key: cord-307568-9nxszm3u authors: Zagury, Daniel; Bouchard, Jean-Pierre title: Le psychiatre expert judiciaire et les auteurs d’homicides date: 2020-10-17 journal: Ann Med Psychol (Paris) DOI: 10.1016/j.amp.2020.09.008 sha: doc_id: 307568 cord_uid: 9nxszm3u The forensic psychiatric expertise of homicide perpetrators is a standard practice in criminal justice matters. Its validity relies heavily on the knowledge, professional experience and methodology of forensic psychiatrist experts. In the present interview, Daniel Zagury, an important figure of forensic psychiatric expertise in France, shares his clinical practice. In addition, he describes his experience with homicide perpetrators, particularly with serial killers and Islamic terrorist attackers on French soil. Finally, he addresses the recurring and crucial controversy of criminal responsibility, or the lack of it, in perpetrators. L'expertise psychiatrique des auteurs de crimes est systé matique en matiè re de justice pé nale. Sa validité repose en trè s grande partie sur les connaissances, l'expé rience professionnelle et la mé thodologie des experts psychiatres. Comme dans bien d'autres domaines, le retour d'expé rience clinique constitue une pré cieuse source de connaissances. Ces connaissances sont né cessaires à la compré hension de la dangerosité , à celles des auteurs de crimes ainsi qu'à leur é valuation [1, [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] 24, 25, 28, [31] [32] [33] 36, . Dans cet entretien, un grand nom de l'expertise psychiatrique en France, Daniel Zagury, fait partager sa pratique et sa conception de cet acte ultraclinique. Il y é voque é galement sa connaissance des auteurs d'homicides et plus particuliè rement celle des tueurs en sé rie et des auteurs d'attentats terroristes islamiques sur le sol français, avant d'aborder le problè me ancien et ré current des querelles entre experts psychiatres sur la question cruciale de la responsabilité ou de l'irresponsabilité pé nale des auteurs d'infractions. Daniel Zagury, 69 ans, psychiatre des hôpitaux, est retraité depuis le 30 juin 2019. Il a effectué son internat en psychiatrie de 1977 à 1981 dans les centres hospitaliers de Perray-Vaucluse et de Ville-Evrard. De ses deux derniè res anné es d'internat, dans le service du Docteur Jacques Chazaud à son dé part en retraite, il a travaillé à l'é tablissement public de santé Ville-Evrard (Secteur 93G11). En 1998, il a pris la chefferie de service, succé dant à son L'expertise psychiatrique des auteurs de crimes est systé matique en matiè re de justice pé nale. Sa validité repose en trè s grande partie sur les connaissances, l'expé rience professionnelle et la mé thodologie des experts psychiatres. Dans cet entretien, un grand nom de l'expertise psychiatrique en France, Daniel Zagury, fait partager sa pratique et sa conception de cet acte ultraclinique. Il y é voque é galement sa connaissance des auteurs d'homicides et plus particuliè rement celle des tueurs en sé rie et des auteurs d'attentats terroristes islamiques sur le sol français avant d'aborder le problè me ancien et ré current des querelles entre experts psychiatres sur la question cruciale de la responsabilité ou de l'irresponsabilité pé nale des auteurs d'infractions. C 2020 Publié par Elsevier Masson SAS. The forensic psychiatric expertise of homicide perpetrators is a standard practice in criminal justice matters. Its validity relies heavily on the knowledge, professional experience and methodology of forensic psychiatrist experts. In the present interview, Daniel Zagury, an important figure of forensic psychiatric expertise in France, shares his clinical practice. In addition, he describes his experience with homicide perpetrators, particularly with serial killers and Islamic terrorist attackers on French soil. Finally, he addresses the recurring and crucial controversy of criminal responsibility, or the lack of it, in perpetrators. C 2020 Published by Elsevier Masson SAS. Maître Jacques Chazaud, qui lui avait transmis la passion de la clinique et de la psychopathologie psychanalytique. À la fin de son internat, il a fait des vacations à la Maison d'arrêt de Bois-d'Arcy dans les Yvelines, expé rience qui a constitué le point de dé part de sa vocation mé dico-lé gale. Il est inscrit sur la liste des psychiatres experts de la cour d'Appel de Paris depuis 1987. Il a eu la chance de se voir confier des expertises importantes, lui donnant la possibilité de faire des travaux dans des domaines diversifié s (150 publications). Trè s marqué par l'enseignement de Paul Claude Racamier et par les é changes avec ce grand psychanalyste, qui ne considé rait pas la psychiatrie comme une maladie honteuse, il a puisé dans ses concepts pour explorer le champ mé dico-lé gal : l'auto-engendrement (parricide), le « systè me paranoïaque » (crime paranoïaque), le deuil originaire (crime passionnel), la perversion narcissique (crimes en sé rie), les dé gradé s de dé ni (né onaticides). Il a toujours dé fendu une conception ouverte et é clectique de la psychiatrie, dé testant le sectarisme. Daniel Zagury pré pare un livre sur l'é volution de la psychiatrie publique qu'il considè re massacré e par une conjonction de mé faits politiques, gestionnaires, é conomiques, idé ologiques. . . et par l'incapacité des psychiatres eux-mêmes à dé fendre les fondements humanistes irré ductibles de leur magnifique discipline. Il pense que la refondation de la psychiatrie passe par le combat contre la maladie bureaucratique et notamment par l'abrogation de la loi HPST (hôpital, patients, santé , territoires) du 21 juillet 2009, de la loi du 5 juillet 2011 ré gissant les hospitalisations et surtout par le ré tablissement d'une codirection restituant au chef de service le pouvoir fonctionnel dont on l'a dé pouillé . Il estime que le dé sastre bureaucratique français face à la crise de la COVID-19 a amplement dé montré la né cessité de mettre fin à une pé riode managé riale antihumaniste et mortifè re. 2.1. Jean-Pierre Bouchard : Vous êtes psychiatre expert dans le champ pe´nal inscrit sur la liste de la Cour d'Appel de Paris depuis 1987. Comment pouvez-vous caracte´riser votre e´volution ? Quel e´tat des lieux faites-vous de l'expertise psychiatrique pe´nale en France ? Daniel Zagury : Votre allusion à l'ancienneté de mon engagement dans l'expertise psychiatrique pé nale me donne l'occasion de faire le point sur mon parcours et je vous en remercie. Je ne suis pas de ceux qui idé alisent le passé . Nos aîné s pratiquaient l'expertise, pour le meilleur et pour le pire. Certains produisaient de vé ritables petits bijoux cliniques et d'autres faisaient de l'abattage industriel 1 . Nous é tions jeunes, l'âge où l'on veut « secouer le cocotier » et renouveler une pratique pré sumé e dé passé e. L'air du temps n'é tait pas à l'expertise, regardé e comme particuliè rement dé suè te, dans un aprè s-1968 dominé par le courant antipsychiatrique et la figure prestigieuse de Michel Foucault [59] . Comme beaucoup de ma gé né ration, j'ai é té particuliè rement critique à l'é gard de la psychiatrie lé gale, comme je l'ai clairement manifesté dans un chapitre de ma thè se soutenue en 1979 [39] . Mais il y avait é galement toute la force de la dé fense de la psychiatrie par l'immense Henri Ey. Nous avons collectivement cheminé entre passion de la clinique, critique antipsychiatrique et psychanalyse. Mon propre parcours va donc du rejet absolu, de l'exercice un peu honteux, à la dé fense et illustration d'une expertise renouvelé e. Un passage par la case prison a conforté mon inté rêt naissant. Trè s vite, j'ai é té passionné par l'exercice de la psychiatrie lé gale. Je tiens à relever que notre gé né ration a contribué à amé liorer l'image mé diatique de l'expert, qui jusque-là é tait quasi systé matiquement moqué dans les chroniques judiciaires. Pour ce qui me concerne, j'ai essayé de me garder d'être un « serial expert » dont j'avais observé quelques spé cimens chez nos aîné s. J'ai formulé ce né ologisme improvisé en 1994, lors d'un colloque pré sidé par Robert Badinter [43] . Cela m'a valu quelques inimitié s qui ne se sont jamais dé claré es ouvertement. Cela aurait constitué un aveu. Mais la formule a fait mouche, car elle ré pond, hé las, à une ré alité bien française. La pratique industrielle de l'expertise est même encouragé e par un dispositif qui privilé gie la quantité sur la qualité et la forme sur le fond. Appliquer à la lettre des textes bureaucratiques absurdes, c'est pervertir dé libé ré ment l'expertise. J'ai des exemples personnels sidé rants qui dé fient le bon sens, l'é quité , l'intelligence, la morale et la loyauté du contrat entre l'institution judiciaire et l'expert [68] . Être un artisan de l'expertise pé nale en refusant de faire de l'abattage, c'est, dans certains cas, être condamné à travailler à ses frais. L'é preuve collective de la COVID-19 a dramatiquement rappelé le poids de la bureaucratie sur le systè me de santé . Dans un autre registre, le dispositif de l'expertise pé nale en est une triste illustration. Si je pointe d'emblé e cette grave anomalie française, qui serait cocasse si elle n'avait tant de consé quences, ce n'est pas seulement pour dé noncer la faiblesse de la ré muné ration. S'ils veulent gagner de l'argent, tous les praticiens savent que c'est ailleurs qu'ils doivent se tourner. Mais de là à honorer d'autant moins l'expert qu'il travaille plus, il y a un pas que seuls Ubu Roi ou le Sapeur Camembert pourraient franchir allè grement [68] . L'inté rêt de beaucoup travailler et de ré cuser « l'expertisette » qui n'apprend rien, c'est que l'on vous confie des affaires importantes, en vous permettant de ré flé chir à de nouvelles formes d'expression clinique. C'est ce que j'ai tenté de faire. On me reproche parfois une absence de modestie, en confondant ma personne et la trè s haute idé e de la discipline psychiatrique que je dé fends. Ceux qui me connaissent rectifieront. Je le confesse : j'ai une grande estime pour nombre de mes collè gues, ceux qui passent de longues heures à chercher la bonne formulation susceptible de restituer le plus justement un processus psychique singulier. J'ai beaucoup de plaisir à les lire. Ceux-là sont mes semblables, mes confrè res. Les autres ne le sont pas, même si je respecte les formes, notamment aux Assises. Promouvoir l'expertise, c'est d'abord dé fendre une exigence et un respect pour notre spé cialité . C'est pourquoi je suis consterné par le dispositif français et par la mé diocrité de nos associations dans la dé fense de l'expertise. Il ne faut pas confondre revendications caté gorielles et respect de la tradition historique que nous incarnons. On ne peut pas prendre de la hauteur, si l'on dé tourne avec tartufferie son regard des aspects maté riels. Les jeunes psychiatres ne s'engagent pas dans l'expertise, pour toute une sé rie de raisons : mé diocrité des conditions d'exercice ; incertitude statutaire et fiscale ; surcharge hospitaliè re qui limite considé rablement toute autre activité ; absence de prestige universitaire ; impossibilité de mettre en place le tutorat qui permettrait d'encadrer les plus jeunes. . . Pourtant les internes sont trè s inté ressé s par la clinique expertale. Je dirige chaque anné e un sé minaire d'une trentaine de participants à l'hô pital Sainte-Anne. Ils dé couvrent les questions cliniques, psychopathologiques et socié tales soulevé es par chaque expertise. Ils sont trè s attiré s, mais pratiquement personne ne s'oriente vers l'expertise pé nale. Il y a trop d'obstacles et trop peu d'incitation. Ces derniè res anné es, deux facteurs ont contribué à aggraver la situation de l'expertise pé nale. C'est d'abord l'é volution des textes lé gislatifs avec la multiplication des demandes d'expertise pré -et post-sentencielles [65] . C'est, ensuite, la confusion abusive de l'expertise et de l'examen en garde à vue, souvent si important pour l'orientation vers le soin [55] . Cette double inflation de la demande dans un contexte de restriction budgé taire a eu des effets dé lé tè res, car les budgets globaux ne sont pas indé finiment extensibles. L'expertise devient trop souvent une piè ce formelle, au contenu mé diocre, qui appelle contre-expertise, voire sur-expertise, permettant de vé rifier cette rè gle de la bureaucratie : n'avoir pour seule boussole que la maîtrise budgé taire engendre la gabegie et la perte de sens. Je suis d'autant plus sensible à cette dimension que j'ai, trè s vite dans ma pratique, é tabli un contrat tacite avec les magistrats qui me sollicitaient pour « une vraie expertise », dans des affaires importantes : je m'engageais à é tablir un travail trè s approfondi, à la condition qu'il soit tenu compte du temps passé . Je tiens à pré ciser que mes pré tentions ont toujours é té trè s modestes, du niveau d'une expertise civile de difficulté moyenne. Mais au moins m'a-t-on permis de ne pas travailler des dizaines d'heures à mes frais. Cela m'a permis d'explorer des champs cliniques passionnants et de publier des é tudes sur le parricide [41, 48] , les crimes paranoïaques [40, 47] , les crimes que l'on dit passionnels [60, 71] , les crimes de sexe [42, 45, 53, 64] , les né onaticides [63, 69] , les crimes en sé rie [52, 58, 64] , les gé nocidaires [66, 69] , les terroristes [67, 69, 70] . . . et de ré flé chir sur la dé marche expertale [34, 46, 59] ou de me dé gager de l'immé diateté clinique, pour aborder des questions plus gé né rales comme la banalité du mal, sous l'angle de notre discipline [69] . Je suis trè s heureux et trè s reconnaissant que l'on m'ait offert cette opportunité , malheureusement aujourd'hui peu accessible aux plus jeunes. Quelque chose m'avait frappé quand je dé butais dans l'expertise, encadré par de plus anciens : la qualité clinique de leurs rapports é tait indé pendante de leurs orientations et de leurs pré fé rences doctrinales. Au-delà des divergences, l'expertise permettait d'exprimer ce qui nous est commun à tous, au moins en idé al : la passion de la clinique. C'est pourquoi j'ai aimé travailler avec des collè gues de tous horizons. Critiquer un rapport parce qu'il a é té ré digé par un clinicien d'orientation psychanalytique, comportementaliste ou neuroscientifique, me semble à la fois sectaire et absurde. L'expertise est bonne ou mauvaise, selon qu'elle ré pond valablement ou non aux questions posé es. Mais la finesse clinique est-elle encore notre dé nominateur commun ? Il me semble que l'on voit apparaître un nouveau type d'expertise, aux idé aux de rigueur scientifique, qui multiplie les ré fé rences de bas de page, qui limite son objectif au repé rage nosographique et classificatoire. C'est la version new-look et sophistiqué e d'une tendance trè s ancienne à restreindre l'expertise à l'é limination d'une pathologie alié nante, le reste é tant supposé é chapper à notre pertinence. Ayant fait quelques examens en Suisse, où la pression et la critique sur l'expert sont trè s fortes, j'ai cru pouvoir repé rer un tel risque de conception acadé mique de l'expertise. Situer le sujet expertisé dans les classifications internationales, en dehors des cas trè s minoritaires de pathologie alié nante avé ré e, ne repré sente qu'une faible partie de la question. Comment ce fils en est-il venu à tuer son grand-pè re avec la complicité de sa mè re ? Comment cette femme a-t-elle cherché à empoisonner son mari, avec l'aide de son amant de passage ? Il est surprenant d'observer des rapports trè s sé rieux et circonstancié s, de vé ritables pavé s, inattaquables sur le plan dé ontologique et scientifique, avec des pages et des pages sur la place des troubles dans les classifications internationales. . . mais qui esquivent les dimensions relationnelle et psychodynamique, estimé es probablement peu rigoureuses et trop hypothé tiques. C'est dommage, car le fait de savoir que cette femme pré sente une psychose bipolaire de type II n'é claire pas complè tement son geste. Toutes les femmes pré sentant une psychose bipolaire de type II ne cherchent pas à tuer leur mari ! On retombe dans le piè ge de l'expertise restrictive. L'expertise doit être rigoureuse dans l'approche diagnostique, mais elle ne peut esquiver la dimension psychopathologique et psychodynamique. C'est d'ailleurs ce qui fait tout son inté rêt, quelles que soient les ré fé rences du clinicien. La discussion mé dico-lé gale met en relation un é tat mental avec une infraction. Elle sort donc né cessairement du seul cadre « scientifique », pour aborder la « clinique de l'acte ». J'ai essayé de montrer, dans mon livre sur la banalité du mal en psychiatrie [69] , combien é tait importante, au-delà du repé rage structurel, la saisie des é tapes successives, des processus qui mè nent de proche en proche le sujet au bord du passage à l'acte. Que cette conception extensive de l'expertise exige prudence et circonspection, c'est un fait. Qu'il faille en permanence distinguer les registres en est un autre : sé miologie ; diagnostic ; caracté rologie ; psychopathologie ; approche psychodynamique ; discussion mé dico-lé gale [59] . . . Mais amputer nos é clairages de cette dimension me paraît impensable. Que l'on se ré fè re à la dé marche phé nomé nologique, psychanalytique ou neuroscientifique ou, pourquoi pas, aux trois, on ne peut é chapper à cette pé dagogie de la complexité inhé rente à la position même d'expert psychiatre, auquel on demande d'é clairer la Cour sur ce passage à l'acte-là , commis par cet homme-là , dans ce contexte-là . Sous couvert de ne pas sortir de notre champ, on finit par ne plus rien dire. L'essence même de l'expertise, c'est la mise en relation d'un é tat psychique particulier et d'un acte singulier commis par une personnalité à nulle autre superposable. C'est un dé fi passionnant, à chaque fois renouvelé . Ces quelques considé rations gé né rales sur l'é tat des lieux de l'expertise pé nale ne doivent pas nous faire oublier qu'il y a beaucoup de bons experts consciencieux, sé rieux et compé tents, d'orientations diversifié es, mais de clinique rigoureuse. L'alliance historique entre Tribunal et Hôpital a encore quelques restes. C'est notamment pour eux et pour les plus jeunes collè gues, qu'il convient de restaurer l'expertise pé nale française [68] . J'insiste sur ce point : amé liorer l'expertise n'implique pas né cessairement d'inflation budgé taire. La maladie bureaucratique, c'est la multiplication des piè ces formelles, inutiles et coû teuses, au contenu clinique indigent, à fonction exclusive d'alibi et d'ouverture de parapluie. Comment revivifier l'expertise psychiatrique pé nale ? Les propositions des associations de magistrats, d'avocats et d'experts, sont largement congruentes : Moins d'expertises inutiles, commandé es seulement pour la forme, mieux d'expertise ; Maintien du statut de collaborateur occasionnel du service public, é largi aux praticiens libé raux et aux retraité s ; Revalorisation des honoraires ; Possibilité de faire un devis quand la complexité l'exige, conformé ment au bon sens é lé mentaire et aux usages dans les autres pays de niveau comparable ; En retour, exigence accrue des magistrats quand les rapports sont insuffisants ; En garde à vue, distinction du certificat dé taillé et de l'expertise ulté rieure, quand elle s'avè re né cessaire [55] ; Prise en compte des prestations aux Assises, aujourd'hui ré compensé es d'un misé rable pourboire ; Encadrement et tutorat pour les jeunes psychiatres inté ressé s par l'expertise pé nale. Ils sont potentiellement nombreux. Ne gâchons pas cette chance ; Prise en compte de l'avis de la profession pour l'inscription et le maintien des experts sur la liste. . . Mais l'heure n'est plus aux constats. Il faut aujourd'hui que, par le biais de leurs associations professionnelles respectives, les magistrats qui ont pris la mesure du dé sastre, les avocats pé nalistes, les psychiatres et les psychologues [14] exigent à l'unisson cette refondation, pour é viter le fatalisme de la mé diocrité , dans un pays où l'histoire de la psychiatrie lé gale fut si prestigieuse. 2.2. Jean-Pierre Bouchard : Qui sont cliniquement les tueurs en se´rie en France ? Daniel Zagury : Je ne reviendrai pas ici sur le traumatisme personnel qui m'a amené à m'inté resser à la question des tueurs en sé rie. Je m'en suis dé jà expliqué [52] . À propos d'un criminel bien singulier, j'avais é té frappé par l'aspect bé tasson des querelles d'experts psychiatres. Les uns disaient : « c'est un schizophrè ne » et les autres ré pliquaient, « c'est un psychopathe pervers ». S'est imposé e à moi la né cessité d'é laborer une approche plus fine que cette division maniché enne entre deux diagnostics ré ducteurs. J'ai commencé à poser les jalons d'un modè le clinique, certes plus complexe, mais plus proche de la vé rité de ces individus hors norme. Par la suite, il m'a é té donné d'expertiser une quinzaine de tueurs en sé rie français. Pour faire simple, je dirais qu'il y a toujours chez eux de la psychopathie, de la perversion et de la psychose. C'est la pesé e relative de chaque pô le qui diffè re. Mon modè le gé né ral s'articule donc autour d'un tripô le à pondé ration variable centré sur un clivage du Moi [52] . On peut dé cliner en fonction de ce modè le : Un petit nombre de sujets dont les actes criminels sont essentiellement en rapport avec le processus psychotique, quand le clivage ne peut plus contenir la bé ance hé morragique dissociative ; Ceux dont le mode de vie effré né e emprunte avant tout à la psychopathie, tels Guy Georges ou Patrice Alè gre ; Ceux dont le verrouillage dé fensif s'abreuve de perversité (Michel Fourniret). En France, il y a cinq grandes caté gories de tueurs en sé rie masculins : Les vagabonds itiné rants, de Joseph Vacher à la fin du XIX e siè cle [34] , à Francis Heaulme, surnommé « le routard du crime » ; Les tueurs en sé rie qui commettent des crimes sexuels, que je pré fè re nommer des crimes de sexe, car ce n'est pas la sexualité qui tue : Guy Georges, Patrice Alè gre, Pierre Chanal, Michel Fourniret, Jacques Plumain. . . ; Les tueurs en sé rie pseudo-utilitaires, dont les victimes sont vulné rables du fait de la situation gé né rale du pays (Landru, Petiot) ou de la faiblesse physique due à l'âge (Thierry Paulin, Claude Lastenet). Chez eux, l'é tape utilitaire peut être dé passé e, quelque chose d'autre apparaissant avec l'é prouvé subjuguant du premier crime ; Les soignants, qui sous couvert d'euthanasie, laissent libre cours à leur toute-puissante destructivité . Enfin, quelques malades mentaux dont les actes criminels ré pondent essentiellement au processus psychotique. Ils sont gé né ralement assez vite appré hendé s et sont les seuls qui peuvent se rendre spontané ment à la police. Il est fondamental de noter la grande diversité des tueurs en sé rie : Il y a ceux qui sont intellectuellement trè s modestes (Francis Heaulme) et ceux dont l'intelligence est normale (Patrice Alè gre) ou supé rieure (Michel Fourniret) ; ceux dont les mobiles sont mysté rieux, à leur propre compré hension (Guy Georges, Patrice Alè gre) ; ceux qui agissent au nom du mal ou d'une valeur comme la pureté (Michel Fourniret) ; Ceux qui s'attaquent à des jeunes femmes (Guy Georges, Patrice Alè gre) ; à des fillettes ou pré adolescentes (Michel Fourniret) ; à des jeunes hommes (Pierre Chanal) ; à des femmes âgé es (Thierry Paulin, Claude Lastenet) ; Ceux qui n'é laborent aucun scé nario, dont la destructivité est exclusivement agie (Guy Georges, Patrice Alè gre) et ceux qui mettent en action un fantasme scé narisé (Michel Fourniret) ; Ceux que les policiers amé ricains ont qualifié s d'organisé s, qui planifient leurs crimes, et ceux qui les improvisent sans prendre de pré caution, quand la vague dé lirante les envahit, qualifié s de dé sorganisé s ; Enfin, ceux qui balbutient honteusement, par bribes, le ré cit de leurs crimes et ceux qui en donnent tous les dé tails, dé voilant leur univers mortifè re et provoquant la nausé e de la Cour d'Assises. Dè s lors, est-il bien lé gitime de regrouper des criminels si dissemblables au sein d'une même caté gorie ? À mon sens, la ré ponse est indiscutablement oui, pour trois ordres de raisons : D'abord, le spectre des personnalité s impliqué es dans les crimes en sé rie est bien plus é troit que celui des sujets qui commettent un seul crime. Il est donc naturel de s'attendre à retrouver des configurations spé cifiques : Ensuite, l'analyse clinique met quasiment toujours en é vidence ce que j'ai nommé tripô le à pondé ration variable autour d'un clivage. C'est ce mur interne, quasi é tanche, qui protè ge le sujet contre l'envahissement par l'angoisse de né antisation, mais qui le coupe de ses sources profondes. C'est ce qui fascine tant chez le tueur en sé rie, lui confé rant une allure de pseudo-normalité ; Enfin et surtout, comme en té moigne l'inspiration de Ressler [35] , inventeur du terme, l'essence même du phé nomè ne criminel est psychodynamique : c'est un processus qui chemine et se ré pè te. On observe un crescendo criminel, avec des actes qui semblent chercher une issue, de brouillons sommaires en brouillons plus é laboré s, comme si chaque agression é tait la piè ce d'un puzzle à venir, inconnu du sujet. L'homme qui commet un premier meurtre ne sait pas qu'il va devenir un tueur en sé rie. Il s'agit d'un crime plus ou moins improvisé , parfois marqué par l'utilitarisme. Mais il va s'accompagner d'un vé cu aussi dé routant que subjuguant pour le sujet lui-même, ouvrant la voie à d'autres meurtres. À partir de la surprise initiale, la matrice de la ré pé tition se met en place. Les traces de traumatismes dé sorganisateurs irrepré sentables, parce que trop pré coces et trop prolongé s, se té lescopent avec certaines qualité s de la future victime. Elles sont en quête de scé narisation et de figurabilité . La fonction du crime, aprè s le flash du « coup de foudre criminel », c'est la transformation de la menace en triomphe, de la passivité en activité , de la dé tresse en toute-puissance, des traumatismes autrefois subis en traumatismes aujourd'hui infligé s. À l'acmé de l'acte, le sujet est saisi d'une « orgie narcissique », avec exaltation à soi-même et chosification de l'autre. J'ai dé crit un « travail psychique du crime » [61] destiné à ré soudre cette é quation fondamentale du tueur en sé rie : comment rendre aisé la ré pé tition à l'envers des traumatismes subis, cette fois avec toutes les cartes en main et au dé triment des malheureuses victimes ? Là où é tait la dé ré liction, advient la jouissance de toute-puissance. Les caracté ristiques principales de ce « travail psychique du crime » sont les suivantes : La haine consciente est exclue, au bé né fice de l'indiffé rence. La seule haine exprimé e concerne les victimes survivantes qui, par leur té moignage, menacent l'é difice dé fensif et dé noncent le leurre ; L'indiffé rence est donc une né cessité absolue. Elle ne concerne que la victime, et seulement elle. C'est une indiffé rence à l'autre, mais une exaltation à soi ; On n'observe quasiment jamais de haine consciente de l'image maternelle, même si l'on peut penser que beaucoup de ces actes ont une signification de matricide dé placé . Aprè s les pires sé vices, carences et abandons, l'image maternelle demeure idé alisé e, toute bonne ou neutralisé e dans l'indiffé rence affiché e. Les crimes en sé rie sont des actes lié s à la tension extrême entre une idé alisation consciente et une haine inconsciente de l'image maternelle, clivé e et agie ; La victime est utilisé e pour renforcer l'hermé tisme du clivage [52] . Elle est à la fois « rien », mais le lieu de toutes les projections ; Il n'y a jamais d'expression authentique de sentiment de culpabilité . Cela leur est totalement é tranger. Pourquoi auraient-ils ré pé té de tels actes, s'ils avaient ressenti un tant soit peu de compassion pour la future victime ? ; Par contre, la honte d'avoir é té interrompus dans leur course criminelle, de voir leur part d'ombre surexposé e au regard de tous, d'avoir é té arrêté dans leur expansion narcissique, est un sentiment quasi constant ; Ils peuvent é prouver un soulagement d'avoir é té appré hendé s, qu'il ne faut absolument pas confondre avec la culpabilité ou la honte. Ils savent qu'ils auraient persé vé ré dans la ré pé tition criminelle, si une limite n'é tait pas venue les interrompre de l'exté rieur. La quinzaine de tueurs en sé rie français que j'ai rencontré s est trè s diffé rente des serials killers amé ricains, avec leur exhibitionnisme dans l'horreur, leur jeu de cache-cache avec la police, leur visé e de provocation repé rable dè s la scè ne du crime. C'est pourquoi j'ai intitulé le dernier chapitre de mon livre « Loin d'Hollywood ». Les serials killers, paradigme contemporain du mal, sont en fait d'absolus raté s de l'existence. Leur scotome fantasmatique est un vé ritable appel d'air pour toutes nos fantasmagories. En ré alité , leur solution criminelle face au risque de ré -engloutissement traumatique consiste à transformer la dé tresse d'autrefois en triomphe d'aujourd'hui, au dé triment de la malheureuse victime. Je pense que la clinique psychiatrique a quelque chose d'essentiel à dire à leur sujet, ne serait-ce que pour contredire toutes les sornettes et toutes les fascinations qu'ils suscitent. Mes recherches sur les tueurs en sé rie m'ont confirmé que l'entrave constitué e par le dogme de la « structure » empêche de saisir la complexité du cas et la dynamique processuelle ; elles té moignent é galement de ce que leur approche dé passe trè s largement le simple repé rage classificatoire. J'ai é té satisfait que ma contribution clinique ait pu permettre de poursuivre un dé bat autour de questions fondamentales, qui ne suscitent plus beaucoup de travaux aujourd'hui. Tel est notamment le cas du commentaire remarquable de Paul Bercherie [2] . Daniel Zagury : Là encore, ma source clinique est constitué e par les expertises d'auteurs d'attentat, de sujets suspecté s de vouloir commettre de tels actes ou de « radicalisé s » [67, 69, 70] . La premiè re question qui se pose au psychiatre, c'est de repé rer les authentiques malades mentaux. Les psychotiques agissent quasi systé matiquement de façon isolé e. Ils sont peu nombreux. Dans mon expé rience, la question principale concerne les troubles de la personnalité et l'intrication de mobiles existentiels et pathologiques. Les schizophrè nes puisent la matiè re de leur né o-construction dé lirante dans l'histoire et l'actualité . C'est leur seul lien avec le monde, aprè s la catastrophe de la perte de contact avec tout ce qui semble é vident à la plupart d'entre nous. C'est leur maniè re de lutter contre la disparition du sentiment même d'exister. Les dé lires mystiques sont classiquement ré puté s être pourvoyeurs d'homicides mé dico-lé gaux. Avec Dieu à ses côté s ou sous son ordre direct, tout est plus simple. Plus rien ne retient la main criminelle. C'est Dieu même qui la guide. Foncer dans la foule, attaquer un membre des forces de l'ordre, tenter de tuer au hasard. . . rien n'est alors impossible. Et l'on peut comprendre l'embarras des services de renseignements, car leur dé tection et leur mise hors d'é tat de nuire avant tout geste criminel risquent de s'avé rer trè s alé atoires. Ce n'est é videmment pas une raison pour nous contraindre à trahir le secret mé dical, ce qui serait d'ailleurs contre-productif. Nous avons eu raison de protester face aux tentatives d'un pouvoir politique affolé [29] . Il peut arriver, encore une fois assez rarement, que seul le processus psychotique é claire l'acte, notamment chez des schizophrè nes. Une fois posé e cette constatation de l'existence avé ré e, mais de la rareté des cas relevant de l'irresponsabilité pé nale, quels sont les modè les de base susceptibles de nous é clairer sur la personnalité des terroristes ? On trouve un certain nombre de ré ponses à cette question chez les idé alistes passionné s [30] , les magnicides, les tueurs de masse [27] , les tueurs en sé rie, les gé nocidaires ou dans l'emprise sectaire [69] . Chacune de ces caté gories criminelles nous apprend quelque chose du terrorisme islamiste. Mais aucune ne saurait le ré sumer. Là encore, les clé s de compré hension sont plus processuelles que structurelles. Il est impossible d'é tablir un « profil type » ; par contre, on peut dé crire une suite de conditions psychiques, chacune né cessaire, mais non suffisante. C'est une longue chaîne de processus qui rend compte de la construction d'un destin terroriste et non la simple rencontre d'une pré disposition et d'une occasion. Les personnalité s de base sont diversifié es, depuis les psychopathes baroudeurs qui veulent en dé coudre, qui s'engagent dans l'É tat islamique comme d'autres entraient dans la lé gion é trangè re, jusqu'à l'adolescent strictement normal, si tant est que l'on puisse parler de normalité à cet âge de la vie. Mais je dois d'emblé e noter que mes propres repré sentations ont é té é volutives, au fur et à mesure de mes observations, comme le phé nomè ne criminel est lui-même mouvant : On avait dé crit chez les terroristes du 11 septembre 2001 la pré valence de jeunes hommes ayant accompli des é tudes supé rieures scientifiques. On avait insisté sur l'absence de pathologie de la personnalité [37] ; On a ensuite observé plutôt dans la mouvance djihadiste en France des petits voyous plus fragiles, plus impré visibles et moins repé rables ; Mais l'on a é galement constaté qu'il y avait des personnalité s plus structuré es, plus à même d'anticiper un projet planifié ; Avec la dé sinté gration de Daesh, les petits dé sé quilibré s et les psychotiques s'autosaisissant du projet islamiste sont apparus plus nombreux. Il me semble que l'essentiel est de ne jamais se laisser enfermer dans un modè le ré ducteur. Comment caracté riser cette longue chaîne de processus de radicalisation ? Leur « vie d'avant », c'est l'é chec existentiel, le ressentiment, l'humiliation, la blessure d'idé al, le dé sespoir, l'impasse, la vacuité de sens, la crise identitaire [67] . Dans la visé e d'un retour pré sumé aux fondements historiques de l'Islam, c'est l'attraction de l'hé roïsme. Il convient de saisir que, pour eux, l'existence s'ouvre au sens, à l'idé al, à la jouissance, à la plé nitude, à la fin des tourments, à la morale divine. . . en tournant la page d'un passé mé diocre et ré prouvé . C'est cette « vie d'avant » qui va être sacrifié e, relé gué e à un passé ré volu marqué d'opprobre. Tous se coupent de leurs racines familiales. C'est un vé ritable auto-engendrement, inversant puis niant l'ordre des gé né rations. Dé sormais, leur malheur individuel de jeunes humilié s, sans espoir, se té lescope avec le destin historique de l'Islam. Tous deux sont à venger. La rencontre avec le sens, le partage d'objectif et d'idé al, le grandiose hé roïque, aura pour corollaire la soumission à un destin collectif et l'abandon de toute visé e individuelle. C'est « l'Euré ka terroriste », qui va les apaiser de leur souffrance identitaire. L'entourage trouve qu'ils vont beaucoup mieux. Ils rompent avec la dé pendance à la drogue. Le passé et l'avenir se reconstruisent au seul prisme de leurs convictions centré es sur l'Islam, comme utopie totalitaire. Ils deviennent de vé ritables « perroquets savants », alors que les imams relè vent leur inculture religieuse. Leur existence voué e à la mort est dé sormais sacré e. Ils ont fait don de leur vie terrestre. Il est stupé fiant de constater à quel point leurs discours sont superposables : mêmes mots, mêmes formules, mêmes interjections, voire mêmes non-pensé es, même disparition de tout dé bat entre soi et soi. Le sujet est entiè rement dissous dans le groupe qui se veut fraternel. Hannah Arendt avait remarquablement dé crit ce mouvement de dissolution de l'individu dans Les origines du totalitarisme. « L'Euré ka terroriste » signe le dé but d'un long processus de mutation psychique. Cette mutation se fera sous l'é gide d'un guide exté rieur. Qu'on l'appelle recruteur, radicalisateur, é mir, mentor, grand frè re, ré fé rent. . . ce coach de l'horreur va les soutenir dans leur cheminement. Dans l'autoradicalisation, sa pré sence physique n'est pas né cessaire. Le cheminement se fera via les ré seaux sociaux. Ce processus de mutation psychique implique d'abord l'efficience d'un clivage fonctionnel, à partir de l'art de la dissimulation. Ils sont dé jà « ailleurs », dans la visé e d'un futur lumineux. Ils se dé sarriment vis-à -vis de leurs valeurs anté rieures, dé sormais perçues comme des non-valeurs. C'est un vé ritable deuil de soi qui s'instaure. Le travail de dé shumanisation, d'endurcissement, de chosification des cibles, d'inversion perverse des valeurs, y contribue [62] . Plus ils seront regardé s comme cruels et inhumains, plus sera renforcé e leur conviction d'accomplir leur mission. La cruauté extrême est la marque de la toute-puissance de la cause divine qu'ils servent et la preuve de l'insignifiance de leurs victimes. Le ré cit de leur fré quentation de vidé os de dé capitations té moigne de ce vé ritable travail de dé shumanisation de soi auquel ils se livrent. Ils se confortent dé sormais dans une posture, pour nous inhumaine, pour eux surhumaine. La mort n'est plus un sacrifice à une cause, mais la visé e de leur dé sir. Ils ont hâte d'effectuer le passage vers le monde idé al de la jouissance absolue, de l'é lé vation, de la lé gè reté , de la libé ration vers l'é ternité de l'extase, transportant un sujet dé barrassé de ses pesanteurs charnelles, dé sarrimé de tout, qui a renoncé depuis longtemps à la vie terrestre. Ils nous rappellent, comme ce fut si souvent le cas dans l'histoire de la chré tienté , que la mort n'est rien au regard du salut de l'âme. Ce modè le gé né ral pourrait se ré sumer en trois temps [22] : une origine diversifié e, même si l'on repè re des facteurs ré currents, une voie finale commune devenue univoque, d'é tape en é tape ; et un hypothé tique retour à une vie psychique singularisé e. S'ils se ressemblent tous, ils n'ont pas tous la même origine et n'iront pas tous au même endroit. En lançant à la cantonade au monde entier des incitations mortifè res, Daesh a laissé à toute une gamme d'individus le soin de les saisir et de ré aliser un « modè le d'inconduite » (Linton) en fonction de l'é quation individuelle et du niveau de dé termination de chacun. Mais l'expé rience m'a conduit à é largir et à complexifier ce modè le. J'ai insisté sur le temps né cessaire au jeu des dé sinvestissements et né o-investissements qui mè nent au renoncement de la premiè re vie. Mais il est parfois des circuits courts : quelques semaines, quelques jours ou quelques heures peuvent suffire, d'autant plus probablement que la perspective de la mort est dé jà engagé e pour des raisons intimes d'impasse et de dé sarroi identitaire et que le sujet est « pré radicalisé ». On a observé des pré parations à l'attentat suicide de quelques heures [23] . De même, il n'est pas toujours possible de distinguer clairement motivations intimes, problé matiques personnelles et engagement au service de Daesh. Dans certains cas, le suicide est masqué derriè re la dé monstration hé roïque. Ce n'est plus la haine, le ressentiment, l'humiliation ou le dé sespoir qui tuent, chez un homme seul dans son coin, c'est l'acte hé roïque d'un soldat de l'É tat islamique, lancé comme un dé fi à la face du monde. On lira dans les mé dias : acte terroriste ou conflit personnel ? Terroriste ou malade mental ? Les deux à mon avis, dans une mesure et selon des modalité s que seule une analyse clinique approfondie pourra é tablir, aprè s une é tude soigneuse du dossier. Ce n'est pas la moindre surprise d'observer ce que l'on pourrait appeler des « pieds nickelé s » et de les voir fré quenter la galerie de l'antiterrorisme : actes incongrus, improvisé s, ré pondant à des motivations bizarres de paumé s du petit matin. Le caractè re parfois cocasse ou grotesque de leur dé marche ne doit pas faire sous-estimer le danger qu'ils peuvent parfois repré senter, lorsque l'acte dé borde le projet initial. Mis à part les quelques malades mentaux qui relè vent directement du soin, le travail de dé radicalisation sera essentiellement celui d'un retour à la vie psychique en premiè re personne. Il implique une dé sillusion, dans un trajet qui va de l'Olympe au plancher des vaches, et un retour à la « misè re commune » (Freud), celle-là même qu'ils ont voulu fuir dans la dissolution au sein de l'utopie totalitaire. Daniel Zagury : C'est une question trè s importante, d'une grande actualité . Je ne souhaite pas imposer mon analyse personnelle, mais, à l'inverse, plaider pour des principes et des rè gles partagé es, au moins dans une large mesure [54] . Si la visé e d'un consensus absolu me paraît illusoire, par contre le dissensus anarchique actuel, faute d'un minimum de rè gles mé dico-lé gales communes, est de toute é vidence « psychiatricide », pour reprendre le né ologisme cher à Henri Ey. C'est la psychiatrie qui est ridiculisé e et c'est la porte ouverte à la manipulation des experts : si chacun d'entre nous a sa façon propre d'interpré ter la loi, sa jurisprudence personnelle, les juges sauront nous choisir en fonction des avis qu'ils souhaitent. Que certains soient plus restrictifs et d'autres plus extensifs dans leurs appré ciations mé dico-lé gales est probablement rendu iné vitable par la loi elle-même. Mais ce qui devrait être un é cart minime dans le style de l'expert est devenu un vé ritable boulevard. À nous de ré agir avant qu'il ne soit trop tard. Pour tenter d'é clairer le dé bat, je crois qu'il faut partir de la notion d'é tat de dé mence de l'ancien article 64 du Code Pé nal puis du trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement ou le contrôle des actes de l'article 122-1 du Code Pé nal actuel [56] . É tat de dé mence et abolition du discernement sont des termes gé né riques de la langue commune. « É tat de dé mence » é tait synonyme d'alié nation mentale, au dé but du XIX e siè cle. La reformulation des termes ne concerne en rien une liste des maladies incluses dans la nosographie psychiatrique. Le lé gislateur français a laissé le soin à l'alié niste puis au psychiatre en position d'expert de dé finir les limites nosographiques et mé dico-lé gales de ses avis. Il en est tout autrement dans d'autres lé gislations. Par exemple, les divergences des experts norvé giens autour du cas de Breivik l'illustrent [38] . Le Code Pé nal norvé gien stipule qu'en cas de psychose au moment des faits, le sujet est irresponsable. Le premier collè ge a appliqué la loi à la lettre et a trouvé la schizophré nie dans les classifications internationales. Le second s'en est dé gagé et n'a pas vu la psychose dans les mêmes classifications. À mon humble avis, quelle que puisse être la complexité de la discussion diagnostique entre psychose et trouble de la personnalité , des crimes aussi é normes, pré paré s depuis si longtemps, mis en oeuvre avec une telle mé ticulosité , revendiqué s et lé gitimé s à l'avance, avec un tel arsenal haineux idé ologique et raciste, ne peut pas relever de l'irresponsabilité pé nale et priver de procè s tout un pays aprè s le massacre de 77 de ses enfants. Cette conception « biopsique » de l'expertise, qui dé contextualise complè tement le cas et court-circuite la dé marche mé dico-lé gale, me semble ridicule. Elle dé cré dibilise l'expertise. Dans certaines lé gislations, comme en Pologne, poser le diagnostic de schizophré nie c'est ipso facto exoné rer le sujet de toute responsabilité pé nale. J'ai eu l'occasion d'intervenir comme expert privé en Russie. La situation est assez comparable. Pour le juriste, la jurisprudence est la solution suggé ré e par un ensemble de dé cisions suffisamment concordantes, rendues par des juridictions sur une question de droit. Dans le domaine mé dico-lé gal, il s'agit é videmment d'une analogie qui a ses limites : il est impossible, du fait même de la logique de l'article 122-1 du Code Pé nal, de pré tendre pouvoir caté goriser toutes les occurrences, puisqu'elles concernent le rapport entre un é tat mental singulier et un acte particulier. Mais entre la loi dans sa gé né ralité et son application au cas par cas, il faut bien que nous nous accordions sur des principes directeurs qui, faute d'être clairement é noncé s comme cliniques, risquent d'être philosophiques ou idé ologiques. Adolphe Chauveau et Helie Faustin [26] incluaient dans le champ d'application de la loi « toutes les varié té s de l'affection mentale touchant à l'intelligence, la manie dé lirante, mais aussi la manie sans dé lire. . . pourvu que leur influence sur la perpé tuation de l'acte puisse être pré sumé e ». Il me semble que s'il fallait ré sumer d'un trait l'é volution de la jurisprudence expertale, il conviendrait d'insister sur le poids des mots : la pré somption d'autrefois est devenue un rapport dé terminant entre l'é tat mental et l'infraction. On est passé d'une contre-indication à l'action judiciaire à une logique mé dico-lé gale beaucoup plus exigeante. Pour dire les choses simplement, ce schizophrè ne qui a violé ou tué a-t-il agi seulement du fait du processus dissociatif, de l'automatisme mental ou de l'envahissement dé lirant ? Ce n'est pas tant le diagnostic qui nous divise gé né ralement que l'interpré tation mé dico-lé gale. Elle contraint l'expert à sortir du seul champ de la mé decine psychiatrique, pour celui de la discussion mé dico-lé gale, né cessairement moins scientifique. Il ne s'agit pas seulement de poser un diagnostic, ce que savent normalement faire la plupart des psychiatres, mais d'interpré ter la nature de l'acte. J'ai analysé ailleurs le dé bat à ce sujet entre Gilbert Ballet et Emmanuel Ré gis au congrè s de Genè ve de 1907 [49] . Dans ce domaine extrêmement complexe, je donnerai mon avis de façon synthé tique : à mon sens, il n'est pas du tout choquant qu'une plus grande exigence mé dico-lé gale soit requise pour conclure à l'abolition du discernement. Par contre, il me paraît persister un noyau irré ductible de cas ré pondant aux critè res de l'abolition du discernement. L'expé rience mé dico-lé gale montre que la plupart des crimes commis par les psychotiques le sont dans une sorte de sursaut de survie au bord du gouffre. Être ou ne pas être, telle est leur question. La dé ferlante dé lirante a tout emporté sur sa route. Quel sens cela aurait d'envoyer devant un jury d'Assises une femme qui a tué ses enfants parce que, dans les bouleversements cataclysmiques d'un vé cu dé lirant, elle les croyait des marionnettes dé sarticulé es envoyé es par le Diable pour remplacer ses propres enfants ? L'abolition du discernement me paraît concerner les cas où rien d'autre que la maladie ne rend compte de l'acte. Qu'est-ce qu'une querelle d'experts ? Il peut arriver, mais c'est une occurrence plutôt rare, que l'un d'entre nous se trompe complè tement, passe à cô té du diagnostic de l'é tat mental au moment des faits. Que celui qui ne s'est jamais trompé jette la premiè re pierre. Il est un cas de figure de querelle d'experts qui ne devrait jamais se voir : c'est la sous-estimation ou la surestimation du diagnostic pour justifier une conclusion. Je me souviens d'un « borderline » qui avait é té hospitalisé vingt-cinq fois et qui recevait en prison six ampoules d'Haldol Decanoas. Il eû t é té plus juste d'é tablir le diagnostic é vident, quitte à ne pas conclure à l'abolition du discernement, ce qui en toute rigueur mé dico-lé gale est parfaitement possible. Mais c'est le plus souvent l'interpré tation mé dico-lé gale qui oppose les experts, non le diagnostic ré trospectif. Dans certains cas, ces divergences sont acceptables, et dans une certaine mesure, iné vitables. Il faut être d'une particuliè re rigidité pour ne pas comprendre que nous sommes parfois confronté s à des situations limites extrêmement complexes. Mais il est des querelles d'experts qui sont absolument inacceptables, car elles reposent sur des jurisprudences strictement personnelles : Ici, c'est un schizophrè ne paranoïde qui commet un double parricide dans un contexte dé lirant absolument arché typique. Les premiers experts font une analyse exhaustive de l'é volution psychotique, mais concluent à l'alté ration du discernement. Je me souviens avoir té lé phoné au juge pour lui dire que si, dans un tel cas, on ne concluait pas à l'abolition du discernement, il conviendrait alors de dé chirer la page du Code Pé nal contenant l'article 122-1 ; Ailleurs, c'est un homme qui suit des femmes dans la rue, attend qu'elles pé nè trent dans leur hall d'entré e aprè s avoir manipulé le digicode. Puis, il se serre contre elles et tente de les abuser. Il y a plusieurs victimes, selon le même mode opé ratoire. Lors de son audition et devant les experts, il fait é tat d'hallucinations auditives. Quelle que soit la ré alité de sa pathologie psychiatrique, les passages à l'acte ré pé té s et le mode opé ratoire ne relè vent pas d'un automatisme mental, comme l'a affirmé l'un des experts. Le processus psychotique n'é tait pas pré valent dans ses agissements. Je n'ai jamais observé d'hallucinations commandant de violer sa prochaine. Ce qui nous divise ne doit pas être philosophique ou idé ologique, mais clinique et mé dico-lé gal. J'ai é té tout autant choqué par des expertises qui concluaient « à la louche » à l'irresponsabilité pé nale, parce qu'il y avait « de la pathologie », que par la responsabilisation de grands malades, dont la chronique judiciaire nous a montré des exemples particuliè rement caricaturaux. Dans certaines affaires d'É tat, il y a des repè res cliniques é lé mentaires qui se dissolvent ! Autrement dit, il est exclu de se pré tendre « abolitionniste » ou « alté rationniste ». C'est la clinique qui nous commande. Nous en sommes les serviteurs. L'exercice de l'expertise comporte un double risque, celui d'un excè s et celui d'un dé faut. Il faut en convenir : nous n'interpré tons pas la loi de la même façon. Pour les uns, il suffit qu'il y ait « de la pathologie » ; pour d'autres, il convient que cette pathologie avé ré e soit dé terminante dans la commission de l'infraction. Pour les uns, c'est le diagnostic de l'é tat mental qui prime, quel que soit l'acte. Pour les autres, la psychiatrie lé gale a vu l'é mergence d'une clinique de l'acte, qui ne peut court-circuiter l'analyse approfondie du rapport du sujet à son infraction. Certains ne prennent en compte de façon « biopsique » que l'é tat mental au moment des faits. D'autres considè rent é galement son contexte : le sujet a-t-il favorisé , d'une maniè re ou d'une autre, l'é mergence de l'é tat pathologique ? Si nous n'adoptons pas des rè gles claires, ces rè gles nous seront imposé es et seront pré cisé es, standardisé es, par des lois à venir, nous faisant perdre la liberté d'é valuation et d'interpré tation que la loi actuelle nous accorde. Cette liberté est notre chance ; mais elle est é galement notre talon d'Achille. Face à une cacophonie quasi systé matique, le lé gislateur pourrait bien limiter notre liberté d'é valuation, en nous imposant des restrictions, par exemple pour ce qui concerne les effets de la prise de toxiques ou de l'arrêt du traitement psychotrope. Il me paraît essentiel que nous puissions dé battre entre nous des principes gé né raux qui guident la discussion mé dico-lé gale, afin de trouver un dé nominateur commun qui soit le plus grand possible. Les auteurs dé clarent ne pas avoir de liens d'inté rêts. Terrorisme islamiste : la radicalisation mystifiante Violences, homicides et dé lires de persé cution L'expertise mentale en France entre « pollution de la justice » et devoir d'objectivité Droit pé nal, 2. Ed. LexisNexis JurisClasseur L'indispensable ré forme de l'expertise psychiatrique et de l'expertise psychologique judiciaires Les erreurs en matiè re d'expertises psychiatriques et psychologiques : un problè me grave, ancien et ré current Psychoses et parricides é tait eux ou moi ! » : la fuite sans issue d'un futur auteur de double parricide psychotique La criminologie est-elle une discipline à part entiè re ? 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Comment des hommes ordinaires deviennent fanatiques. Paris: Denoë l Groupes de parole, pré venir la violence et la dangerosité L'é ducation thé rapeutique de patients souffrant de schizophré nie ayant commis ou pouvant commettre un ou des passage(s) à l'acte dangereux Logique du massacre (derniers é crits des tueurs de masse). Paris: É d. Inculte Histoire de la psychotraumatologie : les dramatiques attentats terroristes de 2015 et 2016 ont eu des ré percussions considé rables sur les psychismes Psychiatrie et radicalisation : une pré sence vigilante et discrè te Les idé alistes passionné s (1913) Place de la psychothé rapie inté grative dans la prise en charge des problé matiques de radicalisation Les urgences psychiatriques Prises en charge de situations psycho-lé gales complexes aux urgences psychiatriques Vacher l'é ventreur -archives d'un tueur en sé rie. Grenoble: Jé rôme Millon Chasseurs de tueurs. Paris: Presses de la Cité De l'expertise psychiatrique des criminels et des victimes à l'expertise pour la commission internationale des miracles Le vrai visage des terroristes. Psychologie et sociologie des acteurs du djihad. Paris: Denoë l terror acts and mass murder: insanity, evilness or both? Modè les de normalité et psychopathologie. Paris: L'Harmattan; 1998 [Thè se de diplôme d'é tat de docteur en mé decine Le passage à l'acte criminel du paranoïaque Le double parricide, un crime d'auto-engendrement L'expertise de victimes d'inceste Mais où est passé e la psychose ? É volution de la jurisprudence expertale Entre psychose et perversion narcissique -une clinique de l'horreur, les tueurs en sé rie L'expertise de la femme adulte victime de viol L'expertise psychiatrique au pé nal Nervure Le passage à l'acte du paranoïaque Le passage à l'acte parricide L'expertise mé dico-lé gale et la question de la responsabilité . Paris: L'Harmattan Les psychiatres sont-ils responsables de la raré faction des non-lieux psychiatriques ? Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d'agression sexuelle (collectif) Les serial killers sont-ils des tueurs sadiques ? Les nouveaux monstres, plaidoyer pour un traitement raisonné des agresseurs sexuels, dans Violences sexuelles Pour une clarification de l'interpré tation mé dico-lé gale La ré quisition du psychiatre. Lettre circulaire interne à l'association nationale des psychiatres hospitaliers experts judiciaires (ANPHEJ) Irresponsabilité pé nale du malade mental Le rôle de l'expert Actualité juridique Pé nal, 9. 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