key: cord-340381-qfp5p6gv authors: Faddoul, Annibal; de la Jonquière, Christophe title: L’anesthésie au temps du COVID date: 2020-08-20 journal: Prat Anesth Reanim DOI: 10.1016/j.pratan.2020.07.010 sha: doc_id: 340381 cord_uid: qfp5p6gv Surgical pathway has gained in complexity thanks to the recent COVID-19 pandemic. The anesthetic management of the SARScoV-2 (+) patient imposes several modifications, and remains a work in progress. As a consequence there has been a shift to distant anaesthetic consultations while in-hospital consultations are more difficult to organize. Patients scheduled for surgery may benefit from a preoperative diagnostic testing for SARS coV2 infection if they have been in close contact with a COVID-19 patient, or if they are symptomatic or in case of major surgery. According to the PCR results, patients could have their surgery postponed, or may alternatively follow a specific clinical pathway in the operating and recovery rooms with an adapted anaesthetic plan. La pandémie récente de COVID-19 a eu des répercussions majeures sur l'activité chirurgicale en France (et ailleurs dans le monde) qui s'est trouvée pratiquement complètement interrompue en dehors des urgences vitales sur plusieurs semaines. Cette interruption a probablement eu des conséquences importantes en termes de santé publique. La reprise de cette activité répondant à un besoin de santé publique, s'est révélée plus complexe que prévue. La principale préoccupation tient à la permanence de la présence virale dans la population. Celle ci comporte deux risques : • l'apparition de nouveaux clusters qui résulteraient d'une contamination iatrogène dans l'environnement d'un patient infecté ; • l'aggravation de l'état de patients porteurs du virus ou de la maladie, du fait d'un acte chirurgical majeur associé à la ventilation contrôlée de poumons lésés par l'infection sous-jacente. Ces deux risques ont conduit dans un premier temps à une reprise progressive de l'activité chirurgicale avec une sélection des interventions [1] puis à des mesures préventives qui ont rendu plus complexe la prise en charge des patients opérés aussi bien en urgence que de façon programmée. De ce fait chaque étape du circuit de prise en charge a pu être considérée à l'aune de ces deux risques. L'une des préoccupations consiste à éviter le contact des patients entre eux lors de la consultation d'anesthésie. Cette préoccupation a conduit à développer la consultation délocalisée (télé-consultation). La réalisation pratique de ces consultations nécessite un programme adapté mais aussi que les patients aient les facilités de connexion nécessaires à leur domicile et le degré de compréhension qui permette un dialogue à distance. La consultation téléphonique constitue dans ce cas un mode dégradé [2] . Si le pré-requis de la communication est franchi, la téléconsultation permet une bonne évaluation des patients y compris, à titre d'exemple, de leur conditions d'intubation. La téléconsultation doit être effectuée dans un délai approprié par rapport à l'intervention. Si elle s'avère trop difficile, elle peut être « convertie » en consultation présentielle (d'où l'intérêt de disposer d'un délai adapté par rapport à l'intervention). La téléconsultation permet la délivrance d'ordonnances et de documents d'informations (sur lesquels nous reviendrons). Elle implique néanmoins qu'à l'admission un contrôle formalisé (check-list) soit mis en place pour vérifier les résultats d'examens demandés et l'état clinique du patient. La consultation d'anesthésie doit maintenant intégrer un dépistage de la COVID-19 qui repose dans un premier temps sur un questionnaire standardisé (que le patient soit vu en présentiel ou en téléconsultation). Ce questionnaire renseigne la possibilité de contact avec une personne infectée et la présence de signes cliniques (toux, anosmie, agueusie, fièvre). De plus il est nécessaire de délivrer une information au patient à la fois sur les mesures préventives prises en raison de la pandémie mais aussi sur l'éventualité malgré tout de développe une infection iatrogène. Un document type est disponible sur le site de la SfAR. En cas de consultation présentielle, la principale difficulté tient à la distanciation sociale et au respect des mesures d'hygiène [3] qui de fait diminuent le nombre de consultants qu'il est possible de prendre en charge dans une même vacation. Les mesures générales de protection comprennent la désinfection des mains par solution hydoalcoolique, la mise à disposition d'un masque chirurgical systématiquement pour chaque patient, des mesures de distanciation spatiales en assurant une distance de 1 m entre les personnes. Les médecins doivent bien entendu se désinfecter les mains entre chaque patient. L'espace de consultation doit être adapté pour diminuer le risque de transmission. Il est donc nécessaire d'aménager les locaux de consultations pour faire en sorte que les patients ne se trouvent pas ensemble dans des pièces peu ou mal ventilées ou ne puissent être contaminés suite à la manipulation de revues ou d'autres objets. Il faut donc organiser les files d'attentes et faire respecter les distances, limiter le nombre de patients en salle d'attente, afficher les consignes générales d'hygiène, mettre à disposition des solutions hydro-alcooliques, mettre en place des dispositifs de sécurités (écran en plexiglas. . .), nettoyer toutes les surfaces régulièrement. Que la consultation soit présentielle ou non, un questionnaire doit être adressé et rempli par le patient concernant la présence de symptômes compatibles avec la COVID-19 [4] . Ces symptômes sont classés en majeurs : fièvre-toux sèchedyspnée -anosmie -agueusie ; et mineurs : maux de gorges, rhinorrhée, douleurs thoraciques, myalgies, altération de l'état général, confusion, céphalées, diarrhées, nausées vomissements, éruption cutanées ou engelures crevasses sur les doigts. Par ailleurs les patients doivent avoir systématiquement une mesure de température lors de la consultation. La COVID-19 est suspectée sur la présence d'au moins un critère majeur ou d'au moins deux critères mineurs. Toute forme suspecte doit faire l'objet d'un prélèvement à la recherche du SARScoV-2 par PCR et d'un report de l'intervention sauf urgence majeure. Le questionnement sur la présence de symptômes et la prise de température doivent être répétés lors de la visite pré anesthésie. Les patients qui ont des signes cliniques d'infection COVID-19 doivent donc être déprogrammés pour la chirurgie réglée et reprogrammée dans un délai de plusieurs semaines en fonction de l'évolution du tableau clinique. Les patients asymptomatiques, ceux qui n'ont aucune réponse positive lors du remplissage du questionnaire, mais qui ont eu un contact avec un sujet infecté ou qui sont soumis à une chirurgie majeure ou qui sont à risque de développer une forme grave (patients obèses, diabétiques, hypertendus, âgés) doivent être dépistés pour l'éventualité d'un portage du virus. Le dépistage systématique des patients soumis à une chirurgie majeure se justifie par la prise en compte d'un risque potentiel d'aggravation des lésions pulmonaires par la ventilation mécanique prolongée sur plusieurs heures. Certains types de chirurgie sont de plus particulièrement concernés comme la chirurgie bariatrique. D'autres interventions doivent faire l'objet d'un dépistage systématique préalable il s'agit de la chirurgie ORL du fait d'un risque très élevé de contamination des soignants et de la chirurgie pulmonaire qui cumule le risque de contamination élevé et le risque de majoration des lésions COVID-19 pré existantes. Deux éventualités se présentent en fonction des résultats des dépistages. Soit les patients ont une PCR positive et dans ce cas il semble préférable de différer l'intervention. Soit le résultat est négatif et l'intervention peut avoir lieu. En ce qui concerne les urgences chirurgicales, il n'est bien sur pas question de différer l'intervention. Il est donc impératif d'effectuer un dépistage de la présence du SARScoV-2 avant l'intervention sachant que l'on ne disposera du résultat qu'après. Enfin, les circuits de prise en charge ambulatoire doivent être privilégiés pour minimiser les temps d'exposition collective. Au bloc opératoire deux situations se présentent : soit le statut du patient vis-à-vis du portage du virus, est connu et le résultat est négatif. Dans ce cas le patient suit au bloc opératoire et en postopératoire le circuit habituel. La technique d'anesthésie n'est pas modifiée et son choix est déterminé en fonction du type d'intervention et de l'état du patient. Soit le patient est suspect de portage du virus mais son statut n'est pas connu, ou il est même porteur du virus. Cette dernière situation (patient suspect ou porteur du virus) qui ne devrait correspondre qu'à des interventions urgentes, est compliquée car elle implique des mesures contraignantes. En effet le risque de contamination des personnes environnantes doit être pris en compte. De ce fait le bloc opératoire où est opéré le patient devra faire l'objet de mesure de désinfection appropriée, l'idéal étant de disposer d'une salle dédiée (qui ne se justifie toutefois que si le flux de patients suspects est important, comme il l'a été pendant la vague pandémique). Le patient doit être clairement identifié et porter un masque chirurgical au cours de ses déplacements. Compte tenu des contraintes qui entourent l'intubation et l'extubation notamment, les techniques d'anesthésie locorégionale doivent être privilégiées chaque fois qu'elles correspondent à l'intervention chirurgicale pratiquée [4] . À l'inverse alors que sous-anesthésie générale et ventilation contrôlée le risque d'aérolisation est minime [5] , il n'en est pas de même en cas d'anesthésie locorégionale, le patient devant donc garder un masque chirurgical et les soignants doivent se prémunir du risque de transmission [6] . À ce jour, les interactions médicamenteuses connues entre agents d'induction anesthésique et les traitements pour COVID-19 sont plutôt limitées. Les patients atteints de COVID-19 ont un risque thromboembolique élevé qui justifie des mesures thromboprophylactiques renforcées [7] lesquelles peuvent interférer avec la chirurgie et la pratique de l'anesthésie loco régionale. L'hydroxychloroquine qui allonge l'intervalle QT est de moins en moins utilisée dans le contexte de la COVID-19. L'association des antiviraux ritonavir/lopinavir inhibe le cytochrome P3A, ce qui comporte un risque de surdosage en anesthésiques locaux amides, ainsi que d'autres agents utilisés communément, comme la kétamine, le midazolam, le sufentanil. Par ailleurs, leur action sur le métabolisme hépatique (cytochromes P2C9 et P2C19, glucuronidation) peut conduire à un sous-dosage en propofol et morphine. De plus, le risque de toxicité cardiaque augmente lors de l'association entre ces antirétro-viraux et certains médicaments utilisés en anesthésie tels que : sevoflurane, dexmédétomidine, tramadol, droperidol, ondansétron (Fig. 1) . Le remdesivir, et le tocilizumab administrés chez les patients atteints de formes graves de COVID-19, ne montrent à ce jour pas d'interactions potentiellement dangereuses avec les agents d'induction [8] . L'induction anesthésique et le contrôle des voies aériennes qui fait suite, sont considérés comme des temps où le risque d'exposition au virus est particulièrement élevé [9] . Durant le temps de l'induction, seuls les professionnels d'anesthésie en charge du patient doivent se trouver en salle. Ceux ci doivent se protéger avec un masque FFP2, une visière ou des lunettes, des gants et une casaque. L'induction se fait en principe sans ventilation au masque préalable en administrant les agents anesthésiques selon une séquence rapide et en utilisant à cet effet la célocurine et un vidéolaryngoscope pour limiter le nombre de tentative d'intubation. Il est important que la curarisation du patient soit effective au moment de l'intubation pour éviter les efforts de tous susceptible de disséminer le virus dans l'environnement. Les réglages du ventilateurs respectent le principe de la ventilation protectrice en limitant le volume courant (5-6 mL/kg poids idéal, PEP 5 cmH20) [10] . Durant l'intervention, les aspirations trachéales si elles sont nécessaires doivent se faire en système clos. L'extubation est également une période à risque et doit s'effectuer dans les mêmes conditions. Pour cette raison, il est préférable que le patient soit extubé en salle d'opération même si cela implique son maintien dans les lieux au-delà de la fin de l'intervention. Dans le cas contraire, c'est-à-dire, si une ventilation prolongée est nécessaire sur plusieurs heures il faut s'assurer de l'isolement du patient au moment de son extubation notamment par rapport aux autres patients qui pourraient se trouver à proximité en SSPI. En effet, on estime actuellement que lors de l'extubation, les gouttelettes contenant le virus peuvent être projetées jusqu'à 7 m de distance. Après l'extubation le patient doit également être porteur d'un masque chirurgical. À l'issue de chaque soin, les EPI sont à retirer en salle d'une manière systématique, et à jeter dans des sacs destinés aux DASRI. Il est souhaitable d'afficher des aides cognitives à cette fin, ainsi que d'être accompagné d'un observateur qui pourrait évaluer et améliorer la technique [11] . En postopératoire, les patients suspects (urgences) ou a fortiori porteurs du virus sont hospitalisés en chambre seule. Quelques points de prise en charge sont à souligner comme l'éviction des AINS pour l'analgésie car ils pourraient aggraver la sévérité des formes cliniques et une attention particulière à la thromboprophylaxie du fait d'un risque thrombotique augmenté [12] . Avec la reprise d'activité chirurgicale dans le contexte de la pandémie, il reste nécessaire d'adapter la prise en charge aux patients atteints ou suspectés positifs au SARS-CoV-2. Alors que le niveau de preuve reste bas, les recommandations produites par les sociétés savantes se basent sur les informations acquises au cours des épidémies virales respiratoires précédentes ainsi que sur les règles d'hygiène dans le milieu hospitalier, pour tenter de guider la prise en charge en minimisant le risque de transmission, chez les soignants comme chez les malades. Afin de collaborer à la suppression d'une prochaine vague épidémique, la prise en charge anesthésique des patients COVID-19(+) ou suspectés se centre autour d'une optimisation des ressources disponibles afin de garantir une bonne qualité de soin ainsi que la protection de l'entourage. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. American Society of Anesthesiologists, Association of periOperative Registered Nurses, American Hospital Association Téléconsultation et téléexpertise : mise en oeuvre World Health Organization. Infection prevention and control during health care when COVID-19 is suspected Recommandations de Pratiques Professionnelles Version MAI 2020. Recommandations de la société française d'anesthésie réanimation Perioperative management of patients infected with the novel coronavirus: recommendation from the Joint Task Force of the Chinese Society of Anesthesiology and the Chinese Association of Anesthesiologists Neuraxial anaesthesia and peripheral nerve blocks during the COVID-19 pandemic: a literature review and practice recommendations Prevention of thrombotic risk in hospitalized patients with COVID-19 and hemostasis monitoring COVID-19 drug interactions Groupe Francophone de réanimation et urgences pédiatriques. Recommandations d'experts portant sur la prise en charge en réanimation des patients en période d'épidémie à SARS-CoV2 Surviving Sepsis Campaign: guidelines on the management of critically ill adults with Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Anesthesia and COVID-19: what we should know and what we should do Nonsteroidal anti-inflammatory drug without antibiotics for acute viral infection increases the empyema risk in children: a matched case-control study