key: cord-0008720-nz7fuygg authors: nan title: Organisation de la réanimation en situation de pandémie de grippe aviaire date: 2007-11-09 journal: Med Mal Infect DOI: 10.1016/j.medmal.2007.09.005 sha: dfa1cf57009019ba66cf662a47057575250c2d8a doc_id: 8720 cord_uid: nz7fuygg nan En 1997, le premier cas d'infection par le virus H5N1 était décrit à Hong Kong, 18 cas ont été confirmés avec une origine tracée jusque dans la province de Fujian en Chine. Les cas suivants ont été individualisés à partir de 2003, de façon assez sporadique. En 2004, une série de dix cas au Vietnam a fait évoquer la possibilité d'une transmission interhumaine. Dans les mois qui suivirent, des cas ont été décrits en Asie du Sud-Est, Chine, Turquie, Iraq, Égypte… De façon parallèle, l'épizootie s'est, elle aussi, propagée précédant l'apparition de cas humain et ce, malgré une politique relativement agressive visant à éliminer les foyers individualisés. Au 10 septembre 2007, le nombre de cas total s'élève à 328 avec 200 décès, l'évolution du nombre de cas entre 2003 et 2007 témoignant surtout de l'extension de l'épizootie ( Fig. 1 ). L'évolution de l'épizootie et des cas humains sont disponibles sur le site de l'OMS (www.who.int). Au niveau international, la prise de conscience des dangers inhérents à cette pandémie fut rapide, ce d'autant que cette menace faisait suite à la pandémie de SRAS. En France, la réponse institutionnelle a été déclinée par l'élaboration d'un plan grippe aviaire. Le plan français de préparation à une pandémie aviaire comporte un guide pour l'organisation des soins (avril 2006, réactualisé en mars 2007). Le risque de pandémie a été intégré à d'autres catastrophes avec la rédaction des « plans blancs élargis » en septembre 2006. L'ensemble du dispositif a été adossé à une base législative avec la loi du 5 mars 2007 rela-tive à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur. Le guide pandémie grippale énonce des principes organisationnels des filières des patients grippés et non-grippés. Chaque région et chaque établissement de santé (ES) doit maintenant réfléchir à leur mise en oeuvre. Si la filière des patients médicaux pose déjà un certain nombre de problèmes pratiques pour la plupart des ES, l'accueil des patients relevant de la réanimation risque, lui, de devenir un souci majeur en raison d'une probable inadéquation entre le nombre de places disponibles et la quantité de patients nécessitant ces structures [1, 2] . Plusieurs études se sont intéressées au mode de présentation de la pathologie à partir des différents cas recensés dans la littérature. Les conclusions montrent que les patients atteints d'infection à H5N1 nécessitent, soit à l'admission, soit rapidement après celle-ci, le transfert dans une structure de réanimation [3, 4] . Sur la base de plusieurs modélisations, il a été estimé qu'il convenait de prévoir un doublement des capacités de réanimation. Pour ces raisons, la Direction de l'hospitalisation et de l'offre des soins (DHOS) a suscité une réflexion des sociétés savantes afin d'établir un cahier des charges de mise en oeuvre de l'organisation des services de réanimation en situation de pandémie grippale. Les recommandations suivantes sont issues de ce travail qui a regroupé la Société de réanimation de langue française, la Société de pathologie infectieuse de langue française, la Société de pneumologie de langue française, la Société française d'anesthésie-réanimation, le Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques, la Société française de médecine d'urgence et la Société française de néonatalogie. L'éventualité de l'apparition d'une pandémie de grippe aviaire pose la question de la préparation à un risque rare, mais avec des conséquences considérables. Les événements à basse probabilité sont souvent traités comme s'ils étaient impossibles. Il est de notre devoir, pour des situations difficiles qui arriveront un jour ou l'autre, d'espérer le mieux, mais de se préparer au pire. Par ailleurs, cette réflexion est extrapolable à d'autres situations que la pandémie grippale (risque nucléaire, crises sanitaires de grande ampleur…) Les éléments pris en compte pour cette réflexion sont dérivés de publications relatives à quelques rares expériences (le SRAS, notamment) et à des recommandations élaborées par d'autres pays. Par ailleurs, les données issues de modélisations épidémiologiques ont été intégrées. L'accès à la réanimation, comme la mise à disposition de vaccins ou des antiviraux, pose le problème de la répartition des ressources rares et soulève des questions éthiques délicates qui doivent être anticipées en prenant en compte les principes d'équité et de justice. Les données scientifiques disponibles et les simulations publiées suggèrent l'efficacité des mesures de prévention [5] qui devront clairement être prioritaires. Elle repose sur l'intégration de différentes interventions ayant comme point commun la nécessité d'établir des critères d'admission dans une structure de réanimation. Ces critères seront évolutifs en fonction de la phase pandémique et des ressources disponibles [6, 7] . Pour la clarté de l'exposé, nous appellerons les malades suspects de grippe « les patients grippés ». Les principes généraux, à préciser pour chaque groupe de patients, seraient : 1.1. Patients non-grippés déprogrammation (hors urgence) des patients ; prise en compte des urgences (triage spécifique des patients qui, à ce moment précis, peuvent être admis en réanimation). Les modalités d'admission en réanimation de ces patients non-grippés sont décidées, comme maintenant, de manière conjointe par le médecin référent du patient et le médecin réanimateur [8, 9] . Sélection en amont, avant l'hospitalisation autant que possible ou au SAU, par des médecins formés pour les grippés, ainsi que pour les malades proposés, mais ne présentant pas les critères d'admission ; décision de limitations ou d'arrêt de traitements actifs (LATA) pour les patients déjà hospitalisés en réanimation. Ainsi, les flux de patients et la charge thérapeutique en réanimation résulteront principalement de décisions en amont de l'hôpital (rôle de la médecine de ville, du Samu/Smur, premiers secours...), à l'admission en réanimation (tri effectué à l'entrée de l'hôpital) et enfin en réanimation (LATA, mutation dans des structures intermédiaires ou salle). La capacité d'admission en réanimation, secteur haute densité virale (HDV), dépendra de nombreux facteurs (cf. infra). Pour les patients ou les soignants se présentant avec un syndrome fébrile respiratoire, l'orientation se fera par défaut vers une filière HDV. Cela risque potentiellement de se faire au détriment de la personne elle-même si elle est atteinte d'une pathologie non grippale (exemple d'une pneumonie bactérienne classique), mais se justifie au regard de la collectivité pour préserver le secteur de base densité virale (BDV). Ce point reste à moduler et est susceptible d'évolution si des tests diagnostiques rapides, sensibles et spécifiques de grippe à virus H5N1 devenaient disponibles. Des principes généraux doivent être appliqués par l'ensemble des établissements pour organiser leurs filières de soins en situation de pandémie grippale. La mise en application de ces filières, par-delà les principes généraux, intégrera des données de structures locales et régionales. La multiplicité des situations possibles impose à la cellule de crise de chaque établissement d'adapter cette organisation en fonction des situations rencontrées. L'objectif en période de pandémie est que l'hôpital ne prenne en charge que les patients les plus graves. Les soins aux patients les moins gravement malades seront dispensés en dehors de l'hôpital. Les patients non-grippés dont le pronostic vital peut être engagé et qui ne présentent pas de symptômes de grippe doivent pouvoir être gérés et pris en charge sans risque d'être contaminés. Les principes généraux énoncés ci-dessous conditionnent l'organisation des soins à mettre en oeuvre au plan général et plus spécifiquement ici en réanimation. En situation de crise, l'objectif principal est que les ressources de l'hôpital, qui sont limitées, aillent au plus grand nombre de personnes afin de maximiser le bénéfice pour la collectivité. Concernant les soins de réanimation, l'hôpital doit donner la priorité à des soins qui répondent aux critères suivants : interventions qui, à dire d'experts, permettent d'améliorer la survie ; interventions peu consommatrices de ressources matérielles ou humaines [8, 9] . Concernant la « sélection » à l'admission en réanimation, en cas d'afflux massif de patients, il est généralement admis que les ressources disponibles doivent pouvoir bénéficier au plus grand nombre (principe éthique de l'utilitarisme), de patients, grippés ou non-grippés de façon équitable [10] . Ce processus de sélection (dénommé « triage » en médecine militaire ou de catastrophe) des patients doit reposer sur des principes nationaux en conformité avec les fondements éthiques de notre société [11] [12] [13] et avoir été réfléchi au niveau de l'hôpital. Ce triage doit notamment être effectué par des professionnels de santé expérimentés et sur des critères objectifs. Les critères d'aide à la décision devront avoir été validés par les professionnels (sociétés savantes) et des représentants de la société (décideurs, politiques, associations…) avec l'aide d'éthiciens et de sociologues. Quand les capacités traditionnelles d'accueil des patients graves sont dépassées, les soins de réanimation peuvent devoir être dispensés dans des locaux habituellement non prévus à cet effet, mais qui auront été identifiés au préalable. Les soins intensifs spécialisés (pneumologie, gastroentérologie et surtout cardiologie) prendront en charge les patients relevant de leur discipline, mais non-grippés. Les patients grippés relevant des soins intensifs seront orientés vers la réanimation HDV. Pour chaque pathologie, il faut considérer à la fois la densité virale et la gravité du patient. Les contraintes locales nécessitent donc une appropriation par chacun des ES. Des estimations des flux de patients ont été tirées des modélisations de l'IVS et, pour la réanimation, des CDC (FluSurge). Pour un taux d'attaque moyen de 25 % de la population, pendant deux vagues de dix semaines chacune, il est prévu plus de 15 millions de cas, environ 460 000 hospitalisations et 85 000 décès. Environ 15 % des hospitalisés pourraient nécessiter la réanimation dont la moitié la ventilation artificielle, soit respectivement près de 70 000 séjours et 35 000 patients sous ventilation artificielle. La prise en compte de ces simulations pourrait conduire à la proposition décrite dans le Tableau 1 et prenant en compte la gravité des patients, (absente, faible, moyenne ou élevée) et la suspicion ou non d'une grippe (relevant des secteurs HDV ou BDV). Les plans blancs permettent aux autorités d'organiser le système de soins afin de répondre à une crise sanitaire. Une annexe pandémie grippale y a été adjointe afin de répondre à la problématique de contagiosité (deux secteurs HDV et BDV dans les ES) et à une crise prolongée de plusieurs semaines ou mois. Ce plan prévoit qu'une cellule de crise supervise l'organisation de chaque ES. En situation de pandémie grippale, cette cellule de crise a pour mission : d'organiser les soins de l'établissement, d'assumer la communication interne et externe, d'assurer la fonction logistique de l'établissement, de veiller à la constitution d'une cellule d'aide à la décision médicale, de sécuriser l'hôpital par rapport à l'extérieur, mais aussi dans son enceinte afin de préserver l'intégrité des filières mises en place. Sur la base des simulations de l'InVS (et du modèle FluSurge pour la réanimation), chaque région devrait estimer les flux de patients et en envisager la répartition parmi les ES. Cette planification complexe devrait être coordonnée sous l'autorité des préfets des sept zones de défense. Dans l'immédiat, il est demandé aux ES d'envisager sur la base de la population de son territoire de santé, de l'offre de soins et de ses capacités de lits d'envisager les flux de patients qu'ils pourraient prendre en charge. Ces simulations locales devraient concerner les hypothèses actuellement retenues avec un taux d'attaque moyen de 25 %, une durée moyenne de séjour (DMS) d'environ dix jours, une évolution dans le temps en deux vagues avec environ un tiers des patients pendant la première s'étalant sur dix semaines, et deux tiers des patients pendant la seconde vague de durée analogue. La cinétique de l'épidémie devrait faire considérer trois niveaux successifs de montée en charge, avec 20 % de la population cible à accueillir immédiatement, 50 % en deux semaines et 100 % en cinq semaines. Pour la réanimation, les hypothèses déjà mentionnées devraient être appliquées à ces flux. Ainsi, au plan national, l'InVS estime que le nombre d'hospitalisations hebdomadaires pourrait être compris entre 3400 en début de pandémie à 65 000 au pic pandémique. Parmi ces hospitalisations, 15 % des patients pourraient nécessiter une admission en réanimation (dont 50 % avec ventilation artificielle). Cette simulation conduit à prévoir environ 10 000 admissions en réanimation sur une période de deux semaines avec environ 5000 patients sous ventilation mécanique. Selon l'estimation de la DHOS (auprès des ARH en Mars 2000), les capacités de réanimation adulte seraient de 5700 lits (dont près de 900 de réanimation neurochirurgicale et de chirurgie cardiaque) et celles de réanimation pédiatrique de 1064 lits (dont la moitié, néonatale). Les capacités de surveillance continue seraient d'environ 3500, des unités de soins intensifs de 2400 et des SSPI de plus de 10 000. Au pic de la pandémie (semaines 5-6), il a été estimé que le besoin supplémentaire de recours à la ventilation artificielle serait de l'ordre de 2500 à 7000 (selon la durée du séjour). C'est sur la base de ces simulations que le plan français a retenu l'objectif d'un doublement des capacités en réanimation. La durée d'hospitalisation pour les patients sous ventilation mécanique n'est pas connue ni modélisée. L'optimisation de l'utilisation des capacités de réanimation suppose que tout malade ne nécessitant plus de support respiratoire, hémodynami- Les unités de réanimation sont actuellement pratiquement occupées à 90-100 %, cela est encore plus vrai pour la réanimation pédiatrique. La régulation par les centres 15, en coordination avec les médecins de ville, jouera un rôle déterminant dans l'identification et l'orientation des pathologies, grippales ou non grippales, nécessitant une hospitalisation. L'établissement de circuits courts et sécurisés pour l'accès aux services hospitaliers, dans les secteurs HDV ou BDV, voire directement en réanimation après accord du réanimateur doit être recherché. Inévitablement, des patients se présenteront, sans régulation préhospitalière dans les hôpitaux. Un triage de ces patients doit donc être effectué à l'entrée de l'hôpital. Cette zone de tri est unique sécurisée, et gérée par des personnels expérimentés ayant une compétence en triage [9] . Les équipes doivent associer des médecins et des infirmiers d'accueil et d'orientation (IAO) ayant bénéficié d'une formation spécifique à la grippe aviaire et disposant d'algorithmes simples d'aide à la décision d'orientation vers la filière « grippe ». Les critères de triage utilisés devront inclure les formes atypiques, en particulier digestives et neurologiques. Par ailleurs, les patients les moins graves devront être réadressés vers la médecine de ville. Certains secteurs de soins programmés qui ne peuvent être interrompus (chimiothérapie, dialyse, transfusion) organiseront par téléphone les convocations de leurs patients pour éviter leur passage par les urgences et le risque de potentielle contamination. Ces secteurs se doivent de rester le plus longtemps possible à BDV. Quand un patient, qui s'est présenté à l'accueil de l'hôpital, a des critères de gravité nécessitant une hospitalisation en réanimation, le réanimateur de l'unité concernée (haute ou basse densité virale) est contacté. Il ne se déplace pour prendre en charge le patient que si des contraintes de compétence, de temps ou de difficultés éthiques d'admission en réanimation se posent aux médecins urgentistes (nécessité d'élaborer des critères simples d'admission en réanimation). Dans le cas contraire, le patient est rapidement acheminé vers sa zone de prise en charge en réanimation via un circuit sécurisé. D'autres modes d'organisations sont envisageables en fonction des contraintes locales de chaque ES. Ces principes généraux ont pour but de guider la réflexion. Outre la réorganisation en secteurs HDV et BDV, chaque hôpital devra déterminer des zones d'arrêt d'activité (ZAA ou Z2A). Les zones HDV sont destinées à accueillir les patients grippés. L'organisation et les précautions prises pour les patients et le personnel se fondent sur l'hypothèse que tous les patients qui s'y trouvent sont grippés. Les zones BDV sont destinées à accueillir des patients sans symptôme de grippe. En situation de pandémie, cette zone ne peut être totalement exempte de risque grippal. C'est la raison pour laquelle, elle est appelée « basse densité virale ». Cette zone comporte des activités qui doivent être protégées : USIC, dialyse, obstétrique, chirurgie urgente… Aucune règle générale ne peut être donnée concernant la sectorisation par service, étage, bâtiment ou hôpital. Cette répartition sera fonction de la configuration des lieux propre à chaque structure hospitalière et devra donc être fixée localement. Dans chacun des secteurs, il doit y avoir des lits de surveillance continue, et des lits d'hospitalisation classique. Les Z2A sont des zones où les activités hospitalières seront arrêtées progressivement (voir paragraphe déprogrammation). Les personnels paramédicaux et médicaux seront redéployés vers des zones à HDV et BDV. Il est recommandé de réserver ces lits pour créer des secteurs d'hébergement pour les personnels qui seraient conduits à rester à l'hôpital. Le circuit des patients grippés et non-grippés doit faire l'objet d'un plan de circulation sous forme d'un document et d'une signalétique spécifique au sein de l'hôpital. Cette dernière sera au mieux en cohérence à l'échelon national (logos, expressions, couleurs…), ce qui permettra aux médias principaux (télévision, radio) de préparer le public à leur reconnaissance avant même qu'il ne soit arrivé à l'hôpital. Concernant les patients de réanimation, leur déplacement est limité au maximum notamment pour les patients grippés. Au mieux, les services d'imagerie, ainsi que leurs personnels seront sectorisés en haute et basse densité virale. À défaut de pouvoir sectoriser les services prestataires d'examens complémentaires, il convient de réserver des plages horaires aux patients grippés et non-grippés, en assurant un nettoyage et une décontamination adaptés entre ces deux périodes. Le circuit des visiteurs est sectorisé et fait l'objet d'une signalétique particulière. La présence du public, au sein de l'hôpital, est limitée au strict minimum, y compris en réanimation. Les simulations « pandémie » dont on dispose, tant en France qu'à l'étranger, impliquent (même si le principe de base est de garder à domicile les patients grippés sans signe de gravité) le redéploiement du maximum de moyens hospitaliers, humains, structurels et d'équipements vers la prise en charge des malades infectés. La déprogrammation de certaines activités est donc déterminante. Une réflexion a aussi été engagée sur les sorties anticipées de patients hospitalisés qui sont de nature à libérer rapidement un nombre substantiel de lits. Cette disposition a été utilisée (et est prévue) dans le cadre des plans blancs. Les principes et critères des hospitalisations pouvant, sans risque ni préjudice notable, être différées de 10 à 12 semaines, restent à préciser. Un travail important reste à faire sous l'égide des pouvoirs publics avec la collaboration des « sociétés savantes ». Il conviendra en particulier de garantir l'homogénéité et la cohérence des décisions pour chaque spécialité et entre les différentes spécialités. La pertinence des moyens ainsi redéployables devra également être prise en compte au regard des besoins en situation de pandémie. Enfin, une information des personnes concernées devra être organisée en amont de la survenue d'une pandémie. Pour les patients non-grippés, le recours à des investigations, soins ou surveillance ne pouvant être reportés, qu'ils soient urgents ou programmés, mais non différables, impliquera une anticipation et une organisation précises. En particulier, des critères préétablis devront être connus des personnels effectuant le triage et, pour les admissions programmées, un entretien téléphonique préalable devrait permettre de s'assurer que le patient n'est pas « grippé » et qu'il peut donc être admis en secteur BDV. Pour la réanimation, c'est -a priori -la déprogrammation de certaines activités chirurgicales qui serait de nature à réduire l'activité de réanimation BDV et de récupérer ainsi des capacités de réanimation, SSPI et d'anesthésiologie. Sur la base d'expériences de catastrophes sanitaires et d'épidémies, des principes d'organisation de la réanimation ont été proposés [10, 14] . Si l'hôpital ne dispose pas de service de réanimation, le transfert des patients nécessitant une réanimation est prévu et organisé. Chaque hôpital, en fonction des estimations de patients à prendre en charge, doit avoir prévu un plan progressif de recrutement de lits de réanimation : immédiatement mobilisables (prise oxygène, air, scopes, ventilateurs) ou potentiellement mobilisables (après redéploiement des locaux, du matériel et du personnel) compte tenu des déprogrammations. D'emblée, deux secteurs de réanimation doivent être mis en place (HDV et BDV). Ils sont physiquement séparés. Le personnel est affecté à un seul secteur et il ne doit pas y avoir d'échange de personnel entre ces deux secteurs. Le ratio nombre de lits de réanimation par nombre de lits de surveillance continue doit être de 2/1. Le recensement des respirateurs de l'hôpital et du personnel compétent en réanimation doit avoir été fait pour redéploiement des moyens techniques et humains selon les normes. Le recensement des respirateurs (de réanimation, de bloc opératoire, de transport) dans l'ensemble des structures hospitalières d'un territoire de santé ou d'une région doit être fait afin de pouvoir les redéployer dans les secteurs de réanimation. Les patients admis en secteur HDV restent durant tout leur séjour en aigu dans le secteur grippé (soins intensifs, soins continus, puis soins standards). Néanmoins, pour ceux dont l'évolution a été favorable, la phase contagieuse commençant 48 heures avant les symptômes et persistant huit jours après au maximum, il peut être envisagé un passage dans le secteur BDV au terme de cette période. Des données suggérant que la ventilation non invasive (VNI), mais aussi l'oxygénothérapie au masque favoriseraient l'aérosolisation et le risque de transmission virale. Même si ce risque pour les personnels notamment, reste mal connu, il a paru raisonnable de déconseiller le recours à la VNI en période de pandémie. Le système de ventilation des locaux de réanimation HDV doit être revu avec l'équipe opérationnelle d'hygiène. Le tri des déchets doit être précisé. Les mesures de protections doivent être parfaitement codifiées dans les services HDV et tout particulièrement dans les services de réanimation. Des fiches mises à la disposition de tout le personnel, concernant les procédures de protection du personnel, complètent la formation théorique et pratique reçue auparavant. Les visites ne seront pas autorisées ou fortement limitées dans les secteurs HDV, mais aussi BDV afin de limiter le risque d'introduction de la grippe dans les secteurs BDV. Conscient du caractère humainement difficile de cette mesure, des communications par Webcam, réseau de télédiffusion ou communications téléphoniques entre les familles et les patients ou le personnel soignant pourraient être envisagées. Les services d'aval de la réanimation doivent être fléchés notamment pour les patients en secteur HDV qui resteront dans ce secteur de soins dans la mesure du possible. Les personnels sont dédiés aux secteurs HDV ou BDV. Il ne devrait pas y avoir d'échange de ces personnels entre les deux secteurs de réanimation (voir le chapitre répartition du personnel et les quotas de patients/personnel en situation de pandémie). La réorganisation en deux secteurs de réanimation HDV BDV prendra en compte les structures existantes, l'architecture et les contraintes locales. Cette nouvelle organisation doit intégrer plusieurs facteurs limitants : Il est estimé que 30 à 50 % du personnel ne seront pas au travail, soit du fait de la maladie elle-même, soit du fait des difficultés de transport ou de garde d'enfants. Étant donné que le plan national prévoit de doublement des capacités de réanimation, il faut envisager de faire appel à des infirmières sans compétence spécifique en réanimation, à la double condition d'un encadrement par une infirmière rompue aux techniques de réanimation et d'avoir bénéficié d'une courte formation-action. Le personnel médical devrait pouvoir faire face, pendant une courte période, à une augmentation du nombre de lits. Le personnel spécialisé peut réaliser les gestes spécifiques de réanimation (intubation, mise en place de voies veineuses centrales, mise en place de suppléance d'organes : ventilation artificielle, hémodialyse, prise en charge d'un état de choc). On peut imaginer l'aide de médecins non spécialistes en réanimation pour la réalisation des prescriptions et des suivis d'observation médicale. Il ne paraît pas raisonnable de proposer une formation courte de 24 heures à la réanimation, mais, en revanche et comme pour tout personnel, une formation aux règles d'hygiène en période épidémique est indispensable. Pour les personnels médicaux et non médicaux, il conviendra de prévoir le renfort par ceux qui ont eu une expérience relativement récente de réanimation. Cette disposition est prévue par la loi de mars 2007 instaurant le corps sanitaire de réserve. Il faut disposer de locaux équipés de fluides médicaux, de pièces suffisamment vastes. Il faut considérer le flux des malades de réanimation non atteints par la grippe. La gestion de ces malades est souvent oubliée dans les périodes de catastrophe (comme l'ont rappelé les événements survenus lors du cyclone Katrina et lors du tsunami récent). Dans chaque hôpital, le parc de respirateurs doit être évalué. Il est indispensable de disposer de respirateurs « haut de gamme », car certains patients risquent de souffrir de formes graves de détresse respiratoire (syndrome de détresse respiratoire aiguë). Le ratio respirateurs haut de gamme et moyen de gamme devrait se situer vers 1/1. Le nombre total de respirateurs doit être égal au nombre total de lits de réanimation ouverts. Ainsi, si la capacité d'une réanimation est multipliée par deux, il faut mobiliser des respirateurs d'autres services. Une réflexion ministérielle est en cours dans le but de compléter les parcs de respirateurs en fonction de l'existant (l'acquisition de 600 respirateurs est envisagée dès 2007). Les choix, la répartition et la localisation de ces nouveaux équipements devront prendre en compte l'homogénéité des parcs existants, ainsi que les projets de coordination régionale. Ces nouveaux équipements ne devraient pas être stockés, mais intégrés aux parcs des ES. Il faut que l'unité de réanimation dispose de systèmes d'aspiration clos, de dispositifs de monitorage et de stocks de consommables. S'il est souhaitable d'éviter de réaliser des aérosols (risque viral), en revanche, l'administration d'oxygène à fort débit au masque à haute concentration sera probablement nécessaire et impossible à éviter. L'ensemble de ces éléments incite à recommander pour les procédures à haut risque (intubation, fibroscopie bronchique…) le port d'un masque FFP3. Les masques FFP2 sont recommandés pour les soins courants. Les masques chirurgicaux sont destinés aux patients et ne doivent en aucun cas être utilisés pour la protection des personnels [15] . Si l'hôpital se dote de deux secteurs de réanimation HDV et BDV, il faut envisager un doublement des équipes afin d'assurer la permanence des soins sur place et limiter les mouvements de personnels au sein de l'hôpital. Il semble raisonnable de proposer, pour le personnel paramédical, le passage systématique en journées continues de 12 heures. Le fait d'avoir deux équipes de 12 heures plutôt que trois équipes de huit heures permet de limiter le nombre de transmissions et de réduire le nombre de jours où l'infirmière se déplace depuis son domicile. Si ce passage en journées de 12 heures paraît indispensable en réanimation et en surveillance continue, il semble important, pour les mêmes raisons, d'envisager les possibilités d'extension de cette mesure à l'ensemble de l'hôpital. Il s'agit du problème le plus difficile. La formation minimale du personnel médical et paramédical repose sur deux aspects : une formation infectieuse qui comprend : formation « pandémie » des personnels de santé (initiée par le ministère de la Santé et actuellement en cours de réalisation dans les ES) formation « PPE » (Personnal protective equipement : protection personnelle) Formation spécifique « éclair » qui sera à réaliser dès le début de la pandémie une formation réanimation : ventilation mécanique (réglages,…) ; abord des voies respiratoires ; urgences vitales, drogues cardiovasculaires ; monitorage minimal. La formation éclair est basée sur six éléments : le contrôle de l'environnement (aire de décontamination, habillage…) ; la protection individuelle ; l'hygiène des mains ; la gestion des prélèvements ; les gestes à risque ; les mesures de contrôle. La situation actuelle des ES se caractérise par un flux tendu des personnels avec un fort turn over et des difficultés de recrutement. Ce problème général est particulièrement significatif en réanimation en raison de sa haute technicité. Par ailleurs, les formations à l'intégration et continue, sont laissées à l'initiative des services. La marge de manoeuvre, pour faire face à un afflux de patients est donc quasi inexistante. Nos propositions de préparation à une pandémie supposent, dans les ES dotés de secteurs de réanimation, une centralisation de l'information, et l'identification de référents avec un niveau de formation élevée jouant le rôle de relais et mobilisables dès les premiers cas de transmission interhumaines. Nous croyons que cette organisation doit être anticipée au maximum et fortement impliquer les équipes de réanimation. Le redéploiement de ressources humaines vers la réanimation repose prioritairement sur une réaffectation des personnels des blocs opératoires et SSPI et des personnels ayant travaillé en réanimation depuis moins de trois ans. Le personnel non permanent sera affecté à des soins de base : mesure des constantes vitales, nursing, administration de médicaments hors sédation et traitements vasoactifs ou cardiotropes. Le taux d'encadrement minimum est d'une IDE de réanimation pour deux à trois IDE non de réanimation. Ces équipes soignantes mixtes doivent permettre de respecter le ratio soignants/patients d'une IDE pour deux patients, (il faut en effet intégrer la gravité attendue des patients, pour la plupart sous assistance respiratoire, avec parfois d'autres défaillances d'organe). Par ailleurs, les mesures de prévention de la transmission de la grippe induiront une augmentation de la charge de travail. Il pourrait être envisagé une délégation des taches IDE pour les AS travaillant déjà en réanimation. Une IDE référente sera uniquement dédiée au contrôle des mesures PPE pour le personnel médical et paramédical. Concernant les AS et les ASH, le risque de contamination est le plus élevé [16, 17] . Leur formation doit être complète, équivalente aux IDE. Ils sont responsables de l'environnement avec une attribution spécifique des surfaces et équipements à nettoyer. Dans ces conditions, le ratio d'une AS pour quatre patients devra être respecté. Comme pour les IDE, il sera envisagé des binômes, constitués d'un médecin réanimateur senior associé à un médecin non réanimateur, pour environ huit à dix patients. La répartition des taches sera : non-réanimateur : management général ; réanimateur : ventilation, voies aériennes, et coordination des non-réanimateurs Un poste sera dédié à l'aspect coordination-communication. Il est nécessaire avant la période pandémique d'obtenir une standardisation maximale de la prise en charge du patient de réanimation (protocoles écrits). Le corps médical de réserve pourrait comprendre : d'anciens réanimateurs, des urgentistes (si possible), des anesthésistes (arrêt des blocs programmés) et de « jeunes retraités ». Une réflexion sur l'articulation avec les structures privées semble souhaitable, car la déprogrammation permettra de libérer des postes d'anesthésistes-réanimateurs dans ces structures pouvant éventuellement être redéployés vers le secteur public. La pandémie est inscrite dans la durée. Il sera ainsi conseillé de ne pas réaliser plus de trois à quatre jours de travail consécutifs avec une durée quotidienne limitée à 12 heures pour l'ensemble des acteurs médicaux et de l'équipe soignante. Un support psychologique est à envisager dès le départ. (Sur ce point, voir aussi proposition sur le temps de travail IDE, chap. 2.2.6.) Si le profil épidémiologique de la grippe aviaire est analogue à celui de la grippe épidémique, les enfants devraient être massivement affectés. C'est en effet chez les enfants d'âge scolaire que le taux d'attaque de la grippe est le plus élevé. Les formes graves devraient affecter très majoritairement les jeunes enfants. C'est en effet dans la tranche d'âge 0-1 an que le risque d'hospitalisation est le plus élevé, classiquement équivalent à celui des adultes à risque [18] . En réanimation, dans l'enquête récente réalisée en Californie [19] , les enfants de moins de deux ans représentent 75 % des admissions [20] . C'est dans la tranche d'âge 0-6 mois (qui représente 25 % des admissions en réanimation pour grippe) que la mortalité est la plus élevée. La carence en lit de réanimation pédiatrique risque d'être encore plus marquée que pour les lits de réanimation adulte. Les enfants de plus de 20 kg peuvent être pris en charge dans le secteur adulte. Cela suppose de disposer de respirateurs mixtes utilisables pour les enfants. La réanimation pédiatrique pour les petits enfants est très spécifique. Il faudra donc mobiliser les secteurs de néonatalogie et les anesthésistes pédiatriques en SSPI, libérés par la déprogrammation d'activités chirurgicales. La répartition se caractérise par de fortes disparités régionales : les capacités d'admission (néonatal et pédiatrie) vont de 0 (Corse) à 15,7 (Guyane, Réunion) lits pour 100 000 enfants de moins de 15 ans. En France métropolitaine, la capacité va de 3,7 (Picardie) à 13,7 (Ile-de-France) lits pour 100 000 enfants de moins de 15 ans. À quelques exceptions près, les lits de réanimation pédiatrique sont localisés dans les villes de CHU. Cet objectif amène à discuter des places respectives de la réanimation néonatale et pédiatrique. Elle représente plus de la moitié des capacités de lits en réanimation et est actuellement essentiellement consacrée à la prise en charge des prématurés et notamment des « grands prématurés ». Rien ne permet de penser que cette activité diminuerait pendant la période pandémique. Toutefois, une réflexion éthique devrait être menée quant aux limites de prise en charge des pré-maturés de très petit poids de naissance dans une situation de « médecine de catastrophe ». La fragilité des prématurés vis-à-vis des infections et des maladies respiratoires fait que la logique voudrait que les unités de réanimation néonatale soient protégées et ne reçoivent pas d'enfants grippés. Cependant : des mères grippées vont accoucher, notamment de prématurés (du fait de la grippe) potentiellement contaminés ; le personnel sera susceptible d'introduire le virus grippal dans les unités ; dans les réanimations mixtes, néonatales et pédiatriques, il sera difficile de séparer les nourrissons et enfants, potentiellement grippés et les nouveau-nés. Les décrets de janvier 2006 avaient pour objectif de favoriser la séparation de ces deux types d'activité. Il conviendrait que les pouvoirs publics accélèrent l'application de ces décrets. Au total, il semble logique que les unités-services de réanimation néonatale exclusive restent dédiées à la prise en charge des nouveau-nés/prématurés, a priori non grippés. Dans un contexte de carence d'effectifs et de moyens liés à la pandémie, les pouvoirs publics pourraient décider de limiter l'accès aux soins des très grands prématurés. Les unités-services de réanimation mixte pourraient alors voir tout ou partie (si une séparation efficace, au sens hygiénique du terme peut être mise en place) de leur capacité en lits reconvertie en réanimation pédiatrique. Les médecins et le personnel sont a priori compétents pour s'occuper d'enfants plus grands, y compris dans la partie normalement dédiée à la réanimation néonatale puisqu'il s'agira de prendre en charge, pour l'essentiel des petits nourrissons présentant une pathologie respiratoire, familière aux néonatologues. Ce doublement pose des problèmes de locaux, de personnel et de matériel. Bien que la concentration des services de réanimation pédiatrique dans les villes de CHU pose problème en imposant des transferts, il n'est pas réaliste d'imaginer la création de novo d'unités de réanimation pédiatrique dans les hôpitaux qui en sont dépourvus. On ne voit pas en effet qui les ferait fonctionner. Si les pédiatres des hôpitaux généraux peuvent être utilisés en renfort de services de réanimation existants, on ne voit pas comment ils pourraient créer, mettre en place et faire fonctionner une activité qui ne leur est pas familière. Les problèmes de locaux devront être solutionnés en fonction des possibilités locales et la réflexion sur cette problématique doit être anticipée. Il conviendrait que dans un bref délai les établissements concernés réalisent des simulations de doublement de capacité. Les pistes pour aboutir à un doublement de capacité sont représentées par : l'augmentation des capacités existantes : ouverture de lits éventuellement fermés ou non ouverts, adjonction de pôles supplémentaires dans les salles techniques ou locaux adjacents aménageables actuellement dédiés à d'autres fins. Dans la mesure où, dans les réanimations ou zones de HDV, les malades seront tous infectés, il n'est pas choquant d'aggraver la promiscuité, par exemple en mettant deux nourrissons dans une chambre dont la surface le permet ; la transformation des lits de surveillance continue en lits de réanimation. Les décrets de janvier 2006 ont créé la surveillance continue pédiatrique. À ce jour, la création de ces lits de surveillance continue n'est qu'embryonnaire. Il conviendrait que les pouvoirs publics incitent les hôpitaux à créer rapidement ces lits de surveillance continue, sans attendre le délai des cinq années de mise aux normes ; l'utilisation des salles de réveil rendues disponibles grâce à la déprogrammation d'activités chirurgicales non urgentes. Une des difficultés sera la séparation entre zones de haute et de basse densité virale. Dans les villes où existent plusieurs unités-services de réanimation, il semble logique de dédier chaque unité, soit aux grippés, soit aux non grippés, par analogie avec le plan proposé pour les adultes. Lorsqu'il n'existe qu'une structure de réanimation pédiatrique, cette séparation sera plus délicate. On proposerait volontiers de dédier aux grippés les structures existantes et d'affecter les lits ouverts en dehors de l'unité à la prise en charge des non grippés. Les ratios médecins/malade, pour le jour et la nuit, retenus pour les services de réanimation adulte sont totalement transposables à la réanimation pédiatrique. Comme les services de réanimation adulte, la réanimation pédiatrique fonctionnera avec des permanents du service encadrant des juniors (internes) et des médecins extérieurs. La maquette du DES de pédiatrie comporte l'obligation d'effectuer au moins un semestre de néonatologie/réanimation néonatale et un semestre de réanimation pédiatrique. De ce fait, les chefs de clinique de pédiatrie, ainsi que les « jeunes praticiens hospitaliers » ont effectué, au cours de leur internat au moins deux semestres de réanimation. Un certain nombre d'entre eux participent d'ailleurs aux gardes de réanimation pédiatrique. Un certain nombre de ces médecins, libérés par l'arrêt des activités programmées pourra renforcer les services de réanimation pédiatriques, en commençant par ceux qui participent déjà aux gardes de réanimation. Les internes ayant effectué leurs deux semestres de réanimation (dont certains participent aux gardes de réanimation en tant que « seniors ») pourront également constituer un renfort, de même que les anesthésistes-réanimateurs des blocs opératoires pédiatriques, libérés par la déprogrammation. Dans les unités de réanimation mixtes, reconverties en réanimation pédiatrique, les médecins habituellement dédiés à la réanimation des nouveau-nés feront de la réanimation pédiatrique. Il s'agit là d'un point crucial. Les hôpitaux doivent répertorier les infirmières ayant travaillé en réanimation pédiatrique et affectées à d'autres services, lesquelles viendront en renfort du personnel existant. Comme pour les médecins, des personnels extérieurs au service et non formés spécifiquement à la réanimation pédiatrique pourront venir renforcer les équipes au sein desquelles elles devront être encadrées. Seront considérées comme prioritaires pour venir travailler en réanimation pédiatrique : les infirmières ayant une expérience en réanimation néonatale ; les infirmières ayant une expérience en réanimation adulte ; les infirmières travaillant en pédiatrie. Les hôpitaux devraient mettre en place des formations accélérées à la réanimation des infirmières de pédiatrie par une affectation par rotation pour une durée d'un mois dans les services de réanimation pédiatrique. Le doublement des capacités d'admission doit s'accompagner du doublement du matériel nécessaire à la prise en charge des malades. Les respirateurs qui seront acquis dans le cadre de la dotation spéciale devront tous être capables de ventiler des malades de la naissance à l'âge adulte. Une augmentation des syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est attendue dans les services de réanimation pédiatrique. L'oscillation haute fréquence est une technique volontiers utilisée pour le traitement des SDRA/ALI chez l'enfant. L'augmentation du parc de ce type de respirateur devrait être prévue dans le cadre de la dotation spéciale. On peut également s'interroger sur l'acquisition de dispositifs supplémentaires de délivrance de l'oxyde nitrique (NO). L'admission en service de réanimation adulte des enfants de plus de 20-25 kg est une option raisonnable. Toutefois, il convient de prendre conscience que ce type de malades ne représente actuellement pas plus de 25 % des admissions en réanimation pédiatrique et que cette tranche d'âge devrait être peu affectée par les formes graves de grippe aviaire. Il n'est donc pas certain que cette mesure ait une grande portée. De ce fait, la réanimation pédiatrique devrait aussi longtemps qu'elle le pourra prendre en charge les grands enfants. Ce n'est qu'à mesure de la progression de l'épidémie que sera envisagée l'admission de ces enfants dans des services de réanimation adulte, en commençant par les plus grands. On peut prévoir que les services de réanimation adulte prenant en charge des enfants puissent bénéficier d'un soutien des pédiatres de l'hôpital. Toutefois, ces pédiatres n'auront pas, pour la plupart, de compétences en réanimation, et les pédiatres ayant cette compétence étant prioritairement affectés en renfort de la réanimation pédiatrique. Concernant le personnel paramédical, il n'est pas nécessaire d'avoir des compétences pédiatriques pour prendre en charge des enfants de cet âge. Les dispositions envisagées par les États pour faire face à une pandémie de grippe aviaire soulèvent de multiples questions d'ordre éthique. En France, le DILGA (Délégué interministériel pour la lutte contre la grippe aviaire) a constitué un comité de pilotage dont l'objectif est d'identifier ces grandes questions afin d'engager une réflexion approfondie et de dégager des principes qui seraient soumis à une large concertation. Une analyse et une réflexion scientifique rigoureuses portant sur les projections épidémiologiques, l'impact sanitaire, les méthodes de prévention et de traitement sont des prérequis indispensables aux considérations éthiques [21] . Des organismes internationaux notamment l'OMS et l'ECDC (European Center for Disease Prevention Control) ont non seulement commencé à élaborer des recommandations sanitaires, mais se sont attachés à envisager les grands axes des réflexions éthiques que chaque pays devrait s'approprier. Les questions soulevées sont très diverses. Par exemple, les restrictions des libertés (quarantaine, isolement, cordon sanitaire), le risque de xénophobie ou de stigmatisation et d'exclusion (les pays ou groupes les plus vulnérables étant les plus à risque d'être atteints et de propager l'épidémie), la juste utilisation des ressources (en resituant le risque H5N1 dans le contexte des autres fléaux sanitaires, y compris au niveau mondial…). À ces questions de niveau international et national, s'ajoutent celles qui nous concerneront plus directement en tant que médecins et soignants en réanimation. Il s'agit tout particulièrement du devoir des soignants et du triage. La grippe est une maladie infectieuse parmi les plus contagieuses. Même si nous manquons de données, le risque pour les soignants doit être considéré comme important surtout dans l'hypothèse d'un virus aviaire à forte virulence. Les soignants pourraient alors légitimement faire valoir leurs devoirs envers eux-mêmes et leurs familles au regard de leurs devoirs de soins. Il faut rappeler que de nombreuses victimes du SRAS ont été des soignants et qu'à la fois des comportements héroïques ou de fuite ont été observés. Le triage (voir 1.2.2) a été mentionné et constituerait un défi majeur pour notre discipline. Même s'il est déjà pratiqué par les réanimateurs, à la fois à l'admission et dans le cadre des décisions de limitation ou d'arrêt des traitements, il repose sur le principe de bienfaisance individuel et a pour objectif d'éviter une obstination déraisonnable et de respecter l'autonomie de la personne. Le triage en situation de pandémie devrait reposer sur des principes différents privilégiant la collectivité et visant à maximiser le bénéfice attendu des ressources disponibles (conséquentialisme et utilitarisme). Il s'agira alors d'établir des priorités en fonction de la probabilité de succès de la réanimation, voire de critères tels que les « quantités » et « qualités » des vies qui seraient sauvées [8, 9, 11, 21] . Nous invitons les lecteurs à consulter les sites suivants : www.who.int/ethic/influenza-project/en/ ; www.ecdc.eu.int ; www.espace-ethique.org/fr/grippe.php. Ce document résulte d'un travail coopératif entre sept sociétés savantes, à la demande du ministère, pour répondre aux questions liées à l'organisation des services de réanimation en situation de pandémie grippale. Cette réflexion initialement destinée à faire face à la pandémie grippale nous semble ouvrir un cadre plus large et constituer une base permettant de faire face à une crise sanitaire de grande ampleur, notamment pour une maladie infectieuse à transmission par voie aérienne. À ce stade, et considérant la rareté des données disponibles et le nombre d'hypothèses générées, il ne peut s'agir que d'un rapport d'étape, nécessairement évolutif en fonction du retour des utilisateurs, de l'épidémiologie et de l'actualité. Nous pensons qu'il est de la responsabilité des professionnels, notamment des réanimateurs, de s'impliquer dans la planification des urgences sanitaires susceptibles de provoquer un afflux de patients graves [22] . Les aspects abordés sont basés sur la nécessité de répartir de façon juste des ressources rares comme la réanimation, afin d'améliorer le pronostic de survie à l'échelle de la population. Cela met en jeu une hiérarchie des priorités des soins, et la proposition d'une nouvelle répartition des ressources. Si les considérations éthiques sont toujours restées présentes dans la rédaction de ce document, il est évident qu'il a fallu prioriser le bénéfice collectif aux dépens de la bienfaisance individuelle. Dans le cas spécifique de notre pays, la réflexion sur la meilleure voie à trouver afin de garantir les principes éthiques au centre de nos valeurs et de nos pratiques doit se poursuivre. Cette prise de conscience fait partie des éléments établissant le lien social et devra associer dans cette réflexion, non seulement les professions soignantes, mais également des représentants de la société civile, des philosophes ou des spécialistes de la communication. L'élaboration d'un plan de préparation vis-à-vis d'une éventuelle pandémie grippale (et ses améliorations successives) semble un facteur décisif d'adhésion des citoyens et, à terme, d'optimisation des ressources disponibles. Il n'est pas exclu que cette réflexion ait des points communs avec d'autres, concernant la réanimation. Les choix de santé publique liés à la maîtrise des dépenses, au vieillissement de la population, à l'accroissement des pathologies chroniques et au progrès médical, poseront, inévitablement et de façon de plus en plus aiguë, la question de la bonne utilisation des ressources et ne pourront pas ne pas impacter la réanimation. Modelling the impact of an influenza pandemic on critical care services in England Clinical review: mass casualty triage -pandemic influenza and critical care The critically ill avian influenza A (H5N1) patient Avian influenza (H5N1): implications for intensive care A 'small-world-like' model for comparing interventions aimed at preventing and controlling influenza pandemics What hospitals should do to prepare for an influenza pandemic Hospital preparedness for pandemic influenza Concept of operations for tirage of mechanical ventilation in an epidemic Development of a triage protocol for critical care during an influenza pandemic Augmentation of hospital critical care capacity after bioterrorist attacks or epidemics: recommendations of the Working Group on Emergency Mass Critical Care Intensive care triage--the hardest rationing decision of them all Evaluation of triage decisions for intensive care admission Predictors of intensive care unit refusal in French intensive care units: a multiplecenter study Critical care and disaster management Protecting healthcare staff from severe acute respiratory syndrome: filtration capacity of multiple surgical masks SARS in three categories of hospital workers SARS transmission among hospital workers in Hong Kong The effect of influenza on hospitalizations, outpatient visits, and courses of antibiotics in children implications for immunization recommendations Influenza-associated deaths among children in the United States Pandemic triage: the ethical challenge Clinical Review: allocating ventilators during large-scale disasters -problems, planning, and process