apparition brutale comme dans l'exemple du SARS. Corticosteroid-binding globulin modulates cortisol concentration responses to a given production rate Corticosteroid-binding globulin influences kinetic parameters of plasma cortisol transport and clearance Methylprednisolone achieves greater concentrations in the lung than prednisolone. A pharmacokinetic analysis Early methylprednisolone treatment for septic syndrome and the adult respiratory distress syndrome High-dose corticosteroids in patients with the adult respiratory distress syndrome Au vu des études cliniques, quels sont les arguments pour l'efficacité des corticoïdes au cours du syndrome de détresse respiratoire aiguë ? Fibroproliferative phase of ARDS. Clinical findings and effects of corticosteroids Effect of prolonged methylprednisolone therapy in unresolving acute respiratory distress syndrome. A randomized controlled trial Canadian Critical Care Trials Group. One-year outcomes in survivors of the acute respiratory distress syndrome Dexamethasone in adults with bacterial meningitis Dynamic changes of plasma cytokine levels in patients with severe acute respiratory syndrome The relationship between serum interleukins and T-lymphocyte subsets in patients with severe acute respiratory syndrome Dynamic changes in blood cytokine levels as clinical indicators in severe acute respiratory syndrome High dose pulse versus non-pulse corticosteroid regimens in Severe Acute Respiratory Syndrome Retrospective analysis of the corticosteroids treatment on severe acute respiratory syndrome (SARS) Beijing Da Xue Xue Bao Development of a standard treatment protocol for severe acute respiratory syndrome