key: cord-252723-6vhboboq authors: Douat, Étienne title: Handicapés et confinés en résidence universitaire : des étudiants oubliés, à l’épreuve de « la continuité pédagogique » date: 2020-06-25 journal: Alter DOI: 10.1016/j.alter.2020.06.006 sha: doc_id: 252723 cord_uid: 6vhboboq The health crisis due to the outbreak of Coronavirus since the beginning of 2020 has strongly exposed the effect of decades of public service cuts in France, especially in the fields of education or health. Although the French President has recently declared that the living conditions of people with disabilities were a “national priority”, this issue has not been addressed by public authorities while managing the current crisis. This article analyses and helps to understand the situation of young people with disabilities living in student residences in lockdown for about two months, an issue that has been overlooked. The case study is based on a series of interviews with Joseph, a blind Master's student, and some of his relatives. It looks back on Joseph's experience and academic career, his living conditions in lockdown, his difficulties in coping with distance learning, as well as the resources and support he gets to be able to live and get through. La crise sanitaire liée à la propagation de l'épidémie mondiale de Coronavirus au début de l'année 2020 a révélé avec force les effets de la dégradation des services publics à l'oeuvre en France depuis plusieurs décennies, notamment dans le domaine de l'éducation ou de la santé. La situation des populations handicapées pourtant récemment présentée comme une « priorité nationale » par le président de la République franç aise a été oubliée par les pouvoirs publics dans la « gestion » de cette crise. L'objectif de l'article est de contribuer à saisir la situation particulièrement invisibilisée des jeunes handicapés confinés en résidence universitaire pendant près de deux mois. À partir d'une série d'entretiens avec Joseph, un étudiant aveugle en master, et quelques-uns de ses proches, cette étude de cas revient sur le parcours de cet étudiant, ses conditions d'existence à l'heure du confinement, ses difficultés pour faire face à l'impératif de « continuité pédagogique », mais aussi les ressources et le soutien dont il bénéficie pour survivre et « s'en sortir » malgré tout. © 2020 Association ALTER. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. La crise sanitaire inédite que nous traversons depuis cette fin d'hiver 2020, et son mode de prise en charge par les équipes dirigeantes en place, a révélé au grand jour et souvent décuplé -dans un laps de temps très court -les effets de la lente dégradation des services publics qui s'opère depuis plusieurs décennies, dans le domaine de la santé ou dans celui de l'éducation mais aussi dans le secteur privé s'agissant des lieux de ravitaillement par exemple. Bien que particulièrement mobilisés depuis des années pour déplorer cet affaiblissement de nos services et cette progressive régression de notre système de protection sociale, de nombreux personnels du secteur public ignorés ou parfois méprisés il y a encore quelque mois par le pouvoir politique sont devenus des héros du quotidien, salués pour leur détermination et leur dévouement, applaudis s'agissant de celles et ceux qui sont « au front », dans les hôpitaux et les services de réanimation, remerciés publiquement pour leur mobilisation s'agissant par exemple du personnel enseignant. De manière pertinente, certains analystes ont noté que cette page de notre histoire permettait de montrer à quel point nombre de métiers traditionnellement oubliés ou peu considérés, parfois invisibles et globalement mal payés, s'avéraient être les plus utiles aujourd'hui pour faire face à cette crise, en atténuer les effets les plus délétères ou se battre pour la survie des plus fragilisés. Mais pour remarquable qu'il soit, compte tenu des contraintes liées au confinement, ce travail pour documenter et analyser des situations passablement ignorées jusqu'alors a ses angles morts. On n'en finirait pas de dresser la liste de celles et ceux qui dans les banlieues défavorisées ont joué un rôle décisif dans l'organisation des solidarités quotidiennes, d'agents publics surmobilisés dans l'enseignement tels que les conseillers principaux d'éducation, presque systématiquement oubliés dans tous les discours publics, ou encore de situations de grandes souffrances parmi les personnes âgées ou les mères isolées. Dans cette liste, les personnes handicapées figurent assurément en bonne place. Elles sont pourtant des millions en France à être reconnues comme telles, et, en dépit du bilan très contrasté de l'action publique en « faveur » de ces populations, on ne peut nier qu'elles sont devenues davantage « dignes d'intérêt » sur la scène politico-médiatique, si l'on songe par exemple aux centaines d'articles ou de discours publics consacrés à l'accessibilité de l'école, des lieux de travail ou des espaces publics ou encore à l'appel lancé par le président de la République franç aise Emmanuel Macron le 11 février 2020 en conclusion de la conférence nationale pour le handicap : « Ce que je voudrais lancer aujourd'hui, c'est véritablement un appel à la mobilisation nationale ». C'est donc de prime abord un paradoxe que l'on constate quelques semaines plus tard avec l'oubli ou presque de la situation de ces millions de personnes mais aussi de leurs proches « aidants » en pleine crise sanitaire, et alors que de manière inédite, le pays comme la moitié de la planète est soumis au confinement. À moins, mais ce n'est qu'une hypothèse, que se révèle ou se confirme aujourd'hui une dimension d'affichage et de communication qui aurait structuré une part de l'action publique et du discours officiel ces dernières années par rapport au handicap ? À moins que ce qui constituait encore récemment l'une des grandes priorités de la nation selon le chef de l'État franç ais ait été aussi discrètement que brutalement (pour les premiers concernés) rétrogradée au rang des causes secondaires qui peuvent désormais attendre un peu ? Le recul, le recoupement des témoignages et l'évolution des politiques publiques en matière de handicap à moyen terme permettront probablement de formuler des éléments de réponse à ce type de questions. Pour l'heure, c'est la formule de Spinoza reprise par Pierre Bourdieu dans son avant-propos de La Misère du monde (1993) qui inspire davantage ce texte : « ne pas déplorer, ne pas rire, ne pas détester, mais comprendre » (ne pas rire aujourd'hui étant ce qui s'impose avec le plus d'évidence). Conç u à l'heure du confinement et de l'état d'urgence avec quelques-unes des armes de la sociologie et les « moyens du bord », l'enjeu de ce petit texte est donc de tenter de comprendre, ou de contribuer à saisir une partie de ce qui a été largement invisibilisée en ce printemps 2020 : les effets que peuvent produire cette crise sur les personnes handicapées et ce que cette séquence inédite permet de révéler s'agissant des conditions ordinaires d'existence et des formes de prise en charge institutionnelle de ces populations. Relevant davantage de l'essai ethnographique que d'un compte rendu d'enquête académique réalisé au long cours auprès d'un large échantillon, ce document s'appuie sur une série d'entretiens réalisés par téléphone entre le 23 mars et le 13 mai 2020 auprès d'une fraction très particulière de la population handicapée : quelques étudiants non voyants confinés durant deux mois dans leur résidence universitaire, sur le campus d'une ville moyenne de la région Nouvelle-Aquitaine, en France, et soumis au mot d'ordre de la « continuité pédagogique ». L'article assume un angle étroit en centrant sa cohérence sur l'étude particulière d'un cas, celui de Joseph, avec lequel le plus grand nombre d'entretiens ont pu être menés durant la période du confinement 1 . Mais parce qu'on ne peut comprendre la situation de cet étudiant sans reconstruire les relations d'interdépendance dans lesquelles il est pris, cet article relève davantage du portrait de configuration au sens de Bernard Lahire (1995) que de l'extrait biographique d'un individu. Et la prise en compte de ce réseau (avec lequel nous avons pu directement échanger ou qui parfois nous a été présenté au cours des récits recueillis) montre que si Joseph noue de manière relativement singulière toute une série de dimensions qui structurent sa socialisation et son quotidien à l'heure du Covid 19, celles-ci se retrouvent largement, suivant des combinaisons variables, au sein de son groupe de pairs dont il partage pour une large part les conditions d'existence et les expériences. Joseph est né en Côte d'Ivoire et a aujourd'hui 28 ans. Son père était gendarme, aujourd'hui retraité, sa mère « sans profession » 3 . Aveugle de naissance, il a fait l'essentiel de sa scolarité en institut spécialisé et maîtrise parfaitement le braille qu'il apprend dès le CP. Souhaitant poursuivre ses études de psychologie en France (où une partie de sa famille est déjà installée) il candidate, « porté par l'enthousiasme » dans différentes universités, prioritairement celles dont les loyers sont réputés les plus abordables. Joseph n'a pas de plan précis et ignore largement les ressources dont il pourra bénéficier s'il est admis en France (il ne sait rien du système d'allocation par exemple). Son dossier est accepté via « Campus 1 En France, la mesure sanitaire dite de « confinement » de la population a duré 55 jours, du 17 mars au 11 mai 2020 et s'est traduite par un ensemble de restrictions de contacts humains et de déplacements ayant pour objectif de freiner la propagation du Covid 19. Une attestation écrite, sur l'honneur, était nécessaire pour toute sortie considérée comme indispensable, dont la liste était prédéfinie par les autorités. Il faudra compter plus de deux semaines après l'annonce de ces nouvelles règles pour que le gouvernement précise que « l'attestation dérogatoire » n'est plus obligatoire pour les personnes aveugles et malvoyantes, à condition qu'elles portent sur elles la carte justifiant de leur handicap. Les accompagnateurs de ces personnes dans leurs sorties devront cependant présenter leurs propres attestations » (suivant les termes repris par le site https://www.informations.handicap.fr/, consulté le 25 mai 2020). 2 Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires. 3 Toutes les formules apparaissant ainsi entre guillemets et en italique sont des extraits d'entretiens réalisés avec Joseph ou avec ses proches interrogés. France » dans une université moyenne en Nouvelle-Aquitaine où il obtient rapidement un logement en résidence CROUS en 2017. Il est aujourd'hui en première année de M2 en psychologie (puisqu'il prépare ce diplôme en deux ans, à l'instar de son M1), avec une spécialité ergonomie. Parvenu à un tel niveau d'études supérieures dans un contexte où cela reste particulièrement difficile et incertain pour les populations handicapées (Ebersold, Plaisance, & Zander, 2016) , Joseph fait partie du groupe minoritaire des jeunes handicapés les plus diplômés ayant « réussi » leur parcours scolaire. Puisque l'on sait que si les effectifs des étudiants en situation de handicap recensés dans le supérieur ont été multipliés par quatre depuis une quinzaine d'années, il faut aussi rappeler qu'ils demeurent encore largement sous-diplômés par rapport aux populations non handicapées (cf. notamment, Verétout, 2015) et très peu à accéder à un master ou à un doctorat. Mais pour Joseph, ce qui se présente a priori comme une réussite ne peut pas faire oublier le cumul des difficultés auxquelles il a dû faire face depuis son inscription dans l'enseignement supérieur franç ais. S'agissant du logement d'abord, il doit se contenter d'une chambre universitaire de 11 m 2 avec une cuisine et des sanitaires collectifs. Si elles peuvent générer « une bonne ambiance » et d'éventuels liens d'entraide, de telles conditions peuvent aussi largement contrarier l'effort de concentration que réclament les études et l'aspiration à bénéficier d'un « espace à soi ». La seconde chambre que lui accorde l'année suivante le Crous et dans laquelle il vit encore aujourd'hui est plus grande (19 m 2 avec une salle de bain et une cuisine privatives). Si les conditions sont meilleures, un certain nombre de problèmes se révèlent ou persistent dans ce nouvel ordre domestique. Comment faire sa lessive, ne pas mélanger les couleurs dans la machine à laver : « quel est cet étudiant qui arriverait avec des vêtements tout à fait déteints en amphi ? ! » plaisante Joseph. Comment assurer un minimum l'entretien des lieux ? Comment cuisiner avec une plaque à induction sans relief et dépourvue de repères tactiles ? Autant d'obstacles et de problèmes chronophages à affronter qui dispersent et contrarient l'emploi du temps régulier auquel il faut pourtant se soumettre pour parvenir à répondre aux exigences universitaires : « (. . .) alors là j'ai dû me débrouiller » dit Joseph pour résumer cette séquence d'installation, qui a ensuite réussi à obtenir l'aide d'une association locale qui propose son soutien -notamment logistique -pour « régler » les problèmes du quotidien des personnes « présentant un handicap lié à une déficience auditive ou visuelle ». Pour les déplacements (faire ses courses, se rendre dans une administration, aller en cours ou au restaurant universitaire), c'est une autre association, Handisup, hébergée par l'université qui assure l'essentiel de l'aide dont Joseph a besoin. Mais une telle aide doit être anticipée, programmée, confirmée. C'est un travail qui prend du temps, au détriment des loisirs et des études. Et quand tout ne se passe pas comme prévu (un changement d'emploi du temps, un malentendu quelconque, etc.), c'est encore « la débrouille » qui l'emporte à nouveau : « Mais les gens de l'association sont généralement très ponctuels, et si j'ai un problème, les gens de la promo me guident volontiers ». Sur le front des apprentissages, dimension cardinale dans le parcours d'un étudiant, mais en réalité indissociable des autres dimensions plus matérielles déjà évoquées, les difficultés sont également nombreuses. Il existe dans l'université de Joseph un Pôle handicap, comme dans la plupart des universités franç aises depuis la loi de 2005, qui conç oit et coordonne les aménagements d'études et d'examens pour « compenser le handicap ». Ainsi, Joseph bénéficie-il bien d'un « preneur de notes » ou d'une mise à disposition de certains outils informatiques. Mais, particulièrement dans le cadre du master dans lequel il est désormais inscrit, avec l'élévation des exigences qui caractérise un tel niveau par rapport à la licence, cette aide révèle alors toute son insuffisance. Les notes prises par les jeunes bénévoles ou en « service civique » dédiés à cette tâche sont souvent très succinctes et arrivent tardivement, plusieurs jours après les cours auxquels elles se rapportent. . . « et elles n'arrivent parfois jamais » souligne Joseph. Faute de temps et d'un personnel suffisant et bien formé, ces notes sont souvent envoyées sous un format incompatible avec une lecture via la « plage braille ». Or c'est bien sous cette forme, en braille, et non à l'oral à travers la seule synthèse vocale, que nombre d'exercices et un travail d'étude approfondi qui consiste à manipuler, à décortiquer ou à analyser les textes devienent vraiment possible. Et par ailleurs, Joseph le regrette, ces équipes trop réduites du Pôle handicap (« qui font ce qu'elles peuvent ») un peu dépassées et plutôt mal payées peuvent régulièrement changer : « et alors à chaque fois, c'est de l'expérience qui s'envole, c'est des relations à reconstruire, c'est une perte de repères ». Pris dans un système universitaire où il ne s'agit pas seulement d'apprendre, mais d'apprendre selon des temps impartis relativement courts, Joseph ne peut suivre le rythme, enchaîner les exercices et les entraînements, avec les mêmes supports et les mêmes armes que ses « camarades de promo ». Bien qu'aidé au nom de « l'égalité des chances » par toute une série de dispositifs, Joseph ne peut que « perdre des points » dans « la course » qu'on lui propose : « dans sa situation, ce n'est vraiment pas facile pour lui » reconnaît l'une de ses enseignantes interviewées. Pour les cours d'anglais, très importants en psychologie, s'agissant aussi des nombreux schémas ou tableaux qui prennent de plus en plus de place dans les cours, l'aide et la « compensation » se révèlent sinon impossibles du moins très complexes et finalement toujours insatisfaisantes. La synthèse vocale telle qu'elle est configurée ne prend pas en charge les textes en anglais. Et ces nombreux graphiques ou supports visuels -pour faire l'objet d'une appropriation aisée et réussie par Joseph -nécessiteraient un travail de préparation individualisée, d'explicitation, d'adaptation, de transcription, etc. que la plupart des enseignants ne savent pas faire ou ne peuvent pas faire 4 . Alors pour ne pas « décrocher » Joseph doit surtout compter sur la bonne volonté d'un camarade de promo qui peut tenter de mettre en mots les éléments visuels décisifs d'un cours exclusivement conç u pour les voyants, ou de l'aide de copains hors promo (parfois handicapés eux aussi), le week-end et lors des vacances, pour tenter de « débrouiller » ou de régler tel ou tel problème d'accès à un cours, resté sans solution dans le cadre universitaire, au sein de la promo ou avec les enseignants. Quant à l'environnement numérique de travail (ENT) qui s'est imposé ces dernières années comme l'interface incontournable entre enseignants, administration et étudiants, supposé faciliter les échanges et permettre de partager rapidement des supports pédagogiques ou des informations, il n'est tout simplement pas accessible pour les étudiants non voyants : « nous tous les aveugles du campus, personne ne va sur l'ENT en autonomie ! Alors qu'on pourrait y arriver ! Sur certains médias, c'est très facile, je vais, admettons sur l'application de RFI, je clique, j'ai RFI direct, quand je clique sur une émission, je clique en fonction du sujet qui m'intéresse et c'est bon ». C'est à travers ces derniers exemples que l'on peut saisir la naïveté des partisans de la dématérialisation ou du « tout numérique » dans un contexte général d'accélération et de réduction du personnel dans le monde de l'éducation. Tous ces nouveaux outils par ailleurs souvent présentés comme une solution pour les populations handicapées ou les « décrocheurs » peuvent produire en réalité des effets paradoxaux et constituent un « pharmakon » pour reprendre la formule du philosophe Bernard Stiegler, c'est-à-dire assurément un possible « remède » mais aussi potentiellement un « poison », ou du moins un problème de plus à affronter, notamment pour certaines populations handicapées. La synthèse vocale est très utile pour certaines activités (la lecture de textes simples, la consultation des mails, etc.), mais elle empoisonne ou restreint aussi à certains égards le travail d'apprentissage des étudiants aveugles et ne peut nullement remplacer la lecture en braille qui demeure l'outil le plus pertinent pour réaliser certains exercices (en statistique ou en anglais par exemple), qui permet une meilleure incorporation des savoirs, la réalisation réussie d'exposés. D'une manière générale, les outils numériques peuvent constituer des atouts, que Joseph et les autres étudiants interrogés reconnaissent volontiers comme tels. Mais sans une formation régulière et pointue pour en faire un usage optimal, sans une aide humaine régulière de proximité, un accompagnement physique pour les utiliser, un personnel suffisamment connaisseur des problèmes concrets des étudiants handicapés pour configurer de manière pertinente le matériel informatique (et pas seulement le « mettre à disposition ») ou enfin lorsqu'ils tendent simplement à remplacer le braille, nombre de ces nouveaux outils se présentent parfois comme de nouveaux obstacles et tendent finalement à déposséder ces étudiants aveugles d'une bonne part des savoirs, ralentissent et « coincent » parfois le processus d'apprentissage dans lequel ils sont engagés. Enfin, et ce n'est pas rien dans cette liste non exhaustive des multiples difficultés que doit affronter Joseph : « trouver un stage ». Arrivé en master, cette séquence d'apprentissage devient centrale et c'est d'abord à l'étudiant de faire montre d'« autonomie » -suivant l'un des grands mots d'ordre d'aujourd'hui -pour en « décrocher » un. C'est ici que l'accompagnement déjà fragile du Pôle handicap disparaît : « Quand on me dit qu'on ne peut pas bénéficier d'un accompagnement pour le stage. . . Mais si les aveugles n'ont pas accès à des stages ils ne pourront pas accéder à des emplois décents. Or sachant que lorsqu'on ne voit pas, on a plus de chances de travailler si on a un bac +5. . . parce qu'un aveugle ne peut pas travailler facilement, il est obligé d'aller loin dans les études. . . mais si à la fin il n'a pas accès au stage il ne pourra pas travailler (. . .) Si la fac et les employeurs ne jouent pas le jeu, alors ç a devient très compliqué ». Ce que souligne Joseph a déjà été objectivé par la recherche : si pour une part, le diplôme protège du chômage les personnes handicapées, son rendement sur le marché du travail est bien inférieur à celui dont bénéficient les populations non handicapées, à diplôme égal (Verétout, 2015, op. cit Si la sidération s'impose dans la plupart des foyers en France, les mieux dotés économiquement ne tardent pas à s'organiser pour tenter de vivre le moins mal possible la séquence historique qui s'annonce (certains se rapatrient rapidement dans leur résidence secondaire, d'autres profitent des dernières heures restantes avant le confinement pour faire le plein de provisions, acquérir de nouveaux équipements, ou se regrouper in extremis en famille ou entre amis pour vivre ensemble ce moment alors à durée indéterminée, etc.). Mais comme pour de nombreux étudiants précaires, immigrés, handicapés et/ou loin de leur famille, des mères isolées ou des personnes âgées, la situation de cette fin d'hiver 2020 ressemble davantage à un piège. « Comment on va s'en sortir pour pouvoir vivre dans cette période ? » une avalanche de problèmes et de questions souvent anxiogènes circulent dans la petite chambre de Joseph : Nadré, elle aussi handicapée (étudiante en sociologie) ne pourra pas facilement regagner Metz. Mais si elle reste, quid des « barrières sociales » qu'il faut désormais impérativement respecter (de 1 m à 1 m 50 selon les intervenants sur la scène publique) et de tous les risques de contamination dont les médias rappellent constamment la montée en puissance (« Nadré venait d'une région touchée par le Covid quand même, elle était passée par Paris ») ? Les deux amis se mettent d'accord, Nadré restera finalement confinée chez Joseph. Impossible dans la précipitation d'organiser un retour à l'autre bout de l'Hexagone. « Comment on va s'organiser pour faire les courses, pour se déplacer avec ces attestations. . . toutes les mesures, le changement des horaires de bus (. . .) on ne pourra plus solliciter des gens avec des voitures parce que c'est illégal. . . c'était ç a nos problèmes à ce moment-là ». À la question du « comment s'en sortir » des premiers jours se noue très vite une autre série d'interrogations évidemment au coeur des préoccupations de Joseph et de nombre de ses camarades étudiants interviewés dont tout le parcours (migratoire notamment) est déterminé par l'enjeu universitaire et l'obtention d'un diplôme. « Les établissements seront fermés jusqu'à nouvel ordre » annonce le président le 12 mars. Et la « continuité pédagogique » 6 sera assurée promettent les ministres de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur. Difficile à mettre en oeuvre pour le commun des familles, et particulièrement pour les classes populaires plus souvent contraintes par leur employeur et faiblement armées « pour faire la classe à la maison », ce mot d'ordre ministériel résonne comme un casse-tête pour Joseph et ses camarades interrogés. Comment poursuivre en effet ses études alors que l'ensemble des services d'aide et de soutien aux étudiants handicapés, pour l'essentiel hébergés sur le campus, sont désormais fermés ? « Dès lors qu'on a su que les services fermaient, on nous a dit que le travail se ferait à distance ». C'est-à-dire par téléphone et surtout via les plateformes numériques. . . « Les services de la fac, le responsable du département ou l'association nous ont appelés quelques fois, ils nous ont envoyé des mails, surtout pour nous rassurer et nous dire un peu. . . comment ç a allait se passer. . . ». Le « un peu » est important s'agissant du volet enseignement, car pour avoir suivi les centaines d'échanges du côté des enseignants de l'université en ce printemps 2020, ce qui s'est imposé et demeure à l'oeuvre encore aujourd'hui dans la plupart des formations, c'est l'incertitude, autour de l'organisation des derniers cours à distance, des recherches de stage, des soutenances de mémoires ou des nouvelles modalités d'examens. S'agissant de l'aide matérielle ou financière et du soutien quotidien pour survivre tout simplement, assurer les déplacements vers les lieux de ravitaillement, chez le pharmacien pour se procurer du gel hydro-alcoolique, des masques ou des médicaments, et le cas échéant pour se rendre chez un médecin, le « un peu » devient plutôt un « presque rien ». Confinés chez eux et sans autorisation accordée pour entrer dans les chambres universitaires (« une infirmière est bien venue une fois, mais elle est restée devant la porte ») les différents acteurs habituels déjà peu nombreux en temps ordinaire ne peuvent désormais tout simplement plus rien faire, en dehors de quelques mails ou d'appels téléphoniques le plus souvent « bienveillants ». . . mais qui résonnent surtout comme autant d'aveux impuissance pour répondre aux multiples, petits ou grands, problèmes quotidiens. Ce sont donc d'abord et pour ainsi dire exclusivement les amis (restés sur le campus) déjà précieux en temps ordinaire pour pallier nombre des insuffisances chroniques de l'aide institutionnelle qui ont permis à Joseph -et à certains de ses camarades qui partagent son sort -de « tenir le coup » : « ç a a été une période compliquée, où les ressources élémentaires pour traverser cette période ont été clairement, voilà, des ressources relationnelles. Ç a été déterminant. Le reste, c'est du travail que je respecte, mais. . . c'est la limite du télétravail. . . enfin je peux pas comparer (. . .) C'est le contact physique qui permet de. . . comment dire. . . résoudre l'accompagnement pour nous les non-voyants. Le contact à distance. . . nous ç a ne nous aide pas. Le contact à distance c'est la distance tout court, c'est l'isolement ». Au cours des différents entretiens, Joseph revient souvent sur cet isolement quasitotal qui aurait pu le conduire au pire et auquel il a finalement échappé grâce à deux proches tout particulièrement, Nadré (qui est donc devenue du jour au lendemain sa colocataire) et Gomez (étudiant immigré d'origine angolaise en sociologie, également confiné dans une chambre universitaire) qui ont accepté avec lui de transgresser l'impératif répété sur toutes les ondes de respecter « les gestes Pour citer cet article : Douat, É. Handicapés et confinés en résidence universitaire : des étudiants oubliés, à l'épreuve de « la continuité pédagogique ». ALTER, European Journal of Disability Research (2020), https://doi.org/10.1016/j.alter.2020.06.006 barrières ». Avec Nadré, de toute faç on, on « n'avait pas le choix ». Quant à Gomez ami proche depuis quelques années 8 , camarade de cecifoot, et au coeur d'une bande de copains principalement nonvoyants, il ne semble pas hésiter longtemps : « si je voulais aider Joseph, le guider pour aller faire une course, non, je ne pouvais pas respecter ç a (. . .) ». Tout cela ne s'est pas fait sans craintes et quelques angoisses, Joseph y revient souvent lorsqu'il évoque sa colocation improvisée avec Nadré : « au début on a cherché du gel, on a cherché des masques, mais il y en avait pas. Le plus dur c'est quand on va dans les magasins. . . on nous disait de faire attention à tout, se laver les mains. . . on nous disait de tout nettoyer. . . mais comment ? ». Et c'est en acceptant ces risques et en bravant l'interdit des « barrières » que tous les trois ont vécu cette séquence et que Joseph a pu s'en sortir malgré tout. C'est avec Nadré qu'il va régulièrement faire ses courses au supermarché situé à environ un kilomètre du campus. Elle rédige à la main les deux attestations de sortie, elle le guide en lui tenant le bras, lui décrit les produits dans les rayons, et Joseph assure le transport des sacs de courses : « elle voit bien, mais elle ne peut pas porter, donc on est obligé d'aller faire les courses ensemble (. . .) on est assez complémentaires ! ». Puisqu'il n'y a plus d'aide et aucun soutien domestique ou sanitaire prévus, c'est encore Nadré qui tente avec les moyens du bord d'assurer l'entretien et le nettoyage de la chambre. Parfois Gomez prend le relais et guide son ami vers d'autres lieux de ravitaillement restés ouverts, « des épiceries de produits africains » qu'ils affectionnent tous les deux. Il l'appelle plusieurs fois par semaine, lui rend quelques visites et, puisqu'il n'y a plus le cecifoot qu'ils pratiquaient tous les deux avec une bande de copains, il lui propose maintenant de l'initier au vélo. Sur un terrain de football à proximité du campus, Gomez guide son ami par la voix et active sa sonnette pour l'aider à le suivre et à s'orienter autant que possible. La médecine préventive du campus est fermée, les rendez-vous avec les généralistes compliqués à obtenir et les infirmières n'ont pas le droit d'entrer dans les chambres. Alors quand Joseph est touché par un problème dermatologique nécessitant des soins, c'est à nouveau Nadré qui le guide vers une pharmacie pour obtenir du conseil et finalement l'accompagne chez un médecin disponible pour une consultation. Ce sont aussi ses amis qui vont permettre à Joseph d'affronter l'épineux problème du paiement de son loyer (dont la suspension ne sera pas décidée comme certains ont pu un temps l'espérer) et qui doit désormais se faire en ligne (et non plus à un guichet où il pouvait se faire accompagner) suivant un enchaînement de procédures sur des plateformes numériques totalement inaccessibles pour un non-voyant. À la lumière de ce petit tableau décrit à grands traits et que l'on pourrait probablement, sous des formes variables, retrouver facilement du côté d'autres populations étudiantes déjà en difficultés chroniques, être encore en mesure de se soigner, ne pas être (trop) seul et pouvoir encore s'entraider, se divertir un peu, se ravitailler et cuisiner alors que tous les restaurants sont fermés, constituent toute une série de dimensions largement oubliées par les pouvoirs publics et l'université qui ont décrété la continuité pédagogique. Joseph le rappelle dans l'un de ses entretiens : « pour pouvoir bien étudier il faut aussi manger. . . ». Mais bien qu'indispensable, ce minimum vital, finalement assuré pour l'essentiel grâce à cette entraide directe, aussi risquée que spontanée, n'est pas suffisant pour assurer cette continuité du parcours universitaire de Joseph et de ses amis. En misant tout sur le numérique pour mettre en oeuvre l'impératif de la « continuité pédagogique », l'institution scolaire et universitaire semble avoir oublié un certain nombre de problèmes qui allaient effectivement se poser dans un grand nombre de configurations familiales. Si ces problèmes ont déjà été souvent bien analysés par le journalisme d'investigation et certains chercheurs dès le mois de mars 2020 (les familles « mal équipées », le manque de formation aux techniques numériques, le tropplein d'informations ou l'opacité des consignes, les problèmes de connexions, etc.), il n'est pas certain qu'ils aient fait l'objet du même examen s'agissant des populations handicapées, et notamment des étudiants non voyants confinés et a priori isolés dont font partie Joseph et ses quelques camarades interviewés. Pas toujours très adaptés ou pertinents dans les usages que l'on en fait en temps ordinaire, les outils numériques dédiés à l'enseignement à distance se révèlent aujourd'hui -en cette période où tout accompagnement de proximité est proscrit -comme autant d'impasses et de risques de petites ou grandes ruptures pour celles et ceux dont le toucher et le contact sont primordiaux : « on a bien certains cours, beaucoup de documents et des consignes, mais c'est très compliqué de comprendre et d'y accéder parce que l'ENT. . . n'est pas accessible ». Joseph le souligne : « L'ENT dans cette période est vraiment devenu un problème majeur » car la « compensation » et l'accompagnement de proximité que pouvait assurer le personnel de l'association Handisup ou des camarades de promo ont été « dissouts dans le confinement ». C'est donc avec le soutien de ses proches, l'assistance et les yeux de Nadré ou de Gomez que Joseph a tenté bon an mal an d'accéder aux différents supports pédagogiques, de trouver des références bibliographiques et de se les approprier, de répondre au mieux à l'écheveau des demandes universitaires, qui bien que revues à la baisse en ces temps exceptionnels, sont tout de même restées exigeantes. Une enseignante responsable du master dans lequel est inscrit Joseph avec laquelle nous avons pu échanger a aussi joué un rôle tout au long de cette séquence de confinement auprès de son étudiant, en le rassurant autant que possible « pour la suite » par mail ou par téléphone (« Joseph pourra se rattraper l'année prochaine lors de sa seconde année de M2 ») ou en lui prodiguant des conseils « stratégiques » liées aux différentes évaluations, au mémoire ou à sa recherche de stage. À l'heure où nous achevons ces notes, quelques jours après le déconfinement, l'une des questions les plus brûlantes pour Joseph est précisément de trouver ce stage pour être en mesure de décrocher son master l'année prochaine. Il espère, d'ici quelques jours, suivant ce qui a été annoncé officiellement, bénéficier à nouveau de l'aide associative pour rédiger ses lettres de motivation et poursuivre sa recherche d'une expérience en alternance sur un marché du travail dont les critères d'employabilité -dans le cadre de la crise actuelle et d'une nouvelle augmentation du chômage -risquent bien encore de se durcir au détriment de ceux de l'accessibilité et de l'idéal d'insertion professionnelle des étudiants ou des apprentis handicapés. La crainte du chômage et l'inquiétude pour l'avenir travaillent aujourd'hui nombre de jeunes plus ou moins diplômés. Comme un article du journal Le Monde l'évoque au mois d'avril 2020 certains envisagent d'ores et déjà de prolonger leurs études dans l'attente de « jours meilleurs » 9 . Mais pour Joseph (et quelques-uns de ses camarades) porteur de ce qui constitue encore bien souvent un double stigmate, celui de l'étranger-handicapé, cette inquiétude aujourd'hui largement partagée se double d'une autre appréhension, celle de se retrouver dans l'obligation de quitter le territoire franç ais faute d'avoir trouvé un emploi « dans les temps » : « on a un an pour trouver un emploi. . . mais pour nous, tout est plus dur, idéalement il nous faudrait plutôt 5 ans ». En cette fin d'hiver 2020, à l'heure où en France se sont succédé les déclarations officielles autour de la propagation du Covid 19 « la plus grave crise sanitaire qu'ait connue La France » et qui « affecte tous les continents » 10 , le premier mouvement partagé par le plus grand nombre a été celui de la sidération. L'approche spontanée qui s'est alors imposée a consisté à appréhender de manière essentialiste la pandémie comme étant la cause première des drames, du désastre et des morts recensés chaque jour par les médias. lorsqu'il s'agit de l'univers des grandes écoles, du monde politique, du quotidien de la grande bourgeoisie et des rallyes qu'elle organise. . . est en revanche souvent présenté comme un obstacle au « virage inclusif » que l'on appelle de nos voeux aujourd'hui « en faveur » des personnes handicapées. S'il n'appartient pas au sociologue de prescrire « ce qu'il faut faire » disons pour conclure qu'il y a peut-être là, à partir de ces quelques remarques ethnographiques, matière à réflexion pour le savant ou le politique préoccupé par les questions de l'inclusion et du handicap 12 . L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. Elle n'est pas qu'un problème médical, elle est aussi un problème écologique, politique et économique. S'agissant par exemple de l'hôpital, la crise qu'il a connue et connaîtra peut-être encore tient moins à la virulence du virus qu'à la dégradation continue et aux politiques d'austérité qu'il a subies ces dernières années. C'est dans cette même perspective que l'on peut probablement tirer un premier enseignement de la petite étude de cas réalisée durant la période de confinement. Les difficultés de Joseph -et assurément de nombre de ses pairs -sont davantage le produit d'une faiblesse des politiques en faveur des personnes handicapées, d'un manque chronique de personnels, d'investissements financiers, de formations et d'une prise en compte sérieuse des problèmes concrets des étudiants handicapés au niveau de l'institution universitaire 11 , que des effets du Covid 19. Ce que révèle la crise à l'échelle de la petite configuration étudiée, ce sont toutes les insuffisances d'une action publique en faveur des personnes handicapées, qui a largement misé -suivant un mouvement général observable à peu près partout dans les services publics et dans le secteur privé -sur le « tout-numérique » et la dématérialisation au détriment des moyens humains, dans un souci de « réduction des coûts » et souvent sans une formation continue de qualité sur les usages et l'appropriation de ces dispositifs techniques. Parfois défendus « pour le bien » des personnes handicapées, ces dispositifs ont un point commun. Ils n'impliquent bien souvent pas d'interaction entre personnes. Ils ne réclament pas l'échange langagier. Mieux, ils permettent d'y renoncer ou de mettre en suspens le partage sensible ou direct qui semble devenu obsolète. Le présupposé à l'oeuvre ici est celui de l'individu détaché qui retrouve sa liberté d'action une fois outillé pour vaincre les « contraintes du milieu » dans lequel il se trouve et pour recouvrer ou découvrir l'« autonomie » et la capacité de « faire des choix » comme tout un chacun, suivant la tradition de l'individualisme méthodologique. Problématiques en temps ordinaire, ces dispositifs numériques révèlent avec force toute leur fragilité et leurs défauts lorsqu'ils acquièrent le statut de réponse exclusive pour tous et partout à une situation telle que la fermeture généralisée des établissements et au mot d'ordre de la « continuité pédagogique ». Ce qui a permis à Joseph de « s'en sortir » au moins pour l'instant et de « tenir le coup » dans cet « état d'urgence », et c'est le second enseignement de cette étude de cas -ce sont d'abord ses « ressources relationnelles ». C'est l'entraide humaine de proximité et la solidarité directe. Enfin, et c'est là davantage une hypothèse ou un chantier de recherche qu'un véritable enseignement que ce portrait de configuration permet d'esquisser. Ce que l'on appellera prudemment « la communauté » -dans laquelle Joseph est inscrit -qui partage un certain nombre d'expériences tendanciellement stigmatisantes (une immigration récente, un statut d'handicapé ou une forte proximité avec « le monde du handicap ») s'est révélée être un refuge, un espace de socialisation et le terreau d'un mouvement croisé de soutien, décisifs lors de cette séquence historique de confinement. S'il s'agit d'un fait établi dans un contexte particulier, et à une échelle très réduite, celui-ci bouscule et interroge néanmoins un présupposé puissant qui sous-tend l'approche contemporaine du handicap, lorsqu'elle considère par exemple les institutions spécialisées -que l'on tend aujourd'hui à vouloir transformer en « plateformes d'appui » au service du milieu ordinaire -comme étant synonymes de repli, d'isolement ou d'immobilisme, voire d'échec scolaire. Cet entre-soi, rarement questionné 11 Notons que la situation des étudiants confinés en résidence universitaire n'a pas été évoquée dans l'essentiel des courriers officiels envoyés par l'Université durant la période. Loin d'être prioritaires, les étudiants handicapés sont tendanciellement oubliés par celles et ceux qui dirigent l'université La misère du monde École inclusive pour les élèves en situation de handicap. Accessibilité, réussite scolaire et parcours individuels. Conseil national d'évaluation du système scolaire-CNESCO, Conférence de comparaisons internationales S'en sortir malgré tout Tableaux de familles, Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires Le handicap à l'université : Institutionnalisation, dilemmes et enjeux, vers une recherche francoquébécoise. La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation Production, reproduction et déconstruction du handicap et de la normalité dans la mordernité tardive Être en situation de handicap et diplômé de l'enseignement supérieur Ces différents éléments de conclusion n'ont bien entendu rien de nouveau et dialoguent avec de nombreux travaux qui interrogent notamment les tensions entre l'idéal d'inclusion et les réalités observables sur le terrain de l'université ou ailleurs, cf. par exemple les travaux de Anne Marcellini